Subramaniyam et HMG |
2012 QCCLP 5028 |
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[1] Le 20 juillet 2011, le travailleur, monsieur Raajendran Subramaniyam, dépose une requête auprès de la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue le 7 juin 2011 par la Direction de la révision administrative (la Révision administrative) de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST).
[2] Cette décision de la Révision administrative rejette deux demandes de révision du travailleur et confirme deux décisions rendues par la CSST, à savoir :
1. celle du 24 mars 2011 qui entérine l’avis du Bureau d'évaluation médicale, déclare que la lésion professionnelle subie par le travailleur le 16 juin 2009 est consolidée le 11 mars 2011, que les soins et traitements ne sont plus justifiés, que le travailleur conserve un déficit anatomo-physiologique de 2,20 % ainsi que des limitations fonctionnelles, et qu’elle poursuit le versement de l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle se prononce sur la capacité de travail;
2. celle du 28 mars 2011 qui détermine l’emploi convenable d’assembleur de matériel électronique, déclare que le travailleur est capable de l’exercer à compter du 25 mars 2011 et qu’elle poursuivra le versement de l’indemnité de remplacement du revenu pendant l’année de recherche d’emploi, jusqu’au 25 mars 2012 au plus tard.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[3] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que l’emploi défini par la CSST n’est pas un emploi convenable pour lui.
[4] Le travailleur est présent et représenté à l’audience tenue les 5 avril et 20 juin 2012 à Montréal. L’employeur, H M G, est absent et non représenté.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), le soussigné a reçu l’avis des membres issus des associations d’employeurs et syndicales sur l’objet du litige. Les deux membres souscrivent aux motifs ici retenus pour accueillir la requête.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[6] La Commission des lésions professionnelles doit décider si l’emploi d’assembleur de matériel électronique constitue un emploi convenable pour le travailleur.
[7] À l’article 2 de la loi, le législateur énonce la définition suivante de l’emploi convenable :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[8] La Commission des lésions professionnelles a étudié l’ensemble de la preuve retrouvée au dossier et complétée par le travailleur, a entendu son témoignage et a bénéficié des arguments soumis par sa procureure.
[9] Cet exercice fait, et sans voir la nécessité ni la pertinence de reproduire ici l’ensemble de ces éléments ad litteram ou in extenso, le tribunal estime que la requête doit être accueillie pour les motifs suivants.
[10] Rappelons que le travailleur est distributeur lorsque le 22 juin 2009, il formule une réclamation auprès de la CSST pour un événement survenu au travail le 16 juin 2009 qu’il décrit ainsi :
The agency H.M.G. placed me to work at Dollarama (maint repair) at work then was a whole in the floor hence. I twisted my right ankle. I advised the employer at Dollarama what happened. I continued to work throughout the week, but my ankle swolle more & more I decided to see my physician. [sic]
[11] Le 22 juin 2009, le docteur Jast pose le diagnostic d’entorse à la cheville droite, prescrit de la physiothérapie et met le travailleur en arrêt de travail. La réclamation est acceptée par la CSST et l’admissibilité n’est pas en litige devant nous.
[12] Le 23 octobre 2010, la CSST refuse le diagnostic de bursite à la hanche droite, mais accepte celui de tendinite du peroneus brevis.
[13] Le dossier suit son cours et le 16 mars 2011, l’orthopédiste, le docteur Duchesne, agissant pour le Bureau d'évaluation médicale, estime que la lésion professionnelle est consolidée le 11 mars 2011 avec suffisance de soins et traitements, et avec l’atteinte permanente ainsi que les limitations fonctionnelles suivantes :
EXISTENCE OU POURCENTAGE D’ATTEINTE PERMANENTE À
L’INTÉGRITÉ PHYSIQUE OU PSYCHIQUE :
SÉQUELLES ACTUELLES
Code Description DAP
103 266 entorse simple cheville droite consolidée avec séquelles
fonctionnelles 2%
PRÉJUDICE ESTHÉTIQUE
Nil
EXISTENCE OU ÉVALUATION DES LIMITATIONS FONCTIONNELLES :
Le patient doit :
√ éviter la montée ou descente répétitive d’escalier,
√ éviter le travail fréquent en position accroupie ou agenouillée,
√ éviter le travail répétitif ou fréquent dans escabeaux ou échelles,
√ éviter complètement le travail dans échafaudages et utilisation d’une chevillère
Protectrice lorsqu’il doit marcher sur terrains glissants ou accidentés.
[14] Le 24 mars 2011, la CSST entérine l’avis du Bureau d'évaluation médicale et le travailleur ne conteste pas les conclusions devant nous.
[15] Quatre jours plus tard, soit le 28 mars 2011, la CSST détermine l’emploi convenable d’assembleur de matériel électronique, déclare que le travailleur est capable de l’exercer depuis le 25 mars 2011, et lui accorde l’indemnité de remplacement du revenu pendant l’année de recherche d’emploi, soit jusqu’au 24 mars 2012 au plus tard. Cette décision est confirmée par la Révision administrative, d’où la requête du travailleur devant nous.
[16] À l’article 146(2) de la loi, le législateur prévoit que le plan de réadaptation établi par la CSST peut être modifié pour tenir compte de circonstances nouvelles. Cet article se lit ainsi :
146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.
Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.
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1985, c. 6, a. 146.
[17] La jurisprudence[2] tant de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles que de la Commission des lésions professionnelles nous enseigne que la notion des nouvelles circonstances prévue à cet article doit se référer au plan de réadaptation, que l’emploi convenable défini ne répond plus aux critères de la définition légale, ou bien que la travailleuse ou le travailleur ne peut pas accomplir l’emploi défini.
[18] De plus, la CSST doit tenir compte des nouvelles circonstances qui n’existaient pas ou qui n’étaient pas connues au moment de la détermination du plan de réadaptation. Voir, à cet effet, les affaires Foisy et Rocca, précitées.
[19] Tel est le présent cas.
[20] En fait, la CSST a défini l’emploi convenable seulement quatre jours après sa décision entérinant l’avis du Bureau d'évaluation médicale; son analyse se limite seulement à la question de savoir si les limitations fonctionnelles reconnues sont respectées.
[21] Or, la preuve révèle plusieurs importants problèmes de santé qui affectent le travailleur ainsi que sa capacité de travail. Depuis au moins le 24 juin 2009, il est suivi pour des allergies ainsi qu’une hyperthyroïdie. De plus, le dossier de l’Hôpital Général Juif démontre que depuis au moins le 19 janvier 2010, le travailleur est connu souffrant d’asthme pour lequel il prend plusieurs médicaments, notamment l’utilisation d’une pompe deux fois par jour.
[22] Dans son témoignage - d’ailleurs honnête, crédible et non contredit - le travailleur affirme que pendant la période de formation pour l’emploi convenable défini par la CSST, l’utilisation des machines provoquait de la fumée ainsi que de la poussière.
[23] Déjà là, on doit retenir que l’exercice de l’emploi défini comporte du danger, notamment à la lumière de la condition asthmatique.
[24] Mais il y a plus.
[25] Le dossier du Centre hospitalier St-Mary’s révèle qu’en mars 2012, soit même avant l’échéance de l’année de recherche d’emploi, la docteure Sanhurst diagnostique une cirrhose cryptogénique du foie avec encéphalopathie hépatique. Cette condition malchanceuse renforce encore plus la revendication du travailleur vis-à-vis l’emploi convenable défini et constitue un autre élément lequel impose à conclure que l’emploi défini ne respecte pas la capacité résiduelle du travailleur et ne présente pas une possibilité raisonnable d’embauche. Les conditions, notamment les allergies, l’asthme ainsi que la cirrhose constituent de nouvelles circonstances lesquelles obligent la CSST d’en tenir compte et ainsi de modifier le plan individualisé de réadaptation.
[26] Il s’ensuit que la requête doit être accueillie.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête déposée le 20 juillet 2011 par le travailleur, monsieur Raajendran Subramaniyam;
MODIFIE la décision rendue le 7 juin 2011 par la Direction de la révision administrative;
INFIRME la décision rendue le 28 mars 2011 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail;
DÉCLARE que l’emploi d’assembleur de matériel électronique ne constitue pas un emploi convenable pour le travailleur; et
RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour qu’elle puisse agir en conséquence.
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J-David Kushner |
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Me Lise Massicotte, avocate |
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Représentante de la partie requérante |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Villeneuve et Ressources Aunore inc., [1992] C.A.L.P. 06; Chassé et Jules Fournier inc., C.A.L.P. 29829-03-9106, 8 octobre 1993, R. Jolicoeur; Foisy et Clarke Transport Canada inc., C.A.L.P. 44094-62-9208, 14 mars 1994, A. Suicco; Rocca et J.A. Hubert ltée, C.A.L.P. 35236-08-9112, 26 février 1996, B. Lemay; Brodeur et Coopers & Lybrand inc. Syndic, C.L.P. 106594-61-9811, 25 février 1999, M. Cuddihy; Bolduc et Restaurant Trois cent trente-trois inc., C.L.P. 109871-72-9902, 6 juin 2001, J.-D. Kushner; McRae et Industries C.P.S. inc., C.L.P. 172570-72-0111, 11 juillet 2002, D. Lévesque.
AVIS :
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