Décision

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Charette et Transport GJY Piché 1984 inc. (Fermé)

2007 QCCLP 5981

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Laval

23 octobre 2007

 

Région :

Laurentides

 

Dossier :

297051-64-0608-R

 

Dossier CSST :

117952762

 

Commissaire :

Me Santina Di Pasquale

 

Membres :

René F. Boily, associations d’employeurs

 

Réjean Lemire, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Serge Charette

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Transport GJY Piché 1984 inc. (fermé)

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 10 mai 2007, monsieur Serge Charette (le travailleur) dépose une requête en révision ou révocation de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles, le 5 avril 2007.

[2]                Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette la requête du travailleur, confirme la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), le 2 août 2006, à la suite d’une révision administrative et déclare que le travailleur n’a pas droit à la réadaptation, qu’il est capable d’occuper l’emploi convenable de répartiteur préalablement déterminé à la suite de sa lésion professionnelle initiale du 3 janvier 2000 et que la CSST est justifiée de mettre fin au versement de sa pleine indemnité de remplacement du revenu, le 22 novembre 2006.

[3]                L’audience sur la requête en révision s’est tenue à St-Jérôme, le 4 septembre 2007, en présence du travailleur et de sa représentante. Transport GJY Piché 1984 inc. (l’employeur) a fermé son entreprise et n’était pas représenté. La CSST était représentée par avocat.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]                Le travailleur demande de réviser la décision rendue, le 5 avril 2007, au motif qu’elle est entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider. Il demande de retenir l’avis du docteur Bertrand pour l’évaluation du déficit anatomo-physiologique du travailleur.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis de rejeter la requête en révision du travailleur. Il n’a pas fait la preuve d’une erreur manifeste et déterminante. La remarque du commissaire qui a rendu une décision précédente, concernant l’incapacité du travailleur d’exercer son travail, n’est qu’une opinion qui ne pouvait produire des effets juridiques puisqu’il n’était pas saisi de cette question.

[6]                Le travailleur n’a pas démontré que la décision du 5 avril 2007 contient des erreurs manifestes et déterminantes. Ce n’est pas une erreur d’avoir considéré le docteur Maurais comme le médecin qui a charge.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[7]                La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a lieu de réviser ou de révoquer la décision du 8 mai 2006.

[8]                L’article 429.49 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), énonce que les décisions de la Commission des lésions professionnelles sont finales et sans appel :

429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.

 

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

[9]                Par ailleurs, l’article 429.56 prévoit que la Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue pour les motifs qui y sont énoncés. Cette disposition se lit comme suit :

429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:

 

 

1°   lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

 

2°   lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

 

3°   lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[10]           En l’espèce, le travailleur allègue que la décision rendue est entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider.

[11]           Selon une jurisprudence constante de la Commission des lésions professionnelles, la notion de vice de fond de nature à invalider la décision a été interprétée comme signifiant une erreur de droit ou de faits ayant un effet déterminant sur l’objet de la contestation.[2]

[12]           La Cour d’appel s’est aussi prononcée relativement à l’interprétation de cette notion de « vice de fond »[3]. Notamment, dans les affaires Fontaine et Touloumi, la Cour d’appel souligne qu’il incombe à la partie qui demande la révision de faire la preuve que la première décision est entachée d’une erreur « dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés ».

[13]           Dans l’affaire Fontaine, la Cour d’appel nous met en garde d’utiliser à la légère l’expression « vice de fond de nature à invalider » une décision puisque la première décision rendue par la Commission des lésions professionnelles fait autorité et ce n’est qu’exceptionnellement que cette décision pourra être révisée.

[14]           La Commission des lésions professionnelles estime qu’il y a lieu de rappeler les faits de cette affaire avant d’aborder les motifs invoqués à l’appui de la requête en révision.

[15]           Le travailleur est victime d’un accident du travail le 3 janvier 2001. Il subit des blessures lorsque le camion qu’il conduit sur une route recouverte de verglas se renverse dans un fossé.

[16]           Le docteur Gilles Maurais, orthopédiste, qui prend en charge le travailleur produit un rapport final le 12 décembre 2000. Il fixe la date de consolidation de la lésion au 13 décembre 2000. De plus, il remplit un rapport d’évaluation médicale à cette même époque et indique que la lésion professionnelle entraîne un déficit anatomo-physiologique de 2 % et des limitations fonctionnelles. Toutefois, comme le travailleur demeure avec un déficit anatomo-physiologique de 2 % en raison d’une lésion professionnelle antérieure, son pourcentage d’atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a été évalué à 0 %.

[17]           Les limitations fonctionnelles émises par le docteur Maurais rendent le travailleur incapable d’exercer son emploi de camionneur. Il est alors admis en réadaptation et le 29 juin 2001, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare que le travailleur est capable, à compter du 28 juin 2001, d’exercer l’emploi convenable de répartiteur. Il conserve son droit à l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’il occupe cet emploi ou au plus tard, jusqu’au 27 juin 2002.

[18]           Le travailleur demande la révision de cette décision, le 11 septembre 2003, mais cette contestation est déclarée irrecevable par décision de la Commission des lésions professionnelles, le 13 juillet 2004.

[19]           Aussi, pendant sa période de recherche d’emploi, le travailleur produit une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation, le 13 janvier 2002. Cette récidive, rechute ou aggravation est reconnue par cette même décision de la Commission des lésions professionnelles datée du 13 juillet 2004.

[20]           Par cette décision datée du 13 juillet 2004, la Commission des lésions professionnelles déclare également que le travailleur a droit au remboursement du coût d’achat d’un collet cervical et des médicaments prescrits par ses médecins.

[21]           La CSST demande la révision de cette décision en vertu de l’article 429.56 de la loi mais la requête n’est accueillie qu’en partie et seulement pour exclure le remboursement du coût d’achat de deux médicaments.

[22]           Le 17 août 2004, le docteur Pierre Comtois produit un rapport final. Il indique que la lésion professionnelle du 13 janvier 2002 est consolidée le même jour, que cette lésion entraîne une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles et que le rapport d’évaluation médicale sera produit par le docteur Lesage.

[23]           Le docteur Lesage ne produit aucun rapport et la CSST avise le travailleur, en mars 2005, qu’il doit demander à son médecin de produire un rapport d’évaluation médicale.

[24]           Le travailleur a de la difficulté à obtenir le rapport en question du docteur Maurais. Ce n’est que le 16 mai 2006, qu’il produit un rapport final. Il fixe la date de consolidation de la lésion au jour de la visite et ajoute que les limitations fonctionnelles sont «idem». Il écrit également «entorse cervical, gestion de douleurs, mêmes limitations». Enfin, il indique qu’il ne produira pas de rapport d’évaluation médicale.

[25]           Le 30 mai 2006, la procureure du travailleur adresse une lettre au docteur Maurais lui demandant d’effectuer un examen complet et de produire un rapport d’évaluation médicale.

[26]           Le docteur Maurais ne donne pas suite à cette lettre et la représentante du travailleur demande au docteur Pierre Bertrand, chirurgien orthopédiste, de produire le rapport d’évaluation médicale. Ce rapport est produit le 29 août 2006. Le docteur Bertrand est d’avis d’émettre des restrictions très sévères de classe IV «Pour ce qui est des restrictions reliées à ce syndrome douloureux cervical chronique qui persiste depuis l’an 2000».

[27]           La CSST rend une décision, le 14 juin 2006, avant la réception de l’évaluation du docteur Bertrand et déclare que puisqu’il n’y a pas d’aggravation de l’atteinte permanente ni de limitations fonctionnelles, que le travailleur est capable d’exercer l’emploi convenable qui avait été déterminé préalablement. Cette décision est contestée par le travailleur et confirmée à la suite d’une révision administrative. La Commission des lésions professionnelles est éventuellement saisie de la contestation de cette décision et elle la confirme. C’est cette décision qui fait l’objet de la présente requête en révision. En effet, la représentante du travailleur prétend que cette décision comporte un vice de fond et de procédure de nature à l’invalider.

[28]           Le tribunal analysera donc ci-après les prétentions du travailleur pour déterminer si la requête en révision est bien fondée.

1.         LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES COMMET UNE ERREUR PUISQU’ELLE FONDE SA DÉCISION SUR LE RAPPORT FINAL DU DOCTEUR MAURAIS

[29]           La représentante du travailleur allègue, dans un premier temps, que la première commissaire a commis une erreur manifeste et déterminante en fondant sa décision sur le rapport final produit par le docteur Maurais, le 16 mai 2006. Elle prétend que le docteur Maurais n’a pas évalué le travailleur en regard de l’aggravation de 2002. Il affirme, lors d’une discussion avec le médecin conseil de la CSST, qu’il n’y avait pas de changement dans la condition du travailleur sans l’examiner. Elle fait valoir que le docteur Maurais ne doit pas être considéré comme étant le médecin qui a charge pour cette aggravation de 2002, notamment puisqu’il n’a jamais traité le travailleur pour cette aggravation et qu’il n’y croyait pas.

[30]           Il y a lieu de reproduire les extraits suivants de la décision de la Commission des lésions professionnelles du 5 avril 2007 :

[20] Le tribunal constate qu'au moment où il produit sa réclamation pour la rechute, récidive ou aggravation du 13 janvier 2002, monsieur Charette est toujours suivi par l'orthopédiste Maurais.  Il consulte également à quelques reprises son médecin de famille, le docteur P. Comtois4, qui est, en fin de compte, remplacé par le docteur P. Dubé5 à la suite d'un déménagement.

 

[21] À l'audience, il y a admission de la part de monsieur Charette que le docteur Maurais est son médecin qui a charge, autant en ce qui concerne la lésion professionnelle initiale du 3 janvier 2000 que la rechute, récidive ou aggravation du 13 janvier 2002.

 

[…]

 

[31] Le tribunal comprend que monsieur Charette est insatisfait des conclusions auxquelles en arrive le docteur Maurais en ce qui a trait aux séquelles qui résultent de sa lésion professionnelle du 13 janvier 2002 et qu’il préfère que l'évaluation du docteur Bertrand soit retenue.

 

[32] Le tribunal estime, toutefois, qu’il ne peut tenir compte de cette évaluation puisqu'aux fins de rendre une décision, le tribunal, tout comme la CSST, est lié par les conclusions du médecin qui a charge de monsieur Charette, tel que le stipule l'article 224 de la loi.

 

[33] À partir du moment où il y a admission que le docteur Maurais est le médecin qui a charge de monsieur Charette en regard de la lésion professionnelle qu’il a subie le 13 janvier 2002, le tribunal doit rendre sa décision en tenant compte des conclusions de ce médecin.

 

[34] Or, sur le Rapport final du 16 mai 2006, le docteur Maurais indique que les limitations fonctionnelles sont « idem » et qu’il ne produira pas un Rapport d’évaluation médicale.

 

[35] La représentante de monsieur Charette soutient que ces conclusions sont incomplètes, que l'examen réalisé par le docteur Maurais le 16 mai 2006 a été très succinct et que le tribunal doit plutôt tenir compte de l'évaluation du docteur Bertrand en ce qui a trait aux limitations fonctionnelles qui résultent de la lésion professionnelle du 13 janvier 2002 puisqu'en refusant de produire le Rapport d’évaluation médicale, le docteur Maurais ne respecte pas ses obligations en vertu de la loi.

 

[36] Le tribunal ne partage pas ce point de vue.

 

[…]

 

[38] Le tribunal constate que l'article 203 de la loi ne fait aucune référence à une obligation pour le médecin qui a charge d'examiner le travailleur avant de produire son Rapport final.  La jurisprudence7 de la Commission des lésions professionnelles sur ce sujet abonde d'ailleurs dans ce sens.

 

[…]

 

[42] Or, le tribunal estime qu'en inscrivant « idem » sur le Rapport final du 16 mai 2006 en réponse aux questions « La lésion professionnelle entraîne-t-elle des limitations fonctionnelles ? Si oui, ces limitations ont-elles aggravé des limitations fonctionnelles antérieures ? » et en précisant que les limitations fonctionnelles sont les mêmes et qu’un Rapport d’évaluation médicale ne sera pas produit, le docteur Maurais informe la CSST qu’il ne juge pas nécessaire de produire un tel rapport puisque la lésion professionnelle n'entraîne pas d'atteinte permanente ni de limitations fonctionnelles additionnelles à son avis.

 

[43] Le docteur Maurais respecte donc les obligations prévues par l'article 203 de la loi au moment où il produit le Rapport final du 16 mai 2006.

 

___________

4              Monsieur Charette consulte le docteur Comtois les 11 juin 2002, 17 juillet 2002 et 17 août 2004.

5                     Monsieur Charette consulte le docteur Dubé les 26 juillet 2005, 10 août 2005, 28 septembre 2005, 16 novembre 2005 et 29 novembre 2005.

7                     Voir notamment : Souligny et Marcel Baril ltée, C.L.P. 94765-71-9803, 31 mars 1999, Anne Vaillancourt ; Dupuis et Concordia restauration de béton ltée et CSST, C.L.P. 136446-03B-0004, 8 mai 2001, M. Cusson ; Bérubé et DJ Express (faillite) et CSST, C.L.P. 244511-64-0409 et al., 16 mars 2005, R. Daniel.

 

 

[31]           En premier lieu, l’argument voulant que le docteur Maurais ne doit pas être considéré comme le médecin qui a charge du travailleur n’est pas retenu. Le travailleur a lui-même admis à l’audience que le docteur Maurais est le médecin qui a charge pour cette lésion et qu’il est également suivi par son médecin de famille.

[32]           De plus, l’agente d’indemnisation affectée au dossier du travailleur avait communiqué avec celui-ci, le 23 mars 2006, pour savoir qui était le médecin qui a charge. Madame Sophie Boulanger écrit dans ses notes du 23 mars 2006 :

T me dit que le Dr Comptois était son md de famille avant qu’il ne déménage, mais qu’il ne le voit plus. Son nouveau md de famille est le Dr Dubé, il le voit régulièrement mais T me dit que le md responsable de son dossier, celui qui est le grand chef est le Dr Maurais (md Tx).

 

 

[33]           La note d’intervention du 18 décembre 2006 de madame Thérèse Neveu est également éloquente et confirme que le travailleur était suivi régulièrement par le docteur Maurais pour sa lésion professionnelle. Madame Neveu indique que le docteur Dubé, le médecin de famille du travailleur, a produit une lettre informant la CSST que le travailleur est suivi de façon régulière par le docteur Maurais.

[34]           Donc, le docteur Maurais est le médecin qui a charge. Par ailleurs, la représentante du travailleur allègue également que le docteur Maurais n’a pas procédé à une évaluation physique du travailleur avant d’émettre un rapport final. D’ailleurs, il avait convenu avec la CSST, lors d’une conversation téléphonique, avec le médecin conseil, qu’à la prochaine visite il consoliderait la lésion sans limitations fonctionnelles additionnelles et c’est ce qu’il fait lorsqu’il produit le rapport final.

[35]           Or, comme le souligne la première commissaire au paragraphe 38 de sa décision, la loi ne fait aucune référence à une obligation pour le médecin qui a charge d’examiner le travailleur avant de produire son rapport final. De plus, la première commissaire cite de la jurisprudence à l’appui de cet énoncé.

[36]           La représentante du travailleur prétend que le tribunal ne pouvait tenir compte de ce rapport final en l’absence d’un examen approfondi et elle cite à l’appui de ses prétentions, la décision rendue dans Boudreau et Ministère des Transports[4], où la Commission des lésions professionnelles a décidé que le processus de production du rapport final de l’article 203 de la loi n’avait pas été respecté au détriment des droits du travailleur et a annulé le rapport final du médecin qui a charge.

[37]           Qui plus est, le commissaire, dans l’affaire Boudreau[5], cite d’autres décisions au même effet. Dans un cas, un rapport final du médecin qui a charge a été annulé parce qu’il avait été rempli à partir d’informations provenant d’autres sources et non en fonction d’un examen fait directement sur la personne du travailleur.[6]

[38]           Dans une autre affaire, la Commission des lésions professionnelles indique que la CSST n’est pas liée par un rapport final produit par un médecin sans avoir examiné à nouveau le travailleur alors qu’il n’avait jamais émis pareil avis auparavant.[7]

[39]           Toutefois, le commissaire distingue son dossier de l’affaire Poulin et Manac inc.[8] où, bien que le rapport final n’avait pas donné lieu à un examen particulier, le médecin ayant fondé son opinion sur ses notes de consultation précédentes, le rapport final n’a pas été écarté.

[40]           La Commission des lésions professionnelles estime que le présent cas se distingue de l’affaire Boudreau[9] ainsi que des décisions citées dans cette affaire, et s’apparente davantage à l’affaire Poulin[10]. Le docteur Maurais ne s’est pas fié aux examens des autres médecins. Il est le médecin qui a charge du travailleur depuis 2000 et, selon la preuve offerte, il suivait le travailleur régulièrement. Il pouvait donc se fier sur ses notes antérieures pour compléter son rapport final. Mais de plus, en l’espèce, le travailleur a rencontré le docteur Maurais, le 16 mai 2006.

[41]           La Commission des lésions professionnelles conclut, dans ces circonstances, que chaque cas doit être analysé pour décider de la nécessité pour le médecin qui a charge d’évaluer le travailleur avant d’émettre son rapport final. Dans le présent dossier, il n’était pas nécessaire pour le docteur Maurais de procéder à un examen approfondi du travailleur avant d’émettre un rapport final puisqu’il suivait le travailleur régulièrement. Il pouvait donc se fier à ses notes antérieures pour compléter le rapport.

[42]           La Commission des lésions professionnelles conclut que l’argument allégué par la représentante du travailleur n’est pas un motif permettant la révision de la décision. Le travailleur n’a pas fait la preuve d’une erreur dans l’analyse de la preuve ou dans l’interprétation de la loi concernant le rapport final émis par le docteur Maurais. Il est le médecin qui a charge et la première commissaire ne commet pas d’erreur lorsqu’elle conclut qu’elle ne peut écarter son avis pour les motifs qu’elle exprime dans sa décision.

2.         EXCÈS DE COMPÉTENCE

[43]           La représentante du travailleur allègue également que la première commissaire a excédé sa compétence. Elle a agi comme si elle siégeait en appel de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles dans un autre dossier du travailleur, le 13 juillet 2004[11]. Elle prétend que la Commission des lésions professionnelles avait déjà statué quant à la capacité du travailleur d’exercer son emploi dans cette décision du 13 juillet 2004 et que la commissaire devait considérer que seul le rapport du docteur Bertrand répondait à la demande faite par la Commission des lésions professionnelles dans cette décision.

[44]           La Commission des lésions professionnelles constate que cet argument a été soulevé devant la première commissaire et qu’elle y a répondu de la façon suivante :

[46] Tout d'abord, le tribunal note que le litige sur lequel la Commission des lésions professionnelles se prononce dans sa décision12 du 13 juillet 2004 vise la reconnaissance de la lésion professionnelle subie par monsieur Charrette le 13 janvier 2002 et le droit de ce dernier au remboursement du coût de certains médicaments et d'un collet cervical et non l'existence ou l'évaluation d'une atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles consécutives à cette lésion.

 

[47] La soussignée constate, d’autre part, que monsieur Charette conteste également la décision par laquelle la CSST déclare irrecevable sa demande de révision à l'encontre de la décision statuant sur la détermination de l'emploi convenable de répartiteur et sur sa capacité de l'exercer.  Toutefois, sa demande est déclarée irrecevable par la Commission des lésions professionnelles.

 

[48] Le tribunal note, enfin, que le passage de la décision auquel fait référence la procureure de monsieur Charette fait partie d'un obiter à la fin de la décision dans lequel la Commission des lésions professionnelles précise, après avoir déclaré irrecevable la demande de révision à l'encontre de la décision qui statue sur le plan individualisé de réadaptation, que ce plan est « complété et terminé depuis le mois de juin 2001 » et qu’il « ne peut plus être modifié ».  L'extrait pertinent de cette décision se lit comme suit :

 

« […]

[96]      Dans les circonstances, la Commission des lésions professionnelles estime que le travailleur n’a pas démontré l’existence d’un motif raisonnable pour justifier son défaut de respecter le délai de 30 jours prévu à l’article 358 de la LATMP et qu’en conséquence, la demande de révision qu’il a présentée, le 11 septembre 2003, doit être déclarée irrecevable.

 

[97]      Elle croit par ailleurs utile d’ajouter les remarques suivantes.

 

[98]      Par sa contestation, le travailleur désire obtenir une modification de son plan individualisé de réadaptation professionnelle. Pourtant, ce plan est complété et terminé depuis le mois de juin 2001. Il ne peut donc plus être modifié aujourd’hui.

 

[99]      La Commission des lésions professionnelles constate, par contre, qu’en raison de son mauvais état de santé actuel, le travailleur ne peut pas exercer à plein temps l’emploi convenable identifié dans la décision du 29 juin 2001. La preuve à ce sujet est claire, concluante et non contredite. Maintenir le travailleur dans cet emploi paraît manifestement irréaliste.

 

[100]    Compte tenu de l’aggravation de sa lésion cervicale, le travailleur doit faire l’objet d’une nouvelle évaluation de son déficit anatomo-physiologique et de ses limitations fonctionnelles. Lorsque son médecin procédera à cette évaluation et fera connaître ses conclusions, le travailleur pourra demander une révision de son dossier par la CSST. Il obtiendra alors un réexamen de sa capacité de travailler et, le cas échéant, la mise en oeuvre d’un nouveau plan de réadaptation qui lui permettra de s’orienter vers un emploi convenable adapté à sa capacité résiduelle.

 

[101]    Il pourrait avoir droit, entre temps, à l’indemnité de remplacement du revenu prévue à la LATMP.

[…] »

 

[49] Le présent tribunal estime qu'il n'est pas lié par cet obiter aux fins de rendre sa décision en regard de la capacité de monsieur Charette d'occuper l'emploi convenable de répartiteur à la suite de la consolidation de sa lésion professionnelle du 13 janvier 2002.

 

[50] Effectivement, la soussignée considère que la remarque de la Commission des lésions professionnelles relative à l'incapacité de monsieur Charette d'exercer l'emploi convenable de répartiteur vise la période précédant la consolidation de sa lésion professionnelle du 13 janvier 2002 puisque le commissaire fait référence à « l'état de santé actuel » de monsieur Charette et utilise le temps présent dans sa phrase.  De plus, au moment où la Commission des lésions professionnelles rend la décision du 13 juillet 2004, la lésion professionnelle du 13 janvier 2002 n'est pas encore consolidée.

 

[51] C’est probablement la raison pour laquelle la Commission des lésions professionnelles utilise ensuite le temps futur et indique dans sa remarque que lorsque le médecin de monsieur Charette fera connaître ses conclusions relatives au déficit anatomo-physiologique et aux limitations fonctionnelles qui résultent de la lésion professionnelle du 13 janvier 2002, ce dernier pourra demander une révision de son dossier par la CSST en ce qui a trait à sa capacité de travail.

 

[52] La soussignée estime que le 16 mai 2006, le docteur Maurais fait justement connaître ses conclusions en regard du déficit anatomo-physiologique et des limitations fonctionnelles qui résultent de la lésion professionnelle du 13 janvier 2002 en déclarant que les limitations fonctionnelles demeurent les mêmes et qu’il n'y a pas lieu, à son avis, de produire le Rapport d’évaluation médicale.

 

[53] Il n'y a donc pas de motif pour écarter l'opinion émise par le médecin qui a charge de monsieur Charette et prendre en considération celle du docteur Bertrand du 29 août 2006. D'ailleurs, la loi ne prévoit aucun mécanisme permettant à un travailleur de contester l'avis de son médecin qui a charge.

 

___________

11             Charrette et Transport GJY Piché 1984 inc. et CSST, précitée note 3

12             Charette et Transport GJY Piché 1984 inc. et CSST, précitée, note 3

 

 

[45]           La prétention de la procureure du travailleur n’est pas fondée. La première commissaire n’a pas excédé sa compétence. Elle était saisie d’une décision de la CSST qui déclarait que le travailleur est capable d’exercer l’emploi convenable préalablement déterminé et qu’il n’a pas droit à la réadaptation. Dans l’exercice de sa compétence, elle pouvait confirmer, infirmer ou modifier cette décision et elle a décidé de la confirmer pour les motifs énoncés dans la décision.

[46]           La Commission des lésions professionnelles par sa décision du 13 juillet 2004 n’a pas statué sur la question du droit à la réadaptation, l’emploi convenable et la capacité du travailleur d’exercer son emploi. Le dispositif de cette décision est clair. La Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 14 janvier 2002, qu’il a droit au remboursement de certains médicaments et d’un collet cervical. Elle déclare également que la contestation du travailleur de la décision déterminant l’emploi convenable, à la suite de la lésion initiale, est irrecevable. On ne retrouve aucune conclusion quant à la réadaptation, à l’emploi convenable ou à la capacité du travailleur d’exercer son emploi.

[47]           Dans sa décision du 13 juillet 2004, la Commission des lésions professionnelles fait des commentaires qu’elle qualifie de «remarques». Ces remarques ne peuvent faire partie du «ratio decidendi» de la décision puisque la Commission des lésions professionnelles n’était pas saisie des questions d’emploi convenable ou d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles. En effet, si la Commission des lésions professionnelles avait statué sur ces questions, elle aurait excédé sa compétence puisqu’elle devait décider uniquement de la récidive, rechute ou aggravation du 14 janvier 2002.

[48]           De plus, la lésion professionnelle n’était pas consolidée à cette date et il aurait été prématuré de se prononcer sur les séquelles de la lésion professionnelle ainsi que du droit du travailleur à la réadaptation.

[49]           L’article 377 prévoit que la Commission des lésions professionnelles peut confirmer, infirmer ou modifier la décision contestée et ensuite rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu. Le tribunal ne peut se prononcer sur des aspects de la lésion qui n’ont pas été traités par la décision contestée. Elle ne peut rendre une décision sur un aspect du litige qui n’a pas encore été décidé en première instance. La CSST n’avait pas rendu de décision concernant les conséquences de la lésion professionnelle de 2002 lorsque la Commission des lésions professionnelles a rendu sa décision en 2004. Elle ne pouvait certainement pas confirmer ou infirmer une décision qui n’avait pas encore été rendue.

[50]           En résumé, le travailleur n’a pas fait la preuve d’un vice de fond de nature à invalider la décision du 5 avril 2007. La Commission des lésions professionnelles estime que la présente requête n’est qu’un appel déguisé et elle doit être rejetée.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête en révision du travailleur, monsieur Serge Charette.

 

 

 

__________________________________

 

Santina Di Pasquale

 

Commissaire

 

 

Me Gina Constantin

ST-PIERRE, CONSTANTIN

Représentante de la partie requérante

 

 

 

Me François Bilodeau

PANNETON LESSARD

Représentant de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           Produits forestiers Donahue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733 ; Franchellini et Sousa, [1998], C.L.P. 783

[3]           Tribunal administratif du Québec c. Godin, R.J.Q. 2490 (C.A.); Bourassa c. CLP, [2003] C.L.P. 601 (C.A.); Amar c. CSST, [2003] C.L.P. 606 (C.A.); CSST c. Fontaine [2005] C.L.P. 626 (C.A.); CSST c. Touloumi, C.A., 500-09-015132-046, 6 octobre 2005, jj. Robert, Morissette, Bich, 05LP-159

[4]           C.L.P. 292495-09-0606, 28 juin 2007, J.-F. Clément

[5]           Précitée, note 4

[6]           Cliche et Gicleurs Éclair inc., C.L.P. 248046-32-0411, 29 mars 2005, A. Tremblay

[7]           Brière et Vinyl Kaytec inc., C.L.P. 215828-62A-0309, 18 juin 2004, J. Landry

[8]           C.L.P. 244511-64-0409, 16 mars 2005, R. Daniel

[9]           Précitée, note 4

[10]         Précitée, note 8

[11]         Charette et Transport GJY Piché 1984 inc., C.L.P. 201005-64-0303, 13 juillet 2004, F. Poupart

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