Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Jérôme

29 septembre 2006

 

Région :

Laurentides

 

Dossier :

257345-64-0503

 

Dossier CSST :

125351239

 

Commissaire :

Me Jean-François Martel

 

Membres :

Alain Allaire, associations d’employeurs

 

Claudette Lacelle, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Bernard Gascon, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Michel Lafond

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Ville de Montréal - Sécurité publique - Pompiers

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 10 mars 2005, monsieur Michel Lafond (le travailleur) dĂ©pose Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles une requĂŞte en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), par laquelle il conteste une dĂ©cision de la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail (la CSST) rendue le 7 fĂ©vrier 2005, Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative.

[2]                Par cette dĂ©cision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 9 juillet 2004 et dĂ©clare que le travailleur n’a pas Ă©tĂ© victime d’une lĂ©sion et n’a pas droit aux prestations prĂ©vues Ă  la loi.

[3]                Le travailleur est prĂ©sent et reprĂ©sentĂ© Ă  l’audience tenue, les 28 fĂ©vrier et 6 septembre 2006, Ă  Saint-JĂ©rĂ´me ; la Ville de MontrĂ©al - SĂ©curitĂ© publique - Pompiers (l’employeur) Ă©galement.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Le travailleur demande de dĂ©clarer qu’il est atteint de surditĂ© professionnelle.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont tous deux d’avis que la contestation devrait ĂŞtre rejetĂ©e.

[6]                La prĂ©somption de maladie professionnelle Ă©tablie par l’article 29 de la loi ne trouve pas application en l’espèce, car, d’une part, la perte auditive illustrĂ©e aux audiogrammes n’en est pas une qui est caractĂ©ristique d’une atteinte causĂ©e par le bruit et, d’autre part, la preuve prĂ©pondĂ©rante ne permet pas de conclure que le travailleur a Ă©tĂ© exposĂ© Ă  un bruit excessif.

[7]                Bien qu’il soit Ă©tabli que le travailleur a pu ĂŞtre exposĂ©, en certaines occasions, Ă  un niveau de bruit significatif, il n’a pas Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©, ni par preuve directe ni par prĂ©somption de faits, que sa maladie soit directement reliĂ©e Ă  pareille exposition.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[8]                Le travailleur dĂ©pose, le 18 mars 2004, une rĂ©clamation pour surditĂ© professionnelle formulĂ©e dans les termes suivants :

Je souffre de problème de surdité.  J’ai travaillé 4 ans dans un garage (1970 à 1974).  Je suis pompier depuis 1974 soit 29 ans.  J’[ai] conduit différents véhicules d’intervention sur une base occasionnelle durant 12 ans et sur une base permanente depuis 17 ans.  Je pense que ces emplois ont contribué à une diminution de mon ouïe.  Le spécialiste que j’ai consulté m’a confirmé cette possibilité.

 

 

[9]                La rĂ©clamation est soutenue par une Attestation mĂ©dicale Ă©mise, le 9 mars 2004, par le docteur Guy Boutin, oto-rhino-laryngologiste, et comportant un diagnostic de « hypoacousie de perception Â», lequel n’a pas fait l’objet de contestation conformĂ©ment Ă  la procĂ©dure d’évaluation mĂ©dicale prĂ©vue par la loi.

[10]           Il importe de dĂ©terminer en premier lieu si le travailleur bĂ©nĂ©ficie ou non, dans le cadre du prĂ©sent recours, de la prĂ©somption de maladie professionnelle Ă©dictĂ©e Ă  l’article 29 de la loi :

29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

__________

1985, c. 6, a. 29.

 

 

[11]           Selon le Dictionnaire de mĂ©decine Flammarion, l’« hypoacousie Â» se dĂ©finit comme Ă©tant un « trouble de l’audition caractĂ©risĂ© par une diminution plus ou moins importante de l’acuitĂ© auditive par rapport Ă  la normale Â»[2].  Le diagnostic posĂ© atteste donc d’une atteinte auditive.

[12]           Ainsi, les dispositions pertinentes Ă  l’espèce auxquelles l’article 29 prĂ©citĂ© rĂ©fère se retrouvent au paragraphe 1 de la section IV de l’annexe I de la loi :

ANNEXE I

 

MALADIES PROFESSIONNELLES

(Article 29)

 

SECTION IV

 

 

MALADIES CAUSÉES PAR DES AGENTS PHYSIQUES

 

MALADIES

GENRES DE TRAVAIL

 

 

1.       Atteinte auditive causĂ©e par le bruit :

un travail impliquant une exposition Ă  un bruit excessif ;

(…).

(…).

 

[13]           Pour que la prĂ©somption lĂ©gale s’applique, la preuve de deux Ă©lĂ©ments est donc requise, soit que : 1) l’atteinte a Ă©tĂ© causĂ©e par le bruit et 2) le travail en cause impliquait une exposition Ă  un bruit « excessif Â».

[14]           TĂ©moignant Ă  la demande de l’employeur, le docteur Jean-Jacques Dufour, oto - rhino-laryngologiste, identifie les caractĂ©ristiques propres Ă  l’atteinte auditive causĂ©e par le bruit comme suit : elle est neurosensorielle (de perception pure), bilatĂ©rale, symĂ©trique et progressive, en plus de prĂ©senter une « encoche Â» (c’est-Ă -dire, une chute Ă©vidente du seuil d’audition) dans les frĂ©quences sises entre 3 000 et 6 000 Hz (les hautes frĂ©quences) suivie d’une remontĂ©e Ă  partir de 8 000Hz.

[15]           Entendu Ă  la demande du travailleur, le docteur Boutin ne contredit pas cet Ă©noncĂ©.  Tout cela est d’ailleurs conforme Ă  ce que la jurisprudence du tribunal rapporte en semblable matière[3].

[16]           Les docteurs Dufour et Boutin s’entendent sur le fait que la perte auditive du travailleur est neurosensorielle et bilatĂ©rale.  Les deux conviennent mĂŞme que « la courbe neurosensorielle Â» montrĂ©e aux audiogrammes « n’est pas typique Â» d’une atteinte causĂ©e par le bruit.  LĂ  oĂą ils divergent d’opinion, c’est sur la conclusion Ă  tirer de ce dernier constat.

[17]           Pour le docteur Boutin, les anomalies relevĂ©es ne portent pas Ă  consĂ©quence et n’empĂŞchent pas de conclure Ă  la prĂ©sence d’une atteinte causĂ©e par le bruit.  Dans son rapport du 28 mars 2006, il s’en explique comme suit :

La courbe audiologique de nos deux audiogrammes est compatible avec une exposition prolongĂ©e au bruit mĂŞme si elle n’est pas typique.  La courbe neurosensorielle n’est pas toujours symĂ©trique Ă  100 % surtout lorsque le bruit au travail peut venir plus spĂ©cifiquement d’une oreille comme de l’autre tel que le mĂ©tier de chauffeur de camion de pompier alors que la fenĂŞtre gauche est toujours ouverte.

 

Petite encoche à 2000 Hertz n’est pas non plus spécifique mais notée dans la littérature scientifique.

 

Par contre, nous sommes d’accord que la courbe neurosensorielle n’est pas typique, mais il est clair que l’oreille gauche de M. Lafond a Ă©tĂ© exposĂ©e de façon plus marquĂ©e dans son travail spĂ©cifique de chauffeur de camion.  Il y a donc un pourcentage de cette surditĂ© neurosensorielle qui est attribuable au travail de pompier du requĂ©rant dans une proportion de 60 %; le reste peut ĂŞtre secondaire Ă  une hypersensibilitĂ© personnelle au bruit ou Ă  toute autre maladie personnelle non dĂ©celĂ©e Ă  ce jour.  Vous admettrez qu’il est normal dans ce cas-ci que la surditĂ© de perception gauche soit plus marquĂ©e qu’à l’oreille droite, mais cette asymĂ©trie s’explique.

 

 

[18]           Ă€ l’audience, le docteur prĂ©cise que la diffĂ©rence de perte auditive entre les deux oreilles (de 5 dBA, Ă  son avis) s’explique ici par la nature et la variĂ©tĂ© des bruits auxquels le travailleur a Ă©tĂ© exposĂ© dans l’exercice de son travail.  Ainsi, les bruits d’impact (par opposition au bruit continu) et les diffĂ©rences de frĂ©quence auraient une influence directe sur la forme de la courbe audiologique.

[19]           Ă€ cet Ă©gard, le docteur Boutin qualifie de « bruit d’impact Â» tout bruit aigu et intense maintenu sur une courte pĂ©riode de temps ; il cite, Ă  titre d’exemples, le bruit provenant d’une sirène, d’un klaxon ou d’une scie Ă  chaĂ®ne.

[20]           Le docteur Boutin ne semble pas adhĂ©rer Ă  la dĂ©finition rĂ©glementaire du concept, selon laquelle on entend par « bruit d’impact Â» :

Tout bruit formé par des chocs mécaniques de corps solides ou par des impulsions répétées ou non à une fréquence inférieure ou égale à une par seconde.[4]

 

 

[21]           Aux yeux du tribunal, le son Ă©mis par une sirène, une scie Ă  chaĂ®ne ou le fonctionnement habituel d’un klaxon de camion de pompier correspond davantage Ă  la dĂ©finition de « bruit continu Â», Ă  savoir :

Tout bruit qui se prolonge dans le temps, y compris un bruit formé par les chocs mécaniques de corps solides ou par des impulsions répétées à une fréquence supérieure à une par seconde.

 

 

[22]           De fait, Ă  la lumière de la preuve offerte, le tribunal en vient Ă  la conclusion que dans l’exĂ©cution de sa tâche, le travailleur n’a gĂ©nĂ©ralement Ă©tĂ© exposĂ© qu’à du bruit continu, « qui se prolonge dans le temps Â» et qu’exceptionnellement, sinon jamais, Ă  des bruits d’impact.

[23]           Pour ce qui est de la frĂ©quence (nombre de cycles complets effectuĂ©s par un corps en vibration Ă  chaque seconde, exprimĂ© en Hertz) des bruits auxquels le travailleur aurait Ă©tĂ© exposĂ©, les seules donnĂ©es prĂ©sentĂ©es l’ont Ă©tĂ© en rapport avec de l’équipement ancien dont le travailleur s’est somme toute assez peu servi.

[24]           En effet, le travailleur a conduit le camion « Pompe Thibault 1970 Â» (comme apprenti conducteur au tout dĂ©but de sa carrière, en 1974), le camion « Pompe Thibault 1974 Â» (comme conducteur supplĂ©ant, de 1984 Ă  1992) et le camion « Pompe Mack 1962 Â» (comme apprenti conducteur, de 1976 Ă  1979).

[25]           La directive administrative du 9 octobre 2001 dĂ©posĂ©e comme onglet # 5 de la pièce E-1 dĂ©finit les postes d’apprenti conducteur, de conducteur supplĂ©ant et de premier conducteur comme suit :

Apprenti conducteur : Pompier qui possède plus de 28 jours d’anciennetĂ© et qui s’exerce Ă  la conduite d’un vĂ©hicule Ă  chaque fois que l’occasion se prĂ©sente.  Exemples : visites industrielles ou de prĂ©vention des incendies, plans d’intervention, exercices au Centre de formation ou mouvements de vĂ©hicules. (…)

 

Conducteur supplĂ©ant : Pompier qui peut Ă  l’occasion remplacer un premier conducteur.  (…)

 

Premier conducteur  Pompier agissant en permanence comme conducteur.

(Le tribunal souligne)

 

 

[26]           Le tribunal retient de ces dĂ©finitions que l’utilisation de ces vĂ©hicules par le travailleur n’a Ă©tĂ©, tout au plus, que très occasionnelle et sporadique, dans la tâche de conducteur supplĂ©ant.  Pour ce qui est des deux pĂ©riodes au cours desquelles le travailleur a Ă©tĂ© apprenti, son utilisation de ces pièces d’équipement peut ĂŞtre considĂ©rĂ©e comme ayant Ă©tĂ© rare.

[27]           Ă€ tout Ă©vĂ©nement, les valeurs affichĂ©es au dossier rapportent, pour les appareils mentionnĂ©s prĂ©cĂ©demment, des « frĂ©quences dominantes Â» en opĂ©ration Ă  125, 250 et 1000 Hz.  Le docteur Boutin n’a pas expliquĂ© en quoi ni comment ces basses frĂ©quences ont eu un quelconque effet sur les courbes audiologiques obtenues en 2004 et 2005 et surtout, il n’a pas expliquĂ© comment elles justifient ou rendent insignifiante l’asymĂ©trie de perte auditive du travailleur.

[28]           Quant Ă  l’affirmation que la surditĂ© du travailleur soit « attribuable au travail de pompier du requĂ©rant dans une proportion d’au moins 60 % Â», le docteur Boutin a bien dĂ» reconnaĂ®tre, en contre-interrogatoire, qu’elle est « un peu arbitraire Â».  Il n’a par ailleurs offert aucune justification scientifique Ă  son soutien.  Pas plus qu’il ne l’a fait pour dĂ©fendre sa thĂ©orie voulant que la durĂ©e d’une carrière (en l’occurrence, 30 ans) est un facteur Ă  considĂ©rer pour conclure Ă  surditĂ© professionnelle, mĂŞme si l’exposition au bruit a Ă©tĂ© de courte durĂ©e Ă  chaque fois.

[29]           Le docteur Boutin a aussi affirmĂ© qu’un moteur tournant Ă  bas rĂ©gime Ă  l’intĂ©rieur d’une caserne, lors de la vĂ©rification quotidienne de l’équipement, engendrait un niveau de bruit supĂ©rieur, Ă  cause de l’effet de rĂ©verbĂ©ration.  Il s’est toutefois dĂ©clarĂ© incapable de chiffrer ce phĂ©nomène, tout en reconnaissant d’autre part qu’un rĂ©gime plus Ă©levĂ© avait, lui, un impact dĂ©terminant sur le niveau sonore gĂ©nĂ©rĂ© par tout moteur.

[30]           Le docteur Boutin prĂ©tend enfin que l’atteinte auditive subie par le travailleur est asymĂ©trique (plus sĂ©vère Ă  l’oreille gauche qu’à l’oreille droite) en raison du fait que celui-ci Ă©tait exposĂ© Ă  des bruits plus intenses de ce cĂ´tĂ©-lĂ , parce qu’il conduisait son vĂ©hicule la fenĂŞtre ouverte.  Le docteur Boutin ne cite cependant aucune Ă©tude Ă  l’appui de son assertion.

[31]           Surtout, la preuve administrĂ©e n’a pas dĂ©montrĂ© que le bruit extĂ©rieur au vĂ©hicule ait Ă©tĂ© d’un niveau plus Ă©levĂ© que celui prĂ©valant Ă  l’intĂ©rieur.  Au contraire, le travailleur lui-mĂŞme a dĂ©clarĂ© que le niveau sonore Ă  l’intĂ©rieur du camion Ă©tait très Ă©levĂ©, suivant son Ă©valuation personnelle : pour Ă©changer avec l’officier assis Ă  sa droite, il devait, sinon crier, du moins parler très fort, dit-il.

[32]           En rĂ©sumĂ©, aucun fait prouvĂ© ne vient soutenir la thèse mise de l’avant par le docteur Boutin selon laquelle bien que les courbes montrĂ©es sur les audiogrammes subis par le travailleur soient atypiques d’une atteinte causĂ©e par le bruit, il faudrait tout de mĂŞme en arriver Ă  cette conclusion dans le prĂ©sent cas.

[33]           Comme l’a dĂ©cidĂ© le commissaire Ducharme dans l’affaire Thessereault et General Motors du Canada ltĂ©e[5], aux fins de dĂ©cider de l’application Ă  une espèce de la prĂ©somption prĂ©vue Ă  l’article 29 de la loi, on ne peut conclure Ă  une atteinte causĂ©e par le bruit lorsque les audiogrammes se rĂ©vèlent atypiques, Ă  moins qu’une explication satisfaisante ne soit fournie :

[27]    (…)  Toutefois, ce n'est pas la position généralement suivie par la jurisprudence.  Selon celle-ci5, aux fins de l'application de la présomption de l'article 29 de la loi, la preuve que l'atteinte auditive subie par un travailleur en soit une causée par le bruit n'est pas établie par la seule conclusion de son médecin sur cette question, mais repose de prime abord sur les courbes révélées par l'audiogramme.

 

[28]    Cela s'explique par le fait qu'il est mĂ©dicalement reconnu qu'une surditĂ© causĂ©e par le bruit se traduit gĂ©nĂ©ralement par des courbes typiques se caractĂ©risant par une chute Ă©vidente du seuil d'audition dans les frĂ©quences de 4 000 Hz, avec une remontĂ©e dans les frĂ©quences de 6 000 et 8 000 Hz.  De plus, la perte auditive est bilatĂ©rale et les courbes sont habituellement symĂ©triques.

 

[29]    Le tribunal rappelle qu'il appartient au travailleur d'établir par une preuve prépondérante les conditions d'application de la présomption de l'article 29 de la loi.  Ainsi, lorsque l'audiogramme à partir duquel son médecin conclut à une surdité causée par le bruit ne révèle pas des courbes typiques d'une telle surdité, on doit comprendre qu'il fonde sa conclusion sur d'autres considérations médicales ou environnementales, et le tribunal est en droit de connaître celles-ci afin de déterminer si l'atteinte auditive dont est porteur le travailleur en est une causée par le bruit.  À défaut d'une explication satisfaisante, la seule conclusion du médecin ne lie pas le tribunal.

 

[30]    Dans le cas de monsieur Thessereault, la surditĂ© est bilatĂ©rale mais, comme l'explique le docteur Des Rosiers dans l'opinion qu'il a Ă©mise le 3 dĂ©cembre 2002, les courbes de l'audiogramme effectuĂ© le 2 septembre 1999 ne sont pas caractĂ©ristiques d'une atteinte auditive causĂ©e par le bruit puisqu'elles ne sont pas symĂ©triques et qu'on ne retrouve pas d'encoche Ă  4 000 Hz.

______________________

5   Dufour et Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail-Saguenay-Lac St-Jean, C.L.P. 180854-02-0203, 10 janvier 2003, R. Deraiche; Bell Canada (service mĂ©dical) et Brisson, C.L.P. 158391-32-0103, 24 octobre 2002, C. Lessard; Francoeur et Transport Yellow, C.L.P. 137003‑62C-0004, 13 juin 2002, V. Bergeron;  General Motors du Canada ltĂ©e et Fontaine, prĂ©citĂ©e note 1; St‑Laurent et Hydro-QuĂ©bec, 104967-05-9808, 24 octobre 2000, M. Allard; Castellana et Division CCR, C.L.P. 112799-73-9903, 30 aoĂ»t 1999, L. Thibault; Brousseau et Bechtel QuĂ©bec ltĂ©e, C.L.P. 93651-03-9801, 25 janvier 2001, M. Beaudoin; Gendron et AdĂ©lard Laberge ltĂ©e, C.L.P. 94821-04-9803, 12 fĂ©vrier 1999, D. Lampron; Ducasse et BG Checo inc., C.L.P. 92017-63-9710, 18 dĂ©cembre 1998, D. Beauregard; Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail et Castonguay, C.L.P. 100842-62B-9805, 16 octobre 1998, J.M. Dubois

 

(Le tribunal souligne)

[34]           Cette approche a Ă©tĂ© rĂ©itĂ©rĂ©e Ă  maintes occasions depuis[6].

[35]           Le docteur Dufour ne partage pas l’avis du docteur Boutin.  Selon lui, Ă©tant donnĂ© les caractĂ©ristiques de l’atteinte auditive du travailleur, telles que rĂ©vĂ©lĂ©es par l’audiogramme, on ne peut conclure qu’elle a Ă©tĂ© causĂ©e par le bruit.

[36]           De l’avis du docteur Dufour, les courbes audiologiques du travailleur, telles qu’établies en mars 2004, s’écartent de façon significative de la norme permettant d’identifier une atteinte comme ayant Ă©tĂ© causĂ©e par le bruit, et ce, Ă  trois Ă©gards :

-          l’encoche caractĂ©ristique est tout simplement inexistante.  La chute des seuils est progressive au lieu d’être rapide ; de plus, elle n’est pas suivie d’une remontĂ©e,

-          le travailleur montre une perte auditive dans les basses frĂ©quences : de 15 dBA Ă  250 et 500 Hz pour l’oreille droite ainsi que de 10 dBA Ă  250 Hz et de 30 dBA Ă  500 Hz pour l’oreille gauche, et

-          bien que bilatĂ©rale, la perte auditive n’est pas symĂ©trique.  Le seuil tonal mesurĂ© Ă  500, 1 000 et 2 000 Hz diffère grandement d’une oreille Ă  l’autre.  L’écart est de 15 dBA au premier niveau, de 5 dBA au second et de 25 dBA au troisième.  Ainsi, le seuil tonal moyen est de 20 dBA pour l’oreille droite et de 38 dBA pour l’oreille gauche.

[37]           Selon le docteur Dufour, lorsque l’asymĂ©trie des courbes audiologiques est significative, comme c’est ici le cas, elle constitue un facteur important Ă  considĂ©rer dans l’apprĂ©ciation de l’étiologie d’une atteinte auditive.  Ă€ son avis, on ne saurait conclure que l’atteinte subie par le travailleur a Ă©tĂ© causĂ©e par le bruit.

[38]           Commentant la thèse soutenue par le docteur Boutin, le docteur Dufour affirme que le fait de conduire un vĂ©hicule en gardant ouverte la fenĂŞtre Ă  sa gauche n’explique pas une asymĂ©trie de perte auditive.  Il dĂ©clare avoir examinĂ©, au fil des ans, un grand nombre de camionneurs travaillant dans ces conditions et dont les audiogrammes ne montraient pourtant pas pareille asymĂ©trie.

[39]           D’autre part, comparant les rĂ©sultats de l’audiogramme rĂ©alisĂ© en mars 2004 Ă  ceux d’un second effectuĂ© en juillet 2005 (pièce T-4), alors que le travailleur Ă©tait Ă  la retraite depuis le mois de mai 2004, le docteur Dufour note que l’évolution de l’atteinte reflète la mĂŞme asymĂ©trie que les donnĂ©es d’origine.  Par exemple, Ă  500 Hz, le seuil tonal passe de 15 Ă  25 dBA pour l’oreille droite, alors qu’à la mĂŞme frĂ©quence, pour l’oreille gauche, il passe de 30 Ă  25 dBA.

[40]           Le tribunal note par ailleurs que dans l’audiogramme de juillet 2005, le seuil tonal moyen est demeurĂ© stable par rapport Ă  l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente (38 dBA) pour l’oreille gauche, alors que pour l’autre oreille, il est passĂ© de 20 Ă  30 dBA.

[41]           Ainsi, l’opinion du docteur Boutin voulant qu’on puisse conclure Ă  une atteinte auditive causĂ©e par le bruit, en dĂ©pit de courbes audiologiques atypiques d’une telle condition, est contredite par le docteur Dufour.

[42]           Vu la preuve offerte et pour les motifs exprimĂ©s prĂ©cĂ©demment, le tribunal retient l’avis du docteur Dufour, de prĂ©fĂ©rence Ă  celui du docteur Boutin.

[43]           En application des principes dĂ©gagĂ©s par la jurisprudence constante de la Commission des lĂ©sions professionnelles, le tribunal estime qu’en l’espèce aucune explication satisfaisante ne lui a Ă©tĂ© fournie pour justifier une conclusion diffĂ©rente de celle que l’analyse des caractĂ©ristiques des audiogrammes suggère.  Dans le prĂ©sent dossier, l’atypie des courbes audiologiques constitue un obstacle infranchissable Ă  la reconnaissance d’une atteinte causĂ©e par le bruit[7].

[44]           La preuve prĂ©pondĂ©rante que l’atteinte subie par le travailleur a Ă©tĂ© causĂ©e par le bruit n’a pas Ă©tĂ© administrĂ©e.

[45]           Le travailleur n’a pas non plus fait la dĂ©monstration que son travail impliquait une exposition Ă  un bruit excessif.

[46]           En cette matière, la simple affirmation du rĂ©clamant est insuffisante.  Preuve doit ĂŞtre faite non seulement des endroits oĂą s’exerce le travail et des sources de bruit environnantes, mais aussi du temps d’exposition et surtout, du niveau de bruit auquel le travailleur a Ă©tĂ© soumis[8].  Ă€ dĂ©faut de donnĂ©es prĂ©cises et objectives Ă  ces Ă©gards, il est impossible d’appliquer la prĂ©somption de l’article 29 de la loi sans se livrer Ă  des hypothèses et Ă  des conjectures[9].

[47]           Or, pour les motifs qui suivent, la preuve offerte ne soutient pas les prĂ©tentions du travailleur.

[48]           Les donnĂ©es apparaissant dans la lettre du 20 janvier 1987 souscrite par madame Francine Poirier (pages 12 et 13 du dossier constituĂ©) et celles annexĂ©es (pages 14 Ă  23 inclusivement) ne sont pas pertinentes puisqu’elles rĂ©fèrent, pour les premières, au niveau sonore enregistrĂ© dans des automobiles de police et, pour les secondes, Ă  des mesures prises chez les pompiers de Californie, dont on ignore si les caractĂ©ristiques du milieu de travail sont comparables ou non Ă  celles du travailleur.

[49]           Quant aux informations contenues Ă  la page 25 du dossier constituĂ©, elles font d’abord Ă©tat de l’existence de « niveaux sonores supĂ©rieurs Ă  90 dBA lors du transport des pompiers avec les camions incendies, mais il est Ă  noter que la durĂ©e d’exposition est minime Â».  Cela n’équivaut donc pas Ă  une exposition Ă  un bruit excessif, puisqu’il faudrait pour cela qu’elle se prolonge sur plusieurs heures, ce qui n’a jamais Ă©tĂ© le cas pour le travailleur, selon la preuve administrĂ©e.

[50]           La mĂŞme page souligne que « le prĂ©posĂ© Ă  la pompe peut ĂŞtre exposĂ© Ă  un niveau de 95 dBA pendant 4 heures  (maximum) lors d’un incendie majeur Â»[10].  Tel que mentionnĂ© prĂ©cĂ©demment, le travailleur n’a conduit des vĂ©hicules pompe qu’occasionnellement, comme apprenti conducteur ou Ă  titre de conducteur supplĂ©ant, au dĂ©but de sa carrière.  Il n’a pas Ă©tĂ© Ă©tabli qu’en ces rares occasions, il ait eu Ă  opĂ©rer une pompe pendant plusieurs heures et de façon continue.

[51]           Dans sa tâche de premier conducteur, Ă  compter de 1987, le travailleur avait charge d’opĂ©rer un appareil Ă©lĂ©vateur.  Selon le tĂ©moignage non contredit du chef de la division santĂ© et sĂ©curitĂ© du travail, monsieur Guy St-Pierre, ce genre d’appareil est beaucoup moins bruyant Ă  opĂ©rer qu’une pompe.  D’autre part, la durĂ©e d’exposition au bruit est moindre, car une fois en position, le mĂ©canisme hydraulique s’arrĂŞte et le moteur du camion tourne au ralenti.  D’autre part, monsieur St-Pierre explique que sur les lieux d’un sinistre, le premier conducteur d’un appareil Ă©lĂ©vateur n’a pas Ă  se tenir Ă  cĂ´tĂ© de son vĂ©hicule, mais doit plutĂ´t, en rĂ©ponse aux ordres de l’officier en charge participer Ă  la lutte contre l’incendie ; son devoir l’amène donc ailleurs.

[52]           La donnĂ©e sonore reliĂ©e Ă  l’opĂ©ration d’une pompe n’est par consĂ©quent pas reprĂ©sentative du travail accompli par le travailleur.

[53]           Enfin, pour en terminer avec la page 25 du dossier constituĂ©, le tableau qui y est reproduit rapporte que les pompiers sont effectivement exposĂ©s Ă  un niveau de bruit de 90 dBA « Ă  l’extĂ©rieur du camion dans la caserne Â», mais cela pendant « environ 1 minute Â» seulement, de telle sorte que le rĂ©sultat pondĂ©rĂ© est infĂ©rieur Ă  85 dBA.  Ă€ l’évidence, il ne s’agit pas lĂ  d’une exposition Ă  un bruit excessif.

[54]           Pour ce qui est des informations apparaissant aux pages 33 et 34 du dossier constituĂ©, elles ont trait aux trois vĂ©hicules anciens dĂ©crits au paragraphe [24] Ă  propos desquels il a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© Ă©tabli que le travailleur n’en a fait qu’un usage très occasionnel.  Aucune durĂ©e d’exposition du travailleur aux niveaux de bruit rapportĂ©s dans ces tableaux n’a Ă©tĂ© mise en preuve.  Il est dès lors impossible de vĂ©rifier si le travailleur a jamais Ă©tĂ© exposĂ© Ă  un bruit excessif Ă©manant de ces appareils.  Ă€ titre de simple rĂ©fĂ©rence, soulignons que le règlement sur la santĂ© et la sĂ©curitĂ© du travail prĂ©citĂ© n’interdit l’exposition d’un travailleur Ă  un niveau de bruit de 110 dBA que si le temps d’exposition excède une pĂ©riode continue d’une demi-heure.  En l’absence de cette donnĂ©e indispensable pour Ă©valuer l’exposition rĂ©elle du travailleur (le temps d’exposition), le tribunal ne saurait se livrer Ă  de pures hypothèses ou conjectures.

[55]           La page 35 du dossier constituĂ© fournit des informations relatives Ă  deux appareils d’élĂ©vation.  Il est admis en preuve que le travailleur n’a jamais travaillĂ© avec la « Nacelle Pacific 1988 Â» ; les donnĂ©es relatives Ă  cette pièce d’équipement ne sont donc pas pertinentes au cas sous Ă©tude.

[56]           Le travailleur a par contre Ă©tĂ© conducteur supplĂ©ant du camion « Ă‰chelle Thibault 1974 Â» de 1980 Ă  1989.  Or, le tableau de la page 35 du dossier rapporte que le fonctionnement de la sirène Ă©lectrique de ce camion produit un bruit de 123 dBA.  Cette mesure a cependant Ă©tĂ© prise « Ă  l’avant Ă  1 m du camion Â», un endroit oĂą le conducteur du vĂ©hicule ne se tient jamais quand la sirène est en opĂ©ration.  En effet, selon la preuve offerte, la sirène n’est actionnĂ©e qu’en route vers un incendie.

[57]           Il tombe sous le sens que le niveau de bruit provoquĂ© par la sirène Ă  l’intĂ©rieur de l’habitacle, alors que le vĂ©hicule est en mouvement, est moindre qu’il ne l’est juste Ă  l’avant de l’appareil.  Le tribunal retrouve d’ailleurs confirmation de ce phĂ©nomène au tableau reproduit Ă  la page 36 du dossier : « Ă  l’intĂ©rieur du camion, en route vers l’incendie Â» et pour une exposition durant « environ 20 min/incendie Â», le niveau de bruit est de 94 dBA.  Le tableau prĂ©cise que ce rĂ©sultat, pondĂ©rĂ© pour huit heures, Ă©quivaut Ă  un bruit d’un niveau infĂ©rieur Ă  85 dBA.

[58]           Pour ce qui est du temps d’exposition Ă  ce bruit, le tribunal retient le tĂ©moignage de monsieur St-Pierre, de prĂ©fĂ©rence Ă  celui du travailleur.  Alors que le second laisse entendre que la sirène fonctionne en quasi permanence tout au long du trajet vers un incendie, le premier donne une version certes moins extrĂŞme, mais de ce fait plus plausible.  Monsieur St-Pierre explique que ce sont les circonstances qui dictent l’usage de la sirène : voie routière empruntĂ©e (boulevard, rue secondaire, intersections), heure du jour ou de la nuit, affluence de circulation, etc.  Bref, la sirène sert Ă  demander le passage, quand c’est nĂ©cessaire seulement.

[59]           De plus, statistiques, carte rĂ©seau et directives Ă  l’appui du tĂ©moignage rendu par monsieur St-Pierre, l’employeur a dĂ©montrĂ© que le temps de parcours moyen vers un incendie (« temps de rĂ©ponse Â») est en rĂ©alitĂ© infĂ©rieur Ă  10 minutes.

[60]           L’ensemble de la preuve Ă©tant pris en considĂ©ration, il en rĂ©sulte donc que le bruit de la sirène auquel le travailleur a Ă©tĂ© soumis dans l’exĂ©cution de son travail a fort probablement Ă©tĂ© d’un niveau, pondĂ©rĂ© en fonction de la durĂ©e d’exposition, bien moindre que 85 dBA.

[61]           Le tribunal note, dans le tableau apparaissant Ă  la page 36 du dossier constituĂ©, qu’« Ă  l’extĂ©rieur du camion dans la caserne Â», le niveau de bruit est de 90 dBA pour une exposition d’« environ 1 min/incendie Â», ce qui Ă©quivaut Ă  un « rĂ©sultat pondĂ©rĂ© pour 8 heures Â» de moins de 85 dBA.  L’on comprend qu’il s’agit lĂ  d’une lecture effectuĂ©e dans la caserne, au moment oĂą le camion en sort pour rĂ©pondre Ă  une alerte.

[62]           En comparant ce rĂ©sultat aux autres donnĂ©es disponibles (« Ă  l’intĂ©rieur du camion, en route vers l’incendie Â» = 94 dBA et « près de la pompe Ă  l’extĂ©rieur lors d’un incendie majeur Â» = 95 dBA), force est de constater que le niveau de bruit produit dans la caserne par le vĂ©hicule en opĂ©ration est infĂ©rieur Ă  celui prĂ©valant quand il opère Ă  plein rĂ©gime Ă  l’extĂ©rieur.  Cela bat en brèche la thĂ©orie Ă©voquĂ©e par le docteur Boutin voulant que le niveau sonore Ă  l’intĂ©rieur de la caserne soit amplifiĂ© par effet de rĂ©verbĂ©ration, et cela, mĂŞme quand le moteur du camion tourne Ă  bas rĂ©gime.

[63]           La dernière information apparaissant Ă  la page 36 du dossier (sous la rubrique intitulĂ©e « Autres donnĂ©es tirĂ©es de la littĂ©rature Â») ne correspond pas, selon le tĂ©moignage rendu par monsieur Gilles MĂ©tivier, Ă  la rĂ©alitĂ© du travailleur.  Il s’agit en effet de mesures prises « Ă  l’extĂ©rieur du vĂ©hicule, en route vers une alerte (sirène klaxon…) Â», une position que le conducteur dudit vĂ©hicule ne peut Ă©videmment jamais adopter.

[64]           Quant Ă  la mĂ©thode de travail ayant prĂ©valu Ă  une certaine Ă©poque (des pompiers se tenant sur une plateforme extĂ©rieure du camion pendant le trajet jusqu’au feu), elle n’a plus cours depuis la fin des annĂ©es 1980.  Rien dans la preuve offerte ne permet de connaĂ®tre Ă  quel niveau de bruit le travailleur a Ă©tĂ© exposĂ©, s’il a effectivement Ă©tĂ© soumis Ă  ces conditions de travail avant de devenir premier conducteur.

[65]           Or, l’hypothèse retenue en est une tenant compte d’une exposition continue pendant 15 minutes, ce qui ne correspond pas Ă  la preuve versĂ©e dans le prĂ©sent cas.

[66]           Le rĂ©sultat pondĂ©rĂ© pour 8 heures est exprimĂ© sous la forme d’une fourchette de « 62 Ă  98 dBA Â», une marge d’erreur tellement grande qu’elle rend l’information inutilisable en l’absence d’une preuve additionnelle pour la particulariser et la rendre applicable au cas sous Ă©tude.  Si le travailleur a travaillĂ© dans ces conditions au dĂ©but de sa carrière, Ă  quel niveau de bruit a-t-il Ă©tĂ© exposĂ© ? 62 dBA, ce qui ne constitue certainement pas un bruit excessif, ou 98 dBA, ce qui est inacceptable, ou encore entre les deux ?  La preuve prĂ©sentĂ©e n’apporte aucune rĂ©ponse Ă  ces questions.  Le travailleur avait le fardeau de la preuve.

[67]           Dans le prĂ©sent dossier, le travailleur ne peut bĂ©nĂ©ficier de la prĂ©somption de maladie professionnelle parce qu’il n’a pas prouvĂ© les Ă©lĂ©ments de faits requis pour y donner ouverture.

[68]           Dans ces circonstances, pour voir son recours accueilli, le travailleur doit faire la dĂ©monstration prĂ©vue Ă  l’article 30 de la loi, Ă  savoir que sa maladie est soit caractĂ©ristique de son travail de pompier soit reliĂ©e directement aux risques particuliers de ce travail :

30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

__________

1985, c. 6, a. 30.

 

 

[69]           Aucune preuve Ă©tablissant que la maladie du travailleur est caractĂ©ristique du travail de pompier n’a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e.  La rĂ©clamation du travailleur ne saurait donc ĂŞtre accueillie sur cette base.

[70]           Quant Ă  la dĂ©monstration que la surditĂ© du travailleur soit reliĂ©e directement aux risques particuliers de son travail, elle ne peut ĂŞtre faite en l’espèce Ă©tant donnĂ©, d’une part, que le seul risque particulier invoquĂ© au soutien de la rĂ©clamation est celui du bruit et, d’autre part, les deux conclusions auxquelles le tribunal en est venu prĂ©cĂ©demment.

[71]           En effet, le travail exercĂ© n’impliquant pas, selon le tribunal, une exposition Ă  un bruit excessif, le bruit ne saurait constituer un risque particulier de ce travail.

[72]           MĂŞme si l’on considĂ©rait, par pure hypothèse, qu’un bruit non excessif puisse tout de mĂŞme reprĂ©senter un risque, il n’en demeure pas moins que, selon le tribunal, l’atteinte auditive du travailleur n’a pas Ă©tĂ© causĂ©e par le bruit.  Il est dès lors impossible que cette atteinte soit directement reliĂ©e au bruit.

[73]           Certes, sans avoir Ă©tĂ© causĂ©e par le bruit, la surditĂ© du travailleur pourrait rĂ©sulter d’une condition personnelle prĂ©existante aggravĂ©e ou rendue symptomatique par le bruit auquel il a Ă©tĂ© exposĂ© Ă  son travail et ainsi, y ĂŞtre reliĂ©e.

[74]           Mais, rien de tel (la prĂ©sence d’une condition personnelle prĂ©existante et le fait qu’elle se soit aggravĂ©e ou soit devenue symptomatique Ă  cause du bruit prĂ©valant au travail) n’a Ă©tĂ© prouvĂ©, ni mĂŞme allĂ©guĂ©, dans le prĂ©sent cas.

[75]           Il n’est pas question non plus d’un accident du travail ni d’une rĂ©cidive, rechute ou aggravation.

[76]           Le travailleur n’a pas subi de lĂ©sion professionnelle.

[77]           La rĂ©clamation du travailleur et sa contestation devant le tribunal sont mal fondĂ©es.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requĂŞte de monsieur Michel Lafond, le travailleur ;

CONFIRME la dĂ©cision de la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail rendue le 7 fĂ©vrier 2005, Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative ;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle.

 

 

__________________________________

 

Me Jean-François Martel

 

Commissaire

 

 

 

Me Céline Allaire

Philion Leblanc Beaudry

Représentante de la partie requérante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           6e éd., Paris, Flammarion médecine-sciences, 1998, 928 p., p. 456

[3]           Ville de Laval et Pilon, 236103-61-0406, 05-10-11, M. Duranceau (citĂ©e par le travailleur) ; Paradis et Atelier d'usinage TAC inc., 176510-64-0201, 03-06-16, R.-M. Pelletier ; Du-So Pièces d’Auto et Chevalier, 172121-32-0111, 02-09-09, M.-A. Jobidon (citĂ©e par l’employeur) ; Chantal et Emballages Biltwell ltĂ©e, 135896-63-0004, 01-05-01, F. Dion-Drapeau ; Lapointe et S.T.C.U.M, 107438-64-9812, 99-03-18, R. Daniel (citĂ©e par l’employeur) ; Martin et Autobus Greyhound, 73435-64-9510, 97-02-17, L. Boucher, (J9-01-01) (citĂ©e par le travailleur) ; Philips Électronique ltĂ©e et Baron Caoutchouc ltĂ©e, 66210-64-9502, 96-06-13, B. Lemay.  Voir aussi, quant Ă  la perte auditive plus marquĂ©e dans les frĂ©quences de 2000 Ă  6000 Hz comme Ă©tant caractĂ©ristique : Ville de Roberval et Morin, 263432-02-0505, 06-02-16, R. Deraiche citĂ©e par le travailleur.

[4]           Règlement sur la santé et la sécurité du travail, (2001) 133 G.O. II, 5020

[5]           176682-64-0201, 18 février 2003, C.-A. Ducharme

[6]           Brodeur et Adecco QuĂ©bec inc., Marques F.B.I. ltĂ©e (Les) (fermĂ©), 280946-62B-0601, 06-09-14, J.-F. ClĂ©ment ; Baird et Ministère des Ressources Naturelles et Station Piscicole de GaspĂ©, 260388-01B-0504, 06-06-09, J.-F. ClĂ©ment ; Charron et Alstom Canada inc., 251528-62B-0412, 06-03-03, N. Blanchard ; Roy et Ministère des transports - Contentieux,Construction Tech,A. Lamothe inc. (FermĂ©), Coffrage Y. Gaulin (FermĂ©), Groupe Aecon ltĂ©e, Arno Électrique ltĂ©e, 252891-08-0501, 06-02-24, P. PrĂ©gent ; Pirsch et Bombardier AĂ©ronautique inc.All Steel (fermĂ©e), Artopex (faillite), Knoll Wall (fermĂ©e), 198725-61-0301, 05-05-18, S. Di Pasquale ; Journal Le Soleil (div. Unimedia) et Poitras, 238196-32-0406, 05-03-16, L. Langlois ; General Motors du Canada ltĂ©e et Massicotte, 232775-64-0404, 04-12-14, G. Perreault ; Legault et BoĂ®te de camion Champion, Hotte Chabot, SociĂ©tĂ© sanitaire Laval (fermĂ©) et S.T.C.U.M., 228115‑61‑0402, 04-10-13, B. Lemay ; Ciarciaglino et General Motors du canada ltĂ©e, 220298‑64-0311, 04-06-03, J.-F. Martel ; Paquin et General Motors du canada ltĂ©e, 209039‑64‑0305, 04‑01-30, N. Lacroix ; GĂ©nĂ©ral Électrique Canada inc. et Gosselin, 207542‑31‑0305, 04-03-01, J.‑F. ClĂ©ment ; Maisons Marcoux inc. et Gagnon, 215578-03B-0309, 04-02-24, M. Cusson

[7]           Voir : Desmarais et Ciment QuĂ©bec inc., 210933-63-0307, M.-D. Lampron

[8]           Commission scolaire des Navigateurs et Thibault, [2003] C.L.P. 623  ; Thuot et Multi-marques distribution inc., 144647-61-0008, 17 janvier 2001, B. Lemay.  Voir au mĂŞme effet : Cournoyer et Q.I.T. Fer et Titane inc., 210744-62B-0306, Alain Vaillancourt.

[9]           Dufour et A.C.R.G.T.Q., 154215-32-0101, 8 août 2002, G. Tardif

[10]         La même information apparaît dans le tableau reproduit à la section B) de la page 36 du dossier.

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