Patoine et Cegelec Entreprises 1991 ltée |
2012 QCCLP 4250 |
______________________________________________________________________
______________________________________________________________________
[1] Le 12 mars 2012, monsieur Jean-Claude Patoine (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 22 février 2012 à la suite d'une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une première décision qu’elle a rendue le 26 octobre 2011 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût d’acquisition d’un lit électrique.
[3] L’audience s’est tenue le 29 juin 2012 à Saguenay en présence du travailleur et de son procureur. Pour sa part, la compagnie Cegelec Entreprises 1991 limitée (F) (l’employeur) n’était pas représentée.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit au remboursement du coût d’acquisition d’un lit orthopédique électrique tel que décrit sur la facture datée du 4 juillet 2011.
LES FAITS
[5] De la preuve documentaire et testimoniale, le tribunal retient notamment ce qui suit.
[6] Actuellement âgé de 69 ans, le travailleur a subi un premier accident du travail en 1970, à la suite duquel une discoïdectomie L4-L5 gauche a dû être pratiquée.
[7] Le 21 août 1981, le travailleur subit un deuxième accident du travail qui nécessita une greffe au niveau lombaire (L5-S1). À la suite de ce dernier accident du travail, le travailleur fut consolidé avec un taux d’incapacité partielle permanente de 25 %.
[8] En 1989 et en 1996, le travailleur subit des récidives, rechutes ou aggravations de sa condition lombaire. À la suite de ces nouvelles lésions professionnelles, l’atteinte permanente du travailleur a été évaluée à 55,50 % et les limitations fonctionnelles suivantes lui ont été reconnues :
Ø Ne pas demeurer dans la même posture plus de 15 à 20 minutes;
Ø Besoin de s’allonger occasionnellement (coussin sous son genou gauche) pour diminuer douleur;
Ø Incapable de marcher de longues distances;
Ø Incapable de demeurer debout plus de 15 minutes;
Ø Ne peut manipuler des objets de plus de 10 livres, peu importe les circonstances;
Ø Incapable d’effectuer des mouvements du tronc avec des amplitudes normales;
Ø Incapable de mouvements répétitifs au niveau du tronc.
[9] Par la suite, la CSST évalue qu’il est impossible de déterminer un emploi convenable au travailleur et accepte de lui verser des indemnités de remplacement du revenu jusqu’à l’âge de 68 ans.
[10] Le 21 juin 2011, la docteure Johanne Gosselin écrit que le travailleur présente une aggravation de sa condition lombaire et demande que de nouveaux examens radiologiques soient effectués.
[11] Le 6 juillet 2011, la docteure Gosselin complète un billet médical sur lequel elle indique que le travailleur a besoin d’un lit orthopédique et réfère à la présence d’une lombalgie chronique.
[12] Le 19 juillet 2011, des traitements de physiothérapie sont recommandés au travailleur par la docteure Gosselin.
[13] Le 20 septembre 2011, la CSST autorise le travailleur à suivre les traitements de physiothérapie prescrits pour sa condition lombaire.
[14] Le 26 octobre 2011, la CSST refuse de rembourser au travailleur le coût d’acquisition d’un lit électrique. Selon les notes évolutives de l’agente de la CSST, cette demande du travailleur est notamment refusée en raison du fait qu’il est autonome lors ses transferts au lit et que les notes médicales de la docteure Gosselin font état de la présence de plusieurs conditions personnelles.
[15] Le 22 février 2012, à la suite d'une révision administrative, la CSST confirme que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût d’acquisition d’un lit électrique.
[16] Le 24 février 2012, la Commission des lésions professionnelles[1] rend une décision se rapportant aux besoins d’aide personnel à domicile du travailleur. Relativement aux besoins d’assistance pour le coucher et le lever du lit, le tribunal retenait ce qui suit :
[49] La première activité remise en question par le travailleur est le lever. Le témoignage du travailleur a démontré qu’il a besoin d’une assistance complète. Le tribunal considère que passer de l’état horizontal à celui de vertical en un minimum de 15 minutes, démontre que le travailleur éprouve des difficultés considérables qui, de l’avis du tribunal, pourraient présenter un danger évident pour sa sécurité s’il devait faire un mouvement rapide. Au surplus, le temps considérable écoulé avant que le travailleur ne réussisse à se mettre debout démontre que sa seule contribution n’est certes pas significative. Dans ces circonstances, le tribunal accorde une assistance complète et ajoute trois points à l’évaluation qui n’en accordait aucun pour cet item.
[50] Eu égard aux explications du travailleur sur l’activité du coucher, le tribunal considère que bien que cela lui soit difficile, il n’a pas besoin d’assistance. [sic]
[17] Le 12 mars 2012, le travailleur conteste à la Commission des lésions professionnelles la décision rendue par la CSST le 22 février 2012, d’où le présent litige.
[18] Le 24 avril 2012, la docteure Gosselin complète un nouveau billet médical sur lequel elle indique que le travailleur a besoin d’un lit orthopédique en raison de la présence d’une lombalgie chronique et d’une baisse de ses capacités à se lever.
[19] Lors de l’audience, le travailleur confirme qu’il éprouve des difficultés à se lever de son lit. Il ajoute que son sommeil est perturbé par des douleurs reliées à sa condition lombaire, et ce, malgré qu’il utilise plusieurs oreillers pour trouver une position confortable au lit.
[20] D’autre part, le travailleur confirme que sa condition lombaire se détériore graduellement avec le temps et que l’obtention d’un lit orthopédique électrique l’aiderait à se lever et favoriserait un meilleur sommeil.
L’AVIS DES MEMBRES
[21] Le membre issu des associations d’employeurs ainsi que le membre issu des associations syndicales sont d’avis unanime que la requête du travailleur doit être accueillie.
[22] Ils sont d’avis que la preuve documentaire et testimoniale permet de conclure que l’acquisition d’un lit orthopédique électrique est en lien avec les conséquences des lésions professionnelles subies par le travailleur et permettrait d’en atténuer les effets.
LES MOTIFS
[23] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit au remboursement du coût d’acquisition d’un lit orthopédique électrique.
[24] À cet effet, les articles 188 et 189 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) prévoient que :
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
__________
1985, c. 6, a. 188.
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit:
1° les services de professionnels de la santé;
2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons, les services ambulanciers et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
__________
1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.
[25] De plus, les articles 2 et 18 du Règlement sur l’assistance médicale[3] (le règlement) ainsi que l’annexe II de ce règlement prévoient que :
2. Les soins, les traitements, les aides techniques et les frais prévus au présent règlement font partie de l’assistance médicale à laquelle peut avoir droit un travailleur, lorsque le requiert son état en raison d’une lésion professionnelle.
D. 288-93, a. 2.
18. La Commission assume le coût de location, d'achat et de renouvellement d'une aide technique prévue à l'annexe II, aux conditions et selon les montants prévus à la présente section et à cette annexe, lorsque cette aide technique sert au traitement de la lésion professionnelle ou qu'elle est nécessaire pour compenser des limitations fonctionnelles temporaires découlant de cette lésion.
La Commission assume également les frais prévus à l'annexe II, aux conditions et selon les montants indiqués à cette annexe sur présentation de pièces justificatives détaillant leur coût.
D. 288-93, a. 18.
(…)
ANNEXE II
(a. 18, 19, 23 et 24)
AIDES TECHNIQUES ET FRAIS
AIDES TECHNIQUES
(…)
4° Lits d'hôpitaux et accessoires:
Le coût de location d'un lit d'hôpital et de ses accessoires soit les côtés de lit, la table de lit, le cerceau, le trapèze et le tabouret d'utilité.
Le coût de location d'un lit d'hôpital électrique est assumé uniquement lorsque le travailleur n'a personne pouvant manoeuvrer son lit au besoin et qu'il est capable de manoeuvrer seul un lit électrique.
D. 288-93, Ann. II.
[26] D’autre part, les articles 145 et 151 de la loi prévoient, en matière de réadaptation, que :
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 145.
151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
__________
1985, c. 6, a. 151.
[27] Il est finalement pertinent de reproduire le paragraphe 5 de l’article 184 de la loi qui prévoit que :
184. La Commission peut :
(…)
5° prendre toute mesure qu'elle estime utile pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d'une lésion professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 184.
[28] En l’espèce, le tribunal est d’avis que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût d’acquisition d’un lit orthopédique électrique en vertu des dispositions portant sur l’assistance médicale, puisque selon l’article 18 du règlement, la CSST peut assumer le coût d’acquisition d’équipements prévus à l’annexe II, que lorsque ceux-ci servent au traitement d’une lésion professionnelle ou pour compenser des limitations fonctionnelles temporaires.
[29] Or, dans le présent dossier, la preuve révèle que les lésions professionnelles subies par le travailleur au niveau lombaire sont consolidées depuis plusieurs années et que des limitations fonctionnelles permanentes en découlent. Par conséquent, il y a lieu de conclure que l’aide technique dont le travailleur demande le remboursement ne sert pas au traitement de sa lésion professionnelle ni à compenser pour des limitations fonctionnelles temporaires. Au surplus, l’annexe II du règlement prévoit uniquement que la CSST assume le coût de location d’un lit orthopédique. Or, ce n’est pas ce que demande le travailleur en l’espèce.
[30] Toutefois, le tribunal estime que la demande du travailleur est recevable en vertu des dispositions sur la réadaptation prévues aux articles 145 et suivants de la loi, puisque la preuve démontre que la condition lombaire de ce dernier nécessite l’acquisition d’un lit orthopédique électrique.
[31] En effet, la Commission des lésions professionnelles retient qu’à la suite de ses lésions professionnelles, une importante atteinte permanente de 55,50 % ainsi que des limitations fonctionnelles majeures ont été reconnues au travailleur. Rappelons que parmi les limitations fonctionnelles reconnues au travailleur, il est spécifié qu’il ne peut effectuer des mouvements du tronc dans les amplitudes normales et qu’il doit s’allonger occasionnellement avec un oreiller sous son genou gauche.
[32] Outre la présence de ces importantes limitations fonctionnelles, le tribunal retient qu’à la suite de ses lésions professionnelles, le travailleur conserve une condition de lombalgie chronique. Or, à l’instar du docteure Gosselin, le tribunal estime que cette condition justifie entièrement l’acquisition d’un lit orthopédique électrique.
[33] D’autre part, bien que la preuve révèle que le travailleur présente plusieurs problèmes de santé personnels, il y a lieu de constater que la docteure Gosselin fait uniquement référence à la condition de lombalgie chronique de celui-ci, dans les billets médicaux des 6 juillet 2011 et 24 avril 2012, pour justifier l’acquisition d’un lit orthopédique électrique.
[34] Par ailleurs, le tribunal retient que dans la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles[4] le 24 février 2012, il a été spécifiquement reconnu que le travailleur éprouvait « des difficultés considérables » à se lever de son lit. Or, l’obtention d’un lit orthopédique électrique viendra assurément faciliter cette tâche au travailleur.
[35] Finalement, il y a lieu de prendre en considération que la preuve démontre que la condition lombaire du travailleur s’est dégradée depuis 2011, puisque de nouveaux traitements de physiothérapie lui ont été prescrits par la docteure Gosselin ainsi que de nouveaux examens radiologiques.
[36] La Commission des lésions professionnelles conclut donc que la preuve prépondérante démontre que l’acquisition d’un lit orthopédique électrique est une mesure nécessaire pour atténuer les conséquences des lésions professionnelles subies par le travailleur ainsi que pour lui permettre de s’adapter à sa nouvelle situation.
[37] La requête du travailleur doit par conséquent être accueillie.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur Jean-Claude Patoine, le travailleur;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d'une révision administrative le 22 février 2012;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement du coût d’acquisition d’un lit orthopédique électrique (ainsi que du couvre-matelas l’accompagnant), tel que décrit sur la facture du 4 juillet 2011.
|
|
|
Jean Grégoire |
|
|
|
|
|
|
|
|
Me Jean-Sébastien Deslauriers |
|
F.I.P.O.E. |
|
Représentant de la partie requérante |
|
|
|
|
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.