Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Outaouais

MONTRÉAL

 

Le

25 juillet 2003

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

180920-07-0203

DEVANT Le COMMISSAIRE :

Me Bertrand Roy

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉ DES MEMBRES :

Jean-Marie Trudel

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Marcel Gagnon

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉ DE L'ASSESSEUR :

Guy Bouvier, médecin

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

117968719

AUDIENCES TENUES LES :

16 octobre 2002

12 novembre 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Montréal

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DAVID TURNER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

HOWMET CERCAST CANADA INC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET

DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 21 mars 2002, monsieur David Turner (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 15 février 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) à la suite d’une décision administrative.

[2]               Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a rendue le 19 septembre 2001 et déclare que le travailleur n’a pas été victime d’une maladie pulmonaire professionnelle, soit la bérylliose.

[3]               Aux audiences devant la Commission des lésions professionnelles, le travailleur et Howmet Cercast inc. (l’employeur) étaient présents et ils étaient représentés par procureur.

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[4]               Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il est victime d’une maladie professionnelle pulmonaire, soit la bérylliose.

L'AVIS DES MEMBRES

[5]               Le membre issu des associations syndicales est d’avis que le travailleur a démontré par une preuve prépondérante qu’il a été exposé à la poussière de béryllium et qu’il est victime d’une maladie professionnelle pulmonaire, la bérylliose. Il considère que la preuve présentée par le travailleur est convaincante même si elle n’offre pas de certitude absolue quant au diagnostic à retenir. Il accueillerait la requête du travailleur.

[6]               Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que le travailleur avait le fardeau de convaincre qu’il est victime d’une maladie professionnelle pulmonaire. Il n’a pas démontré de façon probante qu’il souffre de bérylliose ou d’une autre bronchopneumopathie causée par la poussière de métaux durs. Il rejetterait la requête du travailleur.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[7]               Le travailleur soutient qu’il a été victime d’une maladie professionnelle pulmonaire, la bérylliose.

[8]               Les dispositions pertinentes de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] sont les suivantes :

29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

________

1985, c. 6, a. 29.

 

 

30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

________

1985, c. 6, a. 30.

 

 

[9]               La présomption de maladie professionnelle pulmonaire trouve application si un travailleur démontre qu’il est atteint d’une maladie énumérée à l’annexe I de la loi et qu’il a exercé un travail correspondant à cette maladie d’après l’annexe.

[10]           En l’occurrence, le paragraphe 2 de la Section V de l’annexe I mentionnée plus haut se lit comme suit :

« ANNEXE I

 

MALADIES PROFESSIONNELLES

(Article 29)

 

SECTION V

 

 

MALADIES PULMONAIRES CAUSÉES PAR DES POUSSIÈRES

ORGANIQUES ET INORGANIQUES

 

MALADIES

GENRES DE TRAVAIL

[...]

 

2.    Bronchopneumo-pathie causée par la poussière de métaux durs:

un travail impliquant une exposition à la poussière de métaux durs;

[...] »

 

 

 

[11]           Il faut donc se demander si la présomption de maladie professionnelle s’applique en l’espèce.

[12]           Tout d’abord, de quelle bronchopneumopathie le travailleur souffre-t-il?

[13]           D’une part, le 19 janvier 2000, le médecin qui traitait le travailleur, le docteur James Gruber, pneumologue, a exprimé initialement l’avis que son patient souffre de bérylliose pulmonaire. Il a relié cette maladie à son travail de machiniste, chez l’employeur. Ce dernier fabrique des pièces en aluminium qui contiennent du béryllium, un « métal dur » au sens de la loi.

[14]           Le travailleur a été exposé à la poussière de ce métal au cours de sa carrière chez l’employeur qui a commencé en 1985 alors qu’il a été embauché comme préposé à l’expédition (shipping clerk). Il est devenu machiniste en 1987 et, plus particulièrement, pendant une période de deux ans, il a été affecté occasionnellement à un projet spécial de fabrication d’un alliage (AL-BE) composé de béryllium à 60 %. Il explique que son exposition au béryllium pendant ce projet n’a pas dépassé une semaine au total, mais, par contre, il semble que les mesures de prévention n’étaient pas adéquates. Par ailleurs, il signale qu’il y a aussi du béryllium dans d’autres pièces dont celles qui étaient fabriquées avec l’alliage A-357.

[15]           Le 21 janvier 2000, le docteur Gruber reçoit les résultats d’un premier test sanguin de prolifération lymphocytaire au béryllium (BELPT) qui a été pratiqué au laboratoire du docteur Rossman de Philadelphie. Le test s’avère négatif.

[16]           Le 27 janvier 2000, le travailleur produit la réclamation à la CSST qui est à l’origine du présent dossier.

[17]           Le 14 septembre 2000, un rapport de pathologie à la suite d’une biopsie trans-bronchique demandé par le docteur Gruber indique ce qui suit : « Non-caseating granulomas compatible with berylliosis. Note : differential diagnosis of sarcoidosis to be considered. »

[18]           Le 25 octobre 2000, un radiologiste rapporte la présence de lésions nodulaires en périphérie des poumons.

[19]           Le 26 octobre 2000, ce fondant sur les éléments qui précèdent, le Comité des maladies professionnelles pulmonaires conclut provisoirement qu’il y a une « très forte possibilité de bérylliose chez ce réclamant » et il expédie au laboratoire du docteur Lee S. Newman à Denver, Colorado, un échantillon de sang pour qu’un nouveau test sanguin BELPT soit pratiqué. En attendant, il recommande que le travailleur cesse d’être exposé au béryllium.

[20]           Le 22 novembre 2000, le docteur Newman rapporte que le résultat du test sanguin se situe dans les limites de la normale.

[21]           Après avoir pris connaissance de ce dernier rapport, le Comité des maladies professionnelles pulmonaires décide de procéder à un complément d’investigation et il recommande à la CSST que le travailleur subisse à Denver, à la clinique du docteur Newman, soit au National Jewish Medical and Research Center, une autre bronchoscopie avec lavage broncho-alvéolaire et que les lymphocytes du lavage broncho-alvéolaire soient utilisés pour un test de prolifération lymphocytaire au sulfate de béryllium. Le Comité demande également un nouveau test sanguin.

[22]           Le 26 mars 2001, le docteur Lisa Maier de Denver, qui avait pris charge du travailleur, produit un rapport complet sur les divers examens que son patient avait subis. Elle indique que le test de prolifération lymphocytaire sur les cellules de lavage broncho-alvéolaire, demandé par le Comité des maladies professionnelles pulmonaires, est dans les limites de la normale. Il en est de même pour le test sanguin BELPT qui avait également été demandé. Elle pose le diagnostic de « granulomatous lung disease without confirmed evidence of Beryllium sensitization consistent with a diagnosis of sarcoidosis. »

[23]           Le docteur Maier ajoute ce qui suit : « Repeated testing while Mr. Turner was on chloroquine did not reveal any evidence of sensitivity to beryllium ». Elle indique que, par précaution, puisqu’il s’agit d’un individu qui a été exposé au béryllium, elle a soumis le dossier du travailleur à deux autres groupes de spécialistes, soit « Occupational and Environmental Medicine Clinic Case Conference » et « Interstitial Lung Disease Case Conference ». Ces deux groupes ont convenu du diagnostic de « granulomatous lung disease ». Enfin, elle suggère des tests additionnels pour confirmer (« rule in ») le diagnostic de sarcoïdose. De plus, elle recommande que le travailleur soit suivi régulièrement et que d’autres tests sanguins BELPT soient répétés annuellement pour vérifier s’il s’est développé une sensibilisation au béryllium. Il est en effet possible qu’un test sanguin, avec le temps, donne des résultats positifs chez celui qui a déjà été exposé au béryllium.

[24]           Le docteur Maier estime qu’il n’y a cependant plus lieu d’empêcher le travailleur d’être exposé au béryllium sur les lieux du travail puisqu’il ne lui a pas été possible de déterminer qu’il souffre de bérylliose (« I cannot definitively determine that Mr. Turner has chronic beryllium disease ».) Toutefois, elle indique qu’il serait dans l’intérêt de tous les membres du personnel de l’employeur de limiter leur exposition au béryllium.

[25]           Le 17 juillet 2001, le Comité des maladies professionnelles pulmonaires a donné suite au rapport du docteur Maier. Il conclut ce qui suit :

« (...) il n’y a pas de sensibilisation périphérique pour le béryllium et que malgré la présence d’une maladie granulomateuse au niveau pulmonaire, il n’y a pas d’évidence de sensibilisation des lymphocytes au béryllium ni à l’aluminium sur les produits de lavage broncho-alvéolaire. »

 

 

[26]           L’avis du Comité des maladies professionnelles pulmonaires a ensuite été entériné par le Comité spécial des présidents qui en est venu à la conclusion que le travailleur souffre d’une sarcoïdose pulmonaire qui, selon lui, n’est pas une maladie professionnelle.

[27]           Par ailleurs, il convient de noter qu’à la suite des rapports du docteur Maier, le docteur Gruber s’est exprimé comme suit :

« (...) Unfortunately the clinical definition of Berylliosis today includes in addition to the exposure to beryllium and a biopsy showing granuloma, a positive lymphocite stimulation test. The lymphocyte stimulation is negative, the presumption is that this is sarcoidosis (...). Given the definition of Berylliosis today, it would be impossible to make the diagnosis if a patient testing negative for lymphocyte stimulation tests both in the blood and the brouchial alveolar lavage. » (sic)

 

 

[28]           Plus tard, le 26 septembre 2002, le docteur Gruber s’exprime différemment. Sans reprendre in extenso le texte de sa lettre au procureur du travailleur, rappelons qu’il conclut qu’il est déraisonnable pour les autres médecins de s’en remettre, dans le cas de son patient, au test de prolifération lymphocytaire. Il estime que le test n’est pas fiable et qu’il n’y a pas lieu de s’en servir comme critère diagnostic essentiel. Il fait remarquer que le docteur Maier semble elle-même peu confiante dans les résultats du test puisqu’elle recommande, selon lui, de ne pas exposer davantage le travailleur au béryllium.

[29]           Par ailleurs, le docteur Gruber fait valoir que les scientifiques ne sont pas tous du même avis concernant la nécessité de démontrer concrètement une hypersensibilité chez le patient avant de poser un diagnostic de bérylliose. Il exprime l’opinion que parmi ceux qui favorisent le test sanguin BELPT, il s’en trouve qui ont un intérêt personnel à faire valoir. Par cette remarque, il ne semble cependant pas viser le groupe du National Jewish Medical and Research Center de Denver. Le tribunal note aussi que le docteur Gruber a lui-même fait usage de ce test sanguin lorsqu’il s’est adressé au laboratoire du docteur Rossman en janvier 2000.

[30]           Le docteur Gruber ajoute que d’autres chercheurs sont plutôt d’avis que pour poser le diagnostic de bérylliose, il n’est pas nécessaire de faire la démonstration d’une hypersensibilité. Ainsi, il serait possible de détecter la présence de béryllium dans les granulomes par un équipement spécial, « Laser Microprobe Mass Spectrometry (LAMMS) ». En fait, ce moyen d’investigation permettrait de distinguer clairement la sarcoïdose de la bérylliose. Le docteur Gruber considère qu’il serait « intéressant » de soumettre l’échantillon déjà recueilli par biopsie, mais aucune démarche n’a encore été faite dans ce sens.

[31]           À l’audience, le docteur Marcel Asselin, à la demande de l’employeur, a expliqué qu’il est possible que les symptômes reliés à la bérylliose aient tendance à se manifester tardivement. Il fait remarquer, d’ailleurs, qu’en janvier 2000, le travailleur n’était pas très symptomatique comme l’a noté le docteur Gruber lui-même. Le Comité des maladies professionnelles pulmonaires a également fait la même remarque lorsqu’il a dirigé le travailleur vers l’équipe de Denver. En ce qui concerne le test de sensibilité, ce dernier est nécessaire pour distinguer la bérylliose de la sarcoïdose qui toutes les deux montrent, à la radiographie, une fibrose et une opacité fine. Le témoin souligne le fait que, dans le cas du travailleur, plusieurs tests de prolifération ont été réalisés et ont tous été négatifs. Il note aussi que le rapport du docteur Maier montre que deux autres groupes de médecins ont exprimé l’opinion que les résultats des examens subis par le travailleur ne permettent pas de poser le diagnostic de bérylliose. Pour le docteur Asselin, ces deux groupes de spécialistes ont validé, en quelque sorte, l’opinion exprimée par le docteur Maier.

[32]           En ce qui concerne la nature de la lésion dont le travailleur est atteint, la Commission des lésions professionnelles en vient à la conclusion que ce dernier n’a pas encore démontré par une preuve prépondérante qu’il est victime d’une bérylliose.

[33]           En effet, le fardeau de démontrer qu’il était atteint de cette maladie reposait sur ses épaules et force est de constater qu’il n’a pas réussi à renverser ce fardeau. Il s’est fondé sur le docteur Gruber dont l’opinion n’a pas la force probante de celle exprimée par les nombreux autres médecins qui l’ont examiné ou qui se sont penchés sur son cas.

[34]           Rappelons que le docteur Gruber a lui-même fait preuve d’une certaine confiance dans la validité du test sanguin BELPT lorsqu’il a soumis un échantillon sanguin de son patient au laboratoire du docteur Rossman à Philadelphie. Par surcroît, il a expliqué dans une lettre du 7 août 2001 qu’il était « impossible » de poser le diagnostic de bérylliose vu les résultats négatifs obtenus par le docteur Maier. Finalement, malgré ce qui précède, il a produit une longue lettre par laquelle il remet en question la validité et la fiabilité des tests en question. Il finit par suggérer un autre examen (LAMMS) qu’il dit capable de faire la distinction entre la sarcoïdose  et la bérylliose. Outre qu’il faudrait se pencher davantage sur la fiabilité de cet autre test comme outil diagnostique, notons que nous n’avons toujours pas le résultat de ce test entre les mains.

[35]           Ainsi, dans les circonstances, le tribunal n’entend pas accorder de force probante à l’avis du docteur Gruber.

[36]           Par ailleurs, il y a lieu de tenir compte du fait que le test de sensibilité est assez largement reconnu même s’il fait l’objet d’une certaine controverse. Toutefois, parce qu’il est susceptible de produire de « faux-négatifs » et qu’il est difficile à administrer, il faut prendre la précaution de le faire répéter dans plus d’un laboratoire. Or, c’est ce qui s’est produit dans le cas du travailleur. Il y a eu un test sanguin à Philadelphie et deux à Denver. À ce dernier laboratoire, on a pratiqué un test additionnel de prolifération lymphocytaire sur les produits de lavage broncho-alvéolaire.

[37]           Le travailleur a fait valoir que les résultats des tests en question ont été faussés parce qu’il prenait de la chloroquine pour sa condition de lupus. Il dit qu’il a cessé de prendre ce médicament en janvier 2000, de telle sorte que même les tests faits à Denver au mois de mars 2000 ne  peuvent être considérés comme étant fiables.

[38]           À ce sujet, le tribunal doit dire que même si l’on devait mettre de côté les résultats négatifs de ces tests, il reste que le diagnostic de bérylliose n’a pas pour autant été confirmé. En effet, pour l’instant ce diagnostic demeure une hypothèse que la preuve prépondérante ne soutient pas.

[39]           Concernant la chloroquine, on peut se demander quel est son véritable effet sur les résultats des tests de sensibilisation. Il est à noter que le docteur Gruber n’a lui-même pas fait état de cette question bien qu’il était manifestement au courant que son patient a consommé ce médicament. Il en est de même pour le docteur Maier. Dans son rapport, cette dernière mentionne explicitement ce qui suit sans plus de commentaires :

« Repeated testing while Mr. Turner was on chloroquine did not reveal any evidence of sensibility to beryllium. »

 

 

[40]           Pour leur part, ni le Comité des maladies professionnelles pulmonaires ni le Comité spécial des présidents n’ont relevé cet aspect qui, en définitive, pour le tribunal n’a pas l’importance qu’on a voulu lui donner.

[41]           Quoi qu’il en soit, si la chloroquine a véritablement eu l’effet de masquer la sensibilité du travailleur, on peut s’attendre à ce que les prochains tests soient positifs et donneraient alors ouverture à une nouvelle réclamation.

[42]           En ce qui concerne le diagnostic de sarcoïdose que le docteur Gruber a rejeté par sa lettre du 26 septembre 2002, il faut dire que cette opinion n’est pas partagée par le Comité des maladies professionnelles pulmonaires ni par le Comité spécial des présidents. De plus, notons que le 15 octobre 2002, le docteur Dales, un pneumologue d’Ottawa où le travailleur réside maintenant, déclare ce qui suit, à l’issu d’un test d’urine destiné à confirmer le diagnostic de sarcoïdose :

« The lab tests were generally unremarkable and did not confirm or deny a diagnosis of either sarcoïd or beryllium. The CT Scan demonstrated lung disease but was not possible to differentiate  between the two diagnostic possibilities. » (sic)

 

 

[43]           Finalement, il semble qu’un « patch test » pourrait mettre en évidence l’hypothétique hypersensibilité du travailleur au béryllium. Toutefois, à cause du danger que présenterait ce test, ce dernier a décidé de s’en abstenir. Ainsi, la bérylliose que soupçonne le docteur Gruber n’est toujours pas confirmée.

[44]           Puisque le tribunal ne peut retenir le diagnostic proposé par le docteur Gruber pour les raisons déjà indiquées, il faut se demander si l’autre diagnostic, celui de sarcoïdose, donne ouverture à l’application de la présomption de l’article 29 de la loi.

[45]           Le tribunal considère qu’il n’y a aucune preuve que la sarcoïdose soit une maladie causée par la poussière de métaux durs ou qu’elle soit d’origine professionnelle. D’ailleurs, le travailleur lui-même n’a jamais prétendu que la sarcoïdose, si c’est de cette maladie dont il souffre, est liée à son travail ou son exposition aux métaux durs. Ainsi, la présomption de l’article 29 ne peut trouver application.

[46]           Par ailleurs, puisque le diagnostic de bérylliose n’est pas retenu pour l’instant et comme la sarcoïdose, le seul autre diagnostic qui a présentement  cours, n’est pas susceptible d’être reliée au travail, il n’y a pas lieu de reconnaître l’existence d’une maladie professionnelle pulmonaire au sens de l’article 30 de la loi. En effet, il n’y a pas de preuve que cette maladie serait caractéristique du travail ou qu’elle serait liée aux risques particuliers du travail.

[47]           Le tribunal tient à rappeler qu’il demeure cependant possible pour le travailleur de présenter une nouvelle demande d’indemnisation si, éventuellement, de nouveaux tests venaient à donner des résultats positifs. Considérant que le travailleur a clairement été exposé à la poussière du béryllium alors qu’il était au service de l’employeur, il conviendrait maintenant que ce dernier de même que la CSST facilitent le suivi médical suggéré par le Comité des présidents et le docteur Maier.

[48]           Enfin, le travailleur a demandé à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il n’a pas à rembourser l’indemnité de remplacement du revenu qu’il a reçue pour les 14 premiers jours. Le tribunal rappelle qu’en vertu de l’article 60 de la loi, la CSST est tenue de réclamer les sommes qui lui ont été versées à ce titre.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de monsieur Turner, le travailleur;

CONFIRME la décision du 15 février 2002 rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas démontré qu’il souffre d’une maladie professionnelle pulmonaire, soit la bérylliose, ni qu’il a droit aux prestations prévues par la loi.

 

 

 

 

Me Bertrand Roy

 

Commissaire

 

 

 

 

 

ROBINSON SHEPARD SHAPIRO

(Me Jacques Bélanger et Me Alison Turner)

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

MCCARTHY, TETRAULT

(Me Jacques Rousse)

 

Représentant de la partie intéressée

 

 

 

PANNETON LESSARD

(Me Martine St-Jacques)

 

Représentant de la partie intervenante

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

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