Nadeau et Meubles J.P. Giguère inc. |
2007 QCCLP 6490 |
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Dossier : 305778-31-0612
[1] Le 15 décembre 2006, monsieur Éric Nadeau (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par le biais de laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), le 20 novembre 2006, à la suite d’une administrative.
[2] Par cette décision, la CSST déclare nulle la décision rendue le 8 juin 2006 et rétablit la décision initialement rendue le 13 décembre 2005, sous la forme d’un avis de paiement, laquelle établissait que le montant des indemnités de remplacement du revenu du travailleur devait être établi sur la base du revenu brut annuel assurable de 21 840 $.
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[3] Le 15 décembre 2006, le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par le biais de laquelle il conteste une décision rendue par la CSST, le 12 décembre 2006, à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST confirme la décision rendue le 9 novembre 2006, en respect de l’avis du Bureau d’évaluation médicale (le BEM), du 1er novembre 2006.
[5] La CSST se déclare donc liée par le diagnostic retenu, soit celui d’entorse lombaire sur condition dégénérative préexistante. Elle précise que le diagnostic de hernie discale L5-S1 ne peut être retenu en lien avec l’événement du 14 novembre 2005. Quant aux soins et traitements, ils ne sont plus justifiés depuis la consolidation de la lésion, soit depuis le 7 août 2006.
[6] Elle déclare, par contre, que la lésion professionnelle subie le 14 novembre 2005 permet l’octroi d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ainsi que l’octroi de limitations fonctionnelles. Les indemnités de remplacement du revenu doivent donc être poursuivies jusqu’à ce que la CSST se soit prononcée sur la capacité du travailleur d’exercer un emploi.
Dossier : 316021-31-0704
[7] Le 24 avril 2007, le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par le biais de laquelle il conteste une décision rendue par la CSST, le 23 mars 2007, à la suite d’une révision administrative.
[8] Par cette décision, la CSST confirme la décision rendue le 10 janvier 2007 et déclare que le travailleur n’a pas droit aux frais de déneigement pour l’année 2006-2007.
[9] De plus, la CSST confirme la décision rendue le 11 janvier 2007 à l’effet de déclarer l’emploi convenable de cuisinier, emploi que le travailleur est capable d’occuper à compter du 10 janvier 2007.
[10] L’audience s’est tenue à Québec, le 6 novembre 2007, en présence du travailleur, de son représentant et de la représentante de la CSST. L’employeur est, pour sa part, absent, bien que dûment convoqué. Les témoignages du travailleur et du docteur Jean-Marc Lépine sont entendus.
[11] La cause a été mise en délibéré le 6 novembre 2007.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
Dossier : 305778-31-0612
[12] Le représentant du travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue le 20 novembre 2006 et de déclarer que le montant des indemnités de remplacement du revenu du travailleur doit être établi sur la base du revenu brut annuel assurable de 31 920 $. À l’appui, il réfère à l’« Avis de l’employeur et demande de remboursement » qui établit que le salaire annuel du travailleur est de 21 800 $.
[13] Il réfère, ensuite, à la demande de redressement d’une déclaration de revenu complétée par le travailleur, en date du 28 avril 2006, et à l’effet de déclarer d’autres revenus d’emploi, soit des revenus générés par le biais de pourboires encaissés par le travailleur lors de la vente de meubles usagers; le montant en cause est de 4 200 $.
[14] De plus, en référence à l’article 75 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), il soumet qu’il y a lieu d’annualiser ce montant de manière telle que la base du revenu brut annuel assurable à considérer totalise 31 920 $.
[15] Subsidiairement et donc dans l’hypothèse voulant que la Commission des lésions professionnelles ne puisse conclure à l’application de l’article 75 de la loi, il demande de déclarer que le montant des indemnités de remplacement du revenu soit établi sur la base du revenu brut annuel assurable de 26 040 $. En fait, cette somme totalise le salaire déclaré par l’employeur à l’« Avis de l’employeur et demande de remboursement », soit la somme de 21 800 $ ainsi que le montant de 4 200 $ déclaré à la demande de redressement d’une déclaration de revenus telle que complétée par le travailleur, en date du 28 avril 2006. Cette somme totaliserait, en fait, les gains réellement encaissés par le travailleur au cours de l’année 2005-2006.
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[16] Le représentant du travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue le 12 décembre 2006 et de déclarer que la lésion professionnelle subie le 14 novembre 2005 n’est pas consolidée.
[17] Subsidiairement et dans l’hypothèse voulant que la Commission des lésions professionnelles réfère aux conclusions du BEM voulant que cette lésion soit consolidée le 7 août 2006 et ce, sans nécessité de soins ou de traitements additionnels, il demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la lésion a généré, non seulement une atteinte permanente à l’intégrité physique de 2,2 %, mais également des limitations fonctionnelles de classe II.
[18] À l’appui, référence est faite aux conclusions du docteur Jean-Marc Lépine telles qu’énoncées au sein du rapport complété le 10 octobre 2007.
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[19] Quant à la conclusion retenue par la CSST voulant que le travailleur soit capable, en date du 10 janvier 2007, d’occuper l’emploi convenable de cuisinier, il soumet qu’un tel emploi ne constitue pas un emploi convenable au sens de la loi puisqu’il contrevient aux limitations fonctionnelles retenues tant par le BEM que par le docteur Lépine.
[20] À son avis, cette première conclusion s’impose et ce, dans l’hypothèse voulant que la Commission des lésions professionnelles conclut, en premier lieu, que la lésion professionnelle doit être consolidée en date du 7 août 2006.
[21] Par contre, dans l’hypothèse voulant que cette lésion ne soit pas consolidée à cette même date et qu’elle requière des soins ou traitements additionnels, il demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer prématurée la détermination des questions ayant trait à l’atteinte permanente, aux limitations fonctionnelles et à la capacité d’occuper un emploi convenable.
[22] Quant au refus de paiement des frais de déneigement pour l’année 2006-2007, il soumet que la Commission des lésions professionnelles devrait également infirmer ce refus compte tenu des limitations fonctionnelles retenues par le membre du BEM ou le docteur Lépine. Il soumet qu’il apparaît manifeste que le travailleur est incapable de s’adonner à une telle activité.
[23] Subsidiairement et dans l’hypothèse voulant que la Commission des lésions professionnelles conclut que la détermination des limitations fonctionnelles s’avère prématurée et ce, compte tenu que la lésion n’est pas encore consolidée, il s’avère encore plus évident de conclure que le travailleur ne peut s’adonner à une telle activité d’autant plus qu’il est en attente d’une chirurgie au niveau lombaire.
L’AVIS DES MEMBRES
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[24] La membre issue des associations des employeurs et la membre issue des associations des travailleurs sont d’avis que la Commission des lésions professionnelles devrait accueillir la requête du travailleur, infirmer la décision rendue par le CSST, le 20 novembre 2006 et déclarer que le montant des indemnités de remplacement du revenu doit être établi sur la base du revenu brut annuel assurable de 26 040 $.
[25] Les membres sont ainsi d’avis que la CSST était justifiée, en date du 8 juin 2006, de rendre une décision à l’effet de reconsidérer l’avis de paiement émis le 13 décembre 2005 qui établissait que la base salariale devant être utilisée aux fins du calcul des indemnités de remplacement du revenu correspondait à la somme de 21 840 $.
[26] Aussi, considèrent-ils que la décision initialement rendue par la CSST, le 13 décembre 2005, l’a été avant que la CSST soit au fait de la demande de redressement d’une déclaration de revenu produite par le travailleur, en date du 28 avril 2006.
[27] Les membres considèrent donc que cette décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel. Par conséquent, et ce en référence à l’article 365, alinéa 2 de la loi, la décision rendue le 8 juin 2006 à l’effet de reconsidérer l’avis de paiement du 13 décembre 2005, pour ensuite l’annuler, l’a été dans les 90 jours de la connaissance de ce fait nouveau.
[28] La CSST a donc effectué une reconsidération légale et il n’y a donc pas lieu de rétablir la décision rendue le 13 décembre 2005. Les membres sont donc d’avis que la conclusion de la CSST énoncée le 8 juin 2006 et voulant que le montant des indemnités de remplacement du revenu soit établi en considérant un revenu brut annuel assurable de 26 040 $ est bien fondée.
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[29] La membre issue des associations des travailleurs est d’avis que la lésion professionnelle subie par le travailleur le 14 novembre 2005 n’est pas consolidée en date du 7 août 2006 puisque cette lésion nécessite encore des soins ou traitements additionnels.
[30] À l’appui, référence est faite à l’avis émis par le docteur Lépine lors de son témoignage devant la Commission des lésions professionnelles. Par conséquent, il s’avère prématuré de déterminer si la lésion permet l’octroi d’une atteinte permanente à l’intégrité physique et l’octroi de limitations fonctionnelles. Aussi, s’avère-t-il prématuré de déterminer un emploi convenable.
[31] La membre issue des associations des employeurs est d’opinion contraire. À son avis, il y a lieu de retenir les conclusions énoncées par le membre du BEM au sein de l’avis émis le 1er novembre 2006.
[32] Par conséquent, la lésion professionnelle subie par le travailleur le 14 novembre 2005 doit être consolidée le 7 août 2006, sans nécessité de soins ou de traitements additionnels. De plus, cette lésion permet l’octroi d’une atteinte permanente à l’intégrité physique de 2,2 % ainsi que de limitations fonctionnelles de classe I.
[33] Ce membre écarte donc les conclusions du docteur Lépine voulant que des limitations fonctionnelles de classe II puissent être retenues et ce, dans l’hypothèse voulant que la Commission des lésions professionnelles considère qu’il y a lieu de consolider la lésion en date du 7 août 2006.
[34] Ce membre considère sans valeur probante les conclusions énoncées par le docteur Lépine voulant que la lésion ne soit pas consolidée puisque la pratique éventuelle d’une chirurgie permet d’envisager une certaine amélioration de l’état du travailleur.
[35] Ce même membre préfère référer aux conclusions émises, de manière contemporaine, à l’avis du membre du BEM, donc soit en date du 1er novembre 2006, et ce, par tous les médecins appelés à examiner alors le travailleur; or, aucun de ces médecins n’envisageait alors la possibilité d’une chirurgie. De plus, tous considéraient qu’un plateau de récupération était atteint et qu’il y avait lieu de consolider la lésion.
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[36] Compte tenu de la conclusion à laquelle est parvenue la membre issue de l’associations des travailleurs, dans le dossier no 305778-31-0612 et voulant que la lésion professionnelle subie le 14 novembre 2005 ne soit pas consolidée et qu’elle requiert des soins ou des traitements additionnels, il y a lieu de conclure qu’il s’avère prématuré de déterminer un emploi convenable, en date du 10 janvier 2007.
[37] La membre issue des associations des employeurs est d’avis contraire, aussi, en référence à la conclusion précédemment émise dans le dossier no 305778-31-0612, ce membre considère que le travailleur est capable, en date du 10 janvier 2007, d’exercer l’emploi de cuisinier.
[38] En référence aux critères énoncés à l’article 2 de la loi, elle considère que cet emploi constitue un emploi convenable. Aussi, respecte-t-il les limitations fonctionnelles émises par le membre du BEM, le 1er novembre 2006 et ce, eu égard à toutes et chacune des tâches et capacités physiques énoncées à la monographie REPÈRE.
[39] Quant au refus de rembourser les frais de déneigement requis pour l’hiver 2006-2007, les membres considèrent que cette décision n’est pas bien fondée. En référence aux limitations fonctionnelles énoncées par le membre du BEM, la membre issue des associations des employeurs est d’avis que le travailleur est devenu incapable d’effectuer un tel travail d’entretien qu’il effectuerait normalement lui-même n’eût été de sa lésion.
[40] Dans l’hypothèse voulant que la Commission des lésions professionnelles conclut que la lésion professionnelle doit être consolidée en date du 7 août 2006, la membre issue des associations des travailleurs considère également que le travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique et qu’il est devenu incapable d’effectuer de tels travaux d’entretien courant de son domicile qu’il effectuerait normalement lui-même n’eût été de sa lésion.
[41] Cette conclusion s’avère encore plus indiquée si la Commission des lésions professionnelles décide de référer aux limitations fonctionnelles, de classe II, énoncées par le docteur Jean-Marc Lépine au sein du rapport du 10 octobre 2007.
[42] Enfin, dans l’hypothèse voulant que la Commission des lésions professionnelles conclut que la lésion professionnelle n’est pas consolidée en date du 7 août 2006 et qu’elle requière des soins ou des traitements additionnels, ce membre est d’avis que le travailleur remplit tout de même les conditions énoncées à l’article 165 de la loi.
[43] Bien qu’il s’avère prématuré d’apprécier le caractère de gravité de l’atteinte permanente qui pourra résulter de la lésion, il n’en demeure pas moins que la Commission des lésions professionnelles devrait considérer que la chirurgie devant être effectuée par le docteur Lépine permet certes de prévoir l’octroi d’un certain pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique et ce, en conformité avec le Règlement sur le barème des dommages corporels[2] (le barème).
[44] Malgré la difficulté qui subsiste dans le fait que ce n’est qu’au moment que le médecin du travailleur aura complété le rapport d’évaluation médicale qu’il sera alors possible de connaître la nature des limitations fonctionnelles permanentes, il n’en demeure pas moins que la lésion n’est toujours pas consolidée et que la capacité résiduelle actuelle du travailleur demeure diminuée et ce, d’autant plus que la chirurgie envisagée permet d’espérer une certaine amélioration de l’état du travailleur.
[45] Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles devrait considérer que les limitations fonctionnelles telles qu’énoncées actuellement par le BEM ou par le docteur Lépine, ont un caractère temporaire mais font tout de même en sorte que le travailleur est porteur des limitations fonctionnelles incompatibles avec la nature de l’activité consistant à effectuer le déneigement durant la saison hivernale.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[46] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer pour les fins du calcul des indemnités de remplacement du revenu auxquelles le travailleur a droit, quelle base de revenu brut annuel assurable doit être retenue.
[47] Aux fins d’apprécier cette question, elle doit préalablement déterminer si la CSST était bien fondée, en date du 8 juin 2006, de reconsidérer l’avis de paiement émis le 13 décembre 2005, pour ensuite retenir que le salaire brut annuel assurable à considérer devait être 26 040 $ plutôt que de 21 840 $.
[48] La Commission des lésions professionnelles doit apprécier ensuite si la CSST était bien fondée, consécutivement à l’avis du BEM du 1er novembre 2006, de conclure que la lésion professionnelle subie le 14 novembre 2005 était consolidée le 7 août 2006, sans nécessité de soins ou de traitements additionnels mais avec une atteinte permanente à l’intégrité physique de 2,2 % et des limitations fonctionnelles de classe I.
[49] La Commission des lésions professionnelles doit finalement apprécier si la CSST était bien fondée, en date du 10 janvier 2007, de déterminer l’emploi convenable de cuisinier. Elle doit apprécier, de plus, si le travailleur a droit au remboursement des frais requis pour effectuer le déneigement au cours de l’hiver 2006-2007.
[50] Aux fins d’apprécier ces questions, la Commission des lésions professionnelles retient de l’ensemble de la preuve documentaire et testimoniale les éléments pertinents suivants :
[51] Le 29 novembre 2005, le travailleur complète un formulaire de réclamation en faisant référence à un événement survenu au travail, le 14 novembre 2005.
[52] À la section « Description de l’événement », il écrit ce qui suit :
« En descendant des marches avec un téléviseur dans les mains
Perdu l’équilibre, ce qui a entrainé une chute. » (Sic)
[53] Le travailleur occupe alors un emploi de journalier. Ses tâches consistent principalement à livrer des meubles ainsi que des électroménagers au domicile des clients. Tel qu’il appert de l’« Avis de l’employeur et de demande de remboursement » complété en date du 29 novembre 2005, le salaire annuel brut gagné par le travailleur au cours des 12 derniers mois est de 21 840 $.
[54] Selon l’attestation médicale complétée par le docteur Brunet, le 14 novembre 2005, le travailleur s’est infligé une entorse ainsi qu’une contusion lombaire. Un arrêt de travail et des traitements de physiothérapie sont prescrits.
[55] Au rapport complété le 7 janvier 2005, le docteur Brunet indique que les douleurs ont augmenté au cours de traitements de physiothérapie. De plus, il y a manifestation d’une sciatalgie « ON/OFF ».
[56] Un examen de tomographie axiale est demandé. Entre-temps, soit le 13 décembre 2005, la CSST émet un avis de paiement au sein duquel on peut lire que le montant des indemnités de remplacement du revenu est établi sur la base du revenu annuel brut assurable de 21 840 $.
[57] Le 20 décembre 2005, l’examen de tomodensitométrie axiale lombaire permet la conclusion suivante : « dégénérescence discale L5-S1 avec hernie discale postéro-centrale et latérale gauche avec ostéophyte sur les rebords postérieurs de l’espace inter-vertébral s’étendant au niveau des trous de conjugaison de façon plus importante au niveau de L5-S1 à gauche ».
[58] Le 5 janvier 2006, les notes de consultation complétées par le docteur Brunet réfèrent au diagnostic d’entorse lombaire. Le docteur Brunet émet le commentaire voulant que cette entorse soit compliquée d’une hernie discale au niveau L5-S1. Une consultation en physiatrie est demandée. Toutefois, le docteur Brunet note que l’examen neurologique est normal.
[59] Le 28 février 2006, le rapport médical complété par le docteur Brunet comporte la mention que la condition du travailleur est instable. Aussi, il réfère à un diagnostic de hernie discale lombaire sur entorse lombaire.
[60] Le 28 mars 2006, le travailleur est examiné par le docteur Pierre Béliveau. L’examen effectué par ce physiatre s’avère normal, au plan neurologique. En effet, il ne permet nullement de provoquer de radiculalgie ou de sciatalgie. Le même examen l’amène à conclure qu’il y a un peu de signes cliniques permettant de conclure à une hernie discale avec compression radiculaire. Il recommande, toutefois, de poursuivre l’investigation par le biais d’un examen de résonance magnétique.
[61] Entre-temps, le docteur Brunet complète les rapports médicaux en faisant constamment référence au diagnostic de hernie discale L5-S1, sur entorse lombaire.
[62] L’examen de résonance magnétique est effectué le 10 avril 2006. Les constats du radiologiste sont rapportés de la manière suivante :
« (…)
L4-L5 : discret bombement du disque intervertébral sans hernie discale identifiée. La dimension du canal est adéquate.
L5-S1 : phénomènes de discarthrose modérée avec pincement du disque intervertébral, bombement du disque intervertébral et hernie discale postéro-latérale gauche qui s’appuie sur le sac dural et sur les racines S1 droite gauche, la racine S1 gauche étant déportée postérieurement. Les foramens de conjugaison sont normaux.
Secondairement à cette hernie discale il y a une sténose spinale significative au même niveau »
(…) »
[63] Le 14 mars 2006, le travailleur expédie à la CSST la lettre qui suit :
« (…)
Je vous écris ce document pour vous faire part des revenus supplémentaires directs reliés à mon emploie de livreur de meubles / électroménagers que j’occupais chez Multi-Meubles Giguère jusqu’à mon accident de travail survenu le 14 novembre 2005.
Pendant l’exercice de mes fonctions, je récupérais des électroménagers usagées que je revendais à M. Bruno Moisan propriétaire de (Bruno Moisan Électroménagers) à St-Raymond. De ces ventes, un revenu supplémentaire hebdomadaire de $200,00 s’ajoutait à mon salaire régulier.
(…). (Sic)
[64] À cette lettre est jointe la demande de redressement d’une déclaration de revenus adressée à Revenu Québec et ce, en date du 28 avril 2006. Au sein de ce document, le travailleur déclare d’autres revenus d’emploi qu’il retire en sus de ceux déjà indiqués à sa déclaration de revenus pour l’année 2005. Le montant de redressement indiqué est de 4 200 $.
[65] Préalablement à l’envoi de ces documents, le travailleur avait communiqué avec l’agente d’indemnisation à son dossier. En effet, les notes évolutives complétées le 7 mars 2006 par madame Josée Frenette rapporte le contenu de cet échange téléphonique « Appel du T - a su qu’on pouvait ajouter ses pourboires à son salaire - Je l’informe que c’est vrai mais ça me prend la preuve écrite de E ou du chômage ».
[66] Les notes ensuite complétées par cette agente d’indemnisation, en date du 1er juin 2006, sont à l’effet suivant :
« Considérant que j’avais informé le T que je changerais sa base salariale s’il me fournissait une preuve de gains additionnels,
Considérant que le T m’a fait la preuve, je modifie base salariale
Je lui demande de m’envoyer son papier du ministère du Revenu confirmant son salaire. »
[67] Le 7 août 2006, le travailleur est examiné, à la demande de la CSST, par le docteur Jean-François Fradet. Eu égard au diagnostic, le docteur Fradet émet les commentaires suivants : « il n’y a pas d’évidence qu’il y ait eu, à quelque moment que ce soit, un diagnostic de hernie discale cliniquement décelable. »
[68] Aussi, en référence à son propre examen qui n’a pas davantage permis de mettre en évidence des signes d’une entorse lombaire, le docteur Fradet conclut que la lésion doit être consolidée le 7 août 2006, sans nécessité de soins ou de traitements additionnels. À son avis, aucune atteinte permanente ne résulte de la lésion professionnelle subie. De plus, il n’y a pas lieu d’octroyer des limitations fonctionnelles.
[69] Par le biais du rapport complémentaire daté du 6 septembre 2006, le docteur Brunet effectue les commentaires suivants:
« Je ne suis pas d’accord avec les conclusions de l’expertise du 7 août 2006, par le Dr J.-F. Fradet, pour les raisons suivantes.
1) Le diagnostic initial d’entorse lombaire correspond bien au tableau clinique initial mais, en l’absence d’amélioration et à cause de l’apparition d’une irradiation ON/OFF au membre inférieur D, parfois en bas du genou, le patient a passé un TDM, vu un physiatre qui a recommandé un IRM qui a démontré une « hernie discale postéro-latérale g. qui s’appuie sur le sac dural et sur les racines S1 droite et gauche… » en plus de présenter une sténose spinale significative. En présence d’un tableau clinique atypique (et non pas absence de tableau clinique) et d’un IRM sans équivoque, le diagnostic est : entorse lombaire compliquée d’une hernie discale.
2) Patient non consolidé, le diagnostic est toujours présent et il n’y a pas d’amélioration.
3) Il continue la physiothérapie, est réfractaire à une épidurale thérapeutique et attend une consultation en chirurgie orthopédique. Il verra le Dr Lépine de l’Hôtel-Dieu de Québec en décembre 2006. (…) »
[70] Le travailleur est vu par le docteur Jean-Marc Lépine, le 13 décembre 2006. Le rapport médical alors complété par ce dernier réfère à une entorse lombaire sur lésions discales.
[71] Entre-temps, le travailleur est examiné par le docteur Henri-Louis Bouchard qui agit alors à titre de membre du BEM. En référence aux différents rapports médicaux qui apparaissent au dossier, il considère qu’il n’est nullement mention de manifestations compatibles avec une radiculopathie spécifique au membre inférieur gauche comme au membre inférieur droit.
[72] À son avis, la symptomatologie n’a jamais été accompagnée de signes documentés qui pouvaient soutenir, sur le plan clinique, une radiculopathie sensitive ou motrice et ce, plus particulièrement au niveau du membre inférieur droit.
[73] Il considère, par conséquent, que la symptomatologie clinique identifiée au dossier et telle que validée à l’occasion de son propre examen effectué le 24 octobre 2006, ne s’associe nullement à des signes cliniques permettant de conclure à une radiculopathie motrice ou sensitive ou enfin, à un diagnostic de hernie discale.
[74] À son avis, le diagnostic qui doit être retenu est celui qui a fait l’objet d’une admissibilité par la CSST, soit celui d’entorse lombaire sur discopathie dégénérative L4-L5 et L5-S1; de plus, cette condition personnelle préexistante comporte une hernie discale postéro-latérale gauche avec bombements diffus déplaçant les racines et secondairement, produisant une sténose spinale.
[75] De plus, en référence au tableau douloureux décrit par le travailleur et qui est à l’effet qu’il est toujours le même depuis l’évaluation effectuée par le docteur Jean-François Fradet, le 7 août 2006, il considère qu’il y eût, à cette dernière date, atteinte d’un plateau de récupération. La date de consolidation retenue par le docteur Bouchard est donc le 7 août 2006. De plus, il considère qu’il n’y a pas lieu de dispenser des soins ou traitements additionnels.
[76] Par ailleurs, en référence à la persistance de la symptomatologie ainsi qu’à une certaine limitation de mouvements, il recommande l’octroi d’un déficit anatomophysiologique de 2 % et ce, en référence au barème, eu égard au code correspondant à une entorse lombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées.
[77] Quant à l’octroi de limitations fonctionnelles, il considère qu’il y a lieu d’en émettre pour les raisons suivantes :
« (…)
Considérant la même blessure et tenant compte des conditions préexistantes créant une certaine vulnérabilité physiologique;
Considérant la persistance de douleur s’accompagnant d’une ankylose mineure lombo-sacrée avec irritation facettaire probable expliquant l’inconfort principalement en extension »
(…)
[78] Et quant à la nature même des limitations fonctionnelles, il s’agit de limitations fonctionnelles de classe I qui sont plus amplement précisées comme suit :
« (…)
Le travailleur devrait éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent :
Ø De soulever, porter, pousser et tirer des charges de plus de 25 kilos;
Ø De travailler en position accroupie, ramper, grimper;
Ø D’effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire;
Ø De subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale. »
[79] Le 9 novembre 2006, la CSST rend une décision en respect de l’avis du BEM, tel qu’émis en date du 1er novembre 2006. Étant liée par les conclusions énoncées au sein de cet avis, la CSST rend donc la décision suivante :
« Le diagnostic retenu est celui d’entorse lombaire sur conditions préexistantes. Le diagnostic de hernie discale L5-S1 n’est pas retenu en lien avec l’événement. Les soins et traitements ne sont plus justifiés depuis le 7 août 2006, date à laquelle la lésion a été consolidée. La lésion a entraîné une atteinte permanente et le travailleur a donc droit à une indemnité pour dommages corporels.
Enfin, le travailleur a droit de recevoir des indemnités de remplacement du revenu jusqu’à ce que la CSST se prononce sur sa capacité à exercer un emploi. »
[80] Cette décision est confirmée par le biais de la décision rendue le 12 décembre 2006, à la suite d’une révision administrative. Il s’agit de l’une des décisions portées en litige devant la Commission des lésions professionnelles.
[81] Entre-temps, soit plus particulièrement en date du 8 juin 2006, la CSST rend une décision par le biais de laquelle elle reconsidère la base salariale utilisée aux fins du calcul des indemnités du remplacement du revenu du travailleur et l’établit à 26 040 $.
[82] Le travailleur conteste cette décision puisqu’il est en désaccord avec la détermination de cette nouvelle base salariale. Son représentant prétend que la CSST doit annualiser le montant des bonis ou enfin, des pourboires, que le travailleur récoltait de la vente des biens usagers recueillis chez les clients. Aussi, doit-on ajouter le montant de ces bonis au revenu brut utilisé aux fins du calcul des indemnités de remplacement du revenu du travailleur.
[83] Le 20 novembre 2006, la CSST, à la suite d’une révision administrative, annule la décision rendue le 8 juin 2006 et rétablit la décision initialement rendue le 13 décembre 2005, sous la forme d’un avis de paiement, le tout de manière à déclarer que le montant des indemnités de remplacement du revenu du travailleur doit s’établir sur la base du revenu brut annuel assurable de 21 840 $.
[84] La CSST a ainsi considéré que la reconsidération effectuée en date du 8 juin 2006 était illégale au motif que le travailleur n’avait pas soumis sa demande de reconsidération dans les 90 jours de la connaissance d’un fait essentiel. Il s’agit d’un litige également porté en appel devant la Commission des lésions professionnelles.
[85] Le 10 janvier 2007, la CSST refuse de rembourser au travailleur les frais de déneigement requis pour la saison hivernale 2006-2007. De plus, le 11 janvier 2007, elle détermine l’emploi convenable de cuisinier. Aussi, conclut-elle que le travailleur est capable d’occuper cet emploi à compter du 10 janvier 2007.
[86] Le 23 mars 2007, la CSST confirme ces deux décisions à la suite d’une révision administrative. Il s’agit également d’une décision portée en litige devant la Commission des lésions professionnelles.
[87] Pour les fins de l’audience, le représentant du travailleur dépose une expertise complétée par le docteur Jean-Marc Lépine, en date du 10 octobre 2007.
[88] Le docteur Lépine y spécifie avoir examiné le travailleur le 18 septembre 2007. À cette date, le travailleur se plaint de la persistance d’une douleur lombaire basse avec engourdissement au niveau du membre inférieur droit et de façon moindre, au niveau du membre inférieur gauche. Le travailleur signale alors que cet engourdissement est ressenti jusque sous le pied droit. Le docteur Lépine émet alors le commentaire qu’il s’agit du territoire S1 droit.
[89] Le travailleur déclare également qu’il a une intolérance à la marche de plus de 20 minutes et qu’une telle intolérance est également connue lors du maintien de positions statiques fixes prolongées, soit une station assise ou debout. La durée de cette intolérance est évaluée entre 20 et 45 minutes.
[90] De plus, le travailleur indique au docteur Lépine qu’il se sent incapable de reprendre son travail prélésionnel de livreur de meubles, soit le travail qu’il accomplissait depuis déjà plus de 20 ans.
[91] En conclusion, le docteur Lépine indique et ce, eu égard au diagnostic retenu dans le cadre de l’admissibilité de la lésion professionnelle par la CSST, soit un diagnostic d’entorse lombaire sur lésions dégénératives préexistantes, que l’événement du 14 novembre 2005 a rendu symptomatique la sténose spinale visualisée au niveau L5-S1.
[92] Le commentaire alors émis au sein de son rapport est à l’effet que le travailleur peut présenter une radiculopathie en raison de cette sténose.
[93] Bien que les traitements reçus jusqu’à maintenait aient permis d’atteindre un plateau de récupération, il n’en demeure pas moins, à son avis, qu’il y a lieu d’envisager un traitement chirurgical et ce, dans l’espoir d’une certaine amélioration.
[94] En ce qui a trait aux séquelles devant être reconnues, il réfère au bilan des séquelles complété par le docteur Henri-Louis Bouchard, le 24 octobre 2006, et voulant qu’un déficit anatomophysiologique de 2 % soit reconnu pour une entorse lombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées.
[95] Le docteur Lépine rappelle, alors, qu’il s’agit d’une entorse sur lésions dégénératives préexistantes avec radiculopathie objectivée à droite mais présente également, sur le plan symptomatique, au niveau du membre inférieur gauche.
[96] Quant aux limitations fonctionnelles, il considère qu’elles doivent être de classe II. Il précise, alors, que le travailleur doit éviter de soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges de plus de cinq à dix kilos. Il doit éviter, de plus, des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension au torsion du rachis lombaire, éviter de circuler fréquemment dans les escaliers, les échelles ou les échafauds, éviter de marcher longtemps sur un terrain accidenté ou glissant. Enfin, il doit éviter l’immobilisation fixe prolongée et les vibrations de basse fréquence au niveau du rachis.
[97] Lors de son témoignage, à l’audience, le docteur Lépine rappelle que le travailleur était fonctionnel avant l’accident du 14 novembre 2005 et ce, bien qu’il s’adonnait à des activités très lourdes à titre de livreur de meubles. Il reconnaît que le tableau douloureux connu depuis l’accident ne peut correspondre à un diagnostic de hernie discale puisqu’aucune donnée clinique n’apparaît au dossier à l’effet de corroborer la hernie discale visualisée radiologiquement.
[98] Le docteur Lépine considère, par contre, que l’entorse lombaire subie lors de l’accident s’ajoute à une condition personnelle préexistante de dégénérescence discale au niveau L5-S1. Il considère que cette condition personnelle a considérablement évolué et ce, au point tel, que les racines se sont retrouvées considérablement à l’étroit. Il convient, comme les autres médecins appelés à évaluer le travailleur, que les examens ne permettent pas de révéler de déficit sensitif ou de déficit moteur. En somme, tous les examens confirment qu’il n’y a pas de déficit neurologique. Le docteur Lépine se rallie donc aux opinions médicales émises jusqu’à maintenant voulant qu’il n’y ait pas, comme tel, de signes de radiculopathie ou enfin, d’atteinte neurologique.
[99] Il explique, cependant, que le tableau douloureux qui persiste est attribuable à des signes d’irritation radiculaire. Il est ainsi d’avis que l’entorse subie lors de l’événement du 14 novembre 2005 a occasionné une inflammation, laquelle inflammation a contribué à restreindre l’espace où se trouvent les racines L5-S1.
[100] Aussi, bien que l’imagerie médicale permette de constater que les foramens de conjugaison sont normaux, il n’en demeure pas moins que les racines nerveuses se retrouvent, tout de même, à l’étroit et ce, du fait qu’elles se retrouvent coincées entre le disque et le rebord médian de la facette articulaire supérieure de S1. Il explique qu’un équilibre s’est rompu avec la survenance de l’événement du 14 novembre 2005.
[101] Donc, bien que les traitements conservateurs aient permis d’atteindre un certain plateau de récupération, il n’en demeure moins qu’une chirurgie décompressive permettrait de dégager la facette et de dégager, par la même occasion, les racines.
[102] Le docteur Lépine affirme avoir déjà pratiqué, pour sa part, de telles interventions chirurgicales. Aussi, sur la foi de son expérience acquise en cette matière et des succès obtenus, il est en mesure de croire que la pratique d’une telle chirurgie permet d’envisager une certaine amélioration de l’état du travailleur.
[103] Le docteur Lépine rappelle que lorsque les racines sont irritées, un tableau de douleurs chroniques s’installe et ce, malgré l’absence d’une atteinte neurologique. Or, la pratique de la chirurgie recommandée permettrait d’éliminer le problème irritatif et d’éliminer, par la même occasion, le tableau douloureux chronique.
[104] Le docteur Lépine termine son exposé en affirmant que le travailleur est en attente de cette chirurgie puisqu’il est inscrit sur une liste d’attente, depuis le mois d’août 2007. Il est donc d’avis qu’il s’avérerait prématuré de consolider la lésion en date du 7 août 2006 et ce, compte tenu de l’espoir d’amélioration que peut apporter l’intervention chirurgicale recommandée.
[105] Il affirme, de plus, que sa conclusion aurait été la même s’il avait examiné le travailleur au mois d’août 2006 ou enfin, en octobre 2006; en référence à la preuve médicale au dossier ainsi qu’aux résultats commentés au sein des protocoles radiologiques, il aurait dès lors été en mesure de recommander la pratique d’une telle chirurgie.
[106] Le travailleur déclare, pour sa part, qu’il ressent toujours des douleurs lombaires basses ainsi que des douleurs irradiant au niveau de sa fesse et de son membre inférieur gauche. Ce tableau douloureux lui occasionne une difficulté de fonctionnement au niveau des activités de la vie quotidienne. Il affirme, alors, qu’il lui est difficile de demeurer debout ou assis durant plus de 20 minutes. S’il doit s’accroupir, il éprouve alors beaucoup de difficultés à se relever; aussi, doit-il s’appuyer pour éviter de rester bloqué dans cette position. Enfin, il ne peut s’adonner à plusieurs activités d’entretien, ne serait-ce celle qui consiste à passer l’aspirateur. Il affirme, de plus, qu’il est incapable de s’adonner à l’activité de déneiger l’entrée de sa résidence. D’ailleurs, il dut débourser des coûts au cours de la saison hivernale 2006-2007 et ce, afin que cette activité soit accomplie par un tiers.
[107] Sur la question des pourboires qu’il pouvait encaisser à l’occasion de son travail, le travailleur explique qu’une entente est intervenue entre lui et l’employeur, en juin 2005, et par le biais de laquelle il pouvait récupérer et garder les biens-meubles usagés que les clients voulaient se départir, au moment de la livraison de leurs nouveaux meubles. Il déclare qu’il ignore, à ce moment-là, qu’un tel montant doit être considéré pour les fins de déclarations annuelles de revenus et, pour les fins du calcul des indemnités de remplacement du revenu.
[108] Or, au moment d’effectuer sa déclaration annuelle de revenus, au printemps 2006, il fait appel au service d’experts comptables. Initialement, ces montants recueillis, à titre de pourboires, n’ont pas été inclus à sa déclaration de revenus. Toutefois, postérieurement à un appel logé par le comptable responsable de son dossier et voulant qu’il lui confirme alors qu’il était tenu d’ajouter les revenus gagnés par le biais de ses pourboires au revenu annuel déclaré par son employeur, fut alors complété le formulaire apparaissant à son dossier et qui s’intitule « Demande de redressement d’une déclaration de revenus ». Cette demande fut complétée en date du 28 avril 2006.
[109] Entre-temps, le travailleur avait d’ailleurs communiqué avec son agente d’indemnisation; référence est faite aux notes évolutives complétées le 7 mars 2006. Le travailleur s’informait alors auprès de madame Frenette s’il pouvait ajouter ces pourboires à son salaire. Cette dernière lui a donné l’information voulant que l’ajout de ses pourboires était possible mais ce, à la condition qu’il produise une preuve écrite à cet effet et ce, en provenance de son employeur ou du chômage.
[110] Le travailleur explique que dès qu’il a obtenu la confirmation du comptable voulant que sa déclaration de revenus devait également comporter la déclaration des pourboires, il s’est alors empressé de communiquer à nouveau avec madame Josée Frenette. Tel qu’il appert des notes évolutives complétées par cette dernière le 1er juin 2006, celle-ci considère que le travailleur est alors en mesure de démontrer qu’il a retiré des gains additionnels au salaire déclaré par l’employeur. Elle note que le travailleur est causé lui expédier le document complété à cet effet et qui est adressé au ministère du Revenu. Il s’agit de la demande de redressement complétée et signée par le travailleur, le 28 avril 2006.
[111] La Commission des lésions professionnelles rappelle qu’elle n’a pas à trancher la question du diagnostic. En effet, la contestation logée par le travailleur consécutivement à la décision de la CSST rendue le 9 novembre 2006, en respect de l’avis du BEM du 1er novembre 2006, ne permet pas de revoir l’admissibilité déjà effectuée par la CSST.
[112] En effet, la lésion professionnelle initialement admise par la CSST est une entorse lombaire. Or, le diagnostic retenu par le membre du BEM au sein de l’avis complété le 1er novembre 2006 est le même que celui retenu par la CSST pour les fins d’admissibilité.
[113] Par contre, la Commission des lésions professionnelles a la compétence d’apprécier le bien-fondé des autres conclusions d’ordre médical retenues par la CSST et ce, en référence aux conclusions du BEM énoncées le 1er novembre 2006 et qui ont trait à une consolidation arrêtée en date du 7 août 2006, à la non-nécessité de soins ou de traitements additionnels, à une atteinte permanente à l’intégrité physique de 2,2 % ainsi qu’à l’octroi de limitations fonctionnelles de classe I.
[114] Le représentant du travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la lésion professionnelle subie le 14 novembre 2005 n’est pas consolidée en date du 7 août 2006. À l’appui, il réfère au témoignage du docteur Jean-Marc Lépine qui démontre que bien que les traitements conservateurs aient permis l’atteinte d’un plateau de récupération, en date du 7 août 2006, il n’en demeure pas moins qu’il y a encore espoir d’amélioration et ce, avec la pratique d’une chirurgie décompressive. Il soumet donc qu’un espoir d’amélioration de l’état du travailleur doit permettre de conclure que la lésion ne doit pas être consolidée le 7 août 2006.
[115] La notion de la consolidation est définie comme suit, à l’article 2 de la loi :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« consolidation » : la guérison ou la stabilisation d'une lésion professionnelle à la suite de laquelle aucune amélioration de l'état de santé du travailleur victime de cette lésion n'est prévisible;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[116] La jurisprudence[3] a établi que la consolidation d’une lésion n’est pas synonyme de guérison et qu’il y consolidation lorsqu’il n’y a plus d’amélioration prévisible de la lésion professionnelle c’est-à-dire qu’un seuil thérapeutique est atteint et qu’aucun traitement ne peut prévisiblement apporter une amélioration.
[117] La jurisprudence[4] a également établi que la consolidation d’une lésion est une notion essentiellement médicale, le législateur ayant voulu statuer sur l’état de santé d’un travailleur ou d’une travailleuse en fonction d’un protocole médical qui doit avoir une certaine objectivité et ce, en plus de l’espoir d’amélioration de l’état de ce dernier ou de cette dernière qui doit s’appuyer sur des règles médicales.
[118] Certes, lorsque le travailleur est examiné par les docteurs Brunet, Fradet et Bouchard, l’examen clinique s’avère essentiellement normal. En effet, aucun de ces médecins n’a pu retrouver des signes cliniques d’atteinte ou de déficit neurologique. Tous s’entendent à dire qu’il n’y a aucun signe de radiculopathie en lien avec une atteinte neurologique.
[119] Le docteur Lépine, par le biais d’un témoignage exhaustif, a rappelé qu’il était lui-même d’accord avec cette conclusion. En effet, son propre examen qui fut effectué le 18 septembre 2007, n’a pas davantage permis de mettre en évidence des signes cliniques permettant d’attester d’un déficit neurologique.
[120] Par contre, cet examen, lorsque mis en parallèle avec la description du tableau douloureux persistant, lui a permis de conclure que la lésion subie, le 14 novembre 2005 a engendré un tableau de douleurs chroniques attribuable à des signes d’irritation radiculaire.
[121] Aussi, bien que les traitements conservateurs prescrits par le médecin traitant aient permis une certaine amélioration de ce tableau douloureux, il n’en demeure pas moins qu’un espoir d’amélioration subsiste avec la pratique d’une chirurgie décompressive. Ce nouveau traitement recommandé par le docteur Lépine l’est dans l’espoir réel de gagner à nouveau une certaine amélioration.
[122] Donc, sur la foi de l’expérience de l’expert appelé à se prononcer dans ce dossier, la Commission des lésions professionnelles doit retenir qu’un espoir d’amélioration est envisageable avec la pratique d’une chirurgie. D’ailleurs, aucune preuve médicale n’a été soumise à l’effet contraire.
[123] De plus, tel qu’expliqué par le docteur Lépine, cette recommandation aurait pu être effectuée bien avant et ce, s’il avait été appelé à examiner le travailleur, de manière contemporaine aux examens effectués par les docteurs Fradet et Bouchard.
[124] Or, le docteur Lépine n’a eu l’occasion de voir le travailleur qu’à compter de décembre 2006 et de le réexaminer, de façon plus approfondie, en septembre 2007.
[125] Dans un tel contexte, la Commission des lésions professionnelles doit conclure que l’opinion émise par le docteur Lépine peut se voir conférer une valeur probante. Aussi, bien que l’ensemble de la preuve médicale ait pu établir que l’état du travailleur était stabilisé en date du 7 août 2006 et ce, par le biais de traitements conservateurs, il n’en demeure pas moins que ce dernier se plaint encore de douleurs résiduelles.
[126] La Commission des lésions professionnelles retient, cependant, l’avis du docteur Lépine voulant qu’un tel tableau de chronicité soit appelé à se résorber postérieurement à la pratique de la chirurgie recommandée.
[127] La Commission des lésions professionnelles considère que cette conclusion se veut en accord avec les conclusions précédemment énoncées par les médecins évaluateurs et voulant que le tableau douloureux chronique ne soit pas attribuable à une atteinte radiculaire ou un déficit neurologique, comme tel. Aussi, cet avis du docteur Lépine se veut plus nuancé et va au-delà d’une telle constatation lorsque le docteur Lépine soumet que le tableau douloureux chronique s’associe davantage à un problème d’irritation radiculaire.
[128] De plus, sur la foi des explications offertes par le docteur Lépine, la Commission des lésions professionnelles retient que l’entorse lombaire subi le 14 novembre 2005 est survenue sur une condition personnelle préexistante de discopathie dégénérative.
[129] Or, tel que considéré par le docteur Lépine, le travailleur était demeuré fonctionnel avant l’accident du 14 novembre 2005 et ce, malgré que cette condition personnelle préexistante soit déjà en cours d’évolution.
[130] Par conséquent, n’eut été de la survenance du traumatisme, il y a lieu de retenir que le travailleur n’aurait pas immédiatement connu un tel tableau douloureux avec une telle persistance. Aussi, en référence à l’avis émis par le docteur Lépine, ce tableau douloureux en cause n’est certes pas dû à l’évolution naturelle de la condition personnelle préexistante du travailleur et ce, d’autant plus lorsqu’il considère l’âge de ce dernier. En somme, l’équilibre s’est rompu avec la survenance du traumatisme du 14 novembre 2005.
[131] Dans de telles circonstances, la Commission des lésions professionnelles doit conclure que la preuve médicale établit, de manière probante, que la lésion du travailleur n’est pas consolidée en date du 7 août 2006.
[132] Aussi, doit-elle conclure, par la même occasion, que cette lésion requiert des soins ou traitements additionnels, soit la nécessité de la pratique d’une chirurgie décompressive, telle que recommandée par le docteur Jean-Marc Lépine.
[133] Compte tenu de cette première conclusion, la Commission des lésions professionnelles considère qu’il s’avère prématuré de déterminer si la lésion professionnelle permet l’octroi d’une atteinte permanente à l’intégrité physique et de limitations fonctionnelles.
[134] La Commission des lésions professionnelles doit ensuite déterminer si le travailleur est capable, en date du 10 janvier 2007, d’exercer l’emploi convenable de cuisinier et ce, en référence à la décision rendue par la CSST, le 23 mars 2006, à la suite d’une révision administrative.
[135] Or, compte tenu de la conclusion ci-haut à laquelle est parvenue la Commission des lésions professionnelles, il y a lieu de déclarer qu’il s’avère prématuré de déterminer, en date du 10 janvier 2007, un emploi convenable.
[136] La Commission des lésions professionnelles doit également déterminer si le travailleur a droit, pour la saison hivernale 2006-2007, au remboursement de frais de déneigement.
[137] La loi prévoit que la réadaptation sociale peut inclure notamment le remboursement des frais engendrés pour des travaux d’entretien courants du domicile.
[138] L’article 165 de la loi prévoit les conditions de remboursement de ces frais :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
__________
1985, c. 6, a. 165.
[139] Le législateur a ainsi prévu qu’un travailleur peut être remboursé de tels frais dans la mesure où il démontre qu’une atteinte permanente grave à son intégrité physique résulte de sa lésion professionnelle, que les travaux qu’il est incapable de faire en raison de cette atteinte permanente constituent des travaux d’entretien courant du domicile et qu’il aurait normalement lui-même effectué ces travaux si ce n’était de sa lésion professionnelle.
[140] Suivant la jurisprudence bien établie du tribunal, l’analyse du caractère « grave » d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ne doit pas se faire uniquement en regard du pourcentage de cette atteinte permanente mais en tenant également compte de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les travaux visés par l’article 165, compte tenu des limitations fonctionnelles qui résultent de sa lésion professionnelle.
[141] Sur cet aspect, la Commission des lésions professionnelles s’exprime comme suit dans l’affaire Lalonde et Mavic Construction et CSST[5] :
« […]
[46] La jurisprudence majoritaire de la Commission des lésions professionnelles et de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles a établi que l’analyse du caractère grave d’une atteinte permanente à l’intégrité physique doit s’effectuer en tenant compte de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les activités visées par l’article 165 de la loi². Dès lors, le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique n’est pas le critère unique et déterminant à tenir compte. Il faut s’interroger sur la capacité du travailleur à effectuer lui-même les travaux en question compte tenu de ses limitations fonctionnelles. Soulignons que les limitations fonctionnelles mesurent l’étendue de l’incapacité résultant de la lésion professionnelle.
[…]
_________
2 Chevrier et Westburne ltée, CALP 16175-08-8912, 1990-09-25, M. Cuddihy; Bouthillier et Pratt & Whitney Canada inc., [1992] CALP 605 ; Gasthier inc. et Landry, CLP 118228-63-9906, 1999-11 03, M. Beaudoin; Dorais et Développement Dorais enr., CLP 126870-62B-9911, 127060-62B-9911, 2000-07-11, N. Blanchard; Allard et Plomberie Lyonnais inc., CLP 141253-04B-0006, 2000-12-11, H. Thériault; Thibault et Forages Groleau (1981), CLP 131531-08-0001, 130532-08-0001, 2001-03-23, P. Simard.
[142] Par conséquent, le travailleur doit être en mesure de démontrer qu’il est incapable d’effectuer les travaux d’entretien concernés et qu’il effectuerait elle-même de tels travaux, n’eut été de sa lésion professionnelle.
[143] Dans le cas soumis, la lésion subie par le travailleur, au niveau lombaire, n’est pas consolidée et ce, en référence à l’une des conclusions énoncées ci-haut par la Commission des lésions professionnelles. Aussi, ce n’est que lorsque son médecin aura complété un rapport d’évaluation médicale, aux fins d’évaluer les séquelles de la lésion et après consolidation de cette dernière, qu’il sera possible d’apprécier le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique résultant de cette lésion et la nature des limitations fonctionnelles permanentes qui pourront en résulter. Certes, ce rapport d’évaluation médicale ne sera complété que lorsque la lésion aura été consolidée.
[144] Toutefois, bien qu’il s’avère prématuré d’apprécier le caractère de gravité de l’atteinte permanente qui pourra résulter de la lésion, il n’en demeure pas moins que la Commission des lésions professionnelles considère que la chirurgie qui sera effectuée permet tout de même de prévoir l’octroi d’un certain pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique et ce, en conformité avec le barème.
[145] La difficulté qui subsiste réside dans le fait que ce n’est qu’au moment que le médecin du travailleur aura complété le rapport d’évaluation médicale qu’il sera possible de savoir s’il y a lieu d’octroyer également des limitations fonctionnelles permanentes.
[146] Pour le moment et ce, en référence au rapport du BEM du 1er novembre 2006, il n’en demeure pas moins que l’évaluation effectuée par le docteur Bouchard permet d’envisager minimalement un déficit anatomophysiologique de 2 % et ce, pour une entorse lombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées.
[147] De plus, dans l’attente de connaître la nature même de ces limitations fonctionnelles, il n’en demeure pas moins que la blessure en cause n’est toujours pas consolidée et que la capacité résiduelle du travailleur est assurément diminuée et ce, d’autant plus qu’il est en attente d’une chirurgie.
[148] Dans de telles circonstances, la Commission des lésions professionnelles croit que les limitations fonctionnelles temporaires dont le travailleur est assurément porteur sont certes incompatibles avec la nature des travaux requis pour effectuer le déneigement de l’entrée de sa résidence et ce, pour la saison hivernale 2006-2007.
[149] Quant à la condition prévoyant que les travaux d’entretien en cause doivent être des travaux d’entretien courant du domicile, la Commission des lésions professionnelles doit référer à la jurisprudence[6] qui établit que la notion de « d’entretien courant du domicile » s’interprète dans le sens de travaux d’entretien habituel, ordinaire du domicile par opposition à des travaux d’entretien inhabituel ou extraordinaire.
[150] La Commission des lésions professionnelles considère donc que les travaux requis au déneigement, pour permettre l’accès au domicile du travailleur, constituent des travaux d’entretien courant du domicile.
[151] Quant à la condition prévoyant que le travailleur aurait effectué lui-même les travaux relatifs au déneigement n’eût été la survenance de sa lésion professionnelle, cette question ne fut nullement l’objet de discussions devant la Commission des lésions professionnelles et ce, compte tenu que la CSST reconnaissait, d’emblée, que cette condition était rencontrée et que le refus du remboursement des frais relatifs au déneigement avait trait à d’autres motifs.
[152] Donc, compte tenu qu’aucune preuve n’a été soumise aux fins de démontrer que le travailleur ne satisfaisait pas à cette condition, la Commission des lésions professionnelles considère que le travailleur a droit au remboursement des frais requis pour le déneigement de sa résidence.
[153] Reste à déterminer le montant du revenu brut annuel assurable devant servir aux fins du calcul des indemnités de remplacement du revenu auxquelles le travailleur a droit conséquemment à la lésion professionnelle subie le 14 novembre 2005.
[154] Or, aux fins d’apprécier cette question, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la CSST était bien-fondée, en date du 8 juin 2006, de reconsidérer la décision rendue initialement le 13 décembre 2005, par le biais d’un avis de paiement.
[155] La CSST, par le biais d’une révision administrative, a considéré que la CSST avait reconsidéré illégalement cet avis de paiement du 13 décembre 2005 et a rétabli ce dernier de manière à conclure que le montant des indemnités de remplacement du revenu du travailleur devait être établi sur la base du revenu brut annuel assurable de 21 840 $.
[156] L’article 365 de la loi prévoit ce qui suit;
365. La Commission peut reconsidérer sa décision dans les 90 jours, si celle-ci n'a pas fait l'objet d'une décision rendue en vertu de l'article 358.3, pour corriger toute erreur.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'une partie, si sa décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel, reconsidérer cette décision dans les 90 jours de la connaissance de ce fait.
Avant de reconsidérer une décision, la Commission en informe les personnes à qui elle a notifié cette décision.
Le présent article ne s'applique pas à une décision rendue en vertu du chapitre IX.
__________
1985, c. 6, a. 365; 1992, c. 11, a. 36; 1996, c. 70, a. 43; 1997, c. 27, a. 21.
[157] Le législateur a ainsi prévu que la CSST peut reconsidérer sa décision dans les 90 jours lorsque celle-ci n’a pas fait l’objet d’une décision rendue en vertu de l’article 358.3 de la loi et ce, pour corriger toute erreur.
[158] Selon les notes évolutives complétées par l’agente d’indemnisation, madame Josée Frenette, le 7 mars 2006, et tel que plus amplement rapporté ci-haut, la Commission des lésions professionnelles conclut que celle-ci reconnaissait que la décision rendue par le biais de l’avis de paiement émis le 13 décembre 2005 comportait une erreur.
[159] En effet, dans le cadre d’un échange téléphonique avec le travailleur et au cours duquel ce dernier s’informait s’il pouvait songer à ajouter le montant retiré à titre de pourboires, madame Frenette confirme une telle possibilité mais à la condition qu’une preuve écrite lui soit produite.
[160] Aussi, selon les notes évolutives ensuite complétées en date du 1er juin 2006, madame Frenette spécifie alors qu’elle entend modifier la base salariale retenue par le biais de l’avis de paiement du 13 décembre 2005 si le travailleur lui fournit une preuve de gains additionnels.
[161] Aussi, compte tenu de la preuve dès lors soumise par le travailleur, elle convient qu’il y aurait lieu de modifier la base salariale. Elle lui demande donc de lui transmettre le document complété pour les fins du ministère du Revenu et qui confirme plus particulièrement le montant additionnel à ajouter à son salaire.
[162] Par le biais d’une décision rendue le 8 juin 2006 ainsi que par le biais de l’avis de paiement du 13 juin 2006, la base salariale initialement retenue à l’avis de paiement du 13 décembre 2005 et qui était de 21 840 $ est modifiée pour celle de 26 040 $.
[163] Madame Frenette tient ainsi compte du revenu déclaré par l’employeur à l’« Avis et demande de remboursement » et qui est de 21 840 $, montant auquel il faut ajouter la somme 4 200 $ indiquée à la « Demande de redressement d’une déclaration de revenus » telle que complétée par le travailleur, en date du 28 avril 2006.
[164] Cette décision du 8 juin 2006 a donc consisté à reconsidérer la décision initialement rendue le 13 décembre 2005. Or, bien que la CSST pouvait reconsidérer cette décision, en raison de toute erreur, il n’en demeure pas moins qu’elle ne pouvait effectuer un tel pouvoir de reconsidération au-delà du délai prévu par le législateur, soit au-delà du délai de 90 jours.
[165] En effet, la Commission des lésions professionnelles doit tenir compte que l’avis de paiement ainsi reconsidéré date du 13 décembre 2005 alors que la décision qui a consisté à effectuer la reconsidération date du 8 juin 2006.
[166] Manifestement et ce au sens de l’article 365, alinéa 1 de la loi, le délai de 90 jours n’a pas été respecté.
[167] Reste à apprécier si la CSST pouvait reconsidérer la décision de décembre 2005 et ce, en référence au deuxième alinéa de l’article 365 de la loi.
[168] En effet, le législateur a prévu que la CSST peut, de sa propre initiative ou à la demande d’une partie, reconsidérer la décision dans les 90 jours de la connaissance d’un fait nouveau et ce, si sa décision a été rendue avant que soit connu ce fait essentiel.
[169] Selon les explications offertes par le travailleur qui sont demeurées entièrement crédibles, la Commission des lésions professionnelles retient que la preuve a démontré que ce dernier a appris, en mars 2006, que les pourboires qu’il pouvait encaisser suite à la vente de meubles usagers et ce, en vertu de l’entente intervenue avec son employeur au cours de l’été précédent, constituaient du revenu imposable pour les fins du ministère du Revenu.
[170] Aussi, s’agissait-il d’une information qui n’était manifestement pas accessible au travailleur puisque son propre comptable qui était responsable de compléter ses déclarations de revenus, pour l’année 2005, dût lui-même vérifier s’il s’avérait légalement requis de déclarer de tels pourboires.
[171] En effet, les déclarations de revenus initialement complétées par ce comptable faisaient fi de l’ajout des pourboires, pourboires qu’il dut ensuite déclarer et ce, après de plus amples vérifications par le biais de la demande de redressement d’une déclaration de revenus complétée le 28 avril 2006.
[172] Ainsi, tel qu’il appert de cette demande de redressement, d’autres revenus d’emploi devaient s’ajouter à la somme de 21 840 $ déclarée par l’employeur, à titre du de salaire gagné au cours des 12 derniers mois, soit des revenus additionnels totalisant la somme de 4 200 $.
[173] Aussi, est-ce sur la foi de l’information obtenue auprès de madame Josée Frenette, en date du 7 mars 2006, que le travailleur dut vérifier auprès de son propre comptable, s’il y avait possibilité de déclarer ses pourboires auprès du ministère du Revenu.
[174] En effet, tel que plus amplement expliqué par madame Frenette, la possibilité d’ajouter le montant de ses pourboires à son salaire était envisageable mais à la condition que le travailleur lui fournisse une preuve écrite.
[175] Or, ce n’est qu’après avoir vérifié auprès de son comptable l’obligation de déclarer de tels pourboires, à titre de revenu imposable, que le travailleur se fait alors confirmer une telle obligation, de telle sorte que les pourboires encaissés lors de la revente de meubles usagés constituaient du revenu imposable et par le fait même, des gains additionnels à ajouter au salaire déclaré par son employeur, au formulaire de « Demande de redressement d’une déclaration de revenus ».
[176] La Commission des lésions professionnelles considère que la demande de redressement d’une déclaration de revenus complétée par le travailleur, en date du 28 avril 2006, constitue un fait essentiel et que ce fait essentiel était inconnu de la CSST lorsque celle-ci a rendu sa décision initiale par le biais de l’avis de paiement du 13 décembre 2005.
[177] Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles retient que la CSST pouvait reconsidérer l’avis de paiement du 13 décembre 2005 dans les 90 jours de la connaissance de ce fait.
[178] Or, en considération de la date à laquelle fut complétée la demande de redressement, soit en date du 28 avril 2006, la Commission des lésions professionnelles retient que la CSST a exercé son pouvoir de reconsidération dans les 90 jours de la connaissance de ce fait et ce, lorsqu’elle rend sa décision en date du 8 juin 2006. D’ailleurs, le travailleur a effectué sa demande de reconsidération par l’écrit daté du 3 mai 2006.
[179] Cette conclusion s’avère d’autant plus exacte lorsqu’on considère que la demande de redressement n’a été expédiée à la CSST qu’à compter du 1er juin 2006. À l’appui, référence est faite aux notes évolutives complétées en date du 1er juin 2006 par madame Frenette et au sein desquelles celle-ci mentionne sa demande effectuée auprès du travailleur voulant qu’il lui expédie le document du ministère du Revenu permettant de confirmer son salaire.
[180] La décision rendue le 8 juin 2006 le fut donc dans les 90 jours de la connaissance, par la CSST, de ce fait essentiel.
[181] La Commission des lésions professionnelles considère donc que la décision rendue par la CSST, le 8 juin 2006, le fut en respect des conditions par le législateur à l’article 365, alinéa 2 de la loi.
[182] Compte tenu de cette conclusion, la Commission des lésions professionnelles doit retenir que la reconsidération, telle qu’effectuée, s’avère bien fondée puisqu’elle tient compte d’une donnée nouvelle voulant qu’au salaire initialement déclaré par l’employeur et qui est de 21 840 $ devait s’ajouter la somme dénoncée par le biais de la demande de redressement de déclaration de revenus et qui totalise 4 200 $.
[183] Par conséquent, la conclusion de la CSST voulant qu’il y ait lieu de reconsidérer l’avis de paiement du 13 décembre 2005 pour ensuite rétablir le montant de 21 840 $ ajoutant le revenu des pourboires réellement encaissés par le travailleur, soit 4 200 $, est bien fondée.
[184] La Commission des lésions professionnelles retient que la conclusion voulant que la somme de 26 040 $ puisse être retenu pour les fins du calcul des indemnités de remplacement du revenu s’avère non seulement bien fondée mais également équitable, en ce qu’elle reflète les gains réellement gagnés par le travailleur au cours de l’année 2005 soit, plus particulièrement dans les 12 derniers mois précédant la survenance de la lésion professionnelle.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier : 305778-31-0612
ACCUEILLE la requête de monsieur Éric Nadeau, le travailleur;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 20 novembre 2006, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE bien fondée la reconsidération exercée par la Commission de la santé et de la sécurité du travail par le biais de la décision rendue le 8 juin 2006 et à l’effet de retenir le montant de 26 040 $ pour les fins du calcul des indemnités de remplacement du revenu auxquelles monsieur Éric Nadeau a droit, conséquemment à la lésion professionnelle subie le 14 novembre 2005.
Dossier : 305792-31-0612
ACCUEILLE la requête de monsieur Éric Nadeau;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité travail, le 12 décembre 2006, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la lésion professionnelle subie le 14 novembre 2005 n’est pas consolidée et qu’elle nécessite des soins ou traitements additionnels, soit plus particulièrement la pratique d’une intervention chirurgicale.
Dossier : 316021-31-0704
ACCUEILLE la requête de monsieur Éric Nadeau;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 23 mars 2007, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE prématurée la détermination d’un emploi convenable, en date du 10 janvier 2007;
DÉCLARE que monsieur Éric Nadeau a droit au remboursement des frais requis pour effectuer le déneigement de sa résidence pour l’hiver 2006-2007.
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CAROLE LESSARD |
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Commissaire |
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Me Jean Bellemare |
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BELLEMARE, AVOCATS |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Annick Marcoux |
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PANNETON LESSARD |
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Représentant de la partie intervenante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] (1987) 119 g.o. II, 5576.
[3] Voir notamment : Soucy-Tessier et CSST [1995] C.A.L.P., 1434.
[4] CSN Construction, Fédération des employées et employés de services publics CSN et Confédération des syndicats nationaux c. C.L.P. 43 (C.S.), appel rejeté. C.A., Montréal, 500-09-009666, 14 janvier 2003, jj. Brossard, Morin, Rayle.
[5] 46710-07-0009, 28 novembre 2001, M. Langlois.
[6] Lévesque et Mines Northgate inc. [1990] C.L.P. p. 683.
AVIS :
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