Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGIONS :

Gaspésie-Îles-de-

la-Madeleine,

Bas-Saint-Laurent et Côte-Nord

RIMOUSKI, le 8 mai 2002

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIERS :

116204-01B-9905

116205-01B-9905

127802-01B-9911

 

DEVANT LE COMMISSAIRE :

Jean-Maurice Laliberté, avocat

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉ DES MEMBRES :

Marcel Beaumont

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Lucie Goulet

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

ASSISTÉ DE L’ASSESSEUR :

Claude Sarra-Bournet, médecin

 

 

 

 

DOSSIERS CSST :

115361388

114016462

AUDIENCE PRÉVUE LE :

26 septembre 2001

 

 

À :

GASPÉ

 

 

 

EN DÉLIBÉRÉ LE :

 

24 octobre 2001

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ALMA ROY

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

UNIPÊCHE MDM LTÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

LA COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ

DU TRAVAIL - GASPÉSIE / ÎLES-DE-LA-MADELEINE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

DÉCISION

 

Dossier no 116204-01B-9905

[1]               Le 6 mai 1999, madame Alma Roy (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue, le 20 avril 1999, à la suite d’une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la CSST  renverse une première décision (115361388-00001) qu’elle a initialement rendue le 11 février 1999. Elle consent à rembourser à la travailleuse les frais qu’elle a encourus pour l’achat de certains médicaments, c’est-à-dire du Celestoderm, du Lubriderm et du Cortate 1 %, même si la travailleuse ne lui a pas fourni l’original de ses factures.

[3]               Par cette même décision, la CSST confirme une seconde décision (115361388-00002) qu’elle a initialement rendue le 11 février 1999. Elle conclut que la travailleuse n’a pas droit au remboursement des frais qu’elle a encourus pour l’achat d’autres médicaments, c’est-à-dire du Nizoral et du Solugel 4 %, et ce parce qu’elle considère qu’il n’y a pas de relation entre l’utilisation de ces médicaments et la lésion professionnelle lui ayant causé une dermatite aux mains.

Dossier no 116205-01B-9905

[4]               Le 6 mai 1999, la travailleuse dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la CSST rendue, le 19 mars 1999, à la suite d’une révision administrative.

[5]               Par cette décision (114016462-00001), la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 1er février 1999. Ainsi, elle refuse la réclamation de la travailleuse en rapport avec un diagnostic d’asthme, car elle se dit liée par les constatations médicales du Comité spécial des maladies professionnelles pulmonaires qui estime qu’elle ne souffre pas d’une maladie professionnelle.

 

 

 

Dossier no 127802-01B-9911

[6]               Le 19 novembre 1999, la travailleuse dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la CSST rendue, le 16 novembre 1999, à la suite d’une révision administrative.

[7]               Par cette décision, la CSST se prononce sur quatre demandes de révision que la travailleuse lui a présentées :

·        dans un premier cas (115361388-00003), la CSST modifie la décision qu’elle a initialement rendue le 9 mars 1999 et déclare que la lésion professionnelle de la travailleuse entraîne une atteinte permanente à son intégrité physique de 2,45 %;

·        dans un deuxième cas (115361388-00004), elle confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 18 mai 1999 et déclare que la travailleuse était capable d’occuper, à compter du 14 mai 1999, l’emploi équivalent, au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1](la loi), qui lui a été offert;

·        dans un troisième cas (115361388-00005), elle confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 25 mai 1999 et déclare que la travailleuse n’a pas été victime d’une rechute, récidive ou aggravation, parce qu’elle ne voit pas de relation entre le diagnostic de trouble d’adaptation avec humeur anxieuse et sa lésion professionnelle;

·        dans un quatrième cas (115361388-00006), elle confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 29 juin 1999 et déclare qu’il n’y a pas de relation entre le diagnostic de dermatite de contact au visage posé par le médecin de la travailleuse et sa lésion professionnelle qui lui a causé une dermatite de contact au caoutchouc affectant ses mains.

LA PROCÉDURE

[8]               Le 24 septembre 2001, le procureur de la travailleuse transmet au tribunal un exposé de ses arguments par écrit. La veille de la date prévue pour l’audience, la procureure de la CSST demande la permission de soumettre également son exposé par écrit; le tribunal acquiesce à cette demande. Le jour prévu pour l’audience, Unipêche MDM ltée (l’employeur) ne délègue aucun représentant auprès du tribunal. Le commissaire soussigné communique alors avec le porte-parole de l’employeur, monsieur Bruno Woods, qui lui manifeste le souhait de recevoir les exposés des procureurs des autres parties et demande l’autorisation de formuler ses commentaires, le cas échéant; le tribunal acquiesce à cette demande et annule l’audience.

[9]               L’exposé de la procureure de la CSST parvient au tribunal le 2 octobre 2001 et une copie est transmise aux représentants des autres parties en leur précisant qu’ils ont jusqu’aux 24 octobre 2001 pour formuler leurs commentaires au tribunal. C’est à cette date que le dossier est mis en délibéré en l’absence de réaction de leur part.

L'OBJET DES CONTESTATIONS

Dossier no 116204-01B-9905

[10]           La travailleuse se dit d’accord avec la première partie de la décision rendue par la CSST, le 20 avril 1999, à la suite d’une révision administrative, puisque celle-ci accepte de lui rembourser les frais qu’elle a encourus pour l’achat des médicaments suivants : du Celestoderm, du Lubriderm et du Cortate 1 %. Elle demande, cependant, à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer l’autre partie de cette même décision qui conclut qu’elle n’a pas droit au remboursement des frais qu’elle a encourus pour l’achat des médicaments suivants : du Nizoral et du Solugel 4 %.

Dossier no 116205-01B-9905

[11]           Dans une lettre accompagnant son formulaire de contestation, la travailleuse indique qu’elle est « parfaitement d’accord avec le comité des maladies professionnelles » qui conclut qu’elle ne fait pas d’asthme professionnel. Elle demande toutefois au tribunal de rendre une décision au regard du diagnostic posé par le docteur Roch Banville, le 8 février 1999, diagnostic qu’il exprime ainsi : « Dermatite de contact, main et visage. Broncho-pneumopathie par produit irritatif - allergie. »

Dossier no 127802-01B-9911

[12]           La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision de la CSST rendue, le 24 mai 2000, à la suite d’une révision administrative et,

·        de reconnaître que le pourcentage d’atteinte permanente à son intégrité physique que sa lésion professionnelle a entraînée est supérieur à celui accordé par la CSST et de déclarer que l’indemnité qui s’y rapporte doit rétroagir à 1987;

·        de déclarer que l’emploi qui lui a été offert ne peut être considéré comme un emploi équivalent, au sens de la loi, et qu’elle a donc droit à un programme de réadaptation;

·        de reconnaître que l’apparition d’un trouble d’adaptation avec humeur anxieuse est une conséquence de sa lésion professionnelle;

·        de reconnaître qu’il y a une relation entre la condition qui affecte son visage et son travail.

LES FAITS

[13]           La preuve documentaire et testimoniale présentée à la Commission des lésions professionnelles révèle notamment les faits énoncés dans les paragraphes qui suivent.

[14]           La travailleuse est une dame d’environ 38 ans qui occupe, à l’époque pertinente, un emploi de journalière dans une usine de crabe.

[15]           Elle présente une réclamation à la CSST qui s’appuie sur une attestation médicale produite, le 9 mars 1998, par le docteur Julie Gauthier; le docteur Gauthier pose alors un diagnostic d’allergie aux protéines du crabe, de dermatite de contact et d’asthme. Dans ses rapports médicaux subséquents, le docteur Gauthier réitère un diagnostic semblable; elle parle de dermatite associée au contact avec le caoutchouc et le crabe, ainsi que d’asthme probablement causé par le contact avec le crabe. La travailleuse est dirigée en dermatologie auprès du docteur Pierre Jacques qui la soumet à des tests qui montrent une réaction allergique au thiuram, un produit chimique contenu dans les gants de caoutchouc.

[16]           Le 15 mai 1998, le Comité des maladies pulmonaires professionnelles évalue le cas de la  travailleuse; il conclut son rapport de la façon suivante :

« Cette patiente présente une symptomatologie en rapport avec son travail comme décortiqueuse et surveillante dans une usine de crabes. Pendant quelques années, les symptômes étaient surtout d’ordre cutané sous forme de rougeurs et de prurit au niveau des mains, du cuir chevelu et de la face. Récemment, elle allègue avoir commencé à présenter de l’oppression respiratoire et des sibilances. Notons toutefois que la patiente n’a jamais consulté pour une crise d’asthme ou des exacerbations de la dyspnée. Son médecin, lors d’une consultation, nous mentionne qu’il n’existe aucune sibilance. Elle n’a jamais utilisé de bronchodilatateur. Elle reçoit depuis quelque temps un stéroïde inhalé mais il semble que l’effet clinique ne soit pas évident.

 

Devant le contexte, le Comité est d’avis qu’on doit néanmoins éliminer un asthme professionnel. Nous croyons qu’ici l’investigation par un test de provocation bronchique spécifique devra évaluer la possibilité d’une sensibilisation au crabe et d’une sensibilisation au latex puisque la patiente travaille avec des gants de caoutchouc et que le dermatologiste aurait identifié une hypersensibilité à cette substance. » (sic)

 

 

[17]           Le 15 octobre 1998, le docteur Jacques produit un rapport final indiquant que la lésion consistant en une dermatite de contact allergique est consolidée, mais qu’une atteinte permanente à l’intégrité physique de la travailleuse et des limitations fonctionnelles en découle.

[18]           Le 23 octobre 1998, le docteur Johanne Côté, pneumologue, interprète les résultats de tests de provocation spécifique au crabe et au latex comme ne démontrant pas d’asthme professionnel en rapport avec ces substances. Le même jour, le Comité des maladies pulmonaires professionnelles complète son expertise du 15 mai 1998 en soumettant un rapport dans lequel il écrit ce qui suit :

« Comme nous l’avions recommandé, les tests de provocation spécifique au crabe ont été faits à deux reprises. Aucune réaction significative de chute au niveau des VEMS n’a pu être observée. Nous avons également procédé à des épreuves de provocation bronchique au latex. Encore une fois, aucune réaction asthmatique n’a pu être mise en évidence.

 

Devant les résultats négatifs de ces épreuves complémentaires, le Comité conclut à l’absence de maladie professionnelle. Aucun DAP n’est accordé. »

 

 

[19]           Le 19 novembre 1998, le docteur Jacques rédige un rapport d’évaluation médicale dans lequel il consigne les commentaires suivants :

« 01-    DIAGNOSTIC : Dermatite de contact au caoutchouc

 

02-       Plaintes et problèmes : Rougeur, sécheresse, prurit aux mains, avant bras et bras lorsqu’elle travaille. Atteinte du visage par rougeur et desquamation. Il s’agit d’une travailleuse dans une usine de crabe. Emploi dénommé "Journalière" au dossier CSST.

 

03-       Antécédents : Diagnostic d’eczéma séborrhéique par Dr C. McCuaig (90) au visage, CH Chandler. Ce diagnostic a été appuyé par moi au visage et cuir chevelu.

 

04-       Médicaments : Stéroïdes topiques (mains) - Nizoral shampooing (scalp) - Nizoral crème + HC 1% (visage)

 

05-       Examen physique : Le 10 novembre 1998 : plaques squameuses et légèrement érythémateuses des paumes. Erythème et desquamation des plis nasogéniens. (…)

 

09-       Limitations fonctionnelles : Ne doit pas travailler en contact avec le caoutchouc.

 

10-       Autres évaluations : L’investigation du comité des présidents n’a pas établi d’allergie respiratoire au crabe (…)

 

11-       Conclusion :      -   Allergie de contact   Eviter caoutchouc directement ou dans l’environnement proche.

 

(…)

 

 

CALCUL DOMAGES CORPORELS

 

Côté droit

 

Code    segment        % DAP Maximum  Aire anatomique  Coefficient d’atteinte  % DAP

                                                                                              physiologique

122094 pouce               3                      X         0.2           x      0.23                 = 0.14

 

122085 région               5                      X         0.1           x      0.23                 = 0.12

             métacarpienne

 

                                                                                              TOTAL           = 0.26

 

Côté gauche

 

122085 région               5                      X         0.1           x      0.23                 = 0.12

             métacarpienne

 

Tête

 

122021 face                 3                      X         0.1           x      0.27                 = 0.08

 

Pourcentage de DAP = 0.26 + 0.12 + 0.08 = 0.46

 

Pourcentage pour Bilatéralité = 0.12 (Côté le moins atteint)

 

Pourcentage pour sensibilisation = 2 (code 222022)

 

Pourcentage pour DPJV = 0.01 (basé sur somme des % de DAP soit 0.46)

 

Pourcentage pour PE = 0

 

TOTAL = 0.46 + 0.12 + 2 + 0.01 = 2.59 » (sic)

 

 

[20]           Le 17 décembre 1998, le Comité spécial des présidents étudie le dossier de la travailleuse. À la suite de cette étude, il entérine les conclusions émises par le Comité des maladies pulmonaires professionnelles. Il conclut ainsi :

« L’investigation n’a pas permis de démontrer de sensibilisation spécifique de l’arbre respiratoire ni au crabe, ni au latex.

 

Devant ces évidences négatives, le comité conclut à l’absence d’asthme professionnel. »

 

 

[21]           Le 8 février 1999, le docteur Roch Banville inscrit, dans un rapport médical, un diagnostic de « Dermatite de contact main et visage. Broncho-pneumopathie par produit irritatif - allergie. »

[22]           Le 15 mai 1999, le docteur Routhier pose un diagnostic de trouble d’adaptation avec humeur anxieuse, il dirige la travailleuse en psychiatrie et il recommande un arrêt de travail jusqu’au 17 mai pour que la travailleuse puisse consulter son médecin traitant. Le 17 mai, le docteur Gauthier demande une consultation en psychiatrie, mais le dossier ne contient pas d’autres renseignements sur les suites médicales de cette consultation.

[23]           Le 24 mai 1999, le docteur Jacques corrige son évaluation des séquelles que sa lésion professionnelle a causées à la travailleuse. Il retranche, du pourcentage d’atteinte permanente qu’il lui avait antérieurement reconnu, la portion qu’il lui avait accordée initialement pour une atteinte au visage, ce qui donne un pourcentage final de 2,51 %.

[24]           Le calcul effectué par la Direction de la révision administrative de la CSST est le suivant :

« DAP                                    0,26% + 0,12% = 0,38% ¸2       = 0,19

 

Bilatéralité                   0,12% ¸2                                 = 0,06%

 

Sensibilisation               2%                                          = 2,00%

 

                                   DAP                2,25%

                                   DPJV              0,20%

                                   TOTAL           2,45% »

 

 

[25]           À une époque bien antérieure à sa réclamation auprès de la CSST, la travailleuse a été dirigée par le docteur Michel Dubé au docteur Denis Loiselle. Le 23 juillet 1987, le docteur Loiselle colligeait les mentions suivantes dans un rapport de consultation :

« + Pte (patiente) de 27 ans référée pour dermatite de contact aux crustacés.

+ Travaille dans une usine de crabe depuis 8 ans.

+ Dès la première année, présente durant la période saisonnière de travail,; lésions eczémateuses des mains aux coudes.

+ Se traite avec (…) crème - ce qui serait peu efficace.

+ Auparavant, son poste de travail était "décortiqueuse", maintenant elle est à l’empaquetage - pas d’amélioration produite par le changement de poste.

+ Antéc. (antécédents) personnels : dermatite eczémateuse au visage depuis l’âge 20 ans.

+ Antéc. Familiaux : père Þ eczéma. » (sic)

 

 

[26]           Les notes évolutives inscrites au dossier de la CSST nous apprennent que l’usine où la travailleuse exerçait ses fonctions a fermé ses portes en juillet 1997 et que l’entreprise « Les Crustacés de Gaspé ltée » a été achetée par « Unipêche MDM ltée » dont l’usine se trouve à Paspébiac. Cet employeur était disposé à offrir à la travailleuse un emploi qui ne devait pas la mettre en contact avec du caoutchouc, puisqu’il consistait à fabriquer des boîtes de carton. Madame Sylvie Garnier, conseillère en réadaptation de la CSST a expliqué cette offre à la travailleuse, le 12 mai 1999, après avoir consulté le docteur Jacques; ce dernier lui a confirmé qu’il ne voyait aucune restriction à ce que la travailleuse travaille dans une usine de crabe et qu’elle côtoie des collègues qui portent des gants de caoutchouc. Mais la travailleuse s’est montrée très défavorable à cette solution; elle était même furieuse, car elle avait dit à la même conseillère, la veille, qu’elle ne voulait pas retourner dans le même milieu de travail de peur de revivre le problème de santé qu’elle y avait connu; elle anticipait même un « impact psychologique » si un tel retour se produisait. Le 14 mai, l’employeur a effectivement communiqué avec la travailleuse pour qu’elle rentre au travail.

L'ARGUMENTATION DES PARTIES

[27]           Le procureur de la travailleuse attire l’attention du tribunal sur les arguments suivants :

« Historique du dossier

 

Comme l’indique le dossier soumis par la CSSt, notre cliente est à l’emploi de l’usine "Les Crustacés de Gaspé Ltée" depuis une vingtaine d’années aujourd’hui; notre cliente a toujours été employée comme journalier et son travail consiste à manipuler les crustacés. Pour effectuer ce travail, notre cliente doit porter en permanence des gants de caoutchouc.

 

Depuis le tout début de son travail à l’usine, notre cliente s’est plaint d’éruptions cutanées aux mains de même que dans le visage; notre cliente a consultée des médecins à plusieurs reprises et c’est en 1987 qu’un diagnostic d’allergie au Thuriam a été établi suite à différents tests.

 

Au cours des années subséquentes, soit après 1987, notre cliente a continué de se plaindre de différents symptômes d’allergies touchant le visage, les bras, les mains et à ce moment on a soupçonné que notre cliente pouvait être allergique aux crustacés.

 

Ce n’est que le 9 mars 1998 que le diagnostic de dermatite de contact au Thuriam est établi par le docteur Jacques et que l’allergie aux crustacés est exclue.

 

Suite à ce diagnostic, notre cliente a été déclarée apte à occuper un emploi dans une usine de poisson à condition qu’il n’y ait pas de contact avec les gants de caoutchouc.

 

Dossier 115361388-00003

 

Notre cliente demande la révision de la décision de la CSST prise le 9 mars 1997, par laquelle la CSST lui accordait un déficit d’une atteinte permanente de 2.49%; nous croyons que cette indemnité est insuffisante dans les circonstances et deuxièmement que l’indemnité doit être rétroactive à 1987.

 

En effet, l’indemnité est insuffisante parce qu’elle ne tient pas compte de l’expérience qu’à prise note cliente dans la manipulation des crustacés au cours des années; elle ne tient pas compte également du genre et du type d’emploi disponible en Gaspésie; l’indemnité ne tient pas compte non plus de l’âge  et du degré d’éducation de notre cliente. D’ailleurs, le seul emploi disponible pour notre cliente suite au diagnostic du docteur Jacques a été de travailler pour le même employeur mais à 80 km du domicile de cette dernière et dans la manipulation de boîtes de carton.

 

Deuxièmement, comme le premier diagnostic date de 1987, le paiement de tout indemnité devrait remonter à cette date; en effet, notre cliente a dû travailler avec cette incapacité pendant toute ces années, alors qu’elle aurait dû être compensée depuis 1987.

 

Dossier 115361388-00004

 

Notre cliente conteste évidemment cette décision puisque cette décision nécessite que notre cliente parcours 160km par jour pour aller travailler alors qu’elle avait un emploi à côté de chez elle depuis 20 ans; notre cliente n’a pas les ressources financières pour aller occuper un tel emploi si loin et les revenus qu’elle retire de cet emploi ne justifie pas ces dépenses; la commission aurait dû offrir un programme de réadaptation à notre cliente pour lui permettre de s’instruire un peu plus et d’occuper un emploi près de chez elle.

 

Dossier 115361388-00005

 

Dans ce dossier, la commission refuse une relation entre un diagnostic de trouble d’adaptation avec humeur anxieuse et l’événement d’origine; cependant, la commission ne tient pas compte que l’événement d’origine date de 1987 et que notre cliente a dû travailler pendant toutes ces années dans des conditions extrêmement difficiles puisqu’elle avait une réaction cutanée constante au gant de caoutchouc; notre cliente prétend qu’il y a une relation directe entre ces troubles d’adaptations avec humeur anxieuse et le fait qu’elle a dû travailler pendant près de 20 ans dans ces conditions difficiles.

 

Dossier 115361388-00006

 

Notre cliente renonce à cet appel.

 

Dossier 115361388-00001

 

Notre cliente renonce à cet appel. » (sic)

 

 

[28]           La procureure de la CSST, présente son argumentation en ces termes :

« Dans un premier temps, nous aimerions vous faire un commentaire d’ordre général, concernant l’allégation de notre confrère, Me Linteau, voulant que l’admissibilité de la lésion doive remonter à 1987. Il n’y a aucun élément dans le dossier qui puisse nous permettre d’en arriver à cette conclusion. De plus, comme il n’y a aucune contestation concernant l’admissibilité elle-même de la lésion professionnelle, nous vous soumettons que la Commission des lésions professionnelles (CLP) n’a pas le pouvoir de faire rétroagir cette lésion à 1987.

 

Si nous reprenons les dossiers, un par un, nos commentaires sont les suivants :

 

Dossier 115361388-00003

 

Le pourcentage d’atteinte permanente octroyé à Madame Roy dans son dossier fait suite à l’évaluation réalisée par le Dr Pierre Jacques. Nous vous rappelons que le Dr Jacques est le médecin spécialiste qui a suivi madame tout au cours de son dossier. C’est également lui, comme vous le retrouvez en page 44 du dossier, qui a signé le rapport final et qui s’est engagé à produire l’expertise, laquelle vous retrouvez en pages 49 et suivantes. Comme le pourcentaga octroyé par le Dr Jacques est conforme au barème, nous vous soumettons que cette décision devrait être maintenue et l’appel de la travailleuse rejeté sur ce point.

 

Dossier 115361388-00004

 

L’emploi équivalent offert par l’employeur, dans ce dossier, respecte en tous points les critères prévus à l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP). Il s’agit d’un emploi qui possède des caractéristiques semblables à l’emploi qu’occupait Madame Roy au moment de sa lésion professionnele, quant aux qualifications professionnelles requises, au salaire, aux avantages sociaux, à la durée et aux conditions d’exercice. De plus, cet emploi respecte la seule limitation de Madame Roy, à savoir qu’elle doit éviter d’être en contact avec le caoutchouc. Le fait que la travailleuse doive dorénavant travailler à 80 kilomètres de son domicile est tout à fait hors du contrôle de l’employeur, puisque l’usine où elle travaillait, à quelques pas de chez elle, est désormais fermée. Nous vous rappelons que la LATMP doit compenser les pertes d’un travailleur, mais ne doit pas privilégier celui-ci par rapport à d’autres travailleurs. Si vous deviez reconnaître que le fait de travailler à 80 km de son domicile n’est pas convenable pour Madame Roy, celle-ci serait avantagée par rapport aux autres travailleurs de l’usine de Grande-Rivière qui, eux aussi, doivent dorénavant se rendre à l’usine de Paspébiac, à 80 km, pour exercer leur emploi. Considérant ces faits, nous vous soumettons que la décision portant sur l’emploi équivalent devrait également être maintenue et l’appel de la travailleuse rejeté.

 

Dossier 115361388-00005

 

Encore une fois, à ce stade-ci, nous tenons à vous rappeler que la CLP n’a pas compétence pour faire rétroagir la réclamation de Madame Roy à 1987. Considérant ce fait, nous devons, pour l’étude du diagnostic de troubles d’adaptation, nous reporter au dossier tel qu’accepté à partir de 1998. Il ressort clairement du dossier que les troubles d’adaptation sont apparus précisément au moment où Madame devait retourner au travail. Il ne s’agit donc pas ici d’un cas de douleur chronique qui aurait pu envahir la vie de la travailleuse mais bien d’une dame qui ne supporte pas l’idée de retourner travailler. Cette situation est en fait assimilable à celle des troubles administratifs avec la CSST. Il n’y a donc aucun lien possible à faire avec la lésion professionnelle tel que cela est clairement établi par les tribunaux. L’appel de Madame devrait donc être rejeté et la décision de la CSST maintenue. »

 

 

L'AVIS DES MEMBRES

[29]           Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales expriment un avis compatible avec les motifs de la présente décision.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[30]           La Commission des lésions professionnelles constate d’abord que la première contestation de la travailleuse n’a pas d’objet, puisque la CSST a fait droit à sa demande de révision concernant le remboursement des frais qu’elle a encourus pour l’achat de Celestoderm, de Lubriderm et de Cortate 1 %; d’ailleurs, le procureur de la travailleuse a indiqué, dans son exposé, que cette dernière renonçait à cette première contestation.

[31]           La Commission des lésions professionnelles doit décider, en premier lieu, si la travailleuse a droit au remboursement de frais relatifs à l’achat d’autres médicaments, c’est-à-dire du Nizoral et du Solugel 4 %. Le tribunal répond par la négative à cette interrogation, parce que la CSST a refusé de reconnaître comme lésion professionnelle l’eczéma dont la travailleuse est affligée au visage et à la tête et que le procureur de cette dernière a signifié, dans son exposé, qu’elle renonçait à sa contestation concernant ce refus.

[32]            La Commission des lésions professionnelles doit décider, en second lieu, si la travailleuse souffre d’asthme professionnel ou d’une autre affection pulmonaire. À cet égard, il est évident que la preuve prépondérante ne permet pas de reconnaître que la travailleuse souffre d’asthme professionnel. Deux comités de pneumologues ont examiné la question et sont arrivés à la conclusion que la travailleuse ne souffre pas d’une telle maladie; la travailleuse elle-même l’admet, en déclarant dans son formulaire de contestation, qu’elle est « parfaitement d’accord avec le comité des maladies professionnelles ».

[33]           Reste à savoir si le diagnostic de broncho-pneumopathie, posé par le docteur Banville, correspond à une maladie professionnelle. Pour en décider, le tribunal doit tenir compte des articles 29 et 30 de la loi qui prévoient ce qui suit :

« 29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

 

30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail. »

 

 

[34]           En l’instance, le tribunal estime que cette maladie n’est pas une maladie professionnelle, parce que la preuve ne démontre pas que la travailleuse a été exposée à la poussière de métaux durs comme le requiert l’annexe 1 de la loi pour que s’applique la présomption prévue à l’article 29. Ensuite, aucune preuve n’a été présentée pour démontrer que cette maladie est caractéristique du travail que la travailleuse a exercé. Enfin, la preuve ne démontre pas, d’une manière prépondérante, que l’emploi de la travailleuse comportait des risques particuliers pouvant causer une telle maladie. Au contraire, la travailleuse a été soumise à divers examens et tests qui n’ont pas révélé la présence de cette maladie à une époque contemporaine à sa réclamation pour une maladie professionnelle. Ce diagnostic apparaît environ un an et demi après la fermeture de l’usine où la travailleuse aurait pu, théoriquement, être exposée à un quelconque agent causant une telle maladie; mais aucun agent de cette nature n’est identifié par le docteur Banville; ce diagnostic apparaît aussi plusieurs mois après la date de la consolidation de la lésion professionnelle reconnue par la CSST et cette lésion est d’une tout autre nature, car elle consiste en une dermite de contact au caoutchouc affectant ses mains et ses avant-bras. Par conséquent, le tribunal ne peut établir de relation entre ce diagnostic de broncho-pneumopathie et la lésion professionnelle dont la travailleuse a souffert.

[35]           La Commission des lésions professionnelles doit décider, en troisième lieu, quelle est le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique de la travailleuse dont sa lésion professionnelle est responsable.

[36]           Le domaine de l’évaluation d’une atteinte permanente à l’intégrité physique d’un travailleur est encadré par le Règlement sur le barème des dommages corporels[2] (le barème), c’est pourquoi le tribunal est tenu de retenir le résultat du calcul effectué par la Direction de la révision administrative de la CSST, parce que ce calcul est conforme à la fois aux constatations cliniques du médecin qui a procédé à l’évaluation des séquelles de la travailleuse et au barème qui détermine le pourcentage d’atteinte permanente correspondant à ces séquelles.

[37]           La travailleuse trouve que l’indemnité à laquelle ce pourcentage donne droit est insuffisante, mais elle ne fournit aucune preuve démontrant que ce pourcentage n’est pas approprié. D’ailleurs, comme c’est son propre médecin qui a procédé à l’évaluation de ses séquelles, elle n’est pas autorisée à contester cette évaluation. En effet, la loi prévoit aux articles 358, 224, 224.1 et 212 que certaines questions, d’ordre médical, ne peuvent pas être contestées; voici comment ces articles sont rédigés :

« 358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.

 

Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365.

 

Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2. »

 

« 224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212. »

 

224.1. Lorsqu'un membre du Bureau d'évaluation médicale rend un avis en vertu de l'article 221 dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.

 

Lorsque le membre de ce Bureau ne rend pas son avis dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par le rapport qu'elle a obtenu du professionnel de la santé qu'elle a désigné, le cas échéant.

 

Si elle n'a pas déjà obtenu un tel rapport, la Commission peut demander au professionnel de la santé qu'elle désigne un rapport sur le sujet mentionné aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 qui a fait l'objet de la contestation; elle est alors liée par le premier avis ou rapport qu'elle reçoit, du membre du Bureau d'évaluation médicale ou du professionnel de la santé qu'elle a désigné, et elle rend une décision en conséquence.

 

La Commission verse au dossier du travailleur tout avis ou rapport qu'elle reçoit même s'il ne la lie pas. »

 

« 212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants :

 

1°  le diagnostic;

2°  la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;

3°  la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;

4°  l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;

5°  l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

 

L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester. »

 

 

[38]           Ainsi, l’article 358 dispose qu’une personne ne peut demander la révision d’une décision portant sur une question d'ordre médical sur laquelle la CSST est liée en vertu de l'article 224. L’article 224 prévoit que la CSST est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212; l’un de ces sujets porte précisément sur l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur (paragraphe 4°). Quant à l’article 224.1, il n’est pas pertinent en l’instance, car le Bureau d’évaluation médicale n’a donné aucun avis dans le présent cas. Comme le calcul effectué par la Direction administrative de la CSST est conforme au barème, le tribunal conclut que la travailleuse conserve des suites de sa lésion professionnelle une atteinte permanente à son intégrité physique de 2,45 %.

[39]           Quant à savoir si l’indemnité qui découle de cette atteinte permanente peut rétroagir à 1987, le tribunal se doit de déclarer que la loi ne le permet pas, car elle prévoit, à son chapitre VIII, une procédure de réclamation comportant des délais qu’il faut respecter. En cas de maladie professionnelle, c’est l’article 272 qui s’applique :

« 272. Le travailleur atteint d'une maladie professionnelle (…) produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la date où il est porté à la connaissance du travailleur (…) que le travailleur est atteint d'une maladie professionnelle (…). »

 

 

[40]           Ainsi, si la travailleuse avait su depuis 1987 qu’elle était atteinte d’une maladie professionnelle et qu’elle n’avait produit sa réclamation à la CSST qu’en 1998, elle n’aurait droit à aucune indemnité. Ce n’est évidemment pas le cas, puisque le caractère professionnel de sa maladie n’a été véritablement connu qu’à la suite de tests spécifiques qui ont révélé, en 1998, qu’elle était allergique au caoutchouc. En 1987, son médecin n’a fait que soupçonner une allergie aux crustacés, sans aller plus loin. En 1998, le docteur Gauthier a cru à une allergie aux protéines du crabe, à une dermatite de contact et à de l’asthme professionnel. C’est finalement une allergie au caoutchouc qui a été médicalement prouvée et qui a été reconnue comme maladie professionnelle par la CSST. C’est donc à compter du moment où la travailleuse a produit une réclamation et a apporté une preuve médicale concluante de sa lésion professionnelle que la CSST peut lui accorder les indemnités prévues par la loi.

[41]           De surcroît, la travailleuse n’a pas contesté la décision par laquelle la CSST a accepté sa réclamation, ce qui fait que celle-ci est devenue finale et sans appel. La travailleuse ne peut plus, maintenant, tenter d’en changer la portée au regard du moment où débutent les effets que cette décision produit.

[42]           La Commission des lésions professionnelles doit décider, en quatrième lieu, si l’emploi qui a été offert à la travailleuse doit être considéré comme un emploi équivalent au sens de la loi.

[43]           Cette notion d’emploi équivalent est ainsi définie à l’article 2 de la loi :

« « emploi équivalent » : un emploi qui possède des caractéristiques semblables à celles de l'emploi qu'occupait le travailleur au moment de sa lésion professionnelle relativement aux qualifications professionnelles requises, au salaire, aux avantages sociaux, à la durée et aux conditions d'exercice »

 

 

[44]           La travailleuse soumet que le fait d’avoir à parcourir une distance de 80 km pour se rendre à son nouveau lieu de travail et en revenir, alors qu’elle travaillait auparavant tout près de chez-elle, empêche que l’emploi ici en cause puisse être reconnu comme un emploi équivalent. Or, les facteurs contenus dans la loi ne tiennent pas compte de cette situation, de sorte que le tribunal constate que tous les facteurs compris dans la définition d’un emploi équivalent sont respectés dans le présent cas : l’emploi offert à la travailleuse possède des caractéristiques semblables à celles de son emploi antérieur relativement à la compétence qu’il exige, au salaire et aux avantages sociaux qu’il procure, à sa durée et à ses conditions d’exercice; de plus, il respecte la seule limitation fonctionnelle identifiée par son médecin traitant, à savoir d’éviter le contact avec le caoutchouc. Par ailleurs, les autres employés de l’usine de Grande-Rivière qui travaillent désormais à Paspébiac doivent, tout comme la travailleuse, composer avec l’inconvénient consistant à devoir se rendre à une usine plus éloignée.

[45]           Quant à la capacité de la travailleuse à fabriquer des boîtes de carton, elle n’est pas en cause, étant donné qu’elle n’a pas contesté, en temps utile, que sa dermite de contact aux mains était consolidée et qu’elle s’est désistée de la contestation qu’elle avait présentée au regard des diagnostics d’asthme professionnel et de dermatite au visage.

[46]           La Commission des lésions professionnelles doit décider, en cinquième lieu, si le diagnostic de trouble d’adaptation avec humeur anxieuse révèle la survenance d’une autre lésion professionnelle.

[47]           Le tribunal estime qu’il n’y a pas de relation entre ce diagnostic et le travail exercé par la travailleuse ou la condition de dermite aux mains que la CSST a reconnue comme étant une lésion professionnelle. En effet, la travailleuse souffre de diverses affections cutanées depuis de nombreuses années. Ces affections n’ont pas été accompagnées de troubles psychiques au cours de cette période. Ce n’est qu’au moment où son employeur et la CSST identifient un emploi équivalent et qu’une offre de retour au travail lui est faite que la travailleuse souffre soudainement d’un trouble d’adaptation.

[48]           Le tribunal remarque que la travailleuse a clairement déclaré qu’elle ne voulait pas aller travailler à l’usine de l’employeur à Paspébiac. Si on se rappelle des arguments utilisés par la travailleuse pour contester que l’emploi qui lui était offert correspondait à la définition d’un emploi équivalent, au sens de la loi, ce refus s’explique essentiellement par l’inconvénient causé par la distance séparant son lieu de résidence et son nouveau lieu de travail. Les médecins qu’elle consulte n’identifient aucun problème particulier au regard du travail qui lui est offert à l’usine de Paspébiac et ils n’établissent d’ailleurs aucun lien entre le diagnostic qu’ils posent et son emploi; au contraire, le docteur Jacques avait même déclaré qu’il ne voyait pas de problème à ce que la travailleuse travaille dans une usine de crabe ou à ce que ses collègues portent des gants de caoutchouc dans l’exécution de leur travail. Par conséquent, le tribunal conclut que la travailleuse n’a pas été victime d’une lésion professionnelle le 15 mai 1999.

[49]           La Commission des lésions professionnelles rappelle, enfin, que la travailleuse a renoncé à sa contestation portant sur le refus de la CSST de reconnaître une relation entre le diagnostic de dermatite au visage et sa lésion professionnelle.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier no 116204-01B-9905

REJETTE la requête de madame Alma Roy, la travailleuse ;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), rendue le 20 avril 1999, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE sans objet la contestation de la travailleuse concernant la partie de cette décision qui porte sur le remboursement des frais qu’elle a encourus pour l’achat de Celestoderm, de Lubriderm et de Cortate 1 % et PREND ACTE de son désistement concernant cette question;

DÉCLARE que la travailleuse n’a pas droit au remboursement des frais qu’elle a encourus pour l’achat de Nizoral et de Solugel 4 %.

Dossier no 116205-01B-9905

REJETTE la requête de la travailleuse;

CONFIRME la décision de la CSST, rendue le 19 mars 1999, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la travailleuse ne souffre pas d’asthme professionnel; et

DÉCLARE qu’il n’y a pas de relation entre le diagnostic de broncho-pneumopathie posé par le docteur Banville et la lésion professionnelle dont la travailleuse a souffert.

Dossier no 127802-01B-9911

REJETTE la requête de la travailleuse;

CONFIRME la décision de la CSST, rendue le 16 novembre 1999, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la lésion professionnelle de la travailleuse a entraîné une atteinte permanente à son intégrité physique de 2,45 %;

DÉCLARE que l’indemnité se rapportant à cette atteinte permanente n’a pas d’effet rétroactif;

DÉCLARE que l’emploi consistant à fabriquer des boîtes de carton correspond, dans les présentes circonstances, à la définition d'un emploi équivalent, au sens de la loi;

DÉCLARE que la travailleuse est capable d’occuper cet emploi depuis le 14 mai 1999;

DÉCLARE que la travailleuse n’a pas droit de bénéficier d’un programme de réadaptation professionnelle;

DÉCLARE qu’il n’y a pas de relation entre le diagnostic de trouble d’adaptation avec humeur anxieuse et la lésion professionnelle initiale de la travailleuse et qu’en conséquence elle n’a pas été victime, le 15 mai 1999, d’une rechute, récidive ou aggravation de cette lésion professionnelle;

DÉCLARE qu’il n’y a pas de relation entre le diagnostic de dermatite de contact au visage et la lésion professionnelle initiale de la travailleuse et PREND ACTE de son désistement concernant cette question.

 

 

 

 

Jean-Maurice Laliberté

 

Commissaire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

GAULIN, LINTEAU, CROTEAU

(Me Pierre Linteau)

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

PANNETON LESSARD

(Me Sonia Dumaresq)

 

Représentant de la partie intervenante

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001.

[2]          (1987) 119 G. O. II, 5576.

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