Maharas et Groupe Gastier inc. |
2009 QCCLP 7700 |
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[1] Le 2 octobre 2008, monsieur Sylvain Maharas (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 23 septembre 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme que la période obligatoire pour le versement de l’indemnité de remplacement du revenu prévue pour les 14 premiers jours débute du 25 juin au 8 juillet 2003 et que le travailleur a droit au montant de 367,44 $ tel que confirmé par l’avis de paiement émis par la CSST le 15 mai 2008.
[3] Le travailleur et son représentant sont présents à l’audience tenue à St-Jean-sur- Richelieu le 28 septembre 2009.
[4] L’affaire est mise en délibéré le 28 septembre 2009.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] Le travailleur demande au tribunal de déclarer que la période des 14 premiers jours d’indemnité de remplacement du revenu débute le 13 juin 2003.
L’AVIS DES MEMBRES
[6] Le membre issu des associations syndicales et la membre issue des associations d’employeurs partagent le même avis à l’effet que la contestation du travailleur doit être rejetée.
[7] Ils considèrent que l’attestation émise par le chiropraticien le 13 juin 2003 confirmant que le travailleur est inapte à remplir ses fonctions pour la période du 13 juin 2003 au 24 juin 2003 ne constitue pas une attestation médicale visée par l’article 199 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
LES FAITS ET LES MOTIFS
[8] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer à compter de quelle date le travailleur a droit aux indemnités pour les 14 premiers jours d’arrêt de travail prévues à l’article 60 de la loi.
60. L'employeur au service duquel se trouve le travailleur lorsqu'il est victime d'une lésion professionnelle lui verse, si celui-ci devient incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, 90 % de son salaire net pour chaque jour ou partie de jour où ce travailleur aurait normalement travaillé, n'eût été de son incapacité, pendant les 14 jours complets suivant le début de cette incapacité.
L'employeur verse ce salaire au travailleur à l'époque où il le lui aurait normalement versé si celui-ci lui a fourni l'attestation médicale visée dans l'article 199 .
Ce salaire constitue l'indemnité de remplacement du revenu à laquelle le travailleur a droit pour les 14 jours complets suivant le début de son incapacité et la Commission en rembourse le montant à l'employeur dans les 14 jours de la réception de la réclamation de celui-ci, à défaut de quoi elle lui paie des intérêts, dont le taux est déterminé suivant les règles établies par règlement. Ces intérêts courent à compter du premier jour de retard et sont capitalisés quotidiennement.
Si, par la suite, la Commission décide que le travailleur n'a pas droit à cette indemnité, en tout ou en partie, elle doit lui en réclamer le trop-perçu conformément à la section I du chapitre XIII.
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1985, c. 6, a. 60; 1993, c. 5, a. 1.
[9] Le travailleur qui devient incapable d’exercer son emploi en raison d’une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu conformément à l’article 44 de la loi.
44. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion.
Le travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle a droit à cette indemnité s'il devient incapable d'exercer l'emploi qu'il occupait habituellement.
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1985, c. 6, a. 44.
[10] Le travailleur est mécanicien industriel aussi appelé « mécanicien de chantier ».
[11] Au mois de juin 2003, le travailleur est affecté auprès de la compagnie Gastier sur le chantier PPT dans l’est de la ville de Montréal où il doit effectuer différentes tâches d’installation de machinerie de pompe ou de convoyeur par exemple.
[12] Il affirme que vers le 2 juin 2003, une douleur est apparue à l’épaule droite.
[13] Le 13 juin 2003, le travailleur consulte madame Nathalie Massé, chiropractienne, afin de recevoir un traitement pour son épaule. Elle lui suggère d’aller consulter le docteur Villeneuve dont la clinique est située à proximité de son bureau. Avant qu’il ne quitte, madame Massé émet un certificat d’incapacité pour la période du 13 juin 2003 au 24 juin 2003 indiquant en remarque « tendinite épaule droite ».
[14] À sa sortie du bureau de madame Massé, le travailleur s’est immédiatement dirigé à la clinique du docteur Villeneuve pour le consulter. Toutefois, la clinique était très achalandée et il n’a pas vu le médecin la même journée. La réceptionniste lui a alors donné un rendez-vous pour consulter le docteur Villeneuve le 25 juin 2003.
[15] Par la suite, le travailleur s’est dirigé à son travail afin de remettre le certificat d’incapacité à son employeur. Le 13 juin 2003, l’employeur procède à des mises à pied de plusieurs mécaniciens qui faisaient partie de l’équipe du travailleur. Considérant son incapacité, le travailleur suggère à son employeur d’être mis à pied en lieu et place d’un collègue qui était capable de fournir sa prestation de travail.
[16] Le 25 juin 2003, le travailleur consulte la docteure C. Vachon qui note au dossier que le travailleur est en arrêt de travail depuis le 13 juin 2003 selon la prescription du chiropraticien qu’il a consulté. Elle lui a remis une attestation médicale initiale indiquant le diagnostic de tendinite de la coiffe des rotateurs et d’entorse cervico-dorsale et lui prescrit des anti-inflammatoires non stéroïdiens et des traitements de physiothérapie. Elle indique que le travailleur est arrêt de travail depuis le 13 juin 2003 et que la période de consolidation prévue est de plus de 60 jours.
[17] Le 9 juillet 2003, le travailleur consulte le docteur J. Villeneuve qui pose le diagnostic de tendinite de la coiffe des rotateurs et de DIM cervical.
[18] Le 2 avril 2004, la CSST refuse de reconnaître que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 2 juin 2003.
[19] Le 2 juin 2004, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative et confirme sa décision initiale quant au refus de la réclamation du travailleur pour une lésion professionnelle.
[20] Le 27 juillet 2006, la Commission des lésions professionnelles rend une décision déclarant que le travailleur a subi le 2 juin 2003 une lésion professionnelle, soit une ostéolyse distale de la clavicule droite.
[21] Le 14 mars 2008, la Commission des lésions professionnelles rend une décision rejetant une plainte déposée par le travailleur en vertu de l’article 32 de la loi. Dans cette contestation, le travailleur demandait au tribunal de reconnaître qu’il avait fait l’objet d’une sanction de la part de l’employeur, soit le non-paiement des 14 premiers jours de son absence du travail en raison d’une lésion professionnelle.
[22] Aux fins de la présente affaire, le tribunal estime opportun de reproduire un extrait de cette décision rendue par le commissaire Denis Rivard le 14 mars 2008.
[20] Le premier alinéa de l’article 60 de la loi prévoit que l'employeur au service duquel se trouve le travailleur lorsqu’il est victime d’une lésion professionnelle lui verse, si celui-ci devient incapable d’exercer son emploi en raison de sa lésion, 90 % de son salaire net pour chaque jour ou partie de jour où ce travailleur aurait normalement travaillé, n’eût été de son incapacité, pendant les 14 jours complets suivant le début de son incapacité. Le droit du travailleur de recevoir ces indemnités de remplacement du revenu naît donc à la date où il devient incapable d’exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle.
[21] Le tribunal constate au dossier que le travailleur a consulté un médecin pour la première fois le 25 juin 2003, soit le docteur Vachon qui a produit l’attestation médicale visée par l’article 199 de la loi et a prescrit un arrêt de travail.
[22] C’est donc à partir de cette date que ce médecin atteste de l’incapacité du travailleur à exercer son emploi.
[23] Le dossier révèle que la plainte du travailleur, en vertu de l’article 32 de la loi, a été transmise à la CSST le 7 septembre 2006, soit plus de trois ans après la sanction dont il se plaint de la part de son employeur.
[24] Le tribunal partage l’avis du conciliateur-décideur en regard de l’interprétation de l’article 60 de la loi qui est sans équivoque et vise à protéger la capacité de gains du travailleur. Elle a pour but d’éviter que le travailleur soit sans revenu entre la survenance de sa lésion professionnelle et le traitement du dossier par la CSST.
[25] Ainsi, même si l'employeur prétend que le travailleur n’a pas subi une lésion professionnelle, il doit faire face à son obligation et lui verser le montant pour les 14 premiers jours où il aurait été dans l’incapacité de travailler. Cependant, faut-il encore que le travailleur en informe l'employeur et qu’il soit encore à son emploi.
[26] Le travailleur, sous prétexte qu’il ne connaissait pas la loi ou qu’il ne savait pas qu’il devait réclamer ou encore qu’il ne pensait pas y avoir droit puisque sa réclamation a été refusée, ne s’est pas servi des outils de la loi afin de faire valoir ce qu’il croyait lui être dû.
[27] Le tribunal détermine que les motifs présentés par le travailleur pour expliquer ce long délai de plus de trois ans à produire sa plainte en vertu de l’article 32 de la loi ne justifient pas qu’il soit relevé de son défaut d’avoir respecté ce délai légal.
[28] En conséquence, il y a lieu de rejeter sa plainte logée en vertu de l’article 32 de la loi.
[29] L’invalidité du travailleur à occuper son emploi ayant été constatée pour la première fois par le docteur Vachon le 25 juin 2003, le tribunal rappelle que le travailleur n’était plus au service de l'employeur depuis le 13 juin 2003, son lien d’emploi ayant été rompu.
[30] Ainsi, puisque le travailleur n’était plus au service de l'employeur lorsqu’il est devenu incapable d’exercer son emploi le 25 juin 2003, ce dernier n’avait pas l’obligation de lui verser l’indemnité de remplacement du revenu visée à l’article 60 de la loi.
[31] La Commission des lésions professionnelles en a ainsi décidé dans l’affaire Isabelle et Arno Électrique ltée2. Dans cette affaire, la commissaire mentionne que l'employeur n’est pas tenu à l’obligation de paiement qui lui est faite en vertu de l’article 60 de la loi lorsque le travailleur n’est plus à son service au moment où il devient incapable d’exercer son emploi.
[32] Le tribunal rappelle que, lorsque le travailleur est sans emploi au moment où il devient incapable d’exercer son emploi, l’article 124 de la loi prévoit que c’est la CSST qui lui verse l’indemnité de remplacement du revenu pour la période des 14 premiers jours suivant le début de son incapacité.
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2 C.L.P. 107646-04-9812, 10 janvier 2002, G. Marquis
[23] En conclusion, la Commission des lésions professionnelles rejette la contestation du travailleur, confirme la décision rendue le 25 janvier 2007 par la CSST à la suite d’une révision administrative et retourne le dossier à la CSST afin qu’elle analyse le dossier du travailleur en fonction de l’application de l’article 124 de la loi.
[24] En application de cette décision rendue le 14 mars 2008, par la Commission des lésions professionnelles, la CSST a émis, le 15 mai 2008, un avis de paiement de l’indemnité de remplacement du revenu pour les 14 premiers jours couvrant la période du 25 juin au 8 juillet 2003 totalisant la somme de 1286, 04 $ et d’un chèque de 367,44 $ tenant compte du versement déjà effectué pour la somme de 918,60 $ tel qu’il appert des notes d’intervention de l’agent de la CSST datées du 12 mai 2008.
[25] Selon l’article 124 de la loi, c’est la CSST qui verse l’indemnité de remplacement du revenu pour les 14 premiers jours au travailleur qui est sans emploi au moment où il devient incapable d’exercer son emploi et qui fournit l’attestation médicale visée dans l’article 199 .
124. La Commission verse au travailleur l'indemnité de remplacement du revenu à laquelle il a droit à compter du quinzième jour complet suivant le début de l'incapacité du travailleur d'exercer son emploi.
Cependant, la Commission verse au travailleur à qui aucun employeur n'est tenu de verser un salaire en vertu de l'article 60 l'indemnité de remplacement du revenu pour chaque jour ou partie de jour où ce travailleur aurait normalement gagné un revenu d'emploi, n'eût été de son incapacité d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle, pendant les 14 jours complets suivant le début de cette incapacité, si ce travailleur lui fournit l'attestation médicale visée dans l'article 199 .
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1985, c. 6, a. 124.
199. Le médecin qui, le premier, prend charge d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle doit remettre sans délai à celui-ci, sur le formulaire prescrit par la Commission, une attestation comportant le diagnostic et :
1° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée dans les 14 jours complets suivant la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la date prévisible de consolidation de cette lésion; ou
2° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée plus de 14 jours complets après la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la période prévisible de consolidation de cette lésion.
Cependant, si le travailleur n'est pas en mesure de choisir le médecin qui, le premier, en prend charge, il peut, aussitôt qu'il est en mesure de le faire, choisir un autre médecin qui en aura charge et qui doit alors, à la demande du travailleur, lui remettre l'attestation prévue par le premier alinéa.
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1985, c. 6, a. 199.
[26] En l’espèce, le tribunal constate que le travailleur est devenu sans emploi à compter du 13 juin 2003, c’est la date à laquelle le travailleur a obtenu un certificat d’incapacité d’un chiropraticien. Cette même journée, le travailleur est allé porter son certificat d’incapacité au responsable du chantier qui l’a informé que le chantier prenait fin sous peu et qu’il procédait à des mises à pied. Dans ces circonstances, le travailleur lui proposait d’être mis à pied en lieu et place d’un collègue capable de fournir une prestation de travail.
[27] Le tribunal comprend que le terme « mise à pied » utilisé dans le domaine d’emploi du travailleur constitue un licenciement qui implique une rupture du lien d’emploi en raison de la fin du chantier. Dans les circonstances, le travailleur devenait dès lors sans emploi.
[28] Bien que le travailleur se soit rendu à la clinique pour consulter le docteur Villeneuve la même journée du 13 juin 2003, ce n’est que le 25 juin 2003 que le travailleur a obtenu une attestation médicale émise par ce médecin qui l’a pris en charge, laquelle est conforme à l’article 199 de la loi.
[29] Le certificat d’incapacité émis par madame Nathalie Massé, chiropraticienne, atteste de l’incapacité du travailleur à fournir une prestation de travail. Tel qu’il est établi par la jurisprudence, un chiropraticien n’est pas un professionnel de la santé au sens de la loi[2] et il ne peut émettre l’attestation médicale prescrite par l’article 199 de la loi[3]. De plus, le tribunal considère qu’un tel certificat d’incapacité émis par un chiropraticien ne peut remplacer l’attestation médicale exigée par l’article 124, laquelle doit être conforme à l’article 199 de la loi[4], c’est-à-dire qui doit indiquer le diagnostic et la date prévisible de consolidation. Tel que mentionné précédemment, le travailleur a obtenu une telle attestation médicale que le 25 juin 2003 lorsqu’il a consulté la docteure C. Vachon.
[30] Même si la docteure Vachon atteste de manière rétroactive l’incapacité du travailleur à compter du 13 juin 2003, le tribunal considère que s’il retenait cette date cela aurait pour effet implicitement de reconnaître l’attestation d’incapacité émise par la chiropraticienne comporte les mêmes conséquences juridiques que l’attestation médicale prévue par l’article 199 de la loi.
[31] Dans les circonstances, la Commission des lésions professionnelles considère que la période des 14 jours payés par la CSST débute à compter du 25 juin 2003 jusqu’au 8 juillet 2003 tel qu’en a décidé la CSST.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la contestation du travailleur, monsieur Sylvain Maharas;
CONFIRME la décision rendue le 23 septembre 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la période des 14 premiers jours s’étend du 25 juin au 8 juillet 2003;
DÉCLARE que le travailleur avait droit de recevoir la somme de 367,44 $ qu’il a reçue avec l’avis de paiement émis le 15 mai 2008.
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Renée M. Goyette |
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Josselin Breton |
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Représentant de la partie requérante |
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[1] L.R.Q., c. A - 3.001
[2] Therrien et Power Battery sales Ltée, C.L.P. 162572-63-0106, 6 février 2002, R.-M. Pelletier; Rivest et Bombardier inc. Aéronautique, C.L.P. 154654-63-0102, 9 novembre 2004, R. Brassard.
[3] Plante et Société canadienne des postes, C.L.P. 111683-62C-9903
[4] C.H.S.L.D. de la MRC Arthabaska et Marcoux, C.L.P . 130992-04B-0002, 4 juillet 2000, A. Vaillancourt.
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