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[1] Le 9 août 2004, monsieur Réjean Dupuis (le travailleur) dépose, auprès de la Commission des lésions professionnelles, une requête à l’encontre d’une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue en révision administrative le 21 juillet 2004.
[2] La décision contestée maintient une décision antérieure de la CSST, laquelle suspendait l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 17 février 2004.
[3] À l’audience tenue à Longueuil le 26 octobre 2004, le travailleur est présent et représenté. Chemins de fer nationaux du Canada (l'employeur) est représenté.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision de la CSST rendue en révision administrative pour déclarer qu’il a droit au versement d’une indemnité de remplacement du revenu après le 17 février 2004.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] La membre issue des associations syndicales est d’avis d’accueillir la requête du travailleur car la décision de la CSST se prononçant sur le droit du travailleur à la réadaptation était prématurée.
[6] Le membre issu des associations d'employeurs est d’avis de rejeter la requête du travailleur car ce dernier a omis de se soumettre à la réadaptation proposée par la CSST.
LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[7] En 2000, le travailleur exécute un emploi de plombier chez l'employeur.
[8] Le 2 novembre 2000, il est victime d’une lésion professionnelle causant une déchirure du labrum et de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite.
[9] Le 21 janvier 2004, le docteur S. Lussier écrit au docteur M. Beauchamp, médecin ayant charge du travailleur, en précisant que la condition du travailleur a atteint un plateau et qu’il est un « candidat pour la réadaptation ».
[10] Le 9 février 2004, la CSST rend une décision reconnaissant le droit du travailleur à la réadaptation.
[11] Le 20 février 2004, la CSST rend une seconde décision suspendant le versement de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur à compter du 17 février 2004 pour le motif que celui-ci a refusé de participer à sa réintégration chez l'employeur, sans motif raisonnable.
[12] Le tribunal doit déterminer si la CSST pouvait mettre fin au versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 17 février 2004.
[13] L’article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), invoqué par la CSST pour suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu, se lit ainsi :
142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité:
1° si le bénéficiaire:
a) fournit des renseignements inexacts;
b) refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;
2° si le travailleur, sans raison valable:
a) entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;
b) pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;
c) omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;
d) omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;
e) omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180;
f) omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274.
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1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.
[14] L’alinéa « d » de cet article permet à la CSST de suspendre le versement d’une indemnité de remplacement du revenu si un travailleur omet de se prévaloir des mesures de réadaptation prévues par son plan individualisé de réadaptation.
[15] Le tribunal considère que la CSST n’avait pas le pouvoir de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur pour les motifs suivants.
[16] L’article 145 de la loi détermine les critères reliés à l’admissibilité à la réadaptation. Cet article se lit ainsi :
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
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1985, c. 6, a. 145.
[17] Au moment où la CSST s’est prononcée sur le droit du travailleur à la réadaptation, soit le 9 février 2004, le médecin ayant charge du travailleur ne s’était pas encore prononcé sur les séquelles de la lésion professionnelle du travailleur. Il était donc impossible à la CSST de déterminer la réadaptation à laquelle avait droit le travailleur.
[18] Ainsi, la décision de la CSST du 9 février 2004 est prématurée.
[19] Qui plus est, les articles 146 et 147 de la loi précisent que l’exercice du droit à la réadaptation s’effectue par l’élaboration d’un plan individualisé de réadaptation, lequel constitue la décision de la CSST en matière de réadaptation. Ces articles se lisent ainsi :
146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en œuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.
Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.
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1985, c. 6, a. 146.
147. En matière de réadaptation, le plan individualisé constitue la décision de la Commission sur les prestations de réadaptation auxquelles a droit le travailleur et chaque modification apportée à ce plan en vertu du deuxième alinéa de l'article 146 constitue une nouvelle décision de la Commission.
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1985, c. 6, a. 147.
[20] Or, la décision de la CSST du 9 février 2004 en est une générale se limitant à se prononcer sur le droit à la réadaptation du travailleur sans aucune élaboration sur la nature de la réadaptation à laquelle il peut prétendre. Cette décision ne peut ainsi s’assimiler à un plan individualisé de réadaptation.
[21] Finalement, les notes évolutives de la CSST permettent de comprendre que l’objectif visé par la CSST consistait à demander au travailleur de réintégrer son emploi chez l'employeur pour évaluer sa capacité à effectuer son travail prélésionnel.
[22] Cette démarche est également prématurée car la CSST ne pouvait évaluer la capacité du travailleur à exercer son emploi prélésionnel sans la détermination de l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et des limitations fonctionnelles découlant de la lésion professionnelle dont il fut victime.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête déposée le 9 août 2004 par monsieur Réjean Dupuis;
INFIRME la décision rendue le 21 juillet 2004 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que monsieur Réjean Dupuis a droit à l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 17 février 2004.
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Me Ginette Godin |
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Commissaire |
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M. Marc Gauthier |
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T.C.A. |
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Représentant de la partie requérante |
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M. Paul Côté |
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Santragest inc. |
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Représentant de la partie intéressée |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.