Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
          LA COMMISSION D'APPEL EN MATIERE
          DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES

     QUÉBEC    MONTRÉAL, le 22 novembre 1991

     DISTRICT D'APPEL   DEVANT LE COMMISSAIRE:  Me MARGARET CUDDIHY
     DE MONTRÉAL

     RÉGION: ABITIBI/
             TÉMISCAMINGUE ASSISTÉE DE  L'ASSESSEUR:   André Gaudreau,
     médecin
     DOSSIER:19746-08-9006

     DOSSIER CSST:9803 389 AUDITION TENUE LE:  6 août 1991
     DOSSIER BRP:6048 5150

          A                :  Val d'Or

     GHISLAIN VILLENEUVE
     173, 15e Rue
     ROUYN-NORANDA (Québec)
     J9X 2K8

                           PARTIE APPELANTE

     et

     RESSOURCES AUNORE INC.
     

624, 3e Avenue VAL-D'OR (Québec) J9P 1S5 et C.S.S.T. - ABITIBI-TÉMISCAMINGUE 33, rue Gamble Ouest ROUYN (Québec) J9X 2R3 PARTIES INTÉRESSÉES D É C I S I O N Le 11 juin 1990, monsieur Ghislain Villeneuve, le travailleur, dépose une déclaration d'appel à l'encontre d'une décision rendue par le bureau de révision de la région de l'Abitibi-Témiscamingue le 7 mai 1990.

Cette décision majoritaire, le membre représentant les travailleurs étant dissident, déclare nulle la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) le 22 décembre 1989 aux motifs qu'elle fait suite à une reconsidération illégale.

OBJET DE L'APPEL Le travailleur demande à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) d'infirmer la décision du bureau de révision et de déclarer que la Commission a eu raison de reconsidérer sa décision du 15 décembre 1988 et d'octroyer au travailleur l'indemnité de remplacement du revenu du 1er mars 1988 au 15 octobre 1989.

EXPOSÉ DES FAITS Le 15 décembre 1988, la Commission rend une décision établissant un plan individualisé en réadaptation pour le travailleur. Cette lettre se lit comme suit: «(...) Suite à la réception du rapport du docteur Yves Bolduc, votre consolidation médicale fut établie au 12 décembre 1988. De plus, considérant le fait que vous ne pouvez retourner à votre emploi de mineur et que l'on a prévu des séquelles permanentes à votre intégrité physique vous rencontrez les critères d'admissibilité nécessaires à la réadaptation.

Votre employeur vous a offert une formation d'opérateur de treuil et vous l'avez accepté. Cette formation débutera le 12 décembre et aura une durée de deux cent (200) heures. Lorsque le cours sera terminé vous serez affecté à ce poste de façon permanente. Nous considérons donc cet emploi comme étant votre emploi convenable. Le revenu retenu pour cet emploi se situe à 35 500,00 $ annuellement.

Nous procéderons à l'évaluation de votre situation (salaire du nouvel emploi) pour déterminer une indemnité de remplacement du revenu réduite s'il y a lieu. Une réévaluation de cette indemnité est prévue deux ans après la détermination de votre capacité à exercer cet emploi convenable.» Le travailleur reçoit une formation d'opérateur de treuil chez l'employeur, soit Ressources Aunore Inc., qui débute le 15 décembre 1988 et se termine vers le 27 janvier 1989, à quelle date, il occupe l'emploi d'opérateur de treuil jusqu'au 14 février 1989, date à laquelle il est mis à pied.

Le 23 février 1989, le travailleur conteste «l'offre de la CSST... à propos du travail d'opérateur de treuil» au motif que «...deux semaines après être dans cette fonction on m'a mise à pied sans travail....». (sic) Le 28 novembre 1989, l'avocat du travailleur adresse la lettre suivante à la Commission: «Avant d'aborder le point précis qui m'amène à vous écrire, vous me permettrez de vous brosser le tableau de la situation tel que je le perçois.

Le 10 décembre 1987, M. Villeneuve fut blessé au bras et au thorax en raison d'un accident du travail. Une lésion au genou gauche est également survenue.

Son médecin traitant, le docteur Bolduc, qui était également le médecin de l'employeur, a établi au 12 décembre 1988, la date de consolidation. L'A.P.I.P.P.

a été établi à 10% dans une évaluation datée du 9 janvier 1989.

Durant l'automne 1988, l'employeur envisageait une assignation temporaire au travail, tel qu'en fait foi notamment les inscriptions figurant dans les notes évolutives en date des 31 octobre 1988, 11 novembre 1988 et 22 novembre 1988 ainsi que dans les lettres qu'il adressait à madame Boisclair le 14 octobre 1989 et au docteur Tohmé le 18 novembre 1988. L'emploi envisagé était alors celui d'opérateur de treuil.

Finalement, plutôt que de procéder par A.T.T., on a procédé par voie de «réadaptation».

La lésion a été consolidée le 12 décembre 1988. Le 15 décembre 1988, on procédait à «l'établissement d'un plan individualisé de réadaptation».

Ce «plan» prévoyait une formation de 200 heures d'opérateur de treuil, donnée par l'employeur et par la suite une affectation de façon permanente à ce poste.

On établissait à $35,500.00/an le salaire rattaché à cet emploi.

Mon client a effectivement suivi sa formation jusqu'au 27 janvier 1989. Par la suite, il a travaillé jusqu'au 14 février 1989. Il fut alors mis à pied.

Dans les notes évolutives on constate que M. Serge Plante, celui-là même qui avait négocié l'A.T.T. puis la «formation», avisait Mme Boisclair que le 3ième quart de travail avait été fermé en raison d'un ralentissement des opérations. Deux personnes avaient été mises à pieds et 3 autres relocalisées. Un travailleur aurait démissionné. Mme Bloisclair notait qu'il s'agissait d'une mise à pied temporaire. (son soulignement) Par la suite, M. Plante mentionna à Lise Boisclair qu'aucun emploi respectant les limitations fonctionnelles n'était disponible dans la mine (notes évolutives - 6 mars 1989).

Durant cette période, l'employeur émettait un relevé de cessation d'emploi dans lequel il mentionnait qu'aucun retour au travail n'était prévu.

D'ailleurs, le préavis versé par l'employeur indique bien qu'il n'avait aucune intention de le rappeler à son service (le préavis n'est dû au terme de l'article 82 de la loi sur les normes du travail que lorsque l'employeur prévoit que la mise à pied est pour au moins 6 mois).

Ceci étant, il m'apparaît que M. Villeneuve a des droits qui n'ont pas été considérés.

L'article 49: «Lorsqu'un travailleur incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle devient capable d'exercer à plein temps un emploi convenable, son indemnité de remplacement du revenu est réduite du revenu net retenu qu'il pourrait tirer de cet emploi convenable.

Cependant, si cet emploi convenable n'est pas disponible, ce travailleur a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 jusqu'à ce qu'il occupe cet emploi ou jusqu'à ce qu'il le refuse sans raison valable, mais pendant au plus un an à compter de la date où il devient capable de l'exercer.

L'indemnité prévue par le deuxième alinéa est réduite de tout montant versé au travailleur, en raison de sa cessation d'emploi, en vertu d'une loi du Québec ou d'ailleurs, autre que la présente loi».

J'interprète cette disposition comme conférant le droit aux I.R.R. pendant une année après qu'un emploi convenable a été déterminé sans pour autant qu'il ne soit disponible ou qu'il ait été refusé sans raison valable. A tout moment pertinent durant cette année, mon client n'a pas occupé un emploi convenable.

D'ailleurs, la notion même d'emploi convenable émane des dispositions législatives relatives à la réadaptation.

Lorsqu'un travailleur est incapable de reprendre son ancien travail, l'article 170 stipule que la Commission doit alors s'adresser à l'employeur pour savoir s'il peut offrir un emploi convenable.

Par contre, nous dit l'article 171, lorsque l'employeur n'a aucun emploi convenable de disponible, le travailleur peut alors bénéficier de services de réadaptation professionnelle.

Dans notre espèce, il m'apparaît manifeste que l'employeur n'a jamais eu d'emploi convenable disponible pour mon client.

Il m'apparaît que sa mise à pied, après deux semaines et l'absence de tout rappel subséquent, indique bien que l'employeur n'avait pas d'emploi convenable disponible pour le travailleur.

Puisque mon client n'a pas occupé un emploi convenable durant les 12 mois ayant suivis la date où cet emploi convenable a été déterminé, il m'apparaît qu'il a droit aux indemnités de remplacement du revenu.

Qui plus est, il m'apparaît que sa mise à pied témoigne bien du fait que l'employeur n'avait pas d'emploi convenable disponible au terme de l'article 170, tel qu'on l'aurait originellement cru.

Dès lors, il appartenait à la Commission et au travailleur de mettre en oeuvre les mesures prévues aux articles 171 et ss. pour lui permettre d'accéder à un emploi convenable. Mon client avait d'ailleurs fait cette demande par lettre datée du 23 février 1989.

Il me semble donc que la décision déterminant un emploi convenable et la prise en charge temporaire par un employeur, ne peu pas constituer en soi la conclusion d'un plan de réadaptation.

Surtout lorsque, comme en l'espèce, la prise en charge par l'employeur s'avère pour le moins éphémère et qu'on se situe toujours à l'intérieur de l'année de référence prévue à l'article 49.

Il nous faut alors regarder pour un emploi convenable non pas à l'intérieur de l'entreprise de l'employeur, mais ailleurs sur le marché.

Or, il peut advenir que n'eut été des promesses non tenues d'un employeur (aux termes de l'article 170) on aurait procédé bien autrement pour la détermination d'un emploi convenable sur le marché du travail.

Il nous faut nous rappeler que c'est la réinsertion du travailleur de façon autonome qui constitue l'objectif premier de tout plan de réadaptation.

Dans les faits, en octobre dernier, mon client a trouvé lui-même un emploi de journalier chez Stewart Inc. à Noranda. Il aime ce travail qu'il fait sans trop de problèmes. Son salaire semble être d'environ $10.00/heure.

Je vous demanderais donc de considérer cet emploi comme étant son emploi convenable et de lui verser une I.R.R.

réduite en fonction des données pertinentes.

Par lui-même mon client est parvenu à obtenir un emploi convenable. Pourquoi dès lors ne pourrait-on considérer l'ensemble des événements survenus comme étant des «circonstances nouvelles» aux termes des articles 146 et 147 de la loi? Un employeur, par artifice ou par leurre, peut-il à ce point profiter de la bonne foi de tous les intervenants pour détourner et rendre caduque tout le processus de réadaptation prévu par la législation?» La Commission donne suite à cette lettre et le 22 décembre 1989, reconsidère sa décision du 15 décembre 1988 en vertu de l'article 365 au motif que la fermeture de l'établissement dans lequel le travailleur devait occuper son emploi d'opérateur de treuil constitue un fait nouveau non prévisible au moment de l'établissement du plan individualisé de réadaptation. Par conséquent, la Commission accorde au travailleur les indemnités prévues à l'article 49 de la loi et ce, pour la période pendant laquelle il doit chercher un emploi.

La Commission a par conséquent versé au travailleur des indemnités de remplacement du revenu du 1er mars 1989 au 15 octobre 1989, date à laquelle le travailleur s'est trouvé un emploi de journalier.

L'employeur a contesté cette décision devant le bureau de révision.

Le 23 janvier 1990, l'employeur fait une demande de révision de la décision de la Commission rendue le 22 décembre 1989 au motif que: la fermeture de l'établissement dans lequel le travailleur occupait son emploi d'opérateur de treuil n'est pas un élément nouveau; la formation d'opérateur de treuil fournie au travailleur a été adéquate et que l'éventualité de la mise à pied d'un employé à court terme ou à long terme après qu'il ait suivi un programme de formation, ne met pas en cause la validité du programme de réadaptation; l'article 49 ne confère pas un pouvoir discrétionnaire d'accorder des indemnités de recherche d'emploi à chaque individu sans emploi et ayant déjà été admissible à un programme de réadaptation.

Le bureau de révision dans une décision rendue le 7 mai 1990, accueille la demande de l'employeur, infirme la décision de la Commission et déclare nulle la décision du 22 décembre 1989 faisant suite à une reconsidération jugée illégale.

Le travailleur en appelle de cette décision devant la Commission d'appel.

ARGUMENTATION DES PARTIES Le procureur du travailleur plaide que la Commission pouvait reconsidérer sa décision du 15 décembre 1988 au motif que cette dernière fut rendue par la Commission, alors que celle-ci avait été induite en erreur par l'employeur quant à la disponibilité du poste d'opérateur de treuil. Or, cette erreur est relative à un fait essentiel.

En effet, plaide-t-il, l'employeur avait garanti qu'un emploi serait disponible à la fin de la formation et que cet emploi serait permanent alors que dans les faits, il a occupé cet emploi pendant dix-huit (18) jours.

La décision du 15 décembre 1988 a donc été basée sur une erreur relative à un fait essentiel.

Le procureur plaide également que la Commission pouvait modifier le plan de réadaptation pour tenir compte de circonstances nouvelles en vertu de l'article 146, la mise à pied du travailleur constitue une circonstance nouvelle au sens de cet article. Cet article doit recevoir une interprétation large et non, comme le prétend le Bureau de révision, être limité à des circonstances nouvelles reliées à la personne du travailleur.

Le travailleur ayant réussi à trouver un emploi comme journalier chez les Produits minier Stewart, on demande que cet emploi soit retenu comme emploi convenable pour le travailleur et il réclame le droit aux indemnités de remplacement du revenu réduites en vertu de l'article 49 pour la période du 16 octobre 1989 et suivant. Le procureur s'appuie sur la décision Gaudet Leblanc et Centre Hospitalier de l'Archipel, (1990) CALP 655 .

Le procureur plaide que le travailleur ne doit pas être tenu de rembourser les sommes payées par la Commission en vertu de la reconsidération de sa décision vu qu'il était de bonne foi.

Le procureur de la Commission plaide: 1 la décision de la Commission établissant l'emploi d'opérateur de treuil comme emploi convenable est finale et définitive, vu que la Commission d'appel, dans le dossier numéro 16493-08-8912, a refusé de relever le travailleur de son défaut d'avoir contesté la détermination de son emploi convenable dans les délais requis à la loi.

2 la décision devant la Commission d'appel ne fait qu'accorder une période d'IRR pour le temps qu'avait duré la recherche d'emploi du travailleur entre sa mise à pied et sa réintégration, comme si l'emploi convenable existant était «devenu» non disponible.

La mise à pied d'un travailleur ne peut constituer un fait nouveau au sens de l'article 365 de la loi, permettant l'application de l'article 49, deuxième alinéa, au motif que l'emploi convenable est devenu non disponible.

La mise à pied ne peut constituer une circonstance nouvelle au sens de l'article 146, permettant de modifier l'emploi convenable ou le plan individualisé de réadaptation, une telle circonstance nouvelle devant être reliée à la condition personnelle du travailleur, et c'est pourquoi la Commission n'en a pas traiter.

Cet article n'a donc aucune application dans les circonstances.

L'article 146, plaide-t-il, permet une modification du plan individualisé de réadaptation en cas de circonstances nouvelles et en aucun cas ne permet la modification d'un emploi convenable.

De plus, on ne saurait penser à modifier un plan individualisé de réadaptation lorsqu'il est complété à cause de la survenance d'une circonstance reliée à la situation économique affectant l'emploi convenable occupé.

MOTIFS DE LA DÉCISION Le procureur du travailleur plaide que la Commission pouvait modifier le plan individualisé de réadaptation pour tenir compte de la mise à pied du travailleur et de la fermeture de la mine, le tout tel que le prévoit l'article 146 de la loi.

A cet égard, les articles 146 et 147 de la loi prévoient: 146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.

Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.

147. En matière de réadaptation, le plan individualisé constitue la décision de la Commission sur les prestations de réadaptation auxquelles a droit le travailleur et chaque modification apportée à ce plan en vertu du deuxième alinéa de l'article 146 constitue une nouvelle décision de la Commission.

Le procureur du travailleur prétend que la fermeture de la mine constitue un fait nouveau permettant à la Commission de modifier le plan individualisé de réadaptation en vertu des articles 146 et 147.

Tout en admettant que la fermeture de la mine constitue un fait nouveau, la Commission d'appel ne partage pas l'avis du procureur du travailleur à l'effet qu'il s'agisse d'une circonstance nouvelle au sens de l'article 146.

Une circonstance nouvelle au sens de l'article 146 doit se rapporter directement au plan individualisé de réadaptation: soit que le travailleur ne puisse pas accomplir le travail ou soit que l'emploi convenable ne répond plus au critère énoncé à la définition d'emploi convenable.

En l'occurrence, le travailleur fut mis à pied pour manque de travail et par la suite, la mine a fermée. Le poste du travailleur a été aboli mais la preuve démontre qu'il y avait encore des postes d'opérateur de treuil chez l'employeur et ce, jusqu'à la fermeture des opérations. Par ailleurs, la preuve démontre qu'il y avait des postes d'opérateur de treuil dans les mines avoisinantes. Le travailleur a tenté sans succès d'avoir un tel poste.

Donc, le poste d'opérateur de treuil n'était pas disponible à l'époque mais il existait et on peut donc croire qu'il y avait des possibilités raisonnables d'embauche, ce qui fait en sorte que ce poste répondait au critère énoncé à la définition d'emploi convenable contenu à l'article 2 de la loi.

«emploi convenable»: un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion.

Il y a lieu de rappeler que la Commission n'a pas, le 22 décembre 1989, modifier sa décision au sens de l'article 146(2) car si c'eut été le cas, elle l'aurait forcément modifier en tenant compte d'un nouvel emploi convenable. Elle a plutôt reconsidérer en partie sa décision en accordant des prestations, le tout en vertu de l'article 365 de la loi qui se lit comme suit: 365. La Commission peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un intéressé, reconsidérer une décision qu'elle a rendue et qui n'a pas fait l'objet d'une décision par un bureau de révision, si sa décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel ou a été fondée sur une erreur relative à un tel fait.

Si la décision à reconsidérer fait l'objet d'une demande de révision, la Commission ne peut la reconsidérer à moins d'obtenir le consentement des parties à cette fin.

La Commission pouvait-elle ainsi reconsidérer sa décision? La Commission d'appel ne peut retenir l'argument du procureur du travailleur à l'effet que la Commission a rendu sa décision le 15 décembre 1989 ayant été induite en erreur par l'employeur quant à la disponibilité du poste d'opérateur à treuil, l'employeur ayant garantie qu'un emploi serait disponible. Aucune preuve n'a été faite à ce sujet et ce malgré que l'agent d'indemnisation était présent à l'audience et que le procureur aurait pu la faire témoigner à ce sujet. Il ne peut pas alléguer la mauvaise foi; il faut la prouver.

De plus, la «disponibilité du poste» constituera-t-elle un fait essentiel? Il suffit de référer à la définition du mot «emploi convenable» contenu à l'article 2 de la loi pour y répondre, tel que mentionné ci-haut.

Il appert de cette définition que l'emploi retenu doit présenter une «possibilité raisonnable d'embauche». La loi n'exige pas que l'emploi convenable réponde au critère de «disponibilité» d'où la raison d'être de l'article 49 de la loi, qui prévoit que le paiement d'une indemnité de remplacement du revenu, si l'emploi convenable retenu, n'est pas disponible.

La Commission d'appel conclut alors que même si l'agent d'indemnisation avait été induit en erreur sur la question de la disponibilité du poste d'opérateur de treuil lorsqu'elle a rendu sa décision, ce que la preuve ne démontre pas, une erreur sur un tel fait ne pouvait donner lieu à une reconsidération de sa décision en vertu de l'article 365 de la loi.

Au contraire, si la preuve révélait qu'il y avait effectivement eu une erreur quant à savoir si l'emploi retenu présentait une possibilité raisonnable d'embauche, la Commission aurait pu modifier le plan de réadaptation en vertu de l'article 365, en tenant compte d'un autre emploi convenable, mais elle ne pouvait, tout en maintenant le plan individualisé de réadaptation, reprendre le paiement des indemnités de remplacement du revenu en vertu de l'article de l'article 49, deuxième alinéa.

49. Cependant, si cet emploi convenable n'est pas disponible, ce travailleur a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 jusqu'à ce qu'il occupe cet emploi ou jusqu'à ce qu'il le refuse sans raison valable, mais pendant au plus un an à compter de la date où il devient capable de l'exercer.

Cet article, il est vrai, prévoit le paiement d'une indemnité de remplacement si l'emploi convenable n'est pas disponible et ce, pendant au plus un an à compter de la date où le travailleur devient capable de l'exercer.

Le procureur du travailleur prétend que même si le travailleur occupe pour un certain temps l'emploi convenable et que l'emploi devient par après non disponible, que la Commission doit reprendre le paiement des indemnités. La Commission d'appel ne peut retenir cet argument.

L'article 49(2) a une application limitée dans le temps, c'est-à- dire que lorsque le travailleur devient capable d'occuper son emploi convenable, il a droit à l'indemnité de remplacement du revenu jusqu'à ce qu'il occupe cet emploi convenable. C'est ainsi que lorsque le travailleur occupe l'emploi convenable, il perd le bénéfice de l'indemnité de remplacement du revenu prévu à l'article 49(2).

Pour que son droit à l'indemnité de remplacement du revenu renaisse suite à la non disponibilité de l'emploi, il aurait fallu un texte prévoyant la reprise du droit à l'indemnité tel que prévu à l'article 51 de la loi: 51. Le travailleur qui occupe à plein temps un emploi convenable et qui, dans les deux ans suivant la date où il a commencé à l'exercer, doit abandonner cet emploi selon l'avis du médecin qui en a charge récupère son droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 et aux autres prestations prévues par la présente loi.

Le premier alinéa ne s'applique que si le médecin qui a charge du travailleur est d'avis que celui-ci n'est pas raisonnablement en mesure d'occuper cet emploi convenable ou que cet emploi convenable comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur.

Ou si le législateur avait voulu que le travailleur précise cette indemnité lorsque l'emploi n'était plus disponible, il aurait formulé l'article dans ce sens.

En l'occurrence, suite à sa mise à pied, le travailleur se trouvait dans la même situation que bien d'autres travailleurs qui ont été mis à pied à cause d'un ralentissement de travail.

Même si l'on accepte que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles est une loi remédiatrice et cherche à indemniser une personne victime d'une lésion professionnelle, elle ne vise pas à créer un régime plus favorable pour celle-ci, par rapport aux autres employés, lesquels en l'occurrence ont été soumis aux aléas du marché du travail, soit la mise à pied et la fermeture de l'entreprise.

En résumé, la Commission d'appel conclut que la Commission n'était pas justifiée de reconsidérer sa décision du 15 décembre 1988.

Le procureur du travailleur demande à la Commission d'appel de se prononcer sur un éventuel surpayé. La Commission d'appel rappelle qu'elle n'est pas saisie d'une décision à cet égard et qu'il n'y a donc pas lieu qu'elle se prononce sur cette question.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES REJETTE l'appel du travailleur, monsieur Ghislain Villeneuve; CONFIRME la décision rendue par le bureau de révision, le 7 mai 1990.

MARGARET CUDDIHY, commissaire GRIMARD, GAGNÉ, TRUDEL a/s: Me Sylvie Roy, avocate 887, 3e avenue, #230 Casier Postal 1918 Val d'Or (Québec) J9P 6C5 Représentante de la partie appelante STEIN, MONAST & ASS.

a/s: Me Martin Roy, avocat 1150, rue Claire Fontaine, #300 Québec (Québec) G1R 5G4 Représentant de la partie intéressée CHAYER, PANNETON, LESSARD a/s: Me Bernard Dionne, avocat 33, rue Gamble ouest Rouyn (Québec) J9X 2R3 Représentant de la Commission de la santé et de la sécurité du travail

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.