Gaumond et Manufacture WM Bradley ltée |
2010 QCCLP 6739 |
______________________________________________________________________
______________________________________________________________________
[1] Le 17 décembre 2009, monsieur Mario Gaumond (le travailleur) conteste à la Commission des lésions professionnelles une décision rendue le 19 novembre 2009 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme sa décision initiale du 21 septembre 2009 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût d’achat du bois de chauffage.
[3] Seuls le travailleur et son représentant étaient présents à l’audience tenue à Rouyn-Noranda le 9 juillet 2010 par la Commission des lésions professionnelles.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de lui accorder le remboursement du coût d’achat du bois de chauffage.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis d’accepter la réclamation du travailleur. Ils estiment que le travailleur effectuerait les travaux reliés au bois de chauffage car il les effectuait déjà chez ses parents avant son accident.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6] Le tribunal doit décider si le travailleur a droit au remboursement du bois de chauffage pour la saison hivernale 2009-2010.
[7] Le travailleur a subi une lésion professionnelle le 26 septembre 2006 ayant engendré une atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique évaluée à 21,85 %, ainsi que des limitations fonctionnelles.
[8] Le travailleur mentionne qu’il s’occupait, avant son accident, du bois de chauffage chez ses parents, il ébranchait le bois et le coupait en corde. Il mentionne que le chauffage électrique est insuffisant pour sa résidence et que la fournaise à bois est le moyen de chauffage principal de celle-ci.
[9] Le travailleur estime qu’il n’est pas capable de marcher en terrain inégal pour aller couper son bois.
[10] Le travailleur a soumis deux soumissions à la CSST pour 15 cordes de bouleau sec, fendu et livré à 75,00 $ la corde, soit l’une à 1 125,00 $ et l’autre à 1 434,07 $.
[11] L’article 165 de la loi prévoit ce qui suit :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
__________
1985, c. 6, a. 165.
[12] En l’espèce, il n’est pas contesté que le travailleur ait subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison de sa lésion professionnelle ni qu’il soit incapable de couper lui-même son bois de chauffage.
[13] La Commission d’appel en matière de lésion professionnelle (la Commission d’appel) et la Commission des lésions professionnelles ont reconnu, à plusieurs reprises, que les diverses activités reliées au bois de chauffage peuvent constituer des travaux d’entretien courant au sens de l’article 165 lorsqu’une résidence est chauffée au bois[1]. Cependant, certaines de ces décisions spécifient que pour avoir droit au remboursement des frais encourus, un travailleur doit démontrer que ce mode de chauffage est utilisé de façon principale et non à titre de chauffage secondaire, d’appoint, de confort ou d’agrément[2].
[14] Selon la preuve non contredite, le travailleur doit utiliser son système de chauffage au bois pour obtenir la chaleur nécessaire à sa résidence, le système électrique étant insuffisant à lui seul.
[15] En fait, la CSST refuse les demandes du travailleur au motif que le travailleur n’avait pas à effectuer de travaux reliés au bois de chauffage car il demeurait en appartement. Elle estime également que le travailleur a fait le choix de louer une résidence chauffée au bois et il connaissait sa condition physique et son incapacité à effectuer certains travaux.
[16] La loi prévoit que le travailleur peut être remboursé pour les travaux d’entretien courant de son domicile s’il est incapable d'effectuer ceux-ci et qu'il les effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion. Le législateur emploie un verbe conditionnel, soit le verbe effectuerait. Il n’est donc pas nécessaire que le travailleur ait effectué ces travaux pas le passé mais qu’il y ait des possibilités qu’il puisse les faire. La Commission des lésions professionnelles croit que le verbe effectuerait doit recevoir une interprétation large et libérale comme le prévoit la Loi d’interprétation.[3]
41. Toute disposition d'une loi est réputée avoir pour objet de reconnaître des droits, d'imposer des obligations ou de favoriser l'exercice des droits, ou encore de remédier à quelque abus ou de procurer quelque avantage.
Une telle loi reçoit une interprétation large, libérale, qui assure l'accomplissement de son objet et l'exécution de ses prescriptions suivant leurs véritables sens, esprit et fin.
S. R. 1964, c. 1, a. 41; 1992, c. 57, a. 602.
[17] Selon les faits particuliers de la présente cause, il appert de la preuve non contredite, que le travailleur effectuait des travaux concernant le bois de chauffage par le passé chez ses parents. La Commission des lésions professionnelles considère que le travailleur effectuerait les travaux reliés au bois de chauffage, compte tenu qu’il avait 27 ans lors de l’accident et qu’il avait coupé le bois de chauffage par le passé.
[18] Qui plus est, la Commission des lésions professionnelles ne peut retenir l’argument de la CSST que le travailleur « a fait un choix personnel de louer une résidence chauffée au bois et, il connaissait sa condition physique et son incapacité à effectuer certains travaux ». Avec respect pour la décision de la CSST, s’il fallait accepter ce raisonnement, la plupart des remboursements des travaux d’entretien courant du domicile seraient conditionnels à ce que les travailleurs choisissent des domiciles qui ne requièrent pas de tels travaux compte tenu de leur « condition physique ».
[19] Dans ces circonstances, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que le travailleur répond aux conditions de l’article 165 de la loi et qu’il a droit au remboursement du coût d’achat du bois de chauffage pour l’hiver 2009-2010.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la contestation déposée par monsieur Mario Gaumond, le travailleur ;
INFIRME la décision rendue le 19 novembre 2009 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative ;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement du bois de chauffage pour la saison 2009-2010.
|
|
|
François Aubé |
|
|
|
|
Me Brian Beauchamp, avocat |
|
Représentant de la partie requérante |
|
|
[1] Martel et Entreprises G. St-Amant inc., C.A.L.P. 07955-03A-8806, 26 octobre 1990, B. Dufour; Alarie et Industrie James McLauren inc., [1995] C.A.L.P. 1233 ; Lemieux et Ministère des Transports, C.L.P. 118805-02-9906, 6 mars 2000, P. Simard; Champagne et Métallurgie Noranda inc., C.L.P. 144899-08-0008, 1er mars 2001, P. Prégent; Hamel et Mines Agnico Eagle ltée, C.L.P. 134627-08-0002, 10 juillet 2001, M. Lamarre; Nevins et Les Abatteurs Jacques Élément, C.L.P. 156525-08-0103, 18 février 2002, C. Bérubé; Benoît et Constructions AJP Rivard inc., C.L.P. 181584-04-0203, 21 février 2003, J.-F. Clément; Lacasse et Les Industries de la Rive Sud ltée, C.L.P. 205129-03B-0304, 23 juin 2005, C. Lavigne.
[2] Champagne et Métallurgie Noranda inc.; Hamel et Mines Agnicot Eagle ltée; Nevins et Les Abatteurs Jacques Élément; Benoît et Constructions AJP Rivard inc., précitées note 2.
[3] L.R.Q.,chapitre I-16.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.