Décision

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S.Q. et Compagnie A

2010 QCCLP 8080

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Lévis

5 novembre 2010

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossier :

413990-03B-1006

 

Dossier CSST :

130558968

 

Commissaire :

Alain Tremblay, juge administratif

 

Membres :

Michel Piuze, associations d’employeurs

 

Yves Racette, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

S... Q...

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

[Compagnie A]

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 23 juin 2010, monsieur S... Q... (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 7 juin 2010 à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST maintient cinq décisions initialement rendues le 18 janvier, les 1er et 16 mars ainsi que les 19 et 20 avril 2010. Ces décisions portent sur les sujets suivants.

[3]           Le 18 janvier 2010, la CSST refuse au travailleur le droit au remboursement des frais d’aide ménagère au motif qu’il n’existe aucun programme permettant le remboursement de tels frais. Par la même décision, elle refuse de rembourser les frais de grand ménage au motif que le travailleur n’est pas porteur d’une atteinte permanente grave à son intégrité physique ou psychique.

[4]           Le 1er mars 2010, la CSST refuse le remboursement de frais reliés à l’achat d’orthèses plantaires moulées ainsi que des chaussures et des bottes extra-profondes au motif que ces dépenses ne sont pas reliées au traitement de la lésion professionnelle qu’a subie le travailleur le 7 novembre 2006.

[5]           Le 16 mars 2010, la CSST refuse de rembourser les frais relatifs à l’achat de couches de protection contre l’incontinence (couches Tena) au motif que l’incontinence dont souffre le travailleur n’est pas en relation avec sa lésion professionnelle.

[6]           Le 19 avril 2010, la CSST refuse le remboursement relatif aux frais de déneigement, de la tonte de la pelouse et du grand ménage annuel au motif que la lésion du travailleur n’est pas consolidée et qu’il est prématuré de prévoir les séquelles de sa lésion physique.

[7]           Le 20 avril 2010, la CSST refuse le remboursement des frais relatifs aux travaux d’entretien ménager du domicile depuis le début de la lésion professionnelle au motif que ceux-ci « ne sont pas couverts par notre programme sur les travaux d’entretien courant du domicile ».

[8]           Une audience est tenue à Saint-Georges-de-Beauce le 21 septembre 2010 en présence du travailleur et de son représentant. L’employeur, [la Compagnie A], par une lettre transmise au tribunal en date du 13 septembre 2010, a renoncé à l’audience mais a demandé le maintien des décisions rendues par la CSST compte tenu des faits déjà contenus au dossier du travailleur.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[9]           Le travailleur demande que soit infirmée la décision rendue par la CSST le 7 juin 2010 afin que soit reconnu son droit au remboursement des frais relatifs aux travaux d’entretien courant de son domicile, à l’aide personnelle à domicile, à la tonte de sa pelouse, au déneigement, au remboursement des frais relatifs aux prothèses prescrites par le médecin traitant de même qu’au remboursement des frais relatifs à l’utilisation de couches de protection contre l’incontinence.

L’AVIS DES MEMBRES

[10]        Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que même si la lésion du travailleur n’est pas consolidée, il est médicalement possible de prévoir que le travailleur sera porteur d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, ne serait-ce qu’en raison d’un possible diagnostic d’entorse lombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées, d’une névrose du groupe possiblement I ou II et d’un trouble d’incontinence pour lequel un déficit anatomo-physiologique est également prévu au Règlement sur le barème des dommages corporels[1] (le règlement).

[11]        Les membres estiment également que ces atteintes permanentes doivent être évaluées en fonction de leurs impacts sur la capacité résiduelle du travailleur pour déterminer si nous sommes en présence d’une atteinte permanente grave au sens de la jurisprudence du tribunal.

[12]        Or, ils estiment que les rapports médicaux contenus au dossier en physiatrie et en psychiatrie permettent d’établir que le travailleur présente des limitations fonctionnelles tant au plan physique qu’au plan psychique et qu’il a besoin, de manière pressante, de soutien pour l’ensemble des travaux qu’il n’est pas en mesure d’accomplir lui-même pour l’entretien de sa résidence et de sa personne.

[13]        De plus, ils estiment que les orthèses prescrites par le médecin traitant sont en lien avec la lésion professionnelle et qu’il y a lieu de faire droit à sa requête.

[14]        Enfin, les rapports médicaux des urologues contenus au dossier permettent d’établir clairement la relation médicale entre l’incontinence dont souffre le travailleur et sa lésion professionnelle survenue en 2006. Ils estiment qu’il y a également lieu d’accueillir la requête du travailleur pour sa demande de remboursement relative à l’utilisation de couches de protection contre l’incontinence.

[15]        Quant au rapport complété par l’ergothérapeute mandatée par le représentant du travailleur, ils estiment que la grille utilisée par celle-ci correspond à celle normalement utilisée par la CSST et qu’il y a lieu de considérer qu’elle constitue une preuve prépondérante quant à l’évaluation de l’aide requise par le travailleur pour son maintien à domicile. Par contre, la recommandation portant sur l’adaptation résidentielle n’a pas fait l’objet d’une décision initiale de la CSST et le tribunal, quoique très sensibilisé à l’importance de ces recommandations, ne peut s’en saisir, mais peut demander à la CSST de se prononcer rapidement sur ces demandes formulées par le travailleur.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[16]        La Commission des lésions professionnelles doit décider si les décisions rendues par la CSST refusant l’aide ménagère (18 janvier et 20 avril 2010) sont conformes aux faits et au droit.

[17]        La Commission des lésions professionnelles comprend de la demande du travailleur lorsqu’il réclame de l’« aide ménagère » ou encore des frais relatifs à l’« entretien régulier du domicile », qu’il fait référence aux tâches qu’il effectuait normalement lui-même pour procéder à l’entretien de son domicile et à l’entretien de sa personne.

[18]        À deux reprises, la CSST refuse les demandes du travailleur au motif qu’il n’existe pas de programme correspondant à cette demande d’aide de la part du travailleur.

[19]        Or, l’article 158 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) prévoit spécifiquement l’aide à domicile qui peut être accordée à un travailleur. Les articles pertinents relatifs au traitement d’une telle demande sont les suivants :

158.  L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.

__________

1985, c. 6, a. 158.

 

159.  L'aide personnelle à domicile comprend les frais d'engagement d'une personne pour aider le travailleur à prendre soin de lui-même et pour effectuer les tâches domestiques que le travailleur effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion.

 

Cette personne peut être le conjoint du travailleur.

__________

1985, c. 6, a. 159.

 

 

[20]        La lecture de ces articles permet de retenir que le travailleur peut avoir droit à l’aide personnelle à domicile pourvu que les soins requis découlent de sa lésion professionnelle, qu’il soit incapable de se les prodiguer lui-même ou d’effectuer sans aide les tâches domestiques, des tâches qu’il effectuerait normalement lui-même si ce n’était de l’incapacité qui découle de sa lésion professionnelle. De plus, l’aide doit être nécessaire pour son maintien à son domicile ou pour favoriser son retour à domicile. Qu’en est-il au juste?

[21]        Le tribunal a pris connaissance de l’ensemble des pièces contenues au dossier, de celles déposées à l’audience (rapport de consultation du docteur Yves Brault, physiatre, en date du 20 avril 2010 (pièce T-1) et du 19 juillet 2010 (pièce T-2)) et il a reçu à l’audience le témoignage du travailleur de même que les arguments de son procureur. Le tribunal avait aussi pris connaissance du rapport d’une ergothérapeute, madame Mylène Fortier, complété en date du 15 août 2010 à la demande du représentant du travailleur et déposé au greffe du tribunal en date du 8 septembre 2010. De l’ensemble de ces faits, le tribunal retient les plus pertinents tels qu’exposés ci-après.

[22]        Le 7 novembre 2006, alors qu’il occupe un emploi de lamineur pour son employeur, le travailleur subit une lésion professionnelle ainsi décrite :

J’étais agenouillé pour laminer le bas du moule 55 DAF et mon confrère en poussant 55 DAF et avec le coin du moule, il m’a frappé le bas de la colonne du dos. J’ai été basculé sur l’autre moule. J’ai ressenti une douleur insupportable dans le bas du dos.

 

 

[23]        Le travailleur n’a pas été en mesure de compléter sa journée de travail. Il consulte le jour même le docteur Dary qui pose un diagnostic de contusion lombaire et recommande des travaux légers pour une semaine. Le 7 novembre 2006, une radiographie de la colonne lombosacrée révèle ce qui suit :

Léger pincement L4-L5 avec bec ostéophytique de la région antéro-supérieure de L-5. Il n’y a pas d’anomalie par ailleurs.

 

 

[24]        Les rapports médicaux subséquents font état des diagnostics de contusion lombaire et de myalgie au niveau scapulaire de l’épaule et de la région cervicale.

[25]        Le 5 janvier 2007, une tomodensitométrie de la colonne lombaire révèle ce qui suit :

Au niveau L4-L5 : bombement discale circonférentiel entraînant une déformation triangulaire du sac dural, sans évidence de compression radiculaire ni de sténose canalaire. Pas d’arthrose facettaire.

 

Au niveau L5-S1 : pas de hernie discale. Pas de sténose canalaire. Légère arthrose facettaire bilatérale.

 

 

[26]        L’employeur fait examiner le travailleur par son médecin, lequel conclut à une lésion consolidée. Une contestation s’ensuit auprès du Bureau d’évaluation médicale.

[27]        Entre-temps, le 18 avril 2007, le travailleur est examiné par le docteur Yves Brault, physiatre. Celui-ci retient un diagnostic de contusion post-entorse récidivante au niveau L4-L5 et il constate également un trouble d’adaptation à la douleur (humeur dépressive).

[28]        L’employeur fait également examiner le travailleur en raison de ce nouveau diagnostic de lésion psychologique. Le diagnostic de trouble d’adaptation avec humeur mixte d’évolution chronique est retenu le 12 juin 2007 par le docteur Gauthier. Toutefois, ce dernier estime qu’il s’agit d’une condition personnelle non en relation avec la lésion professionnelle. Une contestation du diagnostic retenu par le médecin traitant quant à la présence d’une lésion psychologique est donc intentée auprès du Bureau d’évaluation médicale.

[29]        Un premier avis du Bureau d’évaluation médicale est émis le 6 juin 2007 en relation avec la pathologie lombaire alors qu’un deuxième avis du Bureau d’évaluation médicale sera émis le 1er décembre 2008 en relation avec la pathologie psychologique.

[30]        Le travailleur conteste les décisions du Bureau d’évaluation médicale et la Commission des lésions professionnelles, saisie de ces deux litiges, se prononce le 24 novembre 2009[3]. Celle-ci conclut que le travailleur présente un diagnostic de contusion au niveau lombaire sur une condition de discopathie dégénérative L4-L5 dont la consolidation n’est toujours pas obtenue. La décision ordonne également au travailleur de participer au programme PERT afin d’évaluer ses limitations fonctionnelles.

[31]        La décision retient également que le travailleur est porteur d’un diagnostic psychiatrique, soit un trouble d’adaptation chronique dont la consolidation n’est toujours pas obtenue. Les limitations fonctionnelles relatives à ce diagnostic apparaissent prématurées à déterminer de même que l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique compte tenu des traitements qui sont toujours en cours.

[32]        Le tribunal estime toutefois opportun de rappeler certains passages de cette décision, en particulier celui relatif à l’opinion du docteur Girard, psychiatre ayant examiné le travailleur aux fins de déterminer la présence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique et la présence de limitations fonctionnelles, opinion rapportée comme suit :

[58]      […] À ce titre, il considère qu’en conformité avec le barème de la CSST au groupe II des névroses, le travailleur devra se voir octroyer une atteinte permanente de 15 %. Il mentionne également que malgré la présence d’une condition personnelle antérieure, soit une certaine fragilité personnelle qui ait pu agir comme facteur aggravant, il considère que le trouble d’adaptation résulte surtout de l’accident du 7 novembre 2006. Le docteur Girard considère que le travailleur présente certaines limitations au niveau psychiatrique, sans toutefois identifier clairement les limitations fonctionnelles dont il serait porteur. Effectivement, le docteur Girard conclut à la présence d’une certaine tristesse et labilité affective, une apparence négligée et des troubles d’attention-concentration légers, sans que ces éléments puissent à eux seuls l’empêcher de faire tout travail, mais deviennent incapacitants lorsque combinés avec les problèmes physiques et les douleurs chroniques alléguées par le travailleur.

 

[notre soulignement]

 

 

 

[33]        Quant à la lésion physique, le tribunal se prononce comme suit :

[59]      Quant à la lésion physique, le tribunal est d’avis de retenir le diagnostic prépondérant de contusion lombaire qui a été retenu essentiellement par l’ensemble des médecins et celui du BEM, sauf le docteur Brault. Toutefois, le tribunal est d’avis, comme le docteur Brault, de préciser qu’il s’agit d’une contusion lombaire L4-L5 sur une condition de discopathie dégénérative L4-L5.

 

[60]      Par ailleurs, l’apparente banalité de ce diagnostic ne permet pas ici d’établir que celui-ci est consolidé dans la présente affaire. En effet, le tribunal rappelle que le travailleur est porteur d’un problème double, à savoir une lésion physique d’apparence banale et un trouble d’adaptation chronique significatif en relation avec sa perception de ses douleurs physiques.

 

[61]      Le tribunal rappelle que le docteur Brault a examiné le travailleur environ une douzaine de reprises et à chaque occasion les amplitudes articulaires au niveau lombaire du travailleur étaient limitées de façon objective puisque celles-ci avaient été mesurées au goniomètre. D’ailleurs, le docteur Blouin qui avait examiné le travailleur à la demande de l’employeur, le 27 février 2007, avait lui-même noté des amplitudes à la région dorsolombaire limitée au niveau de la flexion antérieure, au niveau de l’extension, au niveau également de la flexion latérale gauche et droite de même qu’au niveau de la rotation. Il faut donc faire le constat que sur le plan objectif, le travailleur avait de véritables limitations au niveau lombaire indépendamment de sa perception ou de la déformation en raison de ses troubles d’adaptation chronique.

 

[notre soulignement]

 

 

[34]        Le tribunal note également les commentaires faits à l’occasion de la décision susmentionnée portant sur la complexité et le caractère inextricable des lésions dont souffre le travailleur aux plans physique et psychique. Le tribunal s’exprimait comme suit :

[65]      Le problème consiste à départager ce qui relève de la lésion physique et ce qui relève du problème psychologique. Devant cette impossibilité, de l’aveu même des docteurs Brault et Girard qui ont témoigné à l’audience, il devient difficile ici de consolider par exemple la lésion physique alors que le problème psychologique se nourrit de ce volet physique. Il serait pour le moins également difficile de consolider la lésion psychologique alors que le problème physique nourrit ce dernier. Devant l’impossibilité dans l’état actuel des choses de procéder à ce départage des responsabilités des deux types de lésion, le tribunal est d’avis que la suggestion commune du docteur Brault et du docteur Girard recommandant de référer le travailleur au programme PERT apparaît, ici, un traitement et un soin approprié à la condition du travailleur. Ce programme vise essentiellement à faire l’évaluation et la rééducation d’un travailleur aux prises avec des douleurs chroniques2.

______________

2     Duclos et Costco Canada, C.L.P. 129349-02-9912, 26 juin 2000, P. Simard (qui confirme que le recours au programme PERT peut faire partie d’un traitement approprié).

 

 

[35]        À l’audience, le travailleur précise qu’il a débuté une première évaluation à l’Institut de réadaptation en déficience physique de Québec (IRDPQ). Celle-ci devrait se poursuivre au cours des prochaines semaines. Il prend toujours une médication pour sa lésion psychique de même que pour sa lésion physique.

[36]        Les rapports médicaux complétés par son médecin traitant, le docteur Yves Brault, physiatre, à la suite des examens de suivi effectués les 20 avril et 19 juillet 2010, révèlent que malgré le temps écoulé, la médication utilisée et le repos, il n’y a pas d’amélioration clinique.

[37]        Le docteur Brault constate toujours que le travailleur est très souffrant au niveau du segment lombaire de sa colonne vertébrale, douleur qui migre toujours vers les deux membres inférieurs jusqu’au dessous des deux pieds.

[38]        Le médecin maintient le traitement actuel qui comprend l’usage d’un corset lombaire quotidien, des traitements en psychologie à raison d’une visite aux deux semaines et la poursuite de l’évaluation auprès de l’IRDPQ.

[39]        Le docteur Brault note d’ailleurs que les mouvements de la charnière lombosacrée sont limités à 15 degrés en flexion latérale gauche, à 15 degrés en flexion latérale droite, à 10 degrés d’extension et de 35 à 40 degrés en flexion antérieure. Les douleurs sont toujours très précises aux niveaux L4-L5 et L5-S1.

[40]        Le docteur Brault est en attente du rapport d’évaluation de l’IRDPQ afin de voir les limitations fonctionnelles et surtout les capacités résiduelles du travailleur afin d’envisager un retour sur le marché du travail compte tenu de l’état physique du travailleur. Il estime que le travailleur est inapte à tout travail au moment de son évaluation.

[41]        Quant au rapport complété par l’ergothérapeute, madame Mylène Fortier, celui-ci révèle qu’elle a pris connaissance de l’ensemble des rapports médicaux contenus au dossier du travailleur, tant au plan physique qu’au plan psychiatrique. Elle a procédé à une entrevue d’évaluation au domicile du travailleur et note que ce dernier paie lui-même les frais relatifs à l’entretien de son domicile depuis 2006. Il fait actuellement affaire avec la coopérative de services à domicile pour l’équivalent d’environ trois heures par semaine pour laver les draps, le plancher, la salle de bain, épousseter, faire la lessive, laver les vitres, ranger, arroser les fleurs extérieures, sortir les ordures et le recyclage et préparer de la nourriture en prévision de la visite de ses deux filles dont il a la visite durant la fin de semaine. C’est son neveu qui fait la tonte du gazon et le déblaiement de la neige en hiver. Il demeure seul.

 

 

[42]        Elle note que le travailleur fait usage de la médication suivante :

-         Advil, Tylenol au besoin

-         Nexium

-         Empracet

-         Quétiapine 200 mg et ratio-quétiapine 300 mg

-         Docusate

-         Lorazepam 2 mg

-         Sennosides 8,6 mg

-         Neproxen 500 mg

-         Ventafaxine XR 150 mg

-         Hemcort

 

 

[43]        Elle note que toutes les pièces principales de la résidence sont situées au rez-de-chaussée que ce soit le salon, la cuisine, la salle de bain et la chambre à coucher. Le travailleur indique qu’il ne se rend pas au sous-sol puisqu’il sert uniquement de rangement. Quant à l’étage supérieur, il n’est pas utilisé car il devait faire l’objet de rénovations avant l’événement survenu en 2006.

[44]        À la section « Habiletés motrices », elle note que la flexion lombaire du travailleur est limitée à 40 degrés de même que l’extension à seulement 10 degrés. Les flexions latérales sont d’environ 15 degrés.

[45]        À cet égard, le tribunal constate que les limitations sont sensiblement les mêmes que celles notées par le docteur Brault lors de ses examens antérieurs.

[46]        L’examen neurologique ne révèle rien de particulier alors que la mobilité des hanches déclenche des douleurs lombaires de même que la flexion antérieure répétée à trois reprises.

[47]        À la section « Mobilité », elle note que le travailleur se déplace dans son domicile sans boiterie, de façon autonome, mais en s’appuyant sur les surfaces situées à proximité de ses déplacements. Il peut difficilement adopter des positions basses ou se pencher avec un appui. Il a du mal à se relever. Ces positions ne sont pas fonctionnelles. Les transferts se font de façon autonome, mais avec difficulté. La circulation dans l’escalier extérieur se fait sans alterner et avec un appui au mur extérieur.

[48]        À la section, « Dimensions psychiques », elle note ce qui suit :

Nous observons que le contact visuel est restreint et l’affect est peu mobilisable. Monsieur présente une hygiène négligée. Il perd souvent le fil de la conversation et a parfois du mal à terminer ses phrases. Il se trompe à plusieurs reprises dans les dates en résumant son histoire. Nous notons des difficultés de concentration.

[49]        L’ergothérapeute procède ensuite à l’évaluation au plan de la dimension personnelle, de la dimension domiciliaire et de la dimension communautaire. Ses conclusions sont les suivantes :

La mise en relation des capacités observées, du profil fonctionnel rapporté par Monsieur Q... et des informations consultées au dossier nous permet de constater que Monsieur Q... rencontre actuellement un déséquilibre important entre ses capacités et les exigences de son environnement. Sa fonction physique et psychique actuelles sont insuffisantes pour assurer son autonomie personnelle ainsi que pour vaquer à plusieurs tâches domestiques.

 

De fait, les capacités actuelles de Monsieur Q... sont réduites par l’atteinte à la région lombaire qui se caractérise par une perte significative de mobilité et des douleurs chroniques importantes. Il présente aussi une certaine apathie et perte d’intérêt et de motivation pour plusieurs activités de base comme l’hygiène, son alimentation et la préparation des repas en plus d’avoir des difficultés physiques pour accomplir ces activités.

 

Actuellement, l’ensemble du portrait nous démontre que Monsieur Q... ne possède pas les capacités nécessaires pour assurer son intégrité physique ni pour effectuer certaines tâches domestiques qu’il accomplissait auparavant.

 

[sic]

 

 

[50]        L’ergothérapeute, en faisant usage de la grille « Évaluation de besoins en aide personnelle » utilisée à la CSST, retient que le travailleur totalise 10 points sur un total de 48 donnant droit à une aide partielle pour les activités reliées à l’hygiène corporelle, le ménage léger, le ménage lourd, le lavage du linge et l’approvisionnement.

[51]        La Commission des lésions professionnelles rappelle que le remboursement des frais relatifs à l’aide personnelle à domicile fait partie du chapitre de la réadaptation sociale. Ce même chapitre repose sur le droit prévu à l’article 145 de la loi quant à la réadaptation physique, sociale et professionnelle. Cet article est ainsi libellé :

145.  Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 145.

 

 

[52]        La présence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique constitue donc l’assise sur laquelle repose le droit à la réadaptation sociale.

[53]        Dans la présente affaire, le travailleur n’est pas encore reconnu officiellement porteur d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique. Par contre, la jurisprudence[4] du tribunal a, à maintes reprises, rappelé qu’en l’absence de consolidation d’une lésion, il est parfois possible de déterminer médicalement la présence d’une éventuelle atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique.

[54]        En l’espèce, le travailleur est reconnu porteur d’une contusion lombaire au niveau L4-L5, laquelle est assimilable à une entorse lombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées pour laquelle un déficit anatomo-physiologique pourrait éventuellement être déterminé.

[55]        De plus, le docteur Girard, psychiatre, croit que le travailleur devrait être reconnu atteint d’une névrose du groupe II alors que la Commission des lésions professionnelles croit qu’il est peut-être trop tôt pour en arriver à un tel constat, compte tenu de sa décision rendue initialement sous la signature du commissaire Jean-Luc Rivard en date du 24 novembre 2009 et qu’il y a lieu d’attendre la fin des traitements avec le psychologue. À la limite, le travailleur serait éventuellement porteur d’une névrose du groupe I.

[56]        Enfin, l’incontinence urinaire sur laquelle nous reviendrons ultérieurement dans la présente décision peut également faire l’objet de la reconnaissance d’un déficit anatomo-physiologique si ce trouble persiste.

[57]        Le tribunal en vient donc à la conclusion que le travailleur sera, de toute évidence, reconnu porteur d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique que ce soit en psychiatrie, en orthopédie ou en neurologie.

[58]        De plus, une certaine jurisprudence[5] du tribunal a également reconnu que même en l’absence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, un travailleur peut avoir droit à la réadaptation s’il présente des limitations fonctionnelles permanentes l’empêchant de reprendre un emploi.

[59]        Ainsi, la présence ou l’absence de limitations fonctionnelles constitue un élément objectif davantage pertinent pour déterminer si le travailleur doit bénéficier de mesures de réadaptation en vue de sa réinsertion sociale ou professionnelle.

[60]        Or, les limitations fonctionnelles décrites par le docteur Brault à maintes reprises et d’ailleurs constatées par l’ergothérapeute lors de son évaluation faite au domicile du travailleur confirment celles-ci quant à sa capacité limitée pour effectuer des flexions antérieures et latérales. De plus, les importantes douleurs qu’il ressent à la simple répétition de ces mouvements combinées à des facteurs psychologiques bien décrits permettent de comprendre l’incapacité du travailleur à effectuer certaines tâches pour l’entretien courant de son domicile ainsi que pour ses soins personnels.

[61]        Le tribunal constate que la lésion du travailleur n’est toujours pas consolidée et qu’il y a un risque d’aggravation de celle-ci si la CSST attend la production d’un rapport d’évaluation médicale des dommages corporels tant dans la sphère de l’orthopédie que dans celle de la psychiatrie avant d’analyser les demandes du travailleur.

[62]        Un tel délai apparaît incompatible avec l’objectif de la loi qui vise la protection de la santé et le maintien de l’intégrité physique ou psychique d’un travailleur compte tenu des conséquences qui découlent d’une lésion professionnelle.

[63]        Dans la présente affaire, le tribunal n’a aucun doute quant aux conséquences actuellement vécues par le travailleur tant en raison d’un diagnostic de contusion lombosacrée reconnue et actuellement en traitement de même qu’en raison d’un diagnostic de trouble de l’adaptation reconnu et également sous traitement.

[64]        Les conséquences physiques sont bien décrites par le docteur Brault et confirmées par l’ergothérapeute qui a procédé à une évaluation au domicile du travailleur.

[65]        De plus, l’ergothérapeute, même s’il ne s’agit pas là de sa sphère de spécialité, constate également les difficultés de fonctionnement au plan psychologique rapportées par le docteur Brault et bien documentées par le docteur Girard, psychiatre. Ainsi, la combinaison des lésions physiques et psychiques entraîne des conséquences importantes pour le travailleur, non seulement pour l’entretien de son domicile, mais aussi pour la protection de sa santé et de son intégrité physique.

[66]        La preuve contenue au dossier, constatée également par le tribunal lors de l’audience et nullement contredite, apparaît probante et convaincante dans les circonstances. Le travailleur a un réel besoin d’aide à domicile. Il y a lieu de faire droit à sa requête afin que l’aide appropriée soit mise en place le plus rapidement possible par la CSST. Celle-ci apparaît également nécessaire pour son maintien à domicile afin d’éviter une détérioration qui pourrait nécessiter une hospitalisation.

[67]        De plus, la situation bien décrite au dossier est présente depuis les tout débuts de la lésion professionnelle du travailleur bien que les diagnostics en psychiatrie aient pris un certain temps à être précisés. L’incapacité du travailleur, tant aux plans physique que psychique, remonte à 2006 et il y a lieu pour la CSST de faire droit à la demande de remboursement du travailleur à cet égard compte tenu des preuves qu’il devra fournir, si ce n’est pas déjà fait.

[68]        La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit au remboursement des frais relatifs à l’entretien courant de son domicile pour le grand ménage (décision du 18 janvier 2010) et pour le déneigement et la tonte de sa pelouse (décision du 19 avril 2010).

[69]        Le législateur a prévu les critères d’ouverture au droit au remboursement pour les frais d’entretien du domicile à l’article 165 de la loi qui est libellé comme suit :

165.  Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[70]        À la lecture de cet article, trois critères sont nécessaires pour donner ouverture à ce droit :

-         être reconnu porteur d’une atteinte permanente grave;

-         être incapable de faire soi-même les travaux d’entretien courant du domicile;

-         il doit s’agir de travaux que le travailleur faisait normalement lui-même.

 

 

[71]        La Commission des lésions professionnelles a décrit plus haut l’état de la jurisprudence quant à la reconnaissance ou encore la présence nécessaire d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, aux fins de l’octroi de l’aide personnelle. Quant à la façon d’évaluer la « gravité » d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, la jurisprudence[6] du tribunal a établi que le caractère grave d’une atteinte s’induit de l’adéquation ou de l’inadéquation des limitations fonctionnelles d’un travailleur par rapport aux exigences physiques des travaux nécessités pour l’entretien courant d’un domicile.

[72]        En l’espèce, le travailleur sera éventuellement reconnu porteur d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, mais il est surtout porteur de limitations fonctionnelles qui, après quatre années, apparaissent fort probablement définitives quant à sa lésion affectant la colonne vertébrale lombaire. Il apparaît également fort probable qu’une atteinte permanente sera également reconnue au plan psychique.

[73]        La description des limitations fonctionnelles a également été présentée précédemment non seulement en fonction des rapports les plus récents du docteur Brault, mais également en fonction de l’évaluation complétée par l’ergothérapeute citée également un peu plus haut dans la présente décision.

[74]        À cet égard, l’ergothérapeute constate que les tâches à forte exigence physique sont évidemment incompatibles avec la condition lombaire du travailleur. Elle note particulièrement qu’une aide maximale est requise pour le ménage lourd.

[75]        Le tribunal n’a également aucune hésitation à conclure que le travailleur n’est pas en mesure d’effectuer lui-même le déneigement des accès à sa résidence tout comme la tonte de sa pelouse, des activités incompatibles avec sa condition physique actuelle.

[76]        Le tribunal tient cependant à souligner, tant d’ailleurs pour l’aide personnelle que pour les travaux d’entretien courant du domicile, qu’une réévaluation doit être faite périodiquement compte tenu de la possible amélioration de la condition physique et psychique du travailleur au cours des prochains mois. L’aide apparaît toutefois requise dans les circonstances pour rejoindre l’objectif de l’article 1 de la loi qui vise à pallier aux conséquences de la lésion professionnelle du travailleur, mais aussi à permettre son retour à l’autonomie en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

[77]        Dans l’état actuel de la situation du travailleur, affecté d’une double lésion physique et psychique, il apparaît indéniable que la preuve est prépondérante quant aux limitations fonctionnelles importantes affectant le travailleur au plan physique et psychique l’empêchant d’exercer lui-même des tâches qu’il faisait avant la survenance de sa lésion professionnelle pour l’entretien de son domicile.

[78]        De plus, il appert de la preuve contenue au dossier que le travailleur a embauché des personnes pour accomplir ces tâches, et ce, depuis la survenance de sa lésion professionnelle. La demande de remboursement du travailleur doit donc être reconnue en fonction de la preuve qu’il sera en mesure de fournir à cet égard à la CSST, et ce, depuis la survenance de sa lésion professionnelle.

[79]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement des frais relatifs à l’acquisition d’orthèses plantaires moulées et de chaussures et bottes extra-profondes (décision du 1er mars 2010).

[80]        Le législateur a prévu le remboursement de telles orthèses en vertu des articles 188 et 189 portant sur l’assistance médicale. Ces articles sont ainsi libellés :

188.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.

__________

1985, c. 6, a. 188.

 

189.  L'assistance médicale consiste en ce qui suit :

 

1° les services de professionnels de la santé;

 

2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);

 

3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;

 

4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;

 

5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.

__________

1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.

 

 

[81]        Il appert de la lecture de ces articles que l’assistance médicale peut prendre la forme de l’acquisition de prothèses et d’orthèses pourvu que celles-ci soient prescrites en raison de la lésion professionnelle reconnue à un travailleur.

[82]        En l’espèce, le travailleur a témoigné quant au fait qu’il a décidé de procéder lui-même à l’acquisition de chaussures orthopédiques et qu’il en a discuté par la suite avec son médecin traitant. Il n’apparaît pas évident au dossier que de telles prothèses ont été effectivement prescrites par le médecin du travailleur. Une telle preuve reste à démontrer.

[83]        Toutefois, le tribunal constate que le travailleur a vu une certaine amélioration quant à la stabilité de la marche avec de telles orthèses. Il s’est dit très satisfait et il en faisait usage d’ailleurs lors de l’audience.

[84]        Comme l’indiquait le procureur du travailleur, le travailleur n’aurait certainement pas procédé à l’acquisition de telles orthèses si elles ne lui avaient pas procuré un tel support pour la marche.

[85]        Le tribunal estime que si le travailleur est en mesure de fournir une prescription médicale de la part de son médecin traitant, il y a lieu pour la CSST de procéder au remboursement de ces orthèses compte tenu des difficultés que présente le travailleur pour son équilibre puisqu’il doit se tenir assez souvent en s’appuyant sur les meubles situés le long de ses déplacements ou encore en s’appuyant sur la rampe des escaliers pour gravir ceux-ci. Le rapport de l’ergothérapeute contenu au dossier corrobore cet état de fait.

[86]        Le travailleur présente donc une difficulté à la marche qui justifie l’acquisition d’orthèses permettant de sécuriser l’activité de la marche compte tenu de sa lésion professionnelle.

[87]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement de couches de protection contre l’incontinence (protection Tena) (décision de la CSST du 16 mars 2010).

[88]        L’article 189 de la loi déjà cité précise à son troisième paragraphe que les produits pharmaceutiques peuvent également faire l’objet d’un remboursement de la part de la CSST si ceux-ci, comme l’indique l’article 188 déjà cité, sont en relation avec la lésion professionnelle qu’a subie le travailleur.

[89]        À cet égard, la preuve contenue au dossier révèle que le travailleur a consulté le docteur Jean Vézina, urologue rattaché à l’IRPDQ, le 7 mai 2009.

[90]        Le docteur Vézina rapporte que le travailleur souffre d’un problème d’incontinence urinaire à l’effort. Des tests et des recommandations sont alors faits et une recommandation pour le port d’une protection contre l’incontinence demeure la seule solution envisagée.

[91]        Le docteur Pierre E. Bertrand, urologue mandaté par le représentant du travailleur, a examiné ce dernier et a produit un rapport en date du 24 août 2010 après avoir procédé à l’examen de l’ensemble des pièces médicales contenues au dossier. Il rapporte ce qui suit :

Peu de temps après l’accident de novembre 2006 M. Q... a commencé à faire de l’incontinence urinaire. Ce problème s’est aggravé progressivement au cours des années suivantes. Monsieur décrit des pertes de petites quantités d’urine qui sortent « en jet » s’il fait des efforts et même s’il est au repos (assis à lire son journal). Il ne ressent pas le besoin d’uriner avant ces périodes. Quand il a envie, il a le temps de se rendre aux toilettes (pas de miction impérieuse).

Au Centre de Réadaptation on lui a prescrit une protection d’incontinence (Téna). Monsieur doit changer de pad protecteur au milieu de journée et le soir au coucher. Il précise que ses pads sont alors « mouillés modérément ». Monsieur note qu’il doit forcer pour vider sa vessie.

Monsieur a été référé au docteur Jean-Guy Vézina, urologue, en 2009. Une étude urodynamique a été faite. Elle démontre une atteinte partielle de l’innervation vésicale avec sensibilité diminuée et une miction à bas débit. On note en plus des signes d’atteinte motrice partielle de la vessie. Le docteur Vézina suggère le port d’une protection et note qu’un médicament contre l’instabilité vésicale risquerait d’aggraver la dysurie (dossier pg 296-297).

 

À la page 58 on note que « le docteur Vézina n’a pas retenu d’étiologie précise ». Au contraire, le rapport détaillé de cet urologue confirme un diagnostic de vessie neurogène.

 

À la page 65, on affirme que l’incontinence urinaire de M. Q... est « un symptôme et non un diagnostic ». Sans s’attarder à la sémantique, il faut admettre que monsieur souffre d’incontinence urinaire secondaire à une discopathie lombaire entraînant une vessie neurogène. La nécessité de pads Téna est réelle et prescrite par son urologue.

 

Contrairement à ce qui est noté par le docteur Tremblay à la page 78, le docteur Vézina décrit en détail les manifestations d’une vessie neurogène dans son rapport.

 

L’étude du dossier de M. Q... nous amène donc à conclure que son incontinence urinaire est une manifestation d’une instabilité vésicale (hyperréflexie) causée par atteinte neurologique secondaire aux discopathies lombaires. Dans le Textbook of Neurogenic Bladder (Corcos et Schick) au chapitre 26 que j’ai écrit avec le docteur Schick, à la page 340 on retrouve plusieurs références soulignant l’existence d’un lien entre les discopathies lombaires et l’hyperréflexie vésicale. Je termine en répondant à vos questions :

 

1.     DAP urologique : Le barème de la CSST accorde 30 % pour « incontinence urinaire occasionnelle ou partielle nécessitant protection ».

 

2.     L’accident du 7 novembre 2006 a aggravé la pathologie lombaire de monsieur et les manifestations de vessie instable et d’incontinence sont apparues peu de temps après. Le lien de causalité nous apparaît très probable. Le docteur Vézina semble partager cette opinion.

 

3.     Soins et traitements à prévoir : Monsieur devrait être suivi en urologie (Vézina) mais pour l’instant aucune autre mesure que les Ténas est prévue.

 

 

[92]        À l’audience, le travailleur témoigne qu’il souffre toujours de cette incontinence urinaire et même fécale de façon occasionnelle. Il doit faire constamment usage de couches de protection.

[93]        Le tribunal retient en preuve que le travailleur a fait mention, à plusieurs reprises, de ses problèmes d’incontinence découlant de sa pathologie lombaire, tels que rapportés dans les différents rapports médicaux du docteur Brault et même auprès du docteur Girard.

[94]        Le travailleur consulte en 2009 pour la première fois mais, selon son témoignage, on peut retenir que celui-ci souffrait de ce problème dans les années antérieures, mais qu’une augmentation graduelle des symptômes l’a amené à consulter seulement à compter de 2009.

[95]        Le tribunal retient également l’opinion du docteur Bertrand, d’ailleurs non contredite, quant à la cause de l’incontinence urinaire dont souffre le travailleur, à savoir les pathologies lombaires qui affectent le travailleur et fort probablement une atteinte urologique directement reliée à la lésion professionnelle dont souffre le travailleur.

[96]        De plus, l’opinion du docteur Bertrand est appuyée d’un « textbook » démontrant les troubles d’incontinence urinaire faisant suite à des problèmes de pathologie lombaire.

[97]        La Commission des lésions professionnelles estime que si la CSST a refusé le remboursement des couches de protection contre l’incontinence en raison de l’absence de preuve de la relation entre ce problème et la lésion professionnelle dont souffre le travailleur, la preuve présentée au tribunal permet d’en arriver à une conclusion contraire quant à la relation causale entre ce « symptôme » ou cette « séquelle » et la lésion professionnelle.

[98]        Ainsi, en appliquant les critères généralement reconnus en matière de relation causale, c’est-à-dire l’importance du traumatisme initial, la durée de la symptomatologie, le site anatomique en cause, le suivi médical constant, la présence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique découlant de la lésion initiale, etc., il apparaît probable que le travailleur, ne souffrant d’aucuns antécédents au niveau vésical ou urinaire, présente une difficulté d’incontinence urinaire apparue à compter de la lésion professionnelle survenue en 2006 et qu’aucune autre cause ne peut être retenue en lien avec cette conséquence de la lésion affectant la colonne vertébrale lombaire du travailleur.

[99]        La Commission des lésions professionnelles partage, à cet égard, l’opinion du docteur Bertrand quant à l’étiologie en cause dans le problème d’incontinence urinaire du travailleur. Le travailleur devra donc faire l’objet d’un rapport d’évaluation médicale des dommages corporels en relation avec ce trouble urinaire selon les rapports médicaux du médecin traitant.

[100]     La Commission des lésions professionnelles en vient donc à la conclusion que le travailleur est affecté d’un trouble d’incontinence urinaire en lien avec sa lésion professionnelle survenue en 2006 et qu’il a droit au remboursement des frais reliés à l’acquisition des produits pharmaceutiques telles les couches de protection contre l’incontinence sur présentation des pièces justificatives.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête déposée le 23 juin 2010 par monsieur S... Q..., le travailleur;

INFIRME la décision rendue le 7 juin 2010 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a droit au programme d’aide personnelle à domicile selon l’évaluation présentée et retenue en preuve lors de la présente audience et sur présentation des pièces justificatives par le travailleur auprès de la Commission de la santé et de la sécurité du travail;

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais d’entretien de son domicile pour le grand ménage, la tonte de la pelouse et le déneigement des accès à sa résidence sur présentation des pièces justificatives à la Commission de la santé et de la sécurité du travail et après autorisation de celle-ci;

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais d’assistance médicale pour l’acquisition de couches de protection contre l’incontinence en fonction des pièces justificatives qu’il devra fournir à la Commission de la santé et de la sécurité du travail;

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais d’acquisition d’orthèses plantaires moulées, de chaussures et de bottes extra-profondes sur présentation d’une prescription de son médecin traitant et des pièces justificatives à transmettre à la Commission de la santé et de la sécurité du travail et remboursables selon les barèmes de celle-ci.

 

 

__________________________________

 

Alain Tremblay

 

 

 

 

Me Marc Bellemare

BELLEMARE, AVOCATS

Représentant de la partie requérante

 

 



[1]           (1987) 119 G.O. II, 5576.

[2]           L.R.Q., c. A-3.001.

[3]           S.Q. et Compagnie A et Commission de la santé et de la sécurité du travail, C.L.P. 328093-03B-0709 et 368113-03B-0901, 24 novembre 2009, J. L. Rivard.

[4]           Brouty et Voyages Symone Brouty, 120748-31-9907, 00-06-15, P. Simard; Fortin et Les amusements Fortin inc., 123470-02-9909, 00-09-18, S. Lemire; Gagné et Provigo Distribution inc., [2000] C.L.P. 456 ; Gadoua et Acier CMC inc., 138419-62-0005, 00-11-15, L. Couture; Langelier et Les Entreprises André et Ronald Guérin ltée, 126249-01B-9910, 01-03-15, L. Desbois.

[5]           Tessier et Scobus (1992) inc., [1995] C.A.L.P. 1487 ; Général Motors du Canada ltée et Trottier, C.A.L.P. 87519-61-9704, 27 novembre 1997, L. Thériault, révision rejetée, 25 juin 1998, A. Archambault; Ouellet et Québec-O-Chimie inc., C.A.L.P. 45950-01-9211, 15 mai 1995, M. Lamarre, (J7-04-36).

[6]           Diane Jean et CSSS Régional du Suroît, C.L.P. 346938-62C-0805, 26 octobre 2009, R. Hudon; Chevrier et Westburne ltée, 16175-08-8912, 90-09-25, M. Cuddihy, (J2-15-19); Boileau et Les centres jeunesse de Montréal, 103621-71-9807, 99-02-01, A. Vaillancourt; séquelles d’entorse cervicale; Filion et P.E. Boisvert auto ltée, 110531-63-9902, 00-11-15, M. Gauthier; Cyr et Thibault et Brunelle, 165507-71-0107, 02-02-25, L. Couture.

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