Gervais et Religieuses de Notre-Dame de Charité du Bon-Pasteur |
2013 QCCLP 1398 |
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[1] Le 31 octobre 2012, monsieur Jean-Pierre Gervais (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) rendue le 24 octobre 2012, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle initialement rendue le 1er octobre 2012 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais pour le déneigement de sa toiture.
[3] L’audience s’est tenue le 26 février 2012 à Saint-Jérôme en présence du représentant de monsieur Gervais.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de conclure à son droit d’obtenir un remboursement pour les frais de déneigement de sa toiture.
LES FAITS
[5] En 2012, monsieur Gervais s’est vu reconnaître une maladie pulmonaire professionnelle par la CSST.
[6] Le Comité des maladies pulmonaires professionnelles et le Comité spécial des présidents ont effet conclu que ce dernier souffre d’une maladie assimilable à l’amiantose, de même que d’un épanchement pleural droit d’origine amiantosique ayant nécessité une thoracoscopie et une thoracotomie avec décortication pleurale.
[7] Ils ont désigné un déficit anatomophysiologique total de l’ordre de 70 % et déterminé les limitations fonctionnelles suivantes :
Il doit être considéré comme invalide total, pouvant faire tout au plus un travail sédentaire. Il requiert également de l’aide pour faire ses activités domestiques tel que tondre le gazon, activité qu’il pouvait faire avant. [sic]
[8] Le 17 septembre 2012, la CSST procède à une analyse préliminaire des besoins en réadaptation du travailleur relativement aux travaux d’entretien courant de son domicile.
[9] Une semaine plus tard, le travailleur informe la CSST qu’il ne peut obtenir qu’une seule soumission en regard du déneigement, car il n’y a qu’une seule entreprise qui le fait dans sa région. L’agent d’indemnisation assigné au dossier accepte dans les circonstances cette façon de faire.
[10] Lors de cette conversation, le travailleur s’informe également s’il est possible d’obtenir le remboursement du déneigement de sa toiture. Il précise qu’en raison de la fonte des neiges, il doit la déneiger une à deux fois par année.
[11] Monsieur Gervais obtient alors pour réponse que le déneigement de toiture n’est en principe pas admissible, mais l’agent entend tout de même s’informer.
[12] Le 1er octobre 2012, la CSST refuse effectivement de payer pour le déneigement de la toiture de la résidence. Elle accepte cependant de défrayer les frais d’entretien reliés au déneigement de l’entrée et du stationnement, à la tonte de pelouse, de même qu’à la peinture extérieure et intérieure.
[13] Lors de l’audience, une lettre est déposée dans laquelle le travailleur mentionne qu’il effectuait lui-même le déneigement de la toiture de sa résidence et de son garage avant sa maladie.
[14] Une facture en date du 5 janvier 2013 est également présentée en regard de ce déneigement au montant de 150.00 $.
L’AVIS DES MEMBRES
[15] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis d’accueillir la requête du travailleur. Ils estiment en effet que le déneigement de la toiture s’inscrit à titre de travaux d’entretien courant.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[16] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement du coût du déneigement de la toiture de sa maison et de son garage.
[17] La disposition pertinente en la matière est l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et se lit comme suit :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
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1985, c. 6, a. 165.
[18] Ainsi, afin de permettre l’application de l’article 165 de la loi, les conditions suivantes doivent être remplies :
1) une atteinte permanente grave doit subsister de la lésion professionnelle;
2) le travailleur doit être incapable d’effectuer les travaux d’entretien courant de son domicile;
3) il doit s’agir de travaux qu’il effectuerait lui-même si ce n’était de la lésion;
4) les frais d’avoir être engagés.
[19] Dans le présent dossier, il ressort de la preuve qu’il découle de la maladie pulmonaire professionnelle reconnue un déficit anatomophysiologique de 70 % et la CSST reconnaît au surplus que le travailleur est atteint d’une atteinte permanente grave lorsqu’elle accepte de défrayer certains frais de travaux d’entretien courant.
[20] Les limitations fonctionnelles émises par les six pneumologues permettent pour leur part de conclure à l’incapacité du travailleur de réaliser lui-même le déneigement de sa toiture.
[21] Dans une lettre signée par le travailleur, ce dernier affirme qu’il réalisait lesdits travaux lui-même auparavant et enfin il fournit une facture démontrant que les frais ont été engagés.
[22] Reste donc à déterminer si le déneigement d’une toiture peut être considéré à titre de travaux d’entretien courant du domicile.
[23] Le tribunal est d’avis qu’il faut répondre par l’affirmative à cette dernière question.
[24] Dans l’affaire Bédard et Québec (Ministère de l’Environnement et de la Faune)[2] il est mentionné que l’article 165 de la loi vise les travaux ayant pour but de préserver et maintenir l’état du domicile du travailleur qui sont effectués d’une manière habituelle.
[25] Dans le présent cas, le tribunal juge que le déneigement de la toiture de la résidence et du garage du travailleur s’inscrit clairement dans cette lignée.
[26] La Commission des lésions professionnelles a d’ailleurs conclu en ce sens à quelques reprises dans le passé et la soussignée réfère à cet égard aux propos tenus par la juge administrative dans l’affaire Delisle et Transport TFI 4 Kings div. Citerne[3] :
[50] Contrairement à la CSST, tel qu’il a déjà été reconnu dans le passé, la Commission des lésions professionnelles croit que, le déneigement de la toiture peut être considéré comme des travaux d’entretien courant du domicile. En outre dans l’affaire Bacon et General Motors du Canada ltée[3], la Commission des lésions professionnelles retient que cette notion de travaux d’entretien courant du domicile n’implique pas nécessairement que de tels travaux doivent être effectués à toutes les semaines ou à tous les mois. L’important est que ces travaux soient habituels et ordinaires sans qu’il soit nécessaire d’établir qu’ils reviennent à une fréquence importante. Elle s’exprime comme suit :
[75] Il est clair qu’il est nécessaire chaque hiver de déneiger les toits à plusieurs reprises et il s’agit là d’une tâche habituelle et ordinaire par opposition à des travaux inhabituels ou extraordinaires. L’article 165 ne prévoit donc pas de date ou d’époque à laquelle les travaux doivent être effectués et encore moins le nombre de fois ni l’intervalle requis pour qu’on puisse prétendre qu’il s’agit de travaux d’entretien courant.
[76] Le tribunal est d’avis que les travaux visant à déneiger le toit de la résidence du travailleur tout comme ceux visant à déneiger son entrée ou à tondre son gazon sont des travaux d’entretien courant du domicile bien que survenant à des fréquences différentes. (références omises)
[27] Considérant ces éléments, il y a donc lieu de faire droit à la demande de monsieur Gervais.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur Jean-Pierre Gervais, le travailleur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 24 octobre 2012, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a droit, en vertu de l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles au remboursement des frais encourus pour le déneigement de la toiture de sa résidence et de son garage en 2013.
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Isabelle Piché |
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Monsieur Daniel Sabourin |
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Daniel Sabourin Consultant inc. |
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Représentant de la partie requérante |
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