Décision

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Entreprises de la Coterie Beauport inc.

2011 QCCLP 2003

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

17 mars 2011

 

Région :

Québec

 

Dossier :

420332-31-1009

 

Dossier CSST :

130056260

 

Commissaire :

Sophie Sénéchal, juge administratif

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Entreprises de la Coterie Beauport inc.

 

Partie requérante

 

 

 

 

 

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DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 28 septembre 2010, Entreprises de la Coterie Beauport inc. (l’employeur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) du 21 septembre 2010, rendue à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a rendue initialement le 19 juillet 2010 et déclare que l’employeur doit assumer la totalité du coût des prestations reliées à la lésion professionnelle du 18 mai 2006, subie par monsieur Guy Roger Diallo (le travailleur).

[3]           L’employeur ayant renoncé à la tenue d’une audience, la présente décision est rendue conformément à l’article 429.14 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et tenant compte de l’argumentation écrite produite par la représentante de l’employeur.

[4]           Le dossier est mis en délibéré à compter du 16 mars 2011.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]           L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déterminer qu’il a droit à un partage de l’imputation de l’ordre de 10 % à son dossier et de 90 % aux employeurs de toutes les unités.

LES FAITS

[6]           À l’époque pertinente, le travailleur occupe un poste de manutentionnaire pour le compte de l’employeur, au département du déménagement.

[7]           Le 18 mai 2006, le travailleur subit un accident du travail. En poussant un chariot, il ressent une douleur au genou gauche. Il est question d’un mouvement de torsion. La douleur se manifeste lorsque le travailleur dépose son pied au sol.

[8]           Le travailleur est alors âgé de 49 ans.

[9]           Le 19 mai 2006, il consulte la docteure Julie Roy, laquelle suspecte une lésion méniscale au genou gauche. Le travailleur est en arrêt de travail jusqu’au 28 mai 2006.

[10]        Le 30 mai 2006, il consulte la docteure Maryse Laverdière, laquelle pose un diagnostic d’entorse au genou gauche. Elle prévoit un retour au travail le 5 juin 2006.

[11]        Le 9 juin 2006, le travailleur revoit la docteure Roy. Elle maintient le diagnostic de lésion méniscale interne au genou gauche. Elle demande une arthrographie et elle dirige le travailleur en orthopédie. L’arrêt de travail est prolongé.

[12]        Le 15 juin 2006, la CSST rend une décision par laquelle elle reconnaît l’existence d’une lésion professionnelle le 18 mai 2006, soit une lésion méniscale au genou gauche.

[13]        Cette décision est contestée jusqu’à la Commission des lésions professionnelles[2], laquelle va rétablir la décision du 15 juin 2006. On reconnaît donc l’existence d’une lésion professionnelle.

 

[14]        Le travailleur revoit la docteure Laverdière le 12 juillet 2006. Elle pose un diagnostic de gonalgie gauche. Elle dirige le travailleur en orthopédie.

[15]        Le 27 juillet 2006, le travailleur est examiné par le docteur Sylvain Belzile, orthopédiste. Il pose un diagnostic de syndrome fémoro-patellaire gauche et il suspecte la présence d’une déchirure méniscale. Il demande une résonance magnétique.

[16]        Le 16 août 2006, le travailleur passe une résonance magnétique du genou gauche. Le radiologiste interprète l’examen comme suit :

Épanchement intra-articulaire modéré avec kyste poplité comportant plusieurs lobulations autour duquel la graisse est très infiltrée, suggérant à tout le moins une rupture partielle de ce kyste.

Dégénérescence mixoïde de la corne postérieure du ménisque interne associée à une petite déchirure oblique et à une petite déchirure radiaire au niveau de la corne intermédiaire.

Entorse de grade 1 du ligament collatéral interne.

Œdème osseux au condyle fémoral interne et au plateau tibial interne.

 

 

[17]        Le 7 septembre 2006, le travailleur revoit le docteur Belzile, lequel produit un rapport médical final. La lésion professionnelle est consolidée sans atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique ni limitations fonctionnelles. Le travailleur peut reprendre son travail à compter du 11 septembre 2006.

[18]        Le 16 septembre 2006, le travailleur consulte le docteur Yves Houle. Ce dernier constate un gonflement articulaire. Il suspecte une atteinte méniscale. Le travailleur est en arrêt de travail.

[19]        Le 22 septembre 2006, le travailleur revoit la docteure Laverdière. Elle pose un diagnostic de déchirure méniscale et dirige à nouveau le travailleur en orthopédie, au docteur Belzile.

[20]        Le 19 janvier 2007, le docteur Belzile procède à une intervention au genou gauche du travailleur. Ce dernier présente une déchirure dégénérative de la corne postérieure du ménisque interne du genou gauche avec chondropathie de grade 2 à 3/4 du condyle fémoral interne et de la trochlée. Il y a également une plica synoviale supéro-médiane.

[21]        Le docteur Belzile procède donc à une arthroscopie avec méniscectomie partielle interne, rasage du condyle fémoral interne et de la trochlée et section de la plica.

 

[22]        Dans son protocole opératoire, le docteur Belzile décrit ce qui suit :

Le compartiment interne révèle d’emblée une déchirure dégénérative de la corne postérieure du ménisque interne pour laquelle l’arthrotome est employé et la méniscectomie est complétée au rongeur. Cette méniscectomie représente environ 70% de la corne postérieure.

Le condyle fémoral interne présente sur toute sa surface portante une chondropathie de grade 2 à 3/4 pour laquelle nous employons l’arthrotome pour raser de manière étendue cette surface cartilagineuse et les flaps cartilagineux.

 

Le compartiment externe ne révèle rien de particulier. Pour ce qui est du compartiment patello-fémoral, la trochlée est fortement dégénérative, de grade 2 à 3/4 pour laquelle l’arthrotome est employé pour effectuer un rasage. Il y a une grande plica synoviale qui vient littéralement s’interposer sous la rotule. Nous employons un ciseau et sectionnons cette grande plica synoviale en supéro-médian.

 

 

[23]        Le docteur Belzile assure le suivi postchirurgical.

[24]        Le 22 octobre 2007, la docteure Laverdière produit un rapport médical final. La lésion méniscale est consolidée sans atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique mais avec des limitations fonctionnelles. Le travailleur est dirigé au docteur Belzile pour l’évaluation des séquelles.

[25]        Le 26 novembre 2007, le docteur Belzile examine le travailleur et produit un rapport d’évaluation médicale. À titre de diagnostic préévaluation, le docteur Belzile retient celui de déchirure du ménisque interne du genou gauche.

[26]        À la suite de son examen, le docteur Belzile décrit les limitations fonctionnelles suivantes :

Oui. Compte tenu de la présence d’une gonarthrose sous-jacente en regard de son genou gauche, des limitations fonctionnelles permanentes sont émises soit :

 

·         Il devrait éviter dans le futur d’avoir à transporter des charges de plus de 20 kg.

·         Il devrait également éviter tout travail nécessitant à effectuer des marches prolongées.

·         Il devrait également éviter tout travail nécessitant à adopter d’une manière fréquente et répétitive des positions accroupies.

 

 

[27]        Il accorde un déficit anatomo-physiologique de 1 % pour une méniscectomie partielle interne du genou gauche avec séquelles fonctionnelles.

[28]        La CSST demande une information médicale complémentaire au docteur Belzile quant aux limitations fonctionnelles. Elle désire savoir si de telles limitations sont émises en regard de la gonarthrose plutôt que de l’atteinte méniscale.

[29]        Le 8 janvier 2008, le docteur Belzile lui indique que les limitations fonctionnelles sont en relation avec la gonarthrose et non secondaires à la déchirure méniscale.

[30]        Le 31 janvier 2008, la CSST rend une décision par laquelle elle détermine l’atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique à 1,10 %.

[31]        Le 28 mai 2008, elle statue sur le droit à la réadaptation du travailleur.

[32]        Le 30 juin 2008, elle détermine un emploi convenable de commissionnaire à la pharmacie que le travailleur a la capacité d’exercer à compter du 27 juin 2008.

[33]        Le 24 décembre 2009, l’employeur formule une demande de partage de l’imputation en vertu de l’article 329 de la loi.

[34]        Le 19 juillet 2010, la CSST rend une décision par laquelle elle refuse d’accorder un partage de l’imputation. L’employeur demande la révision de cette décision.

[35]        Le 21 septembre 2010, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative. Elle confirme son refus d’accorder un partage de l’imputation.

[36]        L’employeur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre de cette décision, d’où le présent litige.

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[37]        La représentante de l’employeur plaide que ce dernier a droit à un partage de l’imputation de l’ordre de 10 % à son dossier et de 90 % aux employeurs de toutes les unités. Il s’agit d’un travailleur déjà handicapé au moment de la lésion professionnelle du 18 mai 2006. Ce handicap a joué un rôle sur l’apparition de la lésion professionnelle et sur les conséquences de celle-ci[3].

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[38]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l’employeur a droit à un partage de l’imputation en vertu de l’article 329 de la loi.

 

[39]        L’article 329 se lit comme suit :

329. Dans le cas d'un travailleur déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle, la Commission peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du premier alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien avant l'expiration de la troisième année qui suit l'année de la lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 329; 1996, c. 70, a. 35.

 

 

[40]        L’employeur peut obtenir un partage de l’imputation dans le cas d’un travailleur déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle.

[41]        Le travailleur déjà handicapé est celui qui présente une déficience physique ou psychique, laquelle a entraîné des effets sur la production de la lésion professionnelle ou sur les conséquences de cette lésion. La déficience constitue une perte de substance ou une altération d’une structure ou d’une fonction psychologique, physiologique ou anatomique et correspond à une déviation par rapport à une norme biomédicale. Elle peut être congénitale ou acquise. Cette déficience peut ou non se traduire par une limitation des capacités du travailleur de fonctionner normalement. La déficience peut aussi exister à l’état latent, sans qu’elle se soit manifestée avant la survenance de la lésion professionnelle[4].

[42]        Il appartient à l’employeur de démontrer l’existence d’un handicap et que ce handicap a entraîné des effets sur la production de la lésion professionnelle ou sur les conséquences de celle-ci. Certains critères sont utilisés pour analyser cette relation entre le handicap et la lésion professionnelle. On réfère à la nature et à la gravité du fait accidentel, au diagnostic initial de la lésion professionnelle, à l’évolution du diagnostic et de la condition du travailleur, à la compatibilité entre le plan de traitements prescrits et le diagnostic de la lésion professionnelle, à la durée de la période de consolidation compte tenu de la lésion professionnelle, à la gravité des conséquences de la lésion professionnelle et aux opinions médicales à ce sujet.

[43]        Le travailleur subit une lésion professionnelle le 18 mai 2006. Il s’agit d’une lésion méniscale au genou gauche. Cette lésion est consolidée le 22 octobre 2007 avec une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique de 1,10 % et des limitations fonctionnelles.

 

[44]        Dans le cadre du suivi médical de cette lésion, le travailleur passe une résonance magnétique le 16 août 2006 et il subit une intervention au genou gauche le 19 janvier 2007.

[45]        La résonance magnétique révèle déjà plusieurs anomalies à la structure du genou gauche et le protocole opératoire du docteur Belzile du 19 janvier 2007 s’avère encore plus précis quant à la description et, surtout, à l’ampleur de ces anomalies.

[46]        On constate d’emblée que de telles anomalies touchent particulièrement le compartiment interne et patello-fémoral du genou gauche du travailleur.

[47]        Au compartiment interne, il est question d’une déchirure dégénérative de la corne postérieure du ménisque interne. Cette atteinte est importante puisque la méniscectomie représente environ 70 % de la corne postérieure.

[48]        Au compartiment patello-fémoral, la trochlée est fortement dégénérative. Le docteur Belzile quantifie cette atteinte de grade 2 à 3/4. Il doit faire un rasage du cartilage. Il observe également une grande plica (repli de la poche synoviale) qui vient s’interposer sous la rotule. Cette plica doit être sectionnée.

[49]        Tel qu’indiqué, la lésion professionnelle acceptée est une atteinte méniscale. Le docteur Belzile parle plus spécifiquement d’une déchirure méniscale. À la lecture du protocole opératoire, l’on constate qu’il y a effectivement une atteinte méniscale par contre, le docteur Belzile parle d’une déchirure dégénérative de la corne postérieure et cette déchirure est importante puisque l’on retire environ 70 % de la corne du ménisque.

[50]        De plus, on constate que l’intervention du docteur Belzile permet de découvrir une atteinte beaucoup plus importante de la structure du genou gauche du travailleur. Cette atteinte va bien au-delà de la lésion méniscale.

[51]        De toute évidence, l’atteinte constatée aux compartiments interne et patello-fémoral s’avère importante et constitue une perte de substance ou une altération de la structure du genou gauche, correspondant à une déviation par rapport à la normale pour ce travail de 49 ans.

[52]        Le tribunal est également d’avis que cette déficience a joué un rôle prépondérant sur l’évolution et les conséquences de la lésion professionnelle du 18 mai 2006.

 

 

[53]        Sans remettre en cause l’admissibilité de la lésion professionnelle du 18 mai 2006 et de l’événement qui en serait à l’origine, force est d’admettre que cet événement ne revêt pas un caractère de gravité important.

[54]        D’autant plus lorsque l’on tient compte de l’évolution de la condition du travailleur et des conséquences importantes qui en découlent. Le tribunal est d’avis que les différentes anomalies relevées par le docteur Belzile, lors de son intervention du 19 janvier 2007, ne sont pas étrangères à cette évolution laborieuse de la condition du travailleur.

[55]        La lésion professionnelle du 18 mai 2006 sera consolidée le 22 octobre 2007 avec une atteinte permanente à l'intégrité physique de 1,10 % et des limitations fonctionnelles.

[56]        Il s’agit d’une période de consolidation importante pour une lésion méniscale. De plus, quant aux limitations fonctionnelles, la preuve prépondérante démontre clairement qu’elles sont émises en raison de la gonarthrose plutôt que de la déchirure méniscale.

[57]        Sur cet aspect, le tribunal réfère aux propos tenus par le docteur Belzile dans son rapport d’évaluation médicale et dans son information médicale complémentaire fournie à la CSST le 8 janvier 2010.

[58]        Par conséquent, l’employeur a droit à un partage de l’imputation de l’ordre de 10 % à son dossier et de 90 % aux employeurs de toutes les unités. Une telle proportion reflète le rôle joué par le handicap préexistant sur l’évolution et les conséquences de la lésion professionnelle du 18 mai 2006.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête déposée le 28 septembre 2010 par Entreprises de la Coterie Beauport inc., l’employeur;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du 21 septembre 2010, rendue à la suite d’une révision administrative;

ET

DÉCLARE que Entreprises de la Coterie Beauport inc. a droit à un partage de l’imputation de l’ordre de 10 % à son dossier et de 90 % aux employeurs de toutes les unités concernant la lésion professionnelle du 18 mai 2006 subie par monsieur Guy Roger Diallo, le travailleur.

 

 

 

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SOPHIE SÉNÉCHAL

 

 

 

 

Madame Christine Moisan

C.Q.E.A.

Représentante de la partie requérante

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Diallo et Entreprises de la Coterie Beauport inc., C.L.P. 300980-31-0610, 27 septembre 2007, G. Tardif.

[3]           Bleus - St-Lambert, C.L.P. 265723-62-0506, 26 juin 2006, D. Gruffy; Construction B.S.L. inc., C.L.P. 184504-31-0205, 23 octobre 2002, M.-A. Jobidon; Constructions Paysannes inc., C.L.P. 168360-03B-0109, 14 juin 2002, P. Brazeau.

[4]           Municipalité de la Petite-Rivière Saint-François et CSST, [1999] C.L.P. 779.

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