Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Montréal-3

MONTRÉAL, le 28 octobre 1999

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIERS :

90859-73-9708-2-R

100598-72-9804-R

103980-72-9808-R

103981-72-9808-R

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Anne Vaillancourt

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Pierre Gamache,

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Marcel Desrosiers,

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIERS CSST :

002618692

113236327

113236327-1

113236327-2

113236327-3

113236327-4

AUDIENCE TENUE LE :

 

 

À :

6 octobre 1999

 

 

Montréal

 

 

 

DOSSIERS BR :

60401884

62601101

62724721

 

_____________________________________________________

 

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION EN VERTU DE L’ARTICLE 429.56 DE LA Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles(L.R.Q., c. A-3.001)

 

 

 

 

 

 

 

 

MONSIEUR CELONIE MERVILUS

10595 Olympia, # 105

Montréal (Québec)

H2C 2W4

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

SKYTEX KNITTING MILLS INC.

(entreprise fermée)

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET

DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL

1, Complexe Desjardins, 33e étage

Montréal (Québec)

H5B 1H1

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 


 

DÉCISION

 

DOSSIER 90859-73-9708

 

[1]               Le 19 mai 1999, monsieur Celonie Mervilus (le travailleur) dépose une requête en révision en vertu de l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) à l’encontre de deux décisions de la Commission des lésions professionnelles, dont l’une est rendue le 22 juin 1998 et l’autre le 31 mars 1999.  Les motifs de cette requête ont été transmis à la Commission des lésions professionnelles le 28 mai 1999.

[2]               Le 22 juin 1998, la Commission des lésions professionnelles accueillait une requête en révision en vertu de l’article 406 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et révoquait les décisions rendues par la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) les 5 décembre 1997 et 19 janvier 1998 et retournait le dossier au greffe de la Commission des lésions professionnelles afin que les parties soient entendues sur l’objet de l’appel déposé le 18 août 1997.

[3]               Dans la décision du 31 mars 1999, la Commission des lésions professionnelles rejetait la contestation du travailleur et déclarait irrecevable la réclamation déposée par le travailleur le 25 mai 1989 pour faire reconnaître la survenance d’une lésion professionnelle le 13 juillet 1988 parce qu’elle a été déposée après l’expiration du délai prévu par la loi.

OBJET DE LA REQUÊTE

Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de révoquer les décisions rendues le 22 juin 1998 et le 31 mars 1999, de déclarer qu’il avait des motifs raisonnables pour être relevé du défaut d’avoir produit sa réclamation dans le délai de six mois prévu par la loi et de déclarer qu’il a subi une lésion professionnelle le 13 juillet 1988.

DOSSIERS 100598-72-9804, 103980-72-9808 et 103981-72-9808

[4]               Le 19 mai 1999, monsieur Celonie Mervilus dépose une requête en révision ou en révocation à l’encontre d’une décision  rendue par la Commission des lésions professionnelles le 31 mars 1999.  Les motifs de cette requête ont été transmis à la Commission des lésions professionnelles le 28 mai 1999.

[5]               Par cette décision rendue le 31 mars 1999, la Commission des lésions professionnelles rejette la contestation du travailleur et déclare que celui - ci n’a pas subi de lésion professionnelle le 15 août 1997 en regard d’une entorse lombaire et que monsieur Mervilus avait deux personnes à charge pour les fins de la détermination de l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle il avait droit à la suite d’une autre lésion professionnelle survenue le 27 juin 1997.  Aussi, la Commission des lésions professionnelles déclare qu’à la suite de cette lésion du 27 juin 1997, le travailleur demeure avec un pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique de 3% et qu’il a droit à une indemnité pour dommages corporels au montant de 1 950,72 $.  Toutefois, la Commission des lésions professionnelles déclare que la lésion professionnelle du 27 juin 1997 n’a pas entraîné de limitations fonctionnelles et que la Commission de la santé et de la sécurité du travail était justifiée de mettre fin au versement de l’indemnité de remplacement du revenu parce que monsieur Mervilus était capable d’exercer son emploi.

OBJET DE LA REQUÊTE

Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de révoquer la décision du 31 mars 1999, de déclarer qu’il a subi une lésion professionnelle le 15 août 1997 et qu’outre le pourcentage d’atteinte permanente qu’il conserve relativement à la lésion professionnelle du 27 juin 1997, il demeure également avec des limitations fonctionnelles qui l’empêchent de reprendre son emploi.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

Hors-délai de présentation de la requête

[6]               La représentante de la CSST soulève en question préliminaire le fait que la requête déposée par le travailleur est manifestement hors‑délai concernant la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 22 juin 1998 et concernant aussi les deux décisions rendues le 31 mars 1999.

[7]               Au soutien de cette question, le représentant du travailleur invoque que ce dernier n’était pas représenté par avocat lors de la requête en révision dont la décision a été rendue le 22 juin 1998.  Le 6 novembre 1998, il a été mandaté par le travailleur pour le représenter.

[8]               À cette période, le représentant admet qu’il avait l’intention d’aller en révision pour cause de la décision rendue le 22 juin 1998.  Tout en admettant avoir été en désaccord avec la décision rendue le 22 juin 1998, il soutient qu’en raison de la thèse de l’épuisement des recours, il aurait été débouté s’il s’était adressé à la Cour supérieure qui l’aurait invité à se présenter à la Commission des lésions professionnelles, laquelle devait entendre à nouveau l’ensemble des questions soumises.  Selon lui, il devait attendre le sort des décisions de la Commission des lésions professionnelles du 31 mars 1999 avant de prendre une requête en révision ou en évocation.

[9]               Concernant la question du délai à l’encontre des décisions du 31 mars 1999, le représentant du travailleur invoque qu’il a eu mandat du travailleur de présenter une requête en révision tout de suite après l’audience ayant précédé les décisions du 31 mars 1999.  Toutefois, il ne se souvient pas de la date à laquelle il a reçu les deux décisions. 

[10]           La représentante de la CSST allègue qu’elle était au dossier lors de l’audience ayant précédé les décisions du 31 mars 1999.  Dès cette période, elle mentionne que le représentant du travailleur avait l’intention manifeste d’aller en révision pour cause.  Cette question avait été soulevée lors de l’audience.  Mais déjà à ce moment, lors de la première audience le 30 novembre 1998, le délai de 45 jours était expiré comme il l’était d’ailleurs pour une requête en évocation présentable à la Cour supérieure.

[11]           Elle soutient que le fait d’avoir eu l’intention de présenter une requête et de tarder à le faire n’est pas un motif raisonnable.  

[12]           Quant à l’épuisement des recours, elle soumet qu’il ne s’agit pas d’un motif puisqu’on ne peut présumer de la réaction des tribunaux à cet égard. 

AVIS DES MEMBRES ISSUS DES ASSOCIATIONS CONCERNANT LA QUESTION PRÉLIMINAIRE

[13]           Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont tous deux d’avis, quant à l’existence de motifs raisonnables concernant le dépôt de la requête en révision à l’encontre de la décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 22 juin 1998, qu’il n’y a pas de motifs raisonnables permettant au travailleur d’être relevé du défaut. 

[14]           Quant à la requête en révision à l’encontre des deux décisions rendues le 31 mars 1999 par la Commission des lésions professionnelles,  ils sont tous deux d’avis, après vérification de la date d’envoi des deux décisions du 31 mars 1999, que la requête a été présentée dans un délai de 45 jours.

DÉCISION DE LA Commission des lésions professionnelles SUR LA QUESTION PRÉLIMINAIRE

[15]           La Commission des lésions professionnelles a rendu séance tenante, après avoir recueilli l’avis des membres issus des associations, sa décision refusant de relever le travailleur de son défaut d’avoir présenté sa requête à l’encontre de la décision du 22 juin 1998 dans le délai étant donné qu’il n’avait pas démontré l’existence de motifs raisonnables.  Les motifs de cette décision rendue le jour de l’audience seront consignés dans la présente.  

[16]           Par ailleurs, après l’audience, la Commission des lésions professionnelles a vérifié au système informatique de la Commission des lésions professionnelles la date d’envoi des deux décisions du 31 mars 1999.  Il appert que c’est le 6 avril 1999 qu’ont été expédiées les deux décisions.  En calculant un délai de poste normal de trois ou quatre jours,  les décisions auraient pu être reçues le vendredi, 9 avril 1999 ou lundi 12 avril 1999.  Or, le représentant du travailleur a fait parvenir à la Commission des lésions professionnelles le 19 mai 1999 une lettre dans laquelle il indique qu’il demande la révision pour cause des décisions du 22 juin 1998 et du 31 mars 1999.  Les motifs de cette requête ont été transmis par télécopieur à la Commission des lésions professionnelles le 28 mai 1999.  En calculant le délai à compter du 12 avril 1999, le délai de 45 jours expirait le 28 mai 1999, date où les motifs de la requête ont été transmis à la Commission des lésions professionnelles.

[17]           La soussignée a communiqué ces informations à la représentante de la CSST après l’audience, laquelle n’avait pas d’objection ni de commentaires concernant ces nouvelles informations, ni quant au fait que la soussignée considérait donc que la requête avait été présentée dans un délai de 45 jours pour les décisions du 31 mars 1999.

[18]           En conséquence, la Commission des lésions professionnelles doit rendre les motifs de sa décision concernant le délai seulement en regard de la décision du 22 juin 1998.

[19]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur peut être relevé des conséquences de son défaut d’avoir présenté sa requête dans le délai de 45 jours prévu par la loi.

[20]           La décision ayant été rendue le 22 juin 1998, ce sont les nouvelles dispositions législatives qui s’appliquaient en matière de délai. 

[21]           L’article 429.57 de la loi émet les conditions et le délai pour la recevabilité d’une requête en révision.  Cet article se lit comme suit :

429.57. Le recours en révision ou en révocation est formé par requête déposée à la Commission des lésions professionnelles, dans un délai raisonnable à partir de la décision visée ou de la connaissance du fait nouveau susceptible de justifier une décision différente.  La requête indique la décision visée et les motifs invoqués à son soutien.  Elle contient tout autre renseignement exigé par les règles de preuve, de procédure et de pratique.

 

La Commission des lésions professionnelles transmet copie de la requête aux autres parties qui peuvent y répondre, par écrit, dans un délai de 30 jours de sa réception.

 

La Commission des lésions professionnelles procède sur dossier, sauf si l'une des parties demande d'être entendue ou si, de sa propre initiative, elle le juge approprié.

________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[22]           Cependant, une partie peut être relevée des conséquences de son défaut d’avoir respecté un délai imparti par la loi si elle démontre l’existence de motifs raisonnables et que l’autre partie n’en subit pas de préjudice grave.  Il y a lieu de référer à l’article 429.19 de la loi qui se lit comme suit :

429.19. La Commission des lésions professionnelles peut prolonger un délai ou relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter, s'il est démontré que celle‑ci n'a pu respecter le délai prescrit pour un motif raisonnable et si, à son avis, aucune autre partie n'en subit de préjudice grave.

________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[23]           En l’espèce, il est manifeste que la requête présentée le 28 mai 1999 à l’encontre d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 22 juin 1998 excède le délai de 45 jours imparti par la loi.

[24]           La Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il n’y a pas de motifs raisonnables lui permettant de relever le travailleur de son défaut d’avoir produit sa requête en révision dans le délai. 

[25]           La preuve démontre que le représentant avait manifestement l’intention de présenter une requête en révision déjà à la date des audiences ayant précédé les deux décisions du 31 mars 1999.  À cette période, la preuve démontre qu’il n’était pas d’accord avec la décision et avait l’intention de la contester.  Cette éventualité aurait même été soulevée lors de l’audience du 30 novembre 1998.

[26]           Plutôt que de prendre une requête en évocation à la Cour supérieure ou encore une requête en révision à l’encontre de la décision du 22 juin 1998, le représentant a choisi de se soumettre aux prescriptions de la décision du 22 juin 1998, laquelle retournait le dossier au greffe pour que les parties soient de nouveau convoquées à une audience, alors qu’il prétend du même souffle avoir été en désaccord avec cette décision et considérer qu’il y avait des motifs sérieux pour la révoquer. 

[27]           Ce n’est que lors de la réception des deux décisions de la Commission des lésions professionnelles le 31 mars 1999, décisions qui n’avantageaient pas le travailleur, que cette intention est devenue manifeste et qu’il a véritablement décidé de porter la cause en révision.

[28]           L’épuisement des recours dans le contexte n’est pas un motif à considérer.  D’abord, on ne peut présumer de la décision des tribunaux supérieurs concernant cette question et si le travailleur et son représentant étaient en désaccord avec la décision du 22 juin révoquant des décisions antérieures et ordonnant un nouveau débat devant la Commission des lésions professionnelles, le seul recours efficace en l’espèce pour éviter cette situation était de présenter soit une requête en évocation devant la Cour supérieure ou une requête en révision.

[29]           La question de l’épuisement des recours se pose lorsque la demande est jugée prématurée en raison de l’existence d’un autre remède adéquat.  Il peut exister par exemple deux remèdes tous deux potentiellement pourvus de la même efficacité afin de régler un même problème, comme par exemple la révision pour cause et la requête en évocation.  Même dans le cas où un recours en révision pour cause existe, il n’est pas évident que la Cour supérieure refuserait d’exercer son pouvoir de surveillance et de contrôle, selon la situation visée.  Les propos de Yves Ouellette sur la coexistence de ces deux recours sont pertinents en l’espèce :

«La coexistence du réexamen et du contrôle judiciaire peut aussi se poser, mais dans des conditions différentes, en raison du caractère traditionnellement discrétionnaire du recours en révision judiciaire.

Il peut arriver que la loi oblige les parties à épuiser le réexamen avant de recourir au contrôle judiciaire.  En l’absence d’une telle restriction dans la loi, et même s’il ne faut pas confondre réexamen et appel au sens strict, les tribunaux supérieurs ont nettement tendance, dans l’exercice de leur discrétion, à obliger les requérants à épuiser d’abord le réexamen lorsqu’il peut être considéré comme un recours approprié, compte tenu de la structure du tribunal, de la nature des enjeux et de l’étendue du pouvoir de réexamen, d’enquête et de redressement du tribunal administratif.  En cas d’allégation d’absence de compétence au sens strict du tribunal administratif, il semble que la cour, dans sa discrétion, pourrait juger préférable de recevoir le recours en contrôle judiciaire.»[1]

 

[30]           En l’espèce, la décision du 22 juin 1998 est le résultat de l’exercice du pouvoir de révision pour cause de la Commission d’appel.  Cette décision révoquait les décisions antérieurement rendues et ordonnait la tenue d’une nouvelle audience.  C’est cette décision que le représentant voulait attaquer.  Se posait donc la question du recours efficace et approprié pour empêcher les effets de cette décision.  En cette matière, la doctrine reconnaît que la décision en révision pour cause peut être portée en révision judiciaire ou même en révision pour cause, si des motifs sérieux peuvent permettre de la réviser, même si cette situation est assez exceptionnelle en pratique, il n’est pas dit qu’une erreur ne puisse survenir dans l’exercice de la compétence en révision pour cause.  Dans la cause Butter et CSST[2], laCommission d’appel a considéré que le fait de réviser en l’absence de cause constituait une erreur manifeste donnant ouverture à la révision.   

[31]           À propos du contrôle judiciaire des décisions en réexamen, Yves Ouellette faisait le commentaire suivant :

«Le tribunal administratif qui entend exercer sa compétence de réexamen doit évidemment observer certaines règles de procédure, car la décision en réexamen est judiciairement contrôlable. [Commercial union Assurance c. Ontario Human rights Commission, (1987) 38 D.L.R.(4th)405 (Ont. Div. Ct.), confirmé par (1988) 47 D.L.R. (4th)477 (Ont. C.A.); Béland c. Commission de la santé et de la sécurité du travail, J.E. 94-388 (C.S.)][3]

 

[32]           Pour ces motifs, la soussignée ne retient pas l’argument concernant l’épuisement des recours pour justifier l’attente du résultat des deux décisions du 31 mars 1999 avant de décider de contester celle du 22 juin 1998.

[33]           Quoiqu’il en soit, après appréciation de la preuve, la soussignée est plutôt d’avis que malgré le désaccord avec la décision du 22 juin 1998, le représentant du travailleur a choisi en connaissance de cause de se présenter à l’audience prévue et d’attendre le sort de ces décisions.  Ce n’est qu’une fois les deux décisions rendues, lesquelles étaient défavorables au travailleur, que l’intention de contester la décision du 22 juin 1998 est devenue manifeste.

[34]           Pour ces motifs, il n’y a donc pas de motifs raisonnables permettant au travailleur d’être relevé des conséquences de son défaut d’avoir présenté sa requête dans le délai prévu par la loi. 

AVIS DES MEMBRES SUR LE FOND DE LA REQUÊTE EN RÉVISION

[35]           Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont tous deux d’avis que le travailleur n’a pas démontré de motifs donnant ouverture à la requête en révision en vertu de l’article 429.56 de la loi.

MOTIFS DE LA DÉCISION

[36]           La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a lieu de réviser ou révoquer les deux décisions qu’elle a rendues le 31 mars 1999.

[37]           En premier lieu il importe de rappeler le caractère final et sans appel des décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles.  En effet, le troisième alinéa de l’article 429.49 de la loi stipule clairement ce qu’il en est :

429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[38]           Toutefois, la loi prévoit les cas où une décision de la Commission des lésions professionnelles peut être révoquée ou révisée à l’article 429.56 de la loi qui se lit comme suit :

429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1°  lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

2°  lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

3°  lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[39]           En l’espèce le représentant du travailleur invoque le troisième alinéa de cet article soit lorsqu’un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

[40]           En s’inspirant de la jurisprudence des tribunaux supérieurs et d’autres tribunaux qui ont eu à interpréter une disposition similaire, la Commission des lésions professionnelles retient qu’il doit s’agir d’une erreur manifeste de droit ou de fait ayant un effet déterminant sur l’issue de la contestation[4].  Tel que soumis à juste titre par le représentant du travailleur toute erreur ne peut donner ouverture à la révision mais seulement celle qui peut être qualifiée de sérieuse et déterminante.

[41]           Or, les motifs consignés à la requête du travailleur portaient principalement sur la décision rendue le 22 juin 1998.  La Commission des lésions professionnelles ayant jugé cette requête irrecevable, il y a lieu d’analyser uniquement les arguments visant les deux décisions du 31 mars 1999.

[42]           Toutefois, pour des fins de compréhension du dossier et afin de bien cerner la compétence de la Commission des lésions professionnelles ayant donné lieu à la première décision du 31 mars 1999, il y a lieu de revenir brièvement sur les motifs et le dispositif de cette décision du 22 juin 1998.

[43]           La CSST avait déposé deux requêtes en révision pour cause à l’encontre de deux décisions rendues par la Commission d’appel, les 5 décembre 1997 et 19 janvier 1998.

[44]           La décision du 5 décembre 1997 relevait le travailleur de son défaut d’avoir déposé sa réclamation dans le délai de six mois prévu par la loi pour un accident du travail survenu le 13 juillet 1988.  La décision était fondée sur le fait que le travailleur, nouvellement immigré au Canada, n’avait pas été informé par son médecin traitant de l’existence de la CSST et n’avait appris la possibilité de faire une réclamation à la CSST qu’en mai 1989 par la Société de l’assurance automobile du Québec (la SAAQ) alors qu’il y était indemnisé pour un accident de la route.

[45]           Les parties ont été convoquées à une audience le 6 janvier 1998 et la Commission d’appel a rendu une décision séance tenante reconnaissant que le travailleur avait subi un accident du travail le 13 juillet 1988 et les motifs de cette décision ont été rendus le 19 janvier 1998.

[46]           La CSST avait reçu l’avis de convocation pour l’audience du 6 janvier 1998 la journée même et invoque donc un manquement à son droit d’être entendue pour faire révoquer la décision du 19 janvier 1998.

[47]           Quant à la décision du 5 décembre 1997, la CSST s’est rendue compte, après avoir demandé à la Commission des lésions professionnelles de lui expédier le dossier, que ce dernier était incomplet et qu’il manquait un rapport d’enquête fait par la CSST.  De plus, la CSST avait demandé le dossier de la SAAQ.  La révocation de la décision du 5 décembre est demandée au motif que le rapport d’enquête et le dossier de la SAAQ révèlent des faits qui auraient pu changer la décision.  Le travailleur avait déclaré à l’enquêteur de la CSST qu’il avait été informé par son médecin qu’il s’agissait d’un accident du travail mais qu’il ne savait pas comment faire une réclamation.  Un rapport daté de décembre 1988 du médecin traitant du travailleur indique que ce dernier a eu un accident du travail.

[48]           Le commissaire accepte de faire droit à la demande de la CSST concernant la décision du 5 décembre 1997 et considère qu’il y a lieu de révoquer la partie de la décision qui concerne le délai de réclamation car certaines parties du dossier de la SAAQ et le rapport d’enquête sont pertinents et ces éléments auraient pu permettre à la Commission d’appel de rendre une décision différente s’ils avaient été portés à sa connaissance.  Le commissaire fait le commentaire suivant :

«La Commission des lésions professionnelles est cependant d’avis qu’il serait préjudiciable au travailleur, de disposer du litige sans que ce dernier puisse être entendu eu égard à ces nouveaux éléments de preuve.  Il y a donc lieu de révoquer la décision rendue par la Commission d’appel, et ordonner que les parties soient à nouveau convoquées pour qu’une nouvelle audition soit tenue concernant cet objet d’appel.»

 

[49]           Quant à la décision du 19 janvier 1998, le commissaire la révoque au motif que la CSST n’a pu être entendue n’ayant reçu l’avis de convocation que le jour de l’audience.  

[50]           Le représentant du travailleur invoque le fait que lors de la décision du 22 juin 1998, la Commission des lésions professionnelles avait décidé de faire droit à la requête fondée sur la règle audi alteram partem notamment pour donner le droit à la CSST de produire un rapport d’enquête supplémentaire et un document de la Société de l’assurance automobile du Québec.  Il s’agissait d’une nouvelle preuve.  Considérant ce fait, le représentant du travailleur allègue que la compétence de la Commission des lésions professionnelles se limitait à apprécier uniquement ces  nouveaux éléments de preuve qui étaient soumis.

[51]           Notamment, il soumet que le commissaire qui a entendu la cause ne pouvait apprécier de nouveau la crédibilité du travailleur et qu’il avait seulement l’obligation de regarder les nouveaux éléments et d’apprécier si ces nouvelles preuves étaient susceptibles de modifier la décision.  Au surplus, il invoque le fait que le rapport d’enquête et les documents de la CSST ne sont pas mentionnés dans les décisions du 31 mars 1999, ce qui démontre que ces décisions ne sont pas fondées sur ces nouveaux éléments de preuve mais plutôt sur une nouvelle appréciation de la crédibilité du travailleur.

[52]           Il soutient donc que le commissaire a apprécié de nouveau la preuve et a décidé que le travailleur n’était pas crédible.  Les deux décisions antérieures de la Commission d’appel, décisions qui ont fait l’objet d’une révocation par la décision du 22 juin 1998, avaient apprécié favorablement la crédibilité du travailleur.  Le docteur Chartrand, qui avait témoigné lors des audiences précédentes, n’était pas présent et n’a pas témoigné lors des audiences du 30 novembre 1998 et du 14 janvier 1999 et n’a donc pu expliquer que le travailleur avait des problèmes de communication et ne connaissait pas l’existence de la CSST, ce qui aurait permis de corroborer les dires du travailleur.  

[53]           Cette nouvelle appréciation constitue, selon le représentant du travailleur, une erreur manifeste en droit s’apparantant à un vice de fond de nature à invalider la décision.

[54]           De plus, il soutient que la Commission des lésions professionnelles ne pouvait à la fois reconnaître un pourcentage d’atteinte permanente de 3% et ne pas reconnaître que le travailleur était porteur de limitations fonctionnelles.  Considérant le fait que la Commission des lésions professionnelles retient que le travailleur est porteur d’ankyloses, il aurait dû se voir octroyer des limitations fonctionnelles. 

[55]           La représentante de la CSST rappelle le dispositif de la décision rendue le 22 juin 1998 dans lequel la Commission des lésions professionnelles révoque les deux décisions rendues par la Commission d’appel les 5 décembre 1997 et 19 janvier 1998.  La conséquence d’un tel dispositif est que les deux décisions de la Commission d’appel n’existent plus et que la Commission des lésions professionnelles devait réentendre le tout. 

[56]           Selon la représentante de la CSST,  toute la question était donc en litige et la Commission des lésions professionnelles devait réapprécier l’ensemble de la preuve y compris le témoignage du travailleur et sa crédibilité.  Concernant la crédibilité, elle soumet que le commissaire  explique dans une décision très détaillée et motivée chacun des éléments de faits et chacune des contradictions et pourquoi il n’arrive pas à retenir la version du travailleur.  Cette décision est suffisamment motivée. 

[57]           La représentante de la CSST invoque le fait qu’il peut y avoir atteinte permanente sans limitations fonctionnelles et que la Commission des lésions professionnelles pouvait retenir l’un sans l’autre, et que cela ne constitue pas une erreur.  Cette conclusion a été retenue après une appréciation de l'ensemble de la preuve tant factuelle que médicale.

[58]           Après appréciation des arguments soumis par les parties et une étude attentive des deux décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles le 31 mars 1999, la soussignée est d’avis qu’aucun vice de fond ou de procédure de nature à invalider ces décisions n’a été démontré.

[59]           Dans un premier temps, il y a lieu d’examiner attentivement le dispositif de la décision rendue le 22 juin 1998 qui se lit comme suit :

«RÉVOQUE les décisions rendues par la Commission d’appel, les 5 décembre 1997 et le 19 janvier 1998;

RETOURNE le dossier au greffe de la Commission des lésions professionnelles;

INFORME les parties qu’elles seront convoquées incessamment concernant l’objet de l’appel déposé le 18 août 1997 par le travailleur, monsieur Célonie Mervilus.»

 

[60]           Lorsque des décisions sont révoquées, cela a pour effet de remettre les parties dans l’état où elles étaient avant l’existence de ces décisions.  Ces décisions n’existent plus.  La doctrine et la jurisprudence reconnaissent cet effet de l’annulation d’une décision.  Citons Yves Ouellette à ce propos :

«Si la décision est déclarée nulle par la cour parce qu’elle est ultra vires, on a affirmé qu’il s’agit d’une nullité absolue, équivalant en droit à une absence totale de décision.  [Chandler c. Alberta Association of Architects, [1989] 2 R.C.S. 848 , 862 (j. Sopinka)][5]

 

[61]           Il en découle que la Commission des lésions professionnelles devait entendre les parties relativement à l’objet de l’appel initial.

[62]           D’ailleurs la compétence avait été bien circonscrite lors des audiences précédentes et il n’y avait pas eu d’objection à cet effet par le représentant du travailleur qui y était présent.  La lecture des pages 2 et 3 de la décision du 31 mars 1999 concernant le délai de la réclamation pour la lésion professionnelle du 13 juillet 1988, démontre que l’objet de l’appel y est clairement énoncé. 

[63]           Le commissaire devait donc apprécier les faits mis en preuve y compris évaluer la force probante de cette preuve.  Cela implique nécessairement une appréciation de la crédibilité du témoignage du travailleur.

La soussignée reconnaît que cette situation peut être lourde de conséquence pour un justiciable qui se voit confronté à deux audiences, d’autant plus que les premières décisions lui accordaient des droits.  Toutefois, elle n’y voit aucune erreur de fait ou de droit.  Les deux décisions antérieures de la Commission d’appel accordaient des droits au travailleur mais elles ont été révisées pour cause conformément à ce que l’article 406 de la loi prévoyait.  Il est certain que le

pouvoir de réviser peut sembler porter atteinte au principe de stabilité des décisions, mais il s’agit d’un recours exceptionnel, permettant au tribunal de rendre une décision qui soit conforme au sens où la décision avait été viciée par un manquement aux règles de justice fondamentale et avait été fondée sur des faits incomplets.  La bonne administration de la justice commande parfois de trouver un équilibre entre les intérêts des justiciables et ceux requis pour une saine administration de la justice.

[64]           Il en découle que la Commission des lésions professionnelles ne pouvait se limiter  uniquement à réétudier les nouveaux documents soumis.  D’ailleurs, même si tel en était le cas, il est très difficile de concevoir d’apprécier de nouveaux faits sans revoir leur impact sur l’ensemble de la preuve. 

[65]           Le commissaire avant de statuer sur la question du délai et du motif raisonnable a étudié minutieusement la preuve et sa décision est motivée de manière détaillée.  Les faits y sont analysés de manière très complète et il est possible de bien comprendre le raisonnement qu’il a suivi.  Il n’est possible d’y déceler aucune erreur de fait ou de droit.

[66]           Quant à la deuxième décision datée du 31 mars 1999, le représentant du travailleur invoque le fait que le commissaire ne pouvait reconnaître une atteinte permanente sans limitations fonctionnelles.  La jurisprudence de la Commission d’appel et maintenant de la Commission des lésions professionnelles reconnaît qu’il est possible de reconnaître une atteinte permanente sans nécessairement reconnaître des limitations fonctionnelles.  La détermination de limitations fonctionnelles, en relation avec une lésion professionnelle, est une question mixte de fait et de droit et doit se fonder sur l’ensemble de la preuve tant médicale que factuelle.

[67]           Le commissaire, après une étude détaillée de la preuve médicale, attribue au travailleur un pourcentage d’atteinte permanente de 3%, dont 2% pour une atteinte des tissus mous avec séquelles fonctionnelles, compte tenu de l’intervention chirurgicale et de la présence d’ankyloses partielles du majeur droit à l’interphalangienne proximale et distale, donnant chacune un pourcentage de 0,4%, auquel s’ajoute un pourcentage de 0,2% à titre de DPJV.

[68]           Finalement, quant à l’octroi de limitations fonctionnelles, le commissaire motive sa décision comme suit : 

«Enfin, compte tenu que les seules séquelles de la lésion consistent en des ankyloses peu importantes au niveau des articulations du majeur droit, la Commission des lésions professionnelles retient comme prépondérante les opinions des docteurs Proulx et Stephen à l’effet que la lésion professionnelle n’a pas entraîné de limitations fonctionnelles.»

[69]           La décision de ne pas octroyer de limitations fonctionnelles est tout à fait compréhensible et s’appuie sur la preuve médicale et factuelle.

[70]           En conclusion, les deux décisions de la Commission des lésions professionnelles du 31 mars 1999 ne comportent aucune erreur manifeste de fait ou de droit pouvant s’apparenter de près ou de loin à un vice de fond ou de procédure de nature à invalider ces décisions.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 90859-73-9708

DÉCLARE IRRECEVABLE la requête présentée par monsieur Celonie Mervilus à l’encontre de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 22 juin 1998;

REJETTE la requête présentée par monsieur Celonie Mervilus à l’encontre de la décision rendue le 31 mars 1999 par la Commission des lésions professionnelles.

 

DossierS 103980-72-9804, 103981-72-9808, 100598-72-9808

REJETTE la requête présentée par monsieur Celonie Mervilus à l’encontre de la décision de la Commission des lésions professionnelles du 31 mars 1999.

 

 

 

 

 

Me Anne Vaillancourt

 

Commissaire

 

 

 

 

 


 

Me Jean Desrosiers

8133, rue André-Ampère, bureau 201

Montréal (Québec)

H1E 3J9

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

PANNETON, LESSARD

(Me Sylvana L. Markovic)

1, Complexe Desjardins, 31e étage

Montréal (Québec)

H5B 1H1

 

Représentante de la partie intervenante

 

 

 



[1]           Yves OUELLETTE, Les tribunaux administratifs au Canada, preuve et procédure, Montréal, Les éditions Thémis, 1997; p.520.

[2]           [1998] CALP 25 , requête en évocation rejetée, C.S.Montréal, 500-05-0390048-986, 98-06-16, J. Vaillancourt.

[3]           Supra note (1) p.524.

[4]           Produits forestiers Donohue et Villeneure [1998] CLP 733 ; Franchellini et Sousa [1998] CLP 783 .

[5]           Supra note (1) p. 489.

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Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.