[1] L'appelante se pourvoit contre un jugement de la Cour supérieure, district de Montréal (l'honorable Brian Riordan), qui, le 13 septembre 2013, accueille pour partie la requête des intimés en cassation des subpoenas signifiés le 15 juillet 2013 à l'intimée Létourneau ainsi qu'aux liquidateurs de la succession de l'intimé Blais et casse la portion duces tecum desdits subpoenas pour cause de non-pertinence des dossiers médicaux dont la production était requise.
[2] Pour les motifs de la juge Bich, auxquels souscrivent les juges Dufresne et Bélanger, LA COUR :
[3] ACCUEILLE l'appel, pour partie;
[4] INFIRME partiellement le jugement de première instance;
[5] DÉCLARE que les subpoenas litigieux sont valides en ce qui concerne l'intimée Létourneau personnellement ainsi que le ou les ayants droit de l'intimé Blais;
[6] PERMET à l'appelante d’interroger l’intimée Létourneau, d'utiliser à cette fin le dossier médical de celle-ci, pour autant qu'il se rapporte à son état et à sa condition de fumeuse et tout ce qui s'y rattache (dépendance physique ou psychologique, problèmes de santé physique ou psychologique, traitements, etc.), et de produire ce dossier ou les extraits de celui-ci pertinents à l'état ou à la condition de fumeuse de l'intimée;
[7] PERMET de même à l'appelante d'interroger le ou les ayants droit de l'intimé Blais, d'utiliser à cette fin le dossier médical de ce dernier, tel que le décrit le subpoena adressé aux liquidateurs de sa succession, et de produire ce dossier;
[8] CONFIRME le jugement de première instance quant au reste et, en particulier, quant à la remise ou à la production du dossier médical des membres des deux groupes visés par les recours collectifs, remise ou production qui n'est pas permise quoique que l'appelante ait par ailleurs été validement autorisée à interroger certains des membres en question dans le cadre de sa preuve en défense;
[9] Le tout avec dépens contre l'appelante, comme si son pourvoi était rejeté.
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MOTIFS DE LA JUGE BICH |
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[10] Le 21 février 2005[1], l’intimée Létourneau, d’une part, et les intimés Blais et Conseil québécois sur le tabac et la santé, d’autre part, ont été autorisés à instituer un recours collectif en responsabilité civile contre diverses sociétés, dont l’appelante Imperial Tobacco Canada Ltd. Les premiers reprochent aux secondes des fautes qui seraient la cause des dommages subis par suite de leur consommation de cigarettes et de leur dépendance à ce produit. Ils exigent une réparation se chiffrant à plusieurs milliards de dollars, ainsi que des dommages punitifs substantiels.
[11] Cette réclamation, déjà amendée, a tout récemment fait l’objet de certaines modifications supplémentaires, à la baisse. Jugement a été rendu en ce sens le 27 mars 2014, alors que la présente affaire était en délibéré. Les dommages réclamés s’élèvent toujours à plusieurs milliards de dollars, mais ne visent, outre les dommages punitifs, que le préjudice moral subi par les membres du groupe. Le jugement du 27 mars[2] précise toutefois ce qui suit :
En premier lieu, je ne permettrai pas d’amendement ayant pour effet d’éliminer l’application du principe de la chose jugée concernant les réclamations individuelles des membres pour les dommages autres que ceux recouvrés collectivement.
Les conclusions des actions devront donc continuer à inclure une demande pour ce genre de dommages, de telle sorte que si elle est rejetée, les membres ne pourront intenter une nouvelle action sur cette base.
À cette fin, les demandeurs acceptent d’insérer la conclusion suivante dans chaque action, et c’est-à-dire :
ORDONNER, le cas échéant, le recouvrement individuel pour tous dommages, autres que ceux recouvrés collectivement, subis par les membres du groupe.
[12] Pour le reste, Mme Létourneau représente un groupe désormais défini comme suit (recours 500-06-000070-983) et qui compte environ deux millions de personnes :
Le groupe est composé de toutes les personnes résidant au Québec qui, en date du 30 septembre 1998, étaient dépendantes à la nicotine contenue dans les cigarettes fabriquées par les défenderesses et qui satisfont par ailleurs aux trois critères suivants :
1) Elles ont commencé à fumer avant le 30 septembre 1994 en fumant les cigarettes fabriquées par les défenderesses;
2) Elles fumaient les cigarettes fabriquées par les défenderesses de façon quotidienne au 30 septembre 1998; et
3) Elles fumaient toujours les cigarettes fabriquées par les défenderesses en date du 21 février 2005, ou jusqu’à leur décès si celui-ci est survenu avant cette date.
Le groupe comprend également les héritiers des membres qui satisfont aux critères décrits ci-haut.[3]
[13] De son côté, le groupe représenté par M. Blais (recours 500-06-000076-980) est maintenant le suivant (il compte environ 50 000 personnes) :
Le groupe est composé de toutes les personnes résidant au Québec qui satisfont aux critères suivants :
1) Avoir fumé, avant le 20 novembre 1998, au minimum 5 paquets/année de cigarettes fabriquées par les défenderesses (soit l’équivalent d’un minimum de 36 500 cigarettes, c’est-à-dire toute combinaison du nombre de cigarettes fumées par jour multiplié par le nombre de jours de consommation dans la mesure où le total est égal ou supérieur à 36 500 cigarettes).
Par exemple, 5 paquets/année égale :
20 cigarettes par jour pendant 5 ans (20 X 365 X 5 = 36 500) ou
25 cigarettes par jour pendant 4 ans (25 X 365 X 4 = 36 500) ou
10 cigarettes par jour pendant 10 ans (10 X 365 X 10 = 36 500) ou
5 cigarettes par jour pendant 20 ans (5 X 365 x 20 = 36 500) ou
50 cigarettes par jour pendant 2 ans (50 X 365 X 2 = 36 500)
2) Avoir développé avant le 12 mars 2012 :
a) Un cancer du poumon ou
b) Un cancer (carcinome épidermoïde) de la gorge, à savoir du larynx, de l’oropharynx ou de l’hypopharanx ou
c) De l’emphysème.
Le groupe comprend également les héritiers des personnes décédées après le 20 novembre 1998 qui satisfont aux critères décrits ci-haut.[4]
[14] Les questions communes définies par le jugement d’autorisation de 2005[5] sont les suivantes :
Recours Létourneau :
[139] IDENTIFIE comme suit les principales questions de fait et de droit qui seront traitées collectivement :
· Les intimées ont-elles fabriqué, mis en marché, commercialisé un produit dangereux, nocif pour la santé des consommateurs?
· Les intimées avaient-elles connaissance et étaient-elles présumées avoir connaissance des risques et des dangers associés à la consommation de leurs produits?
· Les intimées ont-elles mis en œuvre une politique systématique de non-divulgation de ces risques et de ces dangers?
· Les intimées ont-elles banalisé ou nié ces risques et ces dangers?
· Les intimées ont-elles mis sur pied des stratégies de marketing véhiculant de fausses informations sur les caractéristiques du bien vendu?
· Les intimées ont-elles sciemment mis sur le marché un produit qui crée une dépendance et ont-elles fait en sorte de ne pas utiliser les parties du tabac comportant un taux de nicotine tellement bas qu’il aurait pour effet de mettre fin à la dépendance d’une bonne partie des fumeurs?
· Les intimées ont-elles conspiré entre elles pour maintenir un front commun visant à empêcher que les utilisateurs de leurs produits ne soient informés des dangers inhérents à leur consommation?
· Les intimées ont-elles intentionnellement porté atteinte au droit à la vie, à la sécurité, à l’intégrité des membres du groupe?
Recours Blais :
[129] IDENTIFIE comme suit les principales questions de fait et de droit qui seront traitées collectivement :
· Les intimées ont-elles fabriqué, mis en marché, commercialisé un produit dangereux, nocif pour la santé des consommateurs?
· Les intimées avaient-elles connaissance et étaient-elles présumées avoir connaissance des risques et des dangers associés à la consommation de leurs produits?
· Les intimées ont-elles mis en œuvre une politique systématique de non-divulgation de ces risques et de ces dangers?
· Les intimées ont-elles banalisé ou nié ces risques et ces dangers?
· Les intimées ont-elles mis sur pied des stratégies de marketing véhiculant de fausses informations sur les caractéristiques du bien vendu?
· Les intimées ont-elles sciemment mis sur le marché un produit qui crée une dépendance et ont-elles fait en sorte de ne pas utiliser les parties du tabac comportant un taux de nicotine tellement bas qu’il aurait pour effet de mettre fin à la dépendance d’une bonne partie des fumeurs?
· Les intimées ont-elles conspiré entre elles pour maintenir un front commun visant à empêcher que les utilisateurs de leurs produits ne soient informés des dangers inhérents à leur consommation?
· Les intimées ont-elles intentionnellement porté atteinte au droit à la vie, à la sécurité, à l’intégrité des membres du groupe?
[15] Notons que les intimés demandent le recouvrement collectif des dommages qu’ils réclament.
[16] Voilà donc les contours généraux de cette double affaire. Inutile de dire que celle-ci a donné lieu à des péripéties de toutes sortes, qui attestent l’ampleur extraordinaire des ressources judiciaires qui lui ont été - et lui sont toujours - consacrées. C’est l’une de ces péripéties qui nous intéresse ici.
* *
[17] Depuis 2009 au moins, tant au stade préalable qu’en vue du procès, l’appelante a demandé à plusieurs reprises, de façons diverses, la permission d’interroger non seulement les représentants Létourneau et Blais, mais aussi un certain nombre de membres des groupes et d’avoir accès à leurs dossiers médicaux. Elle invoque son droit à une défense pleine et entière (en particulier au chapitre de la causalité entre faute et préjudice); elle soutient par ailleurs que, même si une responsabilité quelconque pouvait lui être imputée, ces éléments de preuve sont nécessaires à sa démonstration du caractère inapproprié du recouvrement collectif que demandent les intimés. En gros, elle fait valoir que cette preuve lui permettrait d’établir, par exemple, que les membres ont été prévenus des dangers du tabagisme par leur médecin et ont néanmoins choisi de continuer à fumer, ou que (particulièrement dans le cas du groupe Blais), d’autres facteurs peuvent avoir provoqué la maladie ou y avoir contribué, ou encore que les situations des membres des groupes sont si disparates que le recouvrement collectif ne peut être envisagé (même s’il ne s’agit que d’attribuer des dommages moraux).
[18] En ce qui concerne l’interrogatoire des membres, l’on comprend du jugement dont appel que la permission lui a finalement été accordée de faire entendre quelques-unes des personnes inscrites aux deux recours[6]. En ce qui concerne les dossiers médicaux de ces individus, toutefois, la permission lui a constamment été refusée, notamment par notre cour, en 2012[7].
[19] Le procès bat maintenant son plein, les intimés ont terminé leur preuve et l’appelante, qui a commencé la sienne, revient à la charge une nouvelle fois. Il faut dire qu’elle le fait avec l’accord du juge de première instance, comme le montrent du reste les paragraphes suivants du jugement dont appel :
[9] S’inspirant de l’article 1045 C.p.c., le Tribunal a suggéré de créer un genre de cas type au début des défenses afin que la question de la pertinence de certains aspects, entre autres les dossiers médicaux, soit décidée par la Cour d’appel aussitôt que possible avant la fermeture de la preuve en défense. Ainsi, dans l’éventualité que cette dernière déciderait d’entendre la cause, il ne serait pas impossible d’obtenir jugement avant la fin de la preuve en défense, ou peu après. De cette manière, les probabilités d’une suspension du procès seraient minimisées et le Tribunal pourrait permettre à ITL d’assigner les membres des groupes à la fin des défenses, car la décision en appel règlerait les objections prévues.
[10] Avec l’accord du Tribunal, il a donc été convenu en juin dernier que ITL signifierait un subpoena duces tecum à un membre de chaque groupe, identifiant tous les documents qu’elle comptait requérir des membres des deux groupes à ce moment, y compris leurs dossiers et autres renseignements médicaux. Cela permet, d’une part, aux demandeurs de requérir la cassation pour cause de la non-pertinence et, d’autre part, de soumettre la décision à la Cour d’appel, le cas échéant.
[11] En application de ce processus, le 15 juillet 2013 ITL a signifié un subpoena duces tecum au représentant de chaque groupe. Notons que celui destiné à M. Blais est adressé aux liquidateurs de sa succession, vu son récent décès.
[12] Dans le dossier Blais, le duces tecum se lit ainsi :
Jean-Yves Blais’ medical records, from any hospital, private or public clinics or from any physician, psychologist, psychiatrist, pharmacist, medical professional who treated Mr. Blais with respect to either lung cancer or throat cancer (larynx, oropharynx or hypopharynx) or emphysema, or an authorization duly signed by yourself as estate representative(s) in favour of Osler, Hoskin & Harcourt LLP attorneys, giving access to said records;
A complete list of the medications taken by Jean-Yves Blais with respect to either lung cancer or throat cancer (larynx, oropharynx or hypopharynx) or emphysema and a copy of the prescriptions in your possession with respect to said medications.
[13] Dans le dossier Létourneau, le duces tecum se limite au dossier médical, soit :
Your medical records, from any hospital, private or public clinics or from any physician, psychologist, psychiatrist, pharmacist, medical professional who treated you and/or treats you with respect to your alleged addiction in the present case or an authorization duly signed by yourself in favour of Osler, Hoskin & Harcourt LLP attorneys, giving access to said records;
[Renvois omis.]
[20] Tel qu’entendu, les intimés demandent la cassation de ces subpoenas, faisant valoir que les arguments de l’appelante ne sont que des variations sur un même thème et méritent d’être rejetés tout comme ils l’ont été précédemment, pour une raison identique : les dossiers médicaux en question ne sont pas pertinents à la résolution des questions communes qui sont au cœur des recours. De plus, selon les intimés, la Cour d’appel, dans son jugement d’octobre 2012, a décidé cela précisément et il n’y a pas lieu de revenir sur cette conclusion.
[21] C’est la thèse que retient le juge Riordan dans son jugement du 13 septembre 2013.
[22] D’une part, il s’appuie sur l’arrêt précité de notre cour[8]. Il estime que la demande de l’appelante porte sur l’objet même dont il était question dans cet arrêt, l’affaire étant par ailleurs mue entre les mêmes parties et découlant de la même cause. Il y aurait donc chose jugée au sens de l’article 2848 C.c.Q.
[23] D’autre part, il est d’avis que, les réclamations des intimés ne visant à ce stade que des dommages moraux et punitifs[9], la preuve que souhaite faire l’appelante grâce à la production des dossiers médicaux n’est ni pertinente ni utile à la détermination des questions communes ou au caractère approprié ou non du recouvrement collectif. Selon le juge, le fait d’avoir des renseignements de cet ordre sur quelques membres, alors que les deux groupes sont très vastes (plusieurs dizaines de milliers de personnes dans le cas du recours Blais et autour de deux millions dans le cas du recours Létourneau), ne serait pas de nature à avoir quelque impact sur le débat.
[24] C’est pourquoi, en définitive, le juge casse les subpoenas, tout en permettant à l’appelante « d’assigner les membres des groupes à la fin des défenses, si c’est toujours son désir »[10].
[25] Le 6 novembre 2013, l’appelante obtient la permission de se pourvoir contre ce jugement.
[26] Pour les raisons qui suivent, l’appel sera accueilli pour partie.
* *
[27] L’arrêt prononcé par notre cour le 9 octobre 2012 n’a pas, quant à la demande de l’appelante, l’autorité de la chose jugée. On ne saurait considérer que cet arrêt[11] a l’autorité de la chose jugée sur la demande de l’appelante.
[28] Tout d’abord, la Cour y confirme un jugement interlocutoire pré-procès. De tels jugements, habituellement, n’ont pas l’autorité de la chose jugée au sens de l’article 2848 C.c.Q., ne s’agissant pas de jugements définitifs[12].
[29] D’ailleurs, dans cette affaire, comme ici, les intimés cherchaient à opposer à l’appelante un jugement interlocutoire du même juge, antérieur à celui qui faisait l’objet de l’appel. La Cour confirme que, le premier jugement portant, comme le second, sur la pertinence et l’utilité d’un élément de preuve, « [l]es conditions nécessaires à l’existence de l’autorité de la chose jugée ne sont pas satisfaites »[13].
[30] En effet, la pertinence est l’un de ces concepts dont l’application peut fort bien varier au cours d’une instance et même du procès : ce qui ne paraît pas pertinent un jour peut, quelque temps plus tard, vu le déroulement de la preuve, le devenir, et inversement. Le juge qui accueille une objection à la preuve peut réaliser ultérieurement que cette preuve, au contraire, est nécessaire ou utile à la résolution des questions en litige et il a donc le pouvoir de rescinder ses déterminations antérieures ou de changer d’avis pour l’avenir[14]. L’arrêt Allali c. Lapierre[15] étaye cette proposition :
[17] La proposition des appelants selon laquelle les juges d’instance sont lié/es par leurs jugements interlocutoires sur le déroulement du procès et la recevabilité d’une preuve est mal fondée en droit.
[18] Un/e juge d’instance peut non seulement réviser sa décision interlocutoire dans son jugement final [renvoi omis], mais peut tout autant, pour la bonne administration de la justice et selon les circonstances en l’espèce, revenir sur sa décision en cours de procès.
[19] Au fur et à mesure que le procès progresse, en effet, les juges reçoivent un éclairage plus complet qui peut et doit leur permettre d’ajuster leur façon de gérer l’administration de la preuve. Ce qui importe, c’est que le processus demeure équitable et ne prenne pas une des parties par surprise. Dans le cas présent, les documents produits étaient connus des appelants et le juge d’instance leur a offert un ajournement, offre dont ils ne se sont pas prévalus.[16]
[31] Évidemment, l’on conçoit bien qu’une partie ne puisse pas constamment redemander ce qui est refusé, de la même manière que la partie adverse ne peut pas continuellement s’opposer à une preuve que le juge déclare recevable. Un tel comportement pourrait à juste titre être interprété comme une tentative de contournement ou un abus et constituer une fin de non-recevoir. Les circonstances de l’espèce, cependant, ne se prêtent pas à une telle qualification (pas plus qu’elles ne s’y prêtaient dans l’affaire décidée par notre cour en 2012[17]).
[32] Cela dit, même si l’article 2848 C.c.Q. n’est pas applicable, il se peut qu’en l’absence de facteurs ou d’éléments nouveaux[18], la cohérence décisionnelle fasse en sorte qu’un même résultat soit obtenu.
[33] Ce principe de cohérence décisionnelle voudrait-il que la Cour statue ici exactement comme elle l’a fait en 2012 et pour les mêmes raisons? Le contexte a changé, comme on le verra, mais il demeure que les questions soulevées en appel aujourd’hui doivent, mais pour partie seulement, recevoir une réponse similaire.
[34] Pertinence de la preuve que souhaite administrer l’appelante. Une bonne partie du problème résulte ici de la conception que semblent se faire les parties de l’objet des recours et des questions communes à résoudre.
[35] On retrouve l’énoncé de ces questions communes dans le jugement d’autorisation de 2005[19]. On constate qu’elles ont été définies en des termes qui ciblent la faute des sociétés défenderesses. On s’y demande ainsi si, ensemble ou individuellement, elles ont sciemment ou négligemment commercialisé un produit nocif pour la santé des consommateurs, si elles ont tenté de cacher les risques et les dangers liés à la consommation du tabac, si elles ont mis celui-ci en marché sur la foi d’informations fausses et trompeuses, si elles ont délibérément utilisé dans leur produit des ingrédients de nature à augmenter la dépendance des utilisateurs, etc.
[36] La formulation de ces questions en pareils termes n’épuise cependant pas la liste de celles que le juge de première instance devra résoudre afin de statuer sur le recours des intimés. On notera d’ailleurs que le jugement d’autorisation n’avait vocation à déterminer que « les principales questions de fait et de droit »[20] en jeu. Il va de soi cependant que, s’agissant d’actions en responsabilité civile, dont le recours collectif n’est que le véhicule procédural, le juge du fond, s’il devait répondre par l’affirmative à l’une ou l’autre des questions définies par le jugement d’autorisation (concluant ainsi à l’existence d’une faute), devra répondre également aux questions de savoir si cette faute a causé le préjudice dont se plaignent les intimés et dont l’existence devra elle aussi être établie.
[37] Que les questions définies par le jugement d’autorisation ne traitent pas expressément du préjudice et de la causalité ne permet pas de prétendre que le débat « collectif » se résume à la question de la faute des sociétés défenderesses. Le recours collectif « ne modifie ni ne crée des droits substantiels »[21]. Il ne modifie pas non plus les règles substantielles du droit de la preuve[22]. Il n’a pas l’effet d’une scission d’instance où l’on se contenterait de statuer sur la faute commise par la partie défenderesse à l’endroit des membres du groupe pour renvoyer tout le reste à plus tard, c’est-à-dire au moment où chaque membre du groupe présenterait sa réclamation, selon le mode de recouvrement déterminé par le juge.
[38] Dans Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR inc.[23], la juge Deschamps, pour les juges majoritaires[24], écrit que :
[51] Avant d’exercer un recours collectif, une autorisation doit être obtenue en vertu des art. 1002 et 1003 C.p.c. Si cette autorisation est accordée, les parties procèdent sur le fond et la partie demanderesse doit établir la responsabilité du défendeur. Si le juge accueille le recours, il peut ordonner un recouvrement collectif ou individuel. L’appelant allègue que l’utilisation du recours collectif le dispense de faire la preuve d’un préjudice personnel au moment de l’analyse du bien-fondé du recours, parce que la question du caractère personnel du préjudice devrait être analysée lors d’une procédure de recouvrement individuel (mémoire, par. 22 et 52). Cette prétention doit être rejetée, car elle repose sur une confusion entre la nature du préjudice nécessaire pour fonder la responsabilité civile, le procédé utilisé pour en faire la preuve et l’évaluation de l’étendue de ce préjudice.
[52] Notre Cour a affirmé à plusieurs reprises que le recours collectif ne constitue qu’un moyen procédural et que son utilisation n’a pas pour effet de modifier les règles de fond applicables au recours individuel (Bisaillon c. Université Concordia, 2006 CSC 19, [2006] 1 R.C.S. 666, par. 17; Dell Computer Corp. c. Union des consommateurs, 2007 CSC 34, [2007] 2 R.C.S. 801, par. 105-108; Ciment du Saint-Laurent, par. 111). En d’autres termes, on ne peut s’autoriser du mécanisme du recours collectif pour suppléer à l’absence d’un des éléments constitutifs du droit d’action. Le recours collectif ne pourra réussir que si chacune des réclamations prises individuellement justifiait le recours aux tribunaux.
[53] Le droit de la diffamation s’applique donc intégralement dans le contexte d’un recours collectif. Comme je l’ai mentionné précédemment, pour que son action soit accueillie, le demandeur doit établir les éléments faute, préjudice et lien de causalité à l’endroit de chacun des membres du groupe (Hôpital St-Ferdinand, par. 33). Bien sûr, la procédure collective permet au juge de tirer des inférences de la preuve, mais il demeure qu’il doit être convaincu selon la prépondérance des probabilités de l’existence de chacun des éléments à l’égard de chacun des membres (voir, pour le préjudice, Hôpital St-Ferdinand, par. 34-35).
[54] Il ne saurait toutefois être question d’exiger que chacun des membres du groupe témoigne pour établir le préjudice effectivement subi. La preuve du préjudice reposera le plus souvent sur des présomptions de fait, c’est-à-dire sur la recherche d’« un élément de dommage commun à tous [. . .] pour en inférer qu’il existait des présomptions graves, précises et concordantes que tous les [membres du recours ont subi un préjudice personnel] » (Hôpital St-Ferdinand, par. 41, citant l’opinion du juge Nichols de la Cour d’appel). À cet égard, le demandeur doit établir un préjudice que partagent tous les membres du groupe et qui permet au tribunal d’inférer un préjudice personnel chez chacun des membres. La preuve d’un préjudice subi par le groupe lui-même, et non par ses membres, sera insuffisante, en soi, pour faire naître une telle inférence. Par contre, on n’exige pas du demandeur la preuve d’un préjudice identique subi par chacun des membres. Le fait que la conduite fautive n’ait pas affecté chacun des membres du groupe de manière identique ou avec la même intensité n’empêche pas le tribunal de conclure à la responsabilité civile du défendeur. C’est d’ailleurs la situation qui se présentait dans l’affaire Ciment du Saint-Laurent par exemple. Même si les membres du groupe en question avaient subi un préjudice d’intensité différente, notre Cour a confirmé qu’on pouvait inférer que chacun des membres avait subi un préjudice compte tenu d’éléments communs aux membres.
[55] Ce n’est qu’une fois prouvée l’existence d’un préjudice personnel chez chacun des membres du groupe que le juge s’attarde à évaluer l’étendue du préjudice et à choisir le mode de recouvrement, individuel ou collectif, approprié. À défaut de preuve d’un préjudice personnel, le recours collectif doit être rejeté. Ainsi, et contrairement à la prétention de l’appelant, la possibilité d’ordonner un recouvrement individuel des dommages-intérêts ne déleste pas le demandeur du fardeau de prouver, en premier lieu, l’existence d’un préjudice personnel chez tous les membres du groupe. En d’autres mots, le mode de recouvrement ne permet pas de suppléer à l’absence de préjudice personnel.
[Je souligne.]
[39] On peut ajouter à cela les propos suivants du professeur Lafond :
6. Absence de création de nouveaux droits - On a souvent écrit que le recours collectif est un simple moyen de procédure. Aucun droit substantiel nouveau n’est accordé. Le simple fait qu’un justiciable s’adresse au tribunal au moyen de la procédure de recours collectif n’a pas pour effet de modifier la recevabilité de son recours individuel. Si celui-ci n’est pas bien fondé en droit ou n’existe pas, la procédure collective ne pourra corriger ce vice de fond.[25]
[Renvoi omis.]
[40] De son côté, Mathieu Bouchard résume ainsi l’état de la question :
103. Le demandeur doit établir, selon la balance des probabilités, chacun des éléments constitutifs de son droit - Puisque les règles usuelles de preuve s’appliquent, le demandeur a le fardeau d’établir chacun des éléments constitutifs du droit qu’il revendique en son nom personnel et au nom des membres du groupe. Ainsi, dans une action collective en responsabilité civile, le demandeur doit prouver, selon la balance des probabilités, la faute du défendeur, le préjudice subi par chaque membre et le lien de causalité entre les deux. Les moyens de preuve à sa disposition sont ceux énoncés à l’article 2811 C.c.Q. : l’écrit, le témoignage, la présomption, l’aveu et la présentation d’un élément matériel (voir infra nos 108-111).
[…]
105. Le demandeur doit établir que les éléments constitutifs du droit revendiqué sont présents pour chacun des membres - Non seulement chaque élément constitutif du droit revendiqué doit-il être prouvé, mais pour avoir gain de cause, cette preuve doit valoir pour chacun des membres du groupe. En d’autres mots, le demandeur doit établir, selon la balance des probabilités, que chaque membre, pris individuellement, a droit aux conclusions recherchées. Comme l’écrivait la Cour suprême dans Bisaillon c. Université Concordia, « la procédure du recours collectif ne saurait justifier une action en justice lorsque, considérées individuellement, les différentes réclamations visées par le recours ne le permettraient pas ».
La difficulté de faire cette preuve varie en fonction de l’élément à prouver. Ainsi, la preuve de la faute de la partie défenderesse s’effectue habituellement comme dans n’importe quelle autre action, celle-ci revêtant rarement une dimension « collective ». Il en va autrement pour le préjudice et le lien de causalité.
106. Preuve du préjudice - Comme le rappelait la Cour d’appel dans Harmegnies c. Toyota Canada inc., « [l]e recours collectif n’est pas le moyen de punir un contrevenant à la loi, mais bien seulement d’indemniser un groupe de personnes pour des pertes réelles subies en commun » (nos italiques). Qui plus est, la possibilité d’avoir recours à la procédure de recouvrement individuel plutôt que collectif ne libère pas le représentant de son fardeau de prouver l’existence d’un préjudice qui découle de la faute du défendeur pour chacun des membres du groupe, peu importe les difficultés pratiques à cet égard. En l’absence de la preuve d’un tel préjudice, l’ensemble du recours doit être rejeté.
Ceci étant, on se doit de distinguer entre, d’une part, la preuve que chaque membre a effectivement souffert d’un préjudice et, d’autre part, l’évaluation de ce préjudice sur une base individuelle, selon son intensité ou sa gravité. En effet, si, pour avoir gain de cause, le représentant a le fardeau de prouver que chacun des membres du groupe a subi des dommages, il n’a pas à prouver le quantum de ceux-ci sur une base individuelle, ni même collective. Ainsi, la preuve de la dimension collective du préjudice est souvent faite grâce à des présomptions, c’est-à-dire qu’on extrapolera des témoignages entendus et autres éléments de preuve présentés lors de l’audience l’existence d’un préjudice similaire subi par l’ensemble du groupe, voire la valeur globale de toutes les réclamations de ses membres, même en l’absence de preuve quant à leurs valeurs individuelles. Il faut toutefois se garder de donner trop facilement à l’anecdotique une portée générale, au mépris du régime des présomptions prévu au Code civil du Québec qui doit recevoir pleine application (voir infra no 110).
[…]
107. Preuve du lien de causalité - Non seulement le représentant doit-il prouver la faute du défendeur et l’existence d’un préjudice pour chacun des membres, mais il doit aussi établir, toujours selon la balance des probabilités, que la faute en question a causé le préjudice allégué, et ce, pour chaque membre. Cette preuve peut se faire globalement, souvent par le jeu des présomptions factuelles (voir infra no 110).
En cas de causes multiples, le représentant doit prouver à la satisfaction du tribunal que la faute du défendeur est la cause effective des dommages subis par l’ensemble des membres du groupe, en totalité ou en partie. Si trop de causes sont identifiées, sans qu’il ne soit possible de lier la faute du défendeur aux dommages subis par les membres, ou encore que la faute reprochée au défendeur est trop éloignée du préjudice pour en être la cause, le recours doit être rejeté dans son entièreté. On ne doit toutefois pas confondre entre la preuve d’une causalité similaire, applicable à tous les membres, et la faute contributoire qui pourrait être reprochée à certains d’entre eux et diminuer le montant des dommages auxquels ils ont droit. Le fardeau du représentant se limite à la première, la seconde relevant du processus de réclamation individuelle (voir infra nos 154-160).[26]
[Renvois omis.]
[41] Il ressort de tout cela que le fardeau des intimés ne s’arrête pas à la démonstration de l’existence de la faute de l’appelante et de ses codéfenderesses à l’égard des membres des deux groupes, mais aussi à celles, indissociables, du préjudice et du lien de causalité, et ce, à l’égard de chacun des membres de ces groupes. Il leur incombe également de démontrer l’opportunité et la faisabilité du recouvrement collectif qu’ils exigent. Le juge de première instance devra se prononcer sur tous ces éléments, qui font partie des questions communes à résoudre en vue de statuer sur les recours, c’est-à-dire de décider s’il y a lieu d’accueillir ceux-ci ou de les rejeter, et dans le premier cas, à décider du mode de recouvrement approprié et autres déterminations accessoires.
[42] Le paragraphe 50 du jugement dont appel reconnaît d’ailleurs la chose en indiquant succinctement que :
[50] Rappelons que pour les dommages exemplaires, la nature et la portée des dommages compensatoires n’ont en général pas de pertinence. En ce qui concerne les dommages moraux, nous reconnaissons que les demandeurs ont le fardeau d’en faire la preuve et d’établir un lien de causalité avec une faute des Compagnies. Nous reconnaissons également que les Compagnies ont le droit d’essayer de contrer la preuve avancée par les demandeurs dans ce sens.
[43] Précédemment, dans son jugement du 3 mars 2009[27], le juge Riordan avait déjà reconnu que :
[17] À ce stade, les dommages réclamés se limitent à des dommages moraux et exemplaires, les demandeurs recherchant le recouvrement collectif pour les deux, tel que prévu par le jugement d’autorisation. L’art. 1005(b) du Code de procédure civile enseigne qu’un tel jugement « identifie les principales questions qui seront traitées collectivement et les conclusions recherchées qui s’y rattachent » (Le Tribunal souligne). Cela soulève donc la question à savoir si les dommages pour lesquels le recouvrement collectif est recherché font partie des « questions de droit ou de fait traitées collectivement » aux fins de l’article 1019.
[18] Du moins dans le présent cas, une réponse affirmative s’impose. Le Tribunal pourrait avoir à se prononcer sur ces dommages dans le jugement final dans le cadre d’un possible recouvrement collectif. Comment donc en conclure autrement que d’inclure ce sujet comme une des « principales questions » à être traitées collectivement?
[Sauf indication contraire, je souligne.]
[44] Puis, après avoir parlé des dommages punitifs, le juge ajoute :
[21] Quant aux dommages moraux, par contre, le fardeau d’en faire la preuve de l’existence et d’établir un lien de causalité incombe concrètement aux demandeurs.
[Je souligne.]
[45] Dans un autre jugement décidant cette fois des requêtes en rejet d’action présentées par l’appelante et ses codéfenderesses après la clôture de la preuve des intimés[28], le juge Riordan n’a pas statué autrement, évoquant la possibilité d’évaluer la causalité entre faute et préjudice à la lumière de l’idée de présomption avalisée par la jurisprudence, notamment dans les arrêts Bou Malhab[29] et Montréal (Ville de) c. Biondi[30].
[46] Bref, la double question de l’existence du préjudice (même seulement moral) et du lien de causalité entre celui-ci et l’une ou l’autre des fautes alléguées fait donc partie intégrante des questions à résoudre par le juge du fond, qui devra en outre, le cas échéant (c’est-à-dire s’il conclut à responsabilité civile), se poser la question du type de recouvrement (collectif ou individuel) qu’il ordonnera au chapitre des dommages et prononcer les ordonnances appropriées à ce propos.
[47] Cela étant, qu’en est-il de l’application de ces principes à la présente affaire?
[48] Pour se décharger de leur fardeau de preuve en ce qui concerne le préjudice et la causalité, les intimés ont choisi le moyen d’une preuve essentiellement experte, statistique et épidémiologique. Ils estiment que ce mode de preuve permettra au juge de tirer une inférence suffisante (c’est-à-dire prépondérante) de préjudice et de causalité (ce que confirme d’ailleurs l’article 15 de la Loi sur le recouvrement du coût des soins de santé et des dommages-intérêts liés au tabac[31], disposition applicable aux deux recours de l’espèce en vertu des articles 24 et 25 de ladite loi), tout en établissant suffisamment les conditions propices à une ordonnance de recouvrement collectif (art. 1031 C.p.c.). Cela étant, ni les représentants ni aucun des membres des deux groupes n’ont été entendus en demande, lors du procès.
[49] L’appelante, on le sait, souhaite maintenant assigner certains membres, outre l’intimée Létourneau elle-même et les ayants droit de l’intimé Blais (ce dernier étant en effet décédé). Comme on l’a vu, elle entend les interroger notamment sur les sujets suivants, et ce, afin d’établir, d’une part, l’absence de lien causal entre la faute (s’il en est) et le dommage et, d’autre part, démontrer que les situations de chaque membre du groupe sont si différentes qu’un recouvrement collectif n’est pas approprié :
(i) The class members knowledge of the risks and dangers of smoking (Blais’ proceedings) or the addictive nature of smoking (Létourneau’s proceedings) before they started smoking and chose to smoke nonetheless (causation);
(ii) Whether the class members in fact suffer from one of the qualifying illnesses states or from addiction (causation);
(iii) Whether some class members have any number of confounding factors in their medical history (causation);
(iv) The negative impacts resulting from the disease or addiction (damages).[32]
[50] Il s’agit pour elle d’établir les assises factuelles des propositions suivantes : les fautes qu’on lui reproche n’ont pas causé de préjudice, les membres du groupe ont contribué à ce préjudice, leur conduite constitue une sorte de novus actus interveniens, il n’y a pas lieu d’accorder de dommages moraux, le recouvrement collectif n’est pas ici un mode de réparation opportun.
[51] Le juge d'instance a permis à l’appelante de procéder à l’interrogatoire de membres des deux groupes. L’appelante voudrait cependant avoir à sa disposition et, potentiellement, produire les dossiers médicaux[33] des représentants ainsi que ceux des membres qu’elle entend interroger. Y a-t-elle droit?
[52] Sur le plan des principes, soulignons d’abord que ce n’est certainement pas parce que les intimés ont choisi la voie de la preuve experte, statistique et épidémiologique, à l’exclusion d’une preuve portant sur des cas individuels (dont ceux des représentants), qu’on doit forcer l’appelante à faire de même. Celle-ci veut justement contester la preuve des intimés en lui opposant non seulement une preuve experte, statistique et épidémiologique, quant au préjudice et à la cause, mais également une preuve individuelle. Celle-ci paraît également destinée à servir de contrepoids à la preuve des intimés au sujet de la faute, en mettant l’accent sur le libre arbitre des fumeurs, ainsi qu’à établir l’inopportunité d’une ordonnance de recouvrement collectif à cause de la disparité des causes et des dommages, s’il en est.
[53] Conformément à l’article 4.1 C.p.c., qui s’applique aux recours collectifs en tenant compte des particularités de ceux-ci, les intimés sont maîtres de leur dossier et libres de leurs stratégies et de leurs moyens de preuve. L’appelante, cependant, a la même liberté, s’agissant pour elle de réfuter la preuve des intimés et d’exercer son droit à une défense pleine et entière. Bref, si l’appelante doit être restreinte dans le choix de ses moyens de preuve ou dans la portée de ceux-ci, ce ne peut être en raison des choix effectués à cet égard par les intimés, ni d'ailleurs, on peut le signaler, en raison de l'article 15 de la Loi sur le recouvrement du coût des soins de santé et des dommages-intérêts liés au tabac. Cette disposition n'empêche pas la partie défenderesse de combattre par les moyens qu'elle estime nécessaires la présomption que le juge est autorisé à tirer de la preuve statistique, épidémiologique, etc.
[54] Par ailleurs, on sait que le même article 4.1 C.p.c. investit le juge de la mission de veiller « au bon déroulement de l’instance » et d’en assurer « la saine gestion », le tout dans le souci de la proportionnalité dictée par l’article 4.2 C.p.c., disposition également applicable aux recours collectifs[34]. Je serais portée à dire ici que, vu l’ampleur, à tous égards, des recours en cause, la proportionnalité commande des moyens considérables et commande aussi qu’une grande latitude soit laissée aux parties, incluant l’appelante. Cela dit, la mission confiée au juge de veiller au bon déroulement de l’instance s’exerce non seulement dans le cadre défini par les articles 4.1 et 4.2 C.p.c., mais aussi dans le cadre des règles générales prévues par le Code civil au chapitre de la preuve, et principalement en fonction de la règle cardinale qu’énonce l’article 2857 C.c.Q.:
2857. La preuve de tout fait pertinent au litige est recevable et peut être faite par tous moyens. |
2857. All evidence of any fact relevant to a dispute is admissible and may be presented by any means. |
[55] Inutile d’insister sur le fait que non seulement la preuve de tout fait pertinent est recevable, mais que seule la preuve d’un fait pertinent est recevable (sous réserve de l’article 2859 C.c.Q., qui n’est pas en cause ici). La preuve de tout fait qui n’est pas pertinent doit être rejetée. Réciproquement, la preuve tendant à contredire un fait pertinent ou à en réfuter l’existence est elle-même pertinente et doit être reçue.
[56] En l’espèce, la preuve relative à la faute, mais aussi au préjudice, au lien de causalité (ou à l’absence de l’un ou l’autre de ces trois éléments) est a priori pertinente aux questions en jeu et aux moyens de défense de l’appelante.
[57] Avec égards, j’estime donc que le juge aurait dû permettre à l’appelante d’interroger l’intimée Létourneau, représentante de l’un des groupes, à propos de son état de santé, dossier médical à l’appui (dossier médical limité à ce qui se rapporte à sa condition de fumeuse et à la dépendance qu’elle allègue dans sa procédure introductive d’instance, ainsi que le précise le subpoena signifié par l’appelante[35]) et du préjudice moral qui en découlerait. Sans doute est-il exact de dire que la preuve relative au cas particulier de Mme Létourneau n’est pas nécessairement extrapolable à l’ensemble des membres du groupe (surtout qu’il s’agit d’un dommage moral)[36], sans doute est-il exact de dire, à l’inverse, que si sa réclamation, sur une base individuelle, est rejetée, cela ne signifiera pas nécessairement le rejet du recours collectif[37]. Il demeure que, dans son cas, la preuve médicale que souhaite administrer l’appelante est pertinente en ce qu’elle se rattache directement aux nombreuses allégations de la requête introductive d’instance, qui fait grand état de la santé de Mme Létourneau et de son état de dépendance envers la cigarette. On ne peut pas juger sans pertinence ce qui se rapporte aux allégations de l’action (c’est d’ailleurs le critère premier reconnu en cette matière par la Cour suprême[38]), y compris quand il s’agit de s’en défendre ou de les réfuter. Enfin, en vertu des principes reconnus en la matière[39], Mme Létourneau ne peut pas, au nom d’une vie privée qu’elle expose dans sa procédure ou en invoquant le caractère confidentiel de son dossier médical[40], refuser de répondre à des questions sur son état de santé ou son dossier médical, dossier qui peut lui-même être produit (le tout dans la mesure indiquée plus haut).
[58] Il en irait de même, et pour les mêmes raisons, de M. Blais, représentant du second groupe, dans l’autre recours, s’il n’était décédé. Toutefois, ses ayants droit ou autre personne ayant connaissance de la chose, peuvent, en ses lieu et place, être tenus de produire le dossier médical se rattachant à sa condition de fumeur et aux effets de celle-ci sur sa santé, tel que décrit par le subpoena que leur a signifié l’appelante[41], ainsi que de répondre aux questions de celle-ci à ce propos.
[59] Lors de l'audience d'appel, l'avocat de M. Blais et du Conseil québécois sur le tabac et la santé a d'ailleurs indiqué qu'il ne s'opposait pas à ce que les représentants soient ainsi interrogés (on comprend que ce ne sera pas M. Blais lui-même, vu son décès), y compris sur leurs dossiers médicaux respectifs, et qu'il ne s'opposait pas non plus à la production de ceux-ci. L'avocat de Mme Létourneau a été moins affirmatif. Quoi qu'il en soit, on notera que l'appelante a déjà en main les dossiers médicaux de M. Blais et de Mme Létourneau, qu'elle les a déjà questionnés à ce propos (au stade préalable) et qu'elle a même obtenu une contre-expertise dans le cas de M. Blais[42]. Dans ces circonstances, il paraît normal et conséquent de permettre et l'interrogatoire et la production de ces renseignements, dont le juge aura de toute façon besoin pour statuer sur les cas particuliers de Mme Létourneau et de M. Blais (même si cela n’emporte pas nécessairement une conclusion identique à l’égard des autres membres du groupe).
[60] Qu’en est-il maintenant des membres (autres que les représentants) que l’appelante veut interroger (ainsi que le juge de première instance l’a permis) et dont elle souhaiterait obtenir également les dossiers médicaux?
[61] Il va sans dire que, sauf à enfreindre l’intention législative qui sous-tend le recours collectif et à dénaturer celui-ci, on ne peut envisager de faire témoigner la totalité des membres, ni même un nombre important de ceux-ci, ce qui ne serait de toute façon pas réalisable pratiquement. Cela dit, on sait qu’il n’est pas rare, précisément parce qu’on veut étayer la preuve dans un sens ou dans l’autre, qu’on fasse entendre certains des membres du groupe (ce fut notamment le cas, par exemple, dans les affaires Bou Malhab, Biondi ou Fédération des médecins spécialistes du Québec c. Conseil pour la protection des malades[43]). L’on sait aussi que cela a été permis en l’occurrence par le juge Riordan.
[62] Par conséquent, vu cette autorisation, on serait à première vue tenté de transposer à la présente affaire le raisonnement tenu par la Cour, sous la plume du juge Vézina, dans Société des loteries du Québec c. Brochu[44]. Cette affaire porte sur les articles 397 et 1019 C.p.c., mais les propos suivants n’en sont pas moins applicables au stade du procès, comme en l’espèce :
[34] C’est le moyen retenu par le juge : « [L]es membres du groupe [― simples témoins à cette étape ―] ne peuvent pas avoir renoncé implicitement à la confidentialité de leurs dossiers médicaux au sens de l’arrêt Glegg ».
[35] C’est la renonciation présumée qui pose problème.
[36] Il ne fait pas de doute que chaque membre, s’il était personnellement demandeur dans une action ordinaire, serait obligé de donner accès à ses dossiers médicaux puisque l’action mettrait en cause sa santé psychologique.
[37] Peut-on conclure de la même façon pour un demandeur, membre du groupe? À mon avis, oui.
[38] L’intimé objecte d’abord la discrimination :
Au surplus, le fait de considérer que les membres interrogés ont renoncé à la confidentialité de leurs dossiers médicaux reviendrait à conclure que ces derniers, en se manifestant auprès des procureurs du représentant, ce qu’ils n’avaient aucune obligation de faire afin de bénéficier du recours collectif, se sont en fait préjudiciés. Puisque le C.p.c. ne fait aucune distinction de statut entre les membres s’étant identifiés et ceux ne l’ayant pas fait, il serait injuste de traiter les uns différemment des autres.
[39] Il faut revenir au jugement d’autorisation de l’interrogatoire préalable pour bien saisir l’argument. Dans un « bref historique » le juge rappelle l’existence d’une liste de 148 membres connus, produite avec la requête pour l’autorisation de poursuivre, et aussi celle d’une seconde liste de membres qui se sont fait connaître par la suite, puis il décide :
[50] Ainsi, pour chacune des deux listes, le Tribunal pigera au hasard 15 noms. Il remettra aux procureurs des parties la liste de ces 15 noms et les documents qu’il jugera pertinents pour l’interrogatoire et qui concernent ces personnes. […]
[40] À l’audience l’intimé a développé son argument. Il y a des milliers de joueurs compulsifs. Seuls les 20 interrogés devront étaler leurs dossiers médicaux personnels dès à présent alors que les autres n’auront à le faire qu’à l’étape suivante celle des réclamations individuelles, le cas échéant. L’intimé y voit de la discrimination, ce n’est pas le cas.
[41] Il est vrai que, si l’action réussit, la plupart des membres bénéficieront d’une indemnité sans subir d’interrogatoire, alors que quelques-uns, pour un même bénéfice, devront s’y soumettre. Cet effet est causé par le grand nombre de membres inhérent à toute action collective et ne suffit pas à écarter la disposition expresse de l’article 1019 C.p.c. qui permet l’interrogatoire - et même l’examen médical - de quelques-uns d’entre eux. Notons d’ailleurs que ce n’est pas l’appelante qui a choisi ceux et celles qui seraient interrogés mais bien le juge, en tirant au sort pour assurer un échantillonnage valable.
[42] L’autre aspect, plus délicat, est celui de la renonciation présumée. Voici comment l’intimé présente son point :
L’intimé soumet qu’il est impossible de présumer qu’un membre a renoncé à ses droits fondamentaux au respect du secret professionnel et de la vie privée sur la base d’allégations sur lesquelles il n’a aucun contrôle et à la rédaction desquelles il n’a d’aucune façon participé.
D’ailleurs, l’appelante mentionne dans son exposé que l’intimé, même sans les interrogatoires préalables, aurait tout de même dû déposer les dossiers demandés afin de faire sa preuve, « renonçant nécessairement, pour ce faire, au secret ou aux droits qui protègent la vie privée ». Encore une fois, il ne peut être soutenu que l’intimé a le pouvoir de renoncer à des droits fondamentaux qui appartiennent en propre à chacun des individus qui en bénéficient.
L’appelante prétend que la renonciation s’infère des gestes d’une personne, ce avec quoi l’intimé est d’accord. Elle ajoute toutefois : « En l’espèce, en demeurant membre du recours collectif et en acceptant d’être liées par le jugement à venir, les personnes interrogées consentaient à ce que leur dossier médical soit éventuellement divulgué. ». Avec égards, ce à quoi l’appelante fait référence est l’omission de ces personnes de s’exclure du recours en temps utile et non un quelconque geste que ces personnes auraient posé. Accepter une telle prétention reviendrait à dire qu’une personne qui n’aurait pris connaissance du recours qu’une fois le délai d’exclusion expiré, ce qui est fort probablement le cas de la majorité des personnes dont le nom se retrouve sur la seconde liste, pourrait être présumée avoir renoncé à un droit fondamental et ce, sans même en avoir conscience […].
[43] Je suis d’accord que le représentant ne peut renoncer au droit de chaque membre à sa vie privée, seul l’intéressé peut le faire.
[44] Le juge de première instance s’est soucié de ce droit des membres-témoins en prévoyant expressément que les 20 soient avisés préalablement « de leur droit d’être assisté par les procureurs [du représentant] ». Le demandeur interrogé dans une action ordinaire bénéficie bien de l’assistance de son avocat.
[45] Revenons à la procédure ordinaire. Le demandeur qui met en jeu sa santé renonce implicitement à la confidentialité de son dossier médical. Toutefois si la défense exige son dossier, il lui reste la possibilité de se désister de son action et de renoncer à sa réclamation. Au lendemain de l’arrêt de la Cour suprême du Canada, Mme Glegg pouvait encore, pour protéger sa vie privée, refuser la communication de son dossier psychiatrique mais alors elle devait renoncer à sa poursuite en justice et à toute indemnité éventuelle.
[46] À mon avis, la situation est la même pour chaque membre-demandeur de qui l’appelante exige la production de son dossier médical. Il doit décider s’il accepte de le fournir et donc de bénéficier éventuellement d’une indemnité personnelle ou s’il y renonce pour conserver son dossier secret et ainsi protéger sa vie privée.
[47] De même, l’un ou l’autre des 20 membres désignés pouvait refuser de se soumettre à l’interrogatoire, auquel cas son refus lui aurait fait perdre le bénéfice escompté de l’action collective tout comme le demandeur ordinaire qui refuse de se soumettre à un interrogatoire verra son action rejetée (art. 75.1).
[48] Il ne s’agit pas ici du droit d’un membre de s’exclure du groupe pour conserver un recours personnel par le jeu des articles 1006, 1007 et 1008 mais bien d’une renonciation à toute réclamation, individuelle ou collective, contre l’appelante.
[49] Imaginons la situation d’un joueur compulsif qui, grâce à l’aide d’un psychiatre, a réussi à se reprendre en main. Ajoutons que cette personne, incluse dans le groupe visé par l’action collective, n’en a jamais entendu parler, n’a jamais remarqué les « avis aux membres ». Quelle surprise lorsqu’elle reçoit un subpoena avec ordre d’apporter son dossier médical. Il est certain que cette personne n’a jamais renoncé au droit à sa vie privée et à la confidentialité de son dossier médical. Le fait qu’un « représentant », qu’elle ne connaît pas et dont elle ignorait jusque-là l’existence, ait décidé d’agir en justice à son bénéfice ne lui fait certainement pas perdre ses droits. Toutefois, à compter de la réception du subpoena, elle devra choisir ou de garder confidentielle sa situation ou de bénéficier de l’action collective. Si elle se prête à l’interrogatoire, elle participe donc activement à l’action collective et on pourra en déduire sa renonciation à la confidentialité de son dossier.
[50] Dans le présent cas l’option est toujours ouverte pour les 20 personnes visées bien que leur situation ne corresponde pas exactement à l’hypothèse précédente car elles ont déjà communiqué avec le représentant pour appuyer l’action collective. De plus, il n’est pas clair si l’opposition à la production des dossiers médicaux provient des membres interrogés ou du représentant lui-même puisque l’avocat de ce dernier « assistait » les premiers.
[51] Dans le même sens, il sera toujours loisible à un joueur compulsif de conserver un anonymat protecteur en ne produisant pas de réclamation individuelle après un jugement favorable.
[52] Certes la procédure pour une telle renonciation par un membre n’est pas expressément prévue mais on peut y suppléer (art. 20). Une difficulté de procédure ne peut faire perdre la protection d’un droit garanti par les chartes.
[53] Vu la pertinence des documents exigés des membres interrogés et la possibilité pour eux de protéger leur vie privée, l’opposition de l’intimé doit être rejetée.
[Renvois omis; je souligne.]
[63] Cette affaire présente des similarités avec la nôtre et l’on peut conclure ici comme là que les dossiers médicaux des membres qui seront interrogés sont, à première vue, pertinents au débat sur le fond, puisque la dépendance des uns ou les ennuis de santé des autres sont un aspect de leur condition médicale (dépendance au jeu dans Brochu, dépendance à la cigarette en l’espèce). On pourrait donc être enclin à statuer de la même façon et opter pour la même solution.
[64] Le respect de la discrétion judiciaire, toutefois, fait ici obstacle à cette conclusion.
[65] Dans Précis de la preuve, le professeur Ducharme écrit ceci :
796. La règle de la pertinence comporte, comme deuxième conséquence, le droit, en principe, de tout plaideur de prouver l’existence ou la non-existence de tout fait pertinent et de produire à cette fin tout élément de preuve. Même si l’article 2857 C.c.Q. n’en fait pas mention, ce droit à la preuve comporte des exceptions. Ces exceptions sont de deux ordres : les premières résultent d’une disposition de la loi et les autres relèvent de la discrétion judiciaire. Les exceptions légales ne posent pas de difficultés. Toute disposition qui a pour objet de déclarer irrecevable une preuve quelconque crée, par le fait même, une exception au principe énoncé à l’article 2857 C.c.Q., selon lequel la preuve de tout fait pertinent au litige est recevable.
797. Les exceptions relevant de la discrétion judiciaire présentent plus de difficultés. En vertu du Code civil du Bas Canada, nos tribunaux considéraient qu’ils avaient discrétion pour déclarer irrecevable la preuve d’un fait pertinent dont l’importance paraissait minime, si cette preuve était susceptible d’entraîner la confusion ou de causer un préjudice grave à la partie adverse. L’Office de révision du Code civil avait proposé que soit reconnu par une disposition expresse ce pouvoir discrétionnaire du tribunal. L’Avant-projet de loi portant réforme au Code civil du droit de la preuve et de la prescription et du droit international privé comportait un article donnant effet à cette recommandation. Il s’agissait de l’article 3041 qui s’énonçait ainsi :
3041. Le tribunal peut déclarer irrecevable un élément de preuve dont l’importance paraît minime et négligeable par rapport à la question principale en litige, si cette preuve est susceptible d’entraîner la confusion ou de causer un préjudice grave à la partie adverse.
798. Cette disposition a été écartée du projet de Code civil à cause des commentaires défavorables qu’elle aurait suscités. Certains auraient fait valoir qu’elle était susceptible de soulever plus de difficultés qu’elle n’en résoudrait.
799. Même en l’absence de toute reconnaissance expresse, nous considérons que le pouvoir discrétionnaire du tribunal d’exclure une preuve dont la pertinence paraît minime n’en subsiste pas moins. Le cas le plus évident où la discrétion judiciaire devra pouvoir continuer de s’exercer pour exclure une preuve dont la pertinence paraît minime concerne la preuve de caractère. En vertu du droit antérieur, il était bien établi qu’un demandeur ne pouvait pas invoquer le caractère négligent du défendeur afin de démontrer que celui-ci avait commis l’acte qu’il lui reprochait. S’il s’agissait, par exemple, de démontrer qu’un médecin vétérinaire avait manqué de diligence dans les soins qu’il avait prodigués à un animal, il n’était pas permis de chercher à établir ce fait en démontrant que ce vétérinaire avait fait preuve de négligence en d’autres occasions. En vertu du Code civil du Québec, il y va de l’intérêt de l’administration de la justice que le tribunal ait discrétion d’exclure une telle preuve, vu sa faible valeur probatoire au regard du préjudice qu’elle est susceptible de causer à la partie adverse.[45]
[Renvois omis.]
[66] Les professeurs Royer et Lavallée opinent dans le même sens, tout en invitant les tribunaux à la prudence :
980 - Droit civil - En droit civil, le tribunal peut écarter une preuve ayant une faible valeur probante et dont l’admissibilité est susceptible de prolonger inutilement le procès, d’entraîner la confusion des questions en litige, ou de porter inutilement préjudice à une partie, à un témoin ou à un tiers. Ainsi, un tribunal peut parfois empêcher un plaideur de faire une preuve très longue et de faible valeur probante ou de tenter de prouver des propos calomnieux ou diffamatoires, des renseignements confidentiels ou des faits susceptibles de prendre la partie adverse par surprise de façon déloyale. Par ailleurs, les tribunaux admettent aujourd’hui la preuve d’une décision pénale, disciplinaire ou administrative dans un procès civil, mais refusent celle d’une condamnation civile dans un procès pénal.
L’utilisation du critère de la faible valeur probante d’une preuve pour la rejeter comporte des dangers. Le juge, qui exclut une preuve parce qu’il croit a priori qu’elle n’a pas suffisamment de force, peut empêcher un plaideur d’établir son droit. Aussi, comme en droit criminel, la jurisprudence en droit civil a parfois distingué le lien de connexité d’un élément de preuve et sa valeur probante.
981 - Procédures préalables - La discrétion du tribunal d’exclure une preuve pour des motifs d’absence de pertinence est plus difficile à exercer au stade préliminaire de la procédure. Aussi, la notion de pertinence doit être appliquée avec plus de prudence et de souplesse lors des procédures antérieures à l’enquête. À ce stade, le tribunal doit favoriser la divulgation la plus complète possible de la preuve. […][46]
[Renvois omis.]
[67] En l’espèce, le juge d'instance - l’on est maintenant loin des préalables et autres préliminaires - a décidé que les dossiers médicaux des membres n’étaient pas pertinents à la résolution du litige. Il écrit ceci dans le jugement dont appel :
[39] Dans notre jugement du 3 mars 2009 [renvoi omis], nous avons analysé le même problème dans le cadre de la tenue d’interrogatoires préalables dans les termes suivants :
[29] La taille des groupes rend impraticables les autres méthodes de preuve. En fait, en matière de recours collectifs, l’utilité de témoignages individuels des membres, même relativement aux questions communes, sera en général inversement proportionnelle au nombre de personnes composant le groupe. Ainsi, les témoignages d’un échantillon d’individus sur l’existence de dommages moraux et le lien de causalité n’auraient pas la force probante adéquate envers le groupe entier pour satisfaire au test de la balance des probabilités.
[40] Rien depuis ne nous amène à changer d’idée. Au contraire, le Jugement Wagner appuie la même logique en notant que les questions communes « s’élèvent au-dessus de la personnalité individuelle des membres ».
[41] Devant des groupes d’une telle envergure, à moins qu’il soit réaliste d’obtenir une preuve qui rapporte une réalité propre à la totalité, ou presque, du groupe ou d’un sous-groupe approprié, il n’y a pas d’utilité à interroger un membre - ou même une cinquantaine de membres - avant le jugement final sur les questions communes. C’est d’ailleurs le principe qu’exprime l’article 1019 C.p.c. en référant à un examen médical et le Jugement Wagner confirme que le même raisonnement s’applique à l’accès au dossier médical [renvoi omis].
[42] Dans le présent cas, nous ne croyons pas qu’il soit réaliste d’obtenir une preuve dans les dossiers médicaux des membres qui corresponde à la situation générale des membres d’un des groupes ou d’un sous-groupe ou qui serait utile à l’adjudication des questions communes. Nous rejetons donc cet argument.
[68] S’agissant de l’opportunité du recouvrement collectif, le juge ajoute :
[49] Deuxièmement, la difficulté qu’engendre cet argument, et les autres d’ailleurs, est la taille des groupes, qui rend l’analyse des cas individuels inutile et non pertinente. L’affirmation par ITL que « evidence as to the nature and extent of this injury - including its application to all class members - will be relevant to determining whether collective recovery is appropriate » n’exclut pas le fait que dans certains cas, tels ceux-ci, cette preuve doit être obtenue - ou réfutée - autrement que par l’examen des cas individuels des membres.
[50] Rappelons que pour les dommages exemplaires, la nature et la portée des dommages compensatoires n’ont en général pas de pertinence. En ce qui concerne les dommages moraux, nous reconnaissons que les demandeurs ont le fardeau d’en faire la preuve et d’établir un lien de causalité avec une faute des Compagnies. Nous reconnaissons également que les Compagnies ont le droit d’essayer de contrer la preuve avancée par les demandeurs dans ce sens.
[51] Soit, mais cela n’élimine pas l’application des règles ordinaires quant à l’admissibilité de la preuve, notamment celles relatives à la pertinence.
[52] Rappelons la nature des dommages moraux réclamés dans les deux dossiers. Dans Létourneau, les demandeurs les définissent comme étant :
a. la perte d’estime de soi résultant de l’incapacité de briser la dépendance à la nicotine;
b. l’humiliation résultant des échecs subis aux tentatives d’arrêter de fumer;
c. la réprobation sociale dont souffre tout fumeur, plus
d. le fait d’être obligé d’acheter un produit coûteux et toxique.
Dans Blais c’est :
a. la perte de jouissance de la vie;
b. les souffrances et douleurs physiques et morales;
c. la diminution de l’espérance de vie;
d. les troubles, ennuis et inconvénients subis après avoir été diagnostiqué de l’une ou de l’autre des maladies visées par l’action.
[53] Même si dans le dossier Létourneau un lien médical apparent avec les dommages moraux réclamés semble marginal, dans le dossier Blais deux des items comportent plus facilement un aspect médical, soit « les souffrances et douleurs physiques » et « la diminution de l’espérance de vie ». Il faut donc se demander si l’étude des dossiers médicaux d’une petite fraction du groupe, même en présumant que ces dossiers contiennent de l’information pertinente à la réclamation collective, éclairerait le Tribunal sur la présence et la magnitude de tels dommages à travers le groupe entier ou à travers un sous-groupe approprié.
[54] Le Tribunal ne le croit pas.
[55] Dans notre jugement du 11 juillet 2011 [renvoi omis], confirmé par le Jugement Wagner, nous avons exprimé notre conviction que le fait d’apprendre « specific medical facts about a few dozen class members » n’a aucune utilité à ce stade et s’avère donc non pertinent. Nous maintenons toujours cette conviction.
[69] Il conclut finalement, sur la question de la pertinence :
[58] ITL répète ses critiques quant à l’absence d’une vue individualisée de l’effet des fautes alléguées dans les questions communes. Nous avons déjà expliqué notre position à cet égard et, pour ces raisons, nous rejetons ce dernier argument.
[70] Ces motifs sont analogues à ceux qui fondaient le jugement antérieur du même juge, en date du 11 juillet 2012[47], confirmé par l’arrêt de notre Cour en 2012[48]. Dans ce jugement qui décide d’arguments similaires de l’appelante, on lit ainsi que :
[21] The Companies have often expressed their desire to access the medical records of class members. That request has been frustrated until now, given that the Court has not permitted access to class members by the Companies. Since ITL has indicated that it intends to call a number of class members to testify at trial, and that it wishes to examine their medical records, it is time to decide that issue.
[…]
[23] These allegations assume that the state of health, or the past state of health, of a limited number of class members is relevant for the trial on the collective questions. The Court is convinced otherwise.
[24] Our earlier judgments refusing pre-trial discovery were based to a large extent on article 1019 C.C.P. It was pivotal on the question of discovery and it is also useful as an indication as to what is truly relevant at the trial stage of a class action. It reads:
1019. A party cannot, before the final judgment, submit a member other than a representative or an intervener to an examination on discovery or a medical examination unless the court considers the examination on discovery or the medical examination useful to the adjudication of the questions of law or fact dealt with collectively.
[25] Admittedly, it speaks of submission to a medical examination, and ITL is not requesting exactly that. Nevertheless, this provision provides useful guidance with respect to the current request. It gives a clear indication that, prima facie, the medical condition of individual class members is relevant especially at the stage of the individual claims and not for purposes of the collective issues, unless the court considers such information to be useful to the adjudication at trial.
[26] This Court does not see how such information could be relevant or useful at trial. The classes here number in the millions in the Létourneau case and around 50,000 in the Blais file. What possible use can there be to learning specific medical facts about a few dozen class members, or even the 150 that ITL wishes to call to testify? It is simply not relevant at this stage.
[Je souligne.]
[71] Comme on le constate à la lecture de tous ces motifs, c’est le pouvoir discrétionnaire dont parlent les professeurs Ducharme, Royer et Lavallée que le juge Rordan a exercé en statuant que la valeur probante des dossiers médicaux que souhaite produire l’appelante (ou sur lesquels elle se réserve le droit d’interroger les membres qu’elle assignera) est si faible, vu la taille gigantesque des deux groupes, qu’il n’est pas opportun de la permettre, même s’ils étaient techniquement pertinents aux questions de préjudice, de causalité et de recouvrement collectif. De l’avis du juge, aucune inférence concluante (ou même simplement utile), dans un sens ou dans l’autre, ne pourrait être tirée d’une telle preuve, qui ne concernera qu’un nombre limité de personnes, dont aucune n’est plus représentative du groupe que les autres et dont l’ensemble ne l’est pas davantage.
[72] Considérant le dossier, la nature des procédures et le contexte, cette détermination n’est pas déraisonnable et n’enfreint pas le droit de l’appelante à une défense pleine et entière.
[73] On pourrait s’étonner, bien sûr, que le juge interdise la production ou l’utilisation de dossiers médicaux d’individus qu’il permet par ailleurs à l’appelante d’interroger. N’y a-t-il pas là contradiction? À première vue, en effet, lorsqu’on considère les motifs du jugement dont appel, on pourrait se demander pourquoi il a autorisé, en défense, l’interrogatoire de membres dont la situation personnelle n’est pas particulièrement significative et dont le témoignage pourrait avoir l’effet d’une goutte d’eau dans l’océan. S’il avait refusé de tels interrogatoires, il n’aurait évidemment pas été question de produire les dossiers médicaux sur lesquels l’appelante désire mettre la main. Mais le fait est qu’il a autorisé l’appelante à faire témoigner certains membres au soutien de sa défense. On sait que l’appelante a l’intention de les questionner sur des sujets tels leur état de santé, leur prétendue dépendance à la cigarette, les raisons de celle-ci, les efforts qu’ils ont ou n’ont pas fait pour se libérer de celle-ci, les informations ou traitements qu’ils ont pu recevoir ou requérir à ce propos, leurs connaissances sur la nocivité du tabagisme, la présence d’autres carcinogènes que le tabac dans leur environnement[49], le dommage moral ou autre qui serait le leur, etc. À partir du moment où l’appelante est autorisée à procéder à ces interrogatoires, l’accès aux dossiers médicaux de ces personnes n’est-il pas l’accessoire en quelque sorte naturel de ce type de questionnement?
[74] La réponse, là encore, relève justement de la discrétion du juge d'instance, qui connaît bien le dossier pour l’avoir géré depuis plusieurs années et qui a entendu la preuve en demande (ainsi qu’une partie de celle de la défense). Le juge procède à un arbitrage pratique : les droits de la défense, décide-t-il, seront suffisamment assurés par l’interrogatoire d’un certain nombre de membres, malgré la valeur probante potentiellement faible de ce moyen de preuve, mais ne requièrent pas que l’investigation se poursuive jusque dans les dossiers médicaux des témoins (sauf les représentants, pour les raisons déjà exprimées), ce qui alourdirait inutilement un processus déjà fort laborieux.
[75] J’ajoute que, vu la nature des questions que souhaite poser l’appelante, on se demande en effet ce qui, dans les dossiers médicaux, pourrait lui permettre d’obtenir des renseignements qu’elle ne pourrait pas obtenir au moyen du seul interrogatoire des témoins qu’elle entend appeler à la barre. Le droit à une défense pleine et entière ne signifie assurément pas qu’une partie puisse, sans limite aucune, recourir à sa seule guise à tous les éléments de preuve, même les plus minimes, qu’elle estime nécessaire, utile, commode ou simplement prudent de produire afin d’assurer le respect de ses droits. Le droit de se défendre pleinement n’emporte pas que l’on puisse faire fi des réalités pratiques du système judiciaire et de la bonne marche d’un procès qui ne peut pas se poursuivre indéfiniment.
[76] Bref, j’estime que le juge a tranché d’une manière respectueuse de l’article 2857 C.c.Q., mais aussi de l’article 1045 C.p.c. :
1045. Le tribunal peut, en tout temps au cours de la procédure relative à un recours collectif, prescrire des mesures susceptibles d’accélérer son déroulement et de simplifier la preuve si elles ne portent pas préjudice à une partie ou aux membres; il peut également ordonner la publication d’un avis aux membres lorsqu’il l’estime nécessaire pour la préservation de leurs droits. |
1045. The court may, at any stage of the proceedings in a class action, prescribe measures designed to hasten their progress and to simplify the proof, if they do not prejudice a party or the members; it may also order the publication of a notice to the members when it considers it necessary for the preservation of their rights. |
[Je souligne.]
[77] Vu l’absence d’erreur manifeste et déterminante et vu la déférence due aux conclusions factuelles (dont celles qui concernent la pertinence[50]) et discrétionnaires du juge d'instance, il y a donc lieu de confirmer le jugement dont appel en ce qui concerne les dossiers médicaux des membres qu’interrogera l’appelante.
* *
[78] Avant de conclure, je me permettrai une dernière observation.
[79] Le pourvoi s'inscrit dans le cadre d'une affaire qui occupe les tribunaux depuis 1998, donne lieu depuis ce temps à un déploiement peu commun de moyens, d’un côté comme de l’autre, et monopolise un juge de la Cour supérieure depuis de nombreuses années, sans parler des visites des parties à la Cour, visites qui ont régulièrement - et, souvent, assez inutilement - ponctué l’instance. Le système judiciaire, on ne peut que le constater, peine à absorber un dossier d'une telle ampleur.
[80] Le débat, certes, est important et n’a pas à être traité à la légère. Il exemplifie pourtant à la perfection les risques et les difficultés liés à la tentative de résoudre sur un plan purement juridique ce que l’appelante décrit assez justement dans sa défense comme un « complex social phenomenon »[51].
[81] Dans pareil contexte, tout en s’assurant que les règles fondamentales de l’action en justice soient respectées, et, au premier chef, le droit de chacun à faire valoir sa cause, il demeure que les décisions du juge qui gère le dossier et préside le procès méritent un respect tout particulier.
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[82] Pour ces raisons, je recommande d’accueillir l’appel, pour partie seulement, et de permettre à l’appelante d’interroger l’intimée Létourneau et les ayants droit de l’intimé Blais, d’utiliser à cette fin les dossiers médicaux de ces deux personnes, qui devront lui être remis si ce n’est déjà fait et de produire ces dossiers. Pour le reste, l’appel devrait être rejeté. Les dépens seront à la charge de l'appelante.
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MARIE-FRANCE BICH, J.C.A. |
[1] Conseil québécois sur le tabac et la santé c. JTI-MacDonald Corp., J.E. 2005-589. Notons que les demandes d’autorisation ont été formulées en 1998.
[2] Jugement dont une transcription a été acheminée à la Cour le 28 mars 2014.
[3] Conseil québécois sur le tabac et la santé c. JTI-MacDonald Corp., 2013 QCCS 4904, J.E. 2013-1948, paragr. 83.
[4] Id.
[5] Conseil québécois sur le tabac et la santé c. JTI-MacDinald Corp., précité, note 1.
[6] Jugement de première instance, paragr. 8 et 61.
[7] Imperial Tobacco Canada Ltd. c. Létourneau, 2012 QCCA 2013, J.E. 2012-2213.
[8] Imperial Tobacco Canada Ltd. c. Létourneau, précité, note 7.
[9] Jugement de première instance, paragr. 38.
[10] Jugement de première instance, paragr. 61.
[11] Imperial Tobacco Canada Ltd. c. Létourneau, précité, note 7.
[12] Jean-Claude Royer, La preuve civile, 4e éd., par Jean-Claude Royer et Sophie Lavallée, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 2008, paragr. 792 et 809, p. 637-638 et 666.
[13] Imperial Tobacco Canada Ltd. c. Létourneau, précité, note 7, paragr. 26.
[14] Voir: Léo Ducharme, Précis de la preuve, 6e éd. Montréal, Wilson & Lafleur ltée, 2005, paragr. 1472, p. 601.
[15] 2007 QCCA 904, J.E. 2007-1321.
[16] Voir aussi: Celeb Construction ltée c. Groupe Plombaction inc., 2009 QCCA 2331, 2010EXP-63. Il s’agit d’un jugement maintenant des objections à la production de certains documents au stade des interrogatoires préalables. La juge Duval Hesler, maintenant juge en chef, y refuse une permission d’appeler, en soulignant que :
[6] Le jugement ne constitue pas chose jugée. Il s’agit de questions que l’on pourra remettre sur le tapis à une étape ultérieure, et évidemment lors du procès. Il demeurera loisible à la requérante d’envoyer des subpoenas duces tecum demandant aux témoins d’apporter avec eux les documents concernés.
[17] Imperial Tobacco Canada Ltd. c. Létourneau, précité, note 7, paragr. 24 et 25.
[18] Voir : Ernst & Young, l.l.p. c. Weinberg, 2011 QCCA 970, 2011EXP-1841.
[19] Voir supra, paragr. [14].
[20] Conseil québécois sur le tabac et la santé c. JTI-MacDonald Corp., précité, note 1, paragr. 129 et 139.
[21] Bisaillon c. Université Concordia, [2006] 1 R.C.S. 666, paragr. 17.
[22] Id., paragr. 18.
[23] [2011] 1 R.C.S. 214.
[24] La juge Abella est dissidente, mais pas sur ce point.
[25] Pierre-Claude Lafond, « Définition du recours collectif, parties et tribunal compétent », dans Mathieu Bouchard, André Durocher, Pierre-Claude Lafond et Claude Marseille, Recours collectifs, JurisClasseur Québec - Collection Thema, Montréal, LexisNexis Canada inc., 2012, p. 1/9.
[26] Mathieu Bouchard, « Exercice, jugement et exécution du recours collectif », dans Mathieu Bouchard, André Durocher, Pierre-Claude Lafond et Claude Marseille, Recours collectifs, précité, note 25, p. 3/77 à 3/80.
[27] Conseil québécois sur le tabac et la santé c. JTI-MacDonald Corp., 2009 QCCS 830, J.E. 2009-696 (requête pour permission d’appeler rejetée, 2009 QCCA 796, J.E. 2009-930).
[28] Conseil québécois sur le tabac et la santé c. JTI-Macdonald Corp., 2013 QCCS 1924, J.E. 2013-1051.
[29] Précité, note 23, paragr. 54.
[30] 2013 QCCA 404, J.E. 2013-511 (requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2013-09-19), 35351), cité par le juge Riordan au paragr. 13 du jugement précité, note 28.
[31] RLRQ, c. R-2.2.0.0.1.
[32] Requête pour permission d’appeler, paragr. 66.
[33] Les renseignements médicaux recherchés sont ceux qui se rapportent au tabagisme des individus ainsi qu’aux effets de celui-ci.
[34] Marcotte c. Longueuil (Ville), [2009] 3 R.C.S. 65.
[35] Annexes du mémoire de l’appelante, p. 288.
[36] Voir à ce propos : Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal (SCFP, section locale 301) c. Coll, [2009] R.J.Q. 961 (C.A., requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2009-10-08), 33200), paragr. 102, citant Pierre Deschamps, « La preuve en matière de recours collectif », dans Service de la formation continue, Barreau du Québec, Développements récents sur les recours collectifs (1999), vol. 115, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 1999, p. 189.
[37] Voir : Mathieu Bouchard, précité, note 26, p. 3/77 et 3/78 (voir en particulier la jurisprudence citée à la note 1).
[38] Voir notamment : Glegg c. Smith & Nephew Inc., [2005] 1 R.C.S. 724, paragr. 22.
[39] Voir par exemple : Glegg c. Smith & Nephew Inc., précité, note 38; Frenette c. Métropolitaine (La), cie d’assurance - vie, [1992] 1 R.C.S. 647; GIFRIC inc. c. Corporation Sun Média (Journal de Québec), [2009] R.J.Q. 328 (C.A.); Pagé c. Boulet, 2008 QCCA 2456, B.E. 2009BE-65; Fédération des infirmières et infirmiers du Québec c. Hôpital Laval, [2006] R.J.Q. 2384 (C.A.).
[40] Sous l’égide du secret des renseignements confiés aux professionnels de la santé ou en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, RLRQ, c. S-4.2, art. 19.
[41] Annexes du mémoire de l’appelante, p. 290.
[42] Mémoire des intimés, paragr. 85.
[43] 2014 QCCA 459, J.E. 2014-534.
[44] [2006] R.J.Q. 2042 (C.A.).
[45] Léo Ducharme, Précis de la preuve, précité, note 14, p. 327-328.
[46] Jean-Claude Royer, précité, note 12, p. 867 à 869.
[47] Conseil québécois sur le tabac et la santé c. JTI-MacDonald Corp., 2011 QCCS 4090, J.E. 2011-1513.
[48] Imperial Tobacco Canada Ltd. c. Létourneau, précité, note 7.
[49] Surtout dans le cas des membres du groupe représenté par M. Blais et le Conseil québécois sur le tabac et la santé.
[50] Voir par exemple : Scottish & York Insurance Co. c. Victoriaville (Ville de), [1996] R.J.Q. 2908 (C.A.), p. 2914. Voir aussi : Jean-Claude Royer, précité, note 12, paragr. 982, p. 872-873.
[51] Plea of Defendant Imperial Tobacco Canada Limited, paragr. 83 (onglet 1 des documents reçus le 21 février 2014).
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