Décision

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Lefort et Planchers de Ciment STC inc.

2009 QCCLP 6378

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

21 septembre 2009

 

Région :

Richelieu-Salaberry

 

Dossier :

352345-62C-0807

 

Dossier CSST :

101988947

 

Commissaire :

Gilles Robichaud, juge administratif

 

Membres :

Raymond Thériault, associations d’employeurs

 

Carmen Surprenant, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Antoine Lefort

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Planchers de Ciment S.T.C. inc. (F)

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 2 juillet 2008, le travailleur, monsieur Antoine Lefort, conteste une décision rendue le 13 juin 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.

[2]                Cette décision « modifie en partie la décision du 2 mai 2008; déclare que le travailleur a droit au remboursement des frais qu’il engage pour faire exécuter les travaux de déneigement, de ratissage du terrain et de peinture extérieure aux deux ans de son domicile (sic); confirme que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais qu’il engage pour faire exécuter la coupe du gazon de son domicile et pour le démontage d’un abri temporaire pour voiture ».

[3]                À l’audience devant la Commission des lésions professionnelles, le Tribunal, le 2 septembre 2009, le travailleur est présent et représenté.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Le travailleur demande au Tribunal de déclarer qu’il a droit au remboursement des frais qu’il engage pour la coupe et l’entretien de son gazon de même que pour le montage et le démontage de son abri d’auto (abri Tempo) pour l’hiver.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[5]                Le travailleur, maintenant âgé de 69 ans, est un ancien travailleur de la construction. Victime d’un accident du travail alors qu’il était gérant de projet, il s’est retrouvé avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.

[6]                L’atteinte permanente a été évaluée à 9,2% pour une « atteinte à son membre supérieur gauche »  et « entorse dorsolombaire » avec séquelles fonctionnelles.

[7]                Les limitations fonctionnelles retenues sont les suivantes :

-     éviter la manutention de charge à plus de quinze (15) kilos,

-     éviter le travail plus haut que les épaules,

-     éviter les mouvements répétitifs impliquant la ceinture scapulaire gauche,

-     éviter le travail au niveau des échelles ou sur des surfaces dangereuses.

 

 

[8]                En 2007, le travailleur fait une demande pour être remboursé de différents travaux d’entretien reliés à son domicile. Comme le rapporte la Révision administrative, la CSST a accepté de rembourser les travaux de peinture intérieure et le grand ménage annuel que le travailleur devait faire exécuter. Par sa décision, « la Commission reconnaît que le travailleur a subi une atteinte permanente grave en raison de sa lésion professionnelle et qu’il effectuait les travaux d’entretien courant de son domicile au moment de la survenance de la lésion et propre à la nature de son domicile à ce moment ». (sic)

[9]                Une autre demande faite par le travailleur a été refusée concernant les travaux d’entretien suivants : « coupe et entretien du gazon, déneigement, peinture de porte -escalier - plancher - barreau et clôture, démontage d’abri de type Tempo ».

[10]           À la suite d’une révision administrative, toutefois, le 13 juin 2008, la décision initiale est modifiée et l’exécution des travaux de peinture extérieure est acceptée de même que les travaux de déneigement et de ratissage du terrain; « par contre, la preuve au dossier ne permet pas de conclure à une incapacité à effectuer les travaux de coupe du gazon. Finalement, le démontage d’un abri temporaire pour voiture ne fait pas partie des travaux d’entretien courant du domicile ». L’appel du travailleur porte sur la dernière partie de la décision de la Révision administrative.

Le droit

[11]           L’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) se lit comme suit :

165.  Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[12]           Dans la présente affaire, la CSST a déjà reconnu la gravité de l’état du travailleur et son droit à l’application de l’article 165. Reste à savoir, dans le cas de la tonte du gazon et du montage et démontage de l’abri Tempo, s’il s’agit, d’une part, de travaux d’entretien courant du domicile et si, d’autre part, le travailleur est incapable d’effectuer ses travaux « qu’il effectuerait normalement lui-même, si ce n’était de sa lésion ».

[13]           Le Tribunal retient du témoignage du travailleur que si ce n’était de ses limitations fonctionnelles reliées à l’accident du travail et ses conséquences, il effectuerait effectivement ces travaux.

[14]           Reste à savoir si : 1) il s’agit de travaux d’entretien courant du domicile; 2) s’il est incapable d’effectuer ces travaux à cause de sa lésion.

[15]           Comme le rappelait le Tribunal dans l’affaire Dussault et Comstock Qué ltée Wright Project[2].

La loi ne précise pas le sens qui doit être donné à l’expression « travaux d’entretien courant de son domicile ». Il faut cependant comprendre qu’il s’agit de travaux d’entretien habituel, ordinaire et même normaux qui doivent être faits de façon périodique ou encore selon les saisons par opposition à des travaux d’entretien qui sont inhabituels ou extraordinaires.

 

 

Abri Tempo

[16]           Contrairement à la Révision administrative qui considère que le démontage d’un abri Tempo ne fait pas partie des travaux d’entretien courant du domicile, le Tribunal a rendu plusieurs décisions sur le sujet, considérant qu’au même titre que le déneigement, le montage et le démontage d’un abri Tempo hivernal font partie des travaux d’entretien courant du domicile et doivent être reconnus pour les fins de l’application de l’article 165 de la loi si, par ailleurs, les autres conditions y donnant ouverture sont rassemblées.

[17]           Compte tenu des explications données par le travailleur sur les contraintes du montage et démontage de l’abri Tempo, notamment la manipulation de la toile qui pèse autour de 75 livres, les blocs de ciment qui pèsent plus de 50 livres chacun et le montage des tiges de métal à une hauteur de plus de sept pieds, nécessitant de lever les bras plus haut que les épaules de façon fréquente, il apparaît clair que le travailleur ne respecterait pas les limitations fonctionnelles qui découlent de son atteinte permanente s’il devait faire lui-même le travail. De plus, il mettrait en danger son intégrité physique.

[18]           Le Tribunal conclut que le montage et le démontage de l’abri Tempo pour la période d’hiver doit être effectué à contrat et que le travailleur a droit d’être remboursé des frais encourus, et ce, dans les limites prévues par le règlement.

La tonte du gazon

[19]           Le travailleur a déposé un croquis de son terrain avec les installations. Le croquis était accompagné de photos. Le terrain fait 83 pieds par 56. La maison occupe plus de la moitié de l’espace. Il y a une galerie à l’avant et une à l’arrière. On retrouve également un stationnement asphalté qui occupe une surface d’environ une douzaine de pieds de large par cinquante de long. Enfin, il y a une piscine qui couvre plus de 60% de l’espace arrière de la maison et une remise.

[20]           Le gazon à tondre ne couvre pas une grande superficie. Les photos déposées par le travailleur permettent de voir la présence de certains arbres et arbustes. Le reste du gazon à tondre n’est pas du tout impressionnant.

[21]           Dans son témoignage, le travailleur, qui mesure 6 pieds et 3 pouces, invoque qu’il a une tondeuse à gaz et qu’il doit se pencher pour faire le gazon de même que faire des mouvements de flexion et de torsion du tronc pour contourner les arbres et les arbustes. Avec respect, bien que le travailleur conserve des séquelles d’une entorse lombaire, les limitations fonctionnelles retenues ne parlent pas de flexion et d’extension du tronc, mais bien de mouvements répétitifs impliquant la ceinture scapulaire gauche. D’ailleurs, concernant le fait d’avoir à se pencher, le travailleur pourrait très bien faire ajouter une section supplémentaire aux manches de sa tondeuse. Pour le reste, un taille-bordure à long manche pour le tour des arbres et des arbustes pourrait être utilisé sans porter atteinte aux limitations fonctionnelles. Enfin, même avec la tondeuse, le Tribunal est convaincu que le travailleur peut opérer de façon à éviter les torsions du tronc. Au surplus, le travailleur n’est pas impotent et rien ne l’oblige à faire son gazon dans un temps limite.

L’AVIS DES MEMBRES

[22]           La membre issue des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis que, concernant l’abri Tempo, son montage et son démontage annuel, le travailleur a droit au remboursement des frais parce que ses limitations fonctionnelles l’empêchent d’exécuter un tel travail. Relativement à la tonte du gazon cependant, considérant qu’il s’agit d’un petit terrain, que le travailleur n’a aucune pression, qu’il peut prendre son temps et qu’il n’y a aucune preuve d’entrave aux limitations fonctionnelles, il n’y a pas lieu d’appliquer l’article 165 de la loi.

Conclusion

[23]           Le travailleur a droit au remboursement des travaux qu’il doit faire effectuer pour le montage et le démontage de son abri Tempo mais non pour la tonte du gazon qu’il peut exécuter lui-même.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la contestation du travailleur, monsieur Antoine Lefort;

MODIFIE la décision rendue le 13 juin 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais encourus pour le montage et le démontage de l’abri temporaire de sa voiture pour la période d’hiver, le tout en tenant compte des montants alloués par la réglementation.

 

 

 

Gilles Robichaud

 

 

 

 

 

M. Antonin Duguay Consultant

Représentant de la partie requérante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           C.L.P. 259142-03B-0504, 27 juillet 2005, R. Savard.

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