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[1] Le 14 septembre 2004, monsieur Denis Villeneuve (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 2 septembre 2004 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 7 mai 2004 et déclare que le travailleur n’est pas éligible aux travaux d’entretien de son domicile.
[3] Les parties ont été dûment convoquées à une audience qui s’est tenue le 16 novembre 2004 à Saguenay; le travailleur est présent et représenté; Excavation GV Démolition ltée (l’employeur) n’est ni présent ni représenté et la CSST, qui est intervenue conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (LATMP), n’est pas représentée.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit au remboursement des frais encourus pour les travaux d’entretien suivants : déneigement, entretien de la pelouse et les travaux de peinture intérieure au fur et à mesure des besoins selon une rotation annuelle raisonnable, et ce, conformément à l’article 165 de la LATMP.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis que la Commission des lésions professionnelles ne peut accueillir la requête du travailleur. En l’espèce, le travailleur est régi par la Loi sur les accidents du travail[2] (LAT). L’atteinte permanente dont il est porteur découle de la lésion professionnelle qu’il a subie antérieurement à la mise en vigueur de la LATMP.
[6] En effet, c’est seulement si l’atteinte permanente grave découle d’une lésion professionnelle survenue après l’adoption de la LATMP, soit après le 19 août 1985, que le travailleur peut bénéficier de l’application de l’article 165 de cette loi. Or, les rechutes, récidives ou aggravations dont il a été victime après cette date n’ont pas entraîné d’atteinte permanente ni de limitations fonctionnelles supplémentaires. Par conséquent, conformément à la jurisprudence, le travailleur ne rencontre pas les critères de cet article 165 de la LATMP.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[7] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement des frais encourus pour des travaux d’entretien courant du domicile, soit le déneigement, l’entretien de la pelouse et les travaux de peinture intérieure au fur et à mesure des besoins selon une rotation annuelle raisonnable.
[8] Dans la présente affaire, compte tenu que l’atteinte d’incapacité permanente de 17,50 % dont le travailleur est porteur, dont 15 % de déficit anatomo-physiologique et 2,5 % d’incapacité à reprendre le travail, a été émise à la suite de lésions professionnelles subies au cours des mois de mai 1979 et de juillet 1981, ce sont les articles 165 et 555 de la LATMP qui s’appliquent; ces articles de loi se lisent comme suit :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
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1985, c. 6, a. 165.
555. Une personne qui, avant la date de l'entrée en vigueur du chapitre III, a été victime d'un accident du travail ou a produit une réclamation pour une maladie professionnelle en vertu de la Loi sur les accidents du travail (chapitre A-3) et qui subit une récidive, une rechute ou une aggravation à compter de cette date devient assujettie à la présente loi.
Cependant, cette personne n'a pas droit à une indemnité de remplacement du revenu si, lors de la récidive, de la rechute ou de l'aggravation, elle n'occupe aucun emploi et elle:
1° est âgée d'au moins 65 ans; ou
2° reçoit une rente pour incapacité totale permanente, en vertu de la Loi sur les accidents du travail, quel que soit son âge.
De même, une personne qui reçoit une assistance financière en vertu d'un programme de stabilisation sociale n'a pas droit à une indemnité de remplacement du revenu.
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1985, c. 6, a. 555; 1991, c. 35, a. 3.
[9] Or, la jurisprudence[3] a établi que pour obtenir le remboursement demandé, le travailleur doit démontrer, d’une part, qu’il est régi par la LATMP et, d’autre part, qu’il rencontre les conditions d’ouverture prévues à l’article 165 de cette loi.
[10] En l’espèce, le tribunal considère que, d’une part, le travailleur s’étant vu reconnaître plusieurs rechutes, récidives ou aggravations après l’entrée en vigueur de la loi, soit les 29 janvier et 15 septembre 1986 ainsi que le 19 janvier 1987, il bénéficie des dispositions de la LATMP.
[11] D’autre part, les conditions d’ouverture à l’application de l’article 165 de la LATMP doivent être examinées en relation avec les rechutes, récidives ou aggravations survenues après le 19 août 1985. Il faut donc, conformément à la jurisprudence précitée, que l’atteinte permanente grave et l’incapacité physique du travailleur à effectuer les travaux d’entretien courant du domicile dont le remboursement est réclamé, découlent de ces rechutes, récidives ou aggravations pour qu’il puisse bénéficier de l’application de cet article de loi.
[12] Le travailleur témoigne de son incapacité à effectuer les travaux dont il souhaite le remboursement à la suite de la lésion lombaire de 1979 et des interventions chirurgicales qui ont suivi aux mois de décembre 1979, d’août 1980 et de juillet 1981, soit respectivement une discoïdectomie bilatérale L4-L5, une greffe en H au niveau L4 - S1 et une discoïdectomie L4-L5 gauche.
[13] Il est depuis restreint à l’exécution de travaux d’entretien légers, par exemple passer le balai dans la cave, n’étant certainement plus en mesure de soulever des charges lourdes, par exemple un 5 gallons de peinture. Il mentionne avoir bénéficié pendant de nombreuses années de l’aide des membres de sa famille, dont deux de ses frères, ainsi que de celle de ses enfants dès qu’ils ont été en âge d’effectuer les travaux dont il demande le remboursement.
[14] Aujourd’hui, bien que son fils habite avec lui, il ne peut compter sur lui de façon assidue compte tenu qu’il occupe un emploi dont les horaires sont des plus exigeants, particulièrement l’été, tant sur semaine que pendant les fins de semaine. Le travailleur doit entretenir 3500 verges carrées de pelouse et une entrée de 110 pieds de long d’une résidence dont la construction date de 1980.
[15] Le témoignage du travailleur démontre donc que son incapacité est reliée à la lésion initiale ainsi qu’aux rechutes, récidives ou aggravations contemporaines, toutes antérieures à l’entrée en vigueur de la LATMP.
[16] Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles ne peut que conclure à l’irrecevabilité de la demande du travailleur qui doit être produite conformément aux dispositions de la LAT, puisque l’atteinte permanente grave dont il est porteur est reliée aux lésions de 1979, 1980 et 1981 et que les lésions de 1986 et 1987 n’ont pas entraîné d’atteinte permanente ni de limitations fonctionnelles supplémentaires.
[17] Par ailleurs, en ce qui concerne la tardiveté de la réclamation du travailleur, son témoignage très crédible démontre qu’il a bénéficié de l’aide des membres de sa famille pendant de nombreuses années; la jurisprudence[4] a déjà établi que rien dans la LATMP ou la jurisprudence ne permet de présumer de la pérénité de l’aide obtenue ni que la disponibilité occasionnelle d’un membre de la famille puisse affecter les droits du travailleur.
[18] N’eut été des motifs retenus précédemment par le tribunal, le travailleur n’aurait pu être privé de ses droits du seul fait qu’il a bénéficié d’une telle aide, d’autant plus que le libellé de l’article 165 de la LATMP ne prévoit pas un délai de réclamation de cette mesure de réadaptation.
[19] Cependant, la Commission des lésions professionnelles doit conclure, en application de la jurisprudence constante et majoritaire précitée, que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais réclamés.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la
requête de monsieur Denis Villeneuve, le travailleur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 2 septembre 2004 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais réclamés pour la tonte du gazon, l’entretien du terrain, le déneigement et la peinture intérieure selon une rotation annuelle raisonnable.
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Lise Langlois |
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Commissaire |
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Monsieur Jean-Jacques Angers |
Représentant de la partie requérante |
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Me Hélène Bérubé |
Panneton Lessard |
Représentant de la partie intervenante |
[1]
L.R.Q.,
c.A-3.001
[2]
L.R.Q.,
c. A-3
[3]
Voir
notamment : Gagnon et Pétroles du Golfe ltée, 15547-01- 8911,
14 septembre 1993, G. Godin; Bouchard
et Société de transport de la Communauté
urbaine de Montréal, 36830- 62-9201, 27 juin 1994, R. Brassard; CSST c. Lalonde,
[1995] C.A.L.P. 1325
(C.A.); Fontaine et C.E.C.M.,
78803-62-9604, 22 août 1997, B. Lemay
[4]
Gauthier et Agence de
sécurité de Montréal ltée, C.A.L.P. 63709-60-9410, 13 février 1996,
P. Capriolo; Gauthier et Construction Gilbert enr. (fermée),
C.L.P.163986-01A-0106, 15 août 2003, D. Sams.
AVIS :
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