Marché Hébert Sénécal inc. |
2011 QCCLP 1115 |
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[1] Le 5 août 2010, Marché Hébert Sénécal inc. (l’employeur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue le 16 juillet 2010 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 1er juin 2010 et déclare que le coût des prestations reliées à l’accident du travail subi par madame Louise Boies (la travailleuse) le 4 mars 2009 doit être imputé au dossier de l’employeur.
[3]
Une audience devait avoir lieu à Laval le 7 janvier 2011. L’employeur a
renoncé à la tenue de cette audience et a soumis une argumentation écrite le 11
novembre 2010. Le dossier est mis en délibéré le 2 février 2011, à la suite
d’une ordonnance du Président en vertu des articles
418
et
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4]
L’employeur invoque les dispositions du deuxième alinéa de l’article
LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[5]
La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si
l’employeur a droit à un transfert du coût des prestations reliées à la lésion
professionnelle du 4 mars 2009 suivant les dispositions du deuxième alinéa de
l’article
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
__________
1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[6]
La loi prévoit que l’employeur bénéficie d’un délai de un an suivant la
date de l’accident pour présenter une demande de transfert de coût suivant les
dispositions de l’article
[7] La Commission des lésions professionnelles constate que la demande de l’employeur est recevable, car elle a été produite dans le délai prévu à la loi. En effet, sa demande a été présentée le 15 février 2010 et l’accident du travail est survenu le 4 mars 2009.
[8] Il appert de la preuve que la travailleuse exerce un emploi de caissière pour l’employeur à raison de 30 à 35 heures par semaine au taux horaire de 9,85 $.
[9] Le 4 mars 2009, elle subit un accident du travail alors qu’elle soulève une caisse de bouteilles d’eau pour la passer devant le lecteur optique.
[10] La CSST accepte la réclamation de la travailleuse et reconnaît qu’elle a subi un accident du travail le 4 mars 2009, entraînant une entorse dorsale.
[11] Le 15 février 2010, l’employeur transmet une demande de transfert du coût des prestations à la CSST alléguant être obéré injustement par l’imputation du coût des prestations reliées à l’accident du travail subi par la travailleuse.
[12] L’employeur soumet que lors de son embauche, la travailleuse recevait une indemnité de remplacement du revenu réduite de 12,77 $ par jour en raison d’une lésion professionnelle survenue chez un autre employeur le 23 novembre 1990.
[13]
Pour établir le montant des prestations d’indemnité de remplacement du
revenu de la travailleuse en regard de sa lésion du 4 mars 2009, la CSST
applique les dispositions de l’article
[14]
L’employeur soumet qu’au cours des derniers mois travaillés chez
l’employeur, la travailleuse a gagné un revenu de 15 371 $. N’eût été
de l’indemnité réduite de remplacement du revenu reliée au dossier antérieur de
1990, son indemnité de remplacement du revenu aurait été déterminée suivant
l’article
[15] La CSST a analysé la demande de l’employeur et conclut dans sa décision rendue le 16 juillet 2010 à la suite d’une révision administrative que l’employeur n’a pas démontré être obéré injustement par l’imputation du coût des prestations reliées à l’accident du travail subi par la travailleuse puisque le coût des prestations reliées à cet accident résulte de l’application de la loi. En effet, la CSST retient qu’elle a appliqué les dispositions de la loi pour établir la base salariale servant au calcul de l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse à la suite de sa lésion professionnelle du 4 mars 2009.
[16]
Dans son argumentation écrite du 11 novembre 2010, l’employeur soumet que
la CSST a refusé sa demande, car la situation décrite par l’employeur ne répond
pas aux critères d’injustice permettant l’application de l’article
[17]
La Commission des lésions professionnelles ne fait pas la même lecture
que l’employeur de la décision rendue par la CSST le 16 juillet 2010 et
constate plutôt que c’est en raison de l’application de la loi que la CSST indique ne pouvoir conclure que l’employeur est obéré injustement. Plus
particulièrement, il s’agit de l’application des dispositions de l’article
[18]
La Commission des lésions professionnelles retient des éléments du
dossier que la CSST a calculé l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse
conformément aux dispositions de l’article
73. Le revenu brut d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle alors qu'il reçoit une indemnité de remplacement du revenu est le plus élevé de celui, revalorisé, qui a servi de base au calcul de son indemnité initiale et de celui qu'il tire de son nouvel emploi.
L'indemnité de remplacement du revenu que reçoit ce travailleur alors qu'il est victime d'une lésion professionnelle cesse de lui être versée et sa nouvelle indemnité ne peut excéder celle qui est calculée sur la base du maximum annuel assurable en vigueur lorsque se manifeste sa nouvelle lésion professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 73.
[19]
En l’espèce, l’application de cette disposition fait en sorte que
l’indemnité de remplacement du revenu que reçoit la travailleuse à la suite de sa
lésion professionnelle survenue chez l’employeur est établie suivant un revenu
brut revalorisé ayant servi de base au calcul de son indemnité initiale. Il
s’agit d’un revenu plus élevé que le revenu brut qu'elle tirait de son emploi
chez l'employeur. Ce choix est conforme à l’application des dispositions de
l’article
[20] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que l’imputation à l’employeur du coût des prestations dues en raison de la lésion professionnelle du 4 mars 2009 ne fait pas en sorte d’imputer à l’employeur une indemnité de remplacement du revenu découlant d’un autre dossier.
[21]
Cette façon de faire respecte le principe énoncé au premier alinéa de
l’article
[22] Dans l’affaire Nettoyeurs Pellican inc.[2], la Commission des lésions professionnelles a retenu une interprétation en ce sens :
[28] Selon la situation visée, le législateur prévoit
donc la façon de déterminer le revenu brut d’un travailleur. Et l’article
[29] Avec respect pour l’opinion contraire, on ne peut
qualifier l’article
[...]
[33] La travailleuse ayant droit à une indemnité de
remplacement du revenu en raison de sa lésion professionnelle du 7 janvier
2008, survenue à la suite d’un accident du travail, il est compréhensible qu’en
regard du premier alinéa de l’article
[34] Avec respect pour l’opinion contraire, l’article 73 ne fait pas en sorte d’imputer à l’employeur une indemnité de remplacement du revenu découlant d’un autre dossier. Cet article sert plutôt au calcul de l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle peut avoir droit la travailleuse, en raison de sa lésion professionnelle du 7 janvier 2008 subie chez l’employeur.
[...]
[37] Ce faisant, la CSST impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison de l’accident du travail survenu à la travailleuse alors qu’elle était à son emploi le 7 janvier 2008, ce qui inclut l’indemnité de remplacement du revenu, calculée selon ce que prévoit la loi. Quant au second alinéa de l’article 326, l’employeur ne peut prétendre être obéré injustement du fait de l’application de la loi3.
[...]
__________
3 Centre
hospitalier universitaire de Sherbrooke (Hôtel-Dieu), C.L.P.
[23] Cette interprétation fait l’objet d’une jurisprudence[3] largement majoritaire au sein du tribunal.
[24]
Le tribunal ne retient pas l’argument voulant que l’employeur soit obéré
injustement suivant le deuxième alinéa de l’article
[25] Tel que la Commission des lésions professionnelles le retient dans l’affaire Fermes Rivest, Bourgeois inc[5] :
[19] La jurisprudence du tribunal2 enseigne qu’un employeur ne peut être obéré injustement en raison de l’application des dispositions de la loi.
[20] D’ailleurs, dans plusieurs affaires3 où il devait statuer sur des questions similaires à celle soumise dans le présent dossier, le tribunal a refusé de faire droit aux demandes d’employeurs.
[21] Le tribunal a alors conclu qu’un employeur n’est pas obéré injustement du fait qu’un travailleur à son service reçoive une indemnité de remplacement du revenu calculée sur un revenu brut plus élevé que celui du salaire qu’il gagnait au moment de la survenance de sa lésion professionnelle. Un tel calcul résulte purement et simplement de l’application des dispositions de la loi à cet égard, ce qui peut difficilement être qualifié d’injuste.
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2 Centre
hospitalier universitaire de Sherbrooke (Hôtel-Dieu), C.L.P.
3 Marché
Claude St-Pierre, C.L.P.
[26]
Le fait que la travailleuse reçoive une indemnité de remplacement du
revenu dont la base salariale est plus élevée que le revenu brut qu’elle tirait
au moment de la survenance de sa lésion professionnelle résulte de la simple
application de l’article
[27] Considérant ces éléments, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il n’y a pas lieu de procéder à un transfert du coût des prestations reliées à la lésion professionnelle de la travailleuse du 4 mars 2009.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête du 5 août 2010 de Marché Hébert Sénécal inc., l’employeur;
CONFIRME la décision rendue le 16 juillet 2010 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le coût des prestations reliées à la lésion professionnelle de madame Louise Boies du 4 mars 2009 doit être imputé au dossier de l’employeur.
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Francine Juteau |
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Madame Lyse Dumas |
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Shepell Fgi |
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Représentante de la partie requérante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] C.L.P.
[3] Les Services Kelly (Canada) ltée, C.L.P.
[4] Groupe C.D.P. inc., C.L.P.
[5] Précitée, note 3.
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