Décision

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Renaud et 3218643 Canada inc (Le Parmesan)

2009 QCCLP 6606

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Gatineau

30 septembre 2009

 

Région :

Outaouais

 

Dossier :

371399-07-0902

 

Dossier CSST :

118012756

 

Commissaire :

Michèle Gagnon Grégoire, juge administratif

 

Membres :

Philippe Chateauvert, associations d’employeurs

 

Royal Sanscartier, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Sylvie Renaud

 

Partie requérante

 

 

 

 

 

et

 

3218643 Canada inc (Le parmesan) (F)

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 24 février 2009, madame Sylvie Renaud (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 22 janvier 2009 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 25 septembre 2008 et déclare que la travailleuse n’a pas droit au remboursement du médicament Dépo-Medrol.

 

[3]                Une audience est tenue à la Commission des lésions professionnelles à Gatineau en présence de la travailleuse qui n’est pas représentée. La compagnie 3218643 Canada inc (l‘employeur) n’est pas présente puisque l’entreprise est fermée. Le dossier est mis en délibéré le jour de l’audience.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]                La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’elle a droit au remboursement du médicament Dépo-Medrol, administré par son médecin par injection à la région des hanches, puisque celui-ci lui est prescrit à la suite de sa lésion professionnelle. 

LES FAITS

[5]                La travailleuse occupe un emploi de serveuse depuis environ 25 ans lorsqu’elle présente une réclamation à la CSST pour maladie professionnelle. Dans une décision[1] du 6 mars 2001, la Commission des lésions professionnelles reconnaît que la travailleuse est atteinte à compter du 25 février 2000 d’une maladie professionnelle directement reliée aux risques particuliers de son travail de serveuse. En regard des diagnostics qui sont en lien avec cette maladie professionnelle, il y a lieu de reproduire un extrait de la décision :

[37]  À part les diagnostics imprécis d’atteinte de type épicondylite au niveau du coude droit et possibilité de l’équivalent d’un syndrome d’accrochage au niveau de l’épaule, tous les autres diagnostics font référence à des douleurs à la région de la ceinture scapulaire droite en plus de douleurs à l’oreille droite et d’engourdissements qui vont vers la région de la main droite. La preuve démontre que ces douleurs, alléguées par la travailleuse, ont été objectivées par tous les différents médecins lors de la palpation et des différentes manipulations. Les rapports de physiothérapie font également état de diminutions de force musculaire, d’amplitude de mouvements et d’amplitudes articulaires, de même que d’un décollement de l’omoplate droite et d’une dysfonction de la ceinture scapulaire. Les différents médecins consultés soulignent que les tests et radiographies sont normaux. Ils nous apprennent également que les douleurs sont atypiques, que la pathologie n’est pas unique, qu’il s’agit d’un trouble tenace et complexe qu’ils n’arrivent pas à élucider. Le tribunal estime que, dans les circonstances particulières du cas présent, ce n’est pas parce que les nombreux médecins consultés n’ont pas réussi à définir, de façon précise, la pathologie de la travailleuse, qu’il faut en conclure que la travailleuse n’est pas affectée d’une condition qui pourrait être associée à une maladie professionnelle.

 

[6]                Par la suite, la Commission des lésions professionnelles rend une deuxième décision[2] à l’effet d’accepter une lésion professionnelle à titre de rechute, récidive ou aggravation en date du 26 août 2004 de la part de la travailleuse avec un diagnostic de fibromyalgie. Il y a lieu de reproduire un extrait de la décision :

[59] Ajoutons que le docteur Villemaire qui soigne la travailleuse depuis plusieurs années est d’avis que la fibromyalgie qui s’est développée est en relation avec sa maladie professionnelle attribuable aux mouvements répétitifs. Il écrit : « Sans l’installation de la lésion initiale  maintenant compensée par la CSST, elle ne serait pas présentement atteinte du syndrome ». Aucun autre médecin ayant examiné la travailleuse ne fait valoir d’opinion contraire. La travailleuse a continué un suivi médical constant après la consolidation de sa lésion initiale en avril 2003, qui rappelons-le avait laissé des séquelles que la CSST a reconnues.

 

[60] Dans ces circonstances, la Commission des lésions professionnelles conclut que la fibromyalgie qui affecte la travailleuse est en lien avec sa maladie professionnelle et les chirurgies qui en ont découlé et constitue une récidive, rechute ou aggravation à compter de la date d’officialisation du diagnostic, à savoir le 26 août 2004.

 

 

[7]                La Commission des lésions professionnelles se prononce une troisième fois[3] dans le dossier de la travailleuse. Dans cette décision, le tribunal déclare que la lésion professionnelle du 26 août 2004 n’est pas consolidée et que les soins ou traitements sont encore nécessaires tel qu’il est écrit dans la décision :

[62] Dès lors, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il est plausible et probable qu’une fois l’évaluation psychologique et psychiatrique terminée, l’origine des troubles de la travailleuse soit décelée afin d’établir un projet thérapeutique permettant l’amélioration de la condition de la travailleuse.

 

[63] Étant donné que la travailleuse doit poursuivre un sevrage de narcotiques, qu’elle est en attente d’une prise en charge par le Centre de réadaptation du dos et qu’une investigation psychologique et psychiatrique est appropriée, le tribunal estime que la lésion professionnelle n’est pas consolidée.

 

[64] Du coup, la Commission des lésions professionnelles considère que le sevrage des médicaments narcotiques, la prescription ou le maintien des médicaments de type antidépresseur, anticonvulsivant et relaxant musculaire, l’établissement d’un programme d’exercices, une reprise progressive des activités ainsi que des évaluations psychologique et psychiatrique sont nécessaires.

 

 

 

 

[8]                Suite à ces décisions, d’autres diagnostics ont été posés et acceptés par la CSST. Il s’agit des diagnostics de dépression et de trouble douloureux ou trouble somatoforme.

[9]                La travailleuse est suivie par son médecin, le docteur Pierre Villemaire, omnipraticien, depuis le début de sa réclamation à la CSST. Dès le 27 janvier 2004, il note dans un rapport médical que le syndrome cervico-scapulaire droite de sa patiente est devenu très myofascial et qu’il commence à s’étendre au thorax avec douleur à la hanche et à la jambe droite.

[10]           Dans un rapport du 12 février 2004, le docteur Markus Besemann, physiatre, rapporte que depuis un certain temps, la travailleuse accuse une douleur à la jambe droite qui a débuté à la cheville droite pour se propager au genou, à la hanche, au bassin et aux côtes du coté droit.

[11]           Le 26 août 2004, le docteur Besemann précise qu’à la palpation des points fibromyalgiques, presque la totalité de ceux-ci sont maintenant positifs. Il conclut que le diagnostic est maintenant un syndrome fibromyalgique qui s’est installé.

[12]           Le 16 septembre 2008, le docteur Villemaire prescrit à sa patiente des injections de Dépo-Medrol qu’il lui administre une première fois des deux cotés au niveau des hanches. La deuxième fois, il injecte le médicament du coté droit seulement.

[13]           Dans un rapport médical du 29 janvier 2009, le docteur Villemaire écrit que la travailleuse est atteinte de tendinopathie et de bursite sur déconditionnement sévère d’où la nécessité d’injecter à la patiente du Dépo-Medrol à l’occasion. Il réitère cet avis le 30 mars 2009.

[14]           Le 24 juillet 2009, le docteur Villemaire produit un rapport d’évaluation médicale. Il diagnostique notamment une fibromyalgie sévère. Il note que malheureusement, la douleur s’est progressivement propagée au cou ipsilatéral, à la région temporo-mandibulaire, au cervico-scapulaire contralatéral, en dorsolombaire ipsilatral puis bilatéral ainsi qu’aux grands trochanters droits plus que gauches.

[15]           Au chapitre de la médication ou autres mesures thérapeutiques médicales, il écrit :

Il faut avant tout noter un récent programme de réadaptation physiothérapeutique et ergothérapeutique avec un soutien psychologique tous trois d’abord au Centre de Réadaptation du Dos; les volets physio et ergo étant ensuite transférés à physio Montclair où l’approche est beaucoup plus individualisée. C’est au prix d’une hausse de douleur et au sacrifice de toutes autres activités que madame y a amélioré ses capacités quelque peu. Nous espérons qu’elle puisse transposer ses gains dans ses activités quotidiennes à la maison. Par ailleurs, elle reçoit occasionnellement des injections de Dépo-Médrol, et elle est couramment médicamentée avec :

 

-                     Ratio-Fontanyl à 75, changé aux 48 hrs

-                     Cymbalta 60

-                     Lyrica 150, 1 co bid

-                     Zanoflex 4, ii tid

-                     Clonazepam .5 tid

-                     Imovane 7.5 ii hs

 

 

[16]           À l’examen physique le docteur Villemaire décrit une dame mésomorphe qui se mobilise lentement de sa chaise dans la salle d’attente, qui se redresse avec difficulté et qui affiche une boiterie et une raideur et une absence de fluidité des membres et du tronc à la marche. Le faciès exprime douleur et inquiétude de façon appropriée lors du questionnaire et de l’examen. La palpation des points de fibromyalgie est positive à la pression légère avec seule exception à l’épicondyle externe gauche.

[17]           À l’audience la travailleuse explique qu’elle ressent beaucoup de douleurs aux hanches et qu’elle a de la difficulté à demeurer coucher. Les injections administrées par son médecin avec du Dépo-Medrol lui apportent un certain soulagement.

[18]           La section administrative du dossier de la CSST révèle qu’en date du 24 septembre 2008, l’agente réfère à une discussion avec le service médical et qu’il lui est impossible de faire la relation entre les infiltrations aux hanches et la lésion professionnelle reconnue de telle sorte qu’elle refuse le remboursement du Dépo-Medrol.

L’AVIS DES MEMBRES

[19]           Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales sont tous deux d’avis d’accueillir la requête de la travailleuse. Ils sont d’avis que la preuve est prépondérante à l’effet qu’il y a  un lien entre le médicament administré et la fibromyalgie dont est atteinte la travailleuse.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[20]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le Dépo-Medrol est un médicament qui est prescrit à la travailleuse en raison de sa lésion professionnelle et si la travailleuse a droit au remboursement du coût de ces infiltrations au niveau des hanches.

[21]           Il y a lieu de noter que la CSST n’a pas engagé le processus d’évaluation médicale quant à la nécessité de ce soin ou traitement prescrit par le médecin qui a charge de la travailleuse, de telle sorte qu’elle est liée par son opinion à ce sujet en vertu de l’article 224 de la loi qui se lit comme suit :

224.  Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

 

[22]           La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[4] ( la loi) prévoit aux articles 188 et 189 les dispositions quant à l’assistance médicale à laquelle a droit un travailleur.

188.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.

__________

1985, c. 6, a. 188.

 

 

189.  L'assistance médicale consiste en ce qui suit :

 

1° les services de professionnels de la santé;

 

2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);

 

3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;

 

4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;

 

5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.

__________

1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.

 

 

[23]           Le tribunal comprend bien que le siège de la lésion ne se situe pas aux hanches de la travailleuse, toutefois, il y a lieu de rappeler que le diagnostic de fibromyalgie a été reconnu en lien avec la lésion professionnelle de la travailleuse.

[24]           Or, comme l’a déjà reconnu la Commission des lésions professionnelles dans une décision[5], la fibromyalgie est une maladie systémique qui n’affecte pas que la région cervicale et dorsolombaire.

[25]           Cette maladie étant systémique, ce n’est pas l’endroit de l’injection de Dépo-Medrol qui importe mais bien la question de savoir si ce médicament est prescrit en raison de ce diagnostic.

[26]           Or, à ce chapitre, les rapports médicaux produits par le médecin qui a charge de la travailleuse depuis le début de sa lésion sont suffisamment explicites pour permettre au tribunal de dire qu’il y a preuve prépondérante que les injections du médicament Dépo-Medrol sont administrées à la travailleuse en raison de sa lésion professionnelle. D’ailleurs, cette preuve n’est pas contredite.

[27]           La loi prévoit à l’article 194 que le coût de l’assistance médicale est à la charge de la commission :

194.  Le coût de l'assistance médicale est à la charge de la Commission.

 

 

Aucun montant ne peut être réclamé au travailleur pour une prestation d'assistance médicale à laquelle il a droit en vertu de la présente loi et aucune action à ce sujet n'est reçue par une cour de justice.

__________

1985, c. 6, a. 194.

 

 

 

[28]           Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles considère que la travailleuse a droit au remboursement du coût des infiltrations du médicament Dépo-Medrol au niveau des hanches, s’entendant de la région trochantérienne.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de madame Sylvie Renaud, la travailleuse;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 22 janvier 2009 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que madame Sylvie Renaud a droit au remboursement du coût des infiltrations du médicament Dépo-Medrol au niveau des hanches, c’est-à-dire à la région trochantérienne.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Michèle Gagnon Grégoire

 

 

 

 

 



[1]           Renaud et 3218643 Canada inc (Le Parmesan), C.L.P. 143321-07-0007, 6 mars 2001, M. Langlois

[2]           Renaud et 3218643 Canada inc. (Le Parmesan), C.L.P. 297340-07-0608, 7 mars 2007, M. Langlois

[3]           Renaud et 3218643 Canada inc. (Le Parmesan), C.L.P. 330946-07-0710, 25 août 2008, S. Séguin

[4]           L.R.Q. c. A-3.001

[5]           Garceau-Villeneuve et D.R.P.C., C.L.P. 363387-07-0811, 13 août 2009, S. Séguin

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