Chartier et Aliments Prince (Bacon America/international) |
2013 QCCLP 3704 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Drummondville |
11 juin 2013 |
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Région : |
Mauricie-Centre-du-Québec |
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Dossier : |
443577-04B-1107 |
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Dossier CSST : |
134457001 |
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Commissaire : |
Renée-Claude Bélanger, juge administratif |
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Jacynthe Chartier |
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Partie requérante |
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et |
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Aliments Prince (Bacon America/ International) |
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Chaussures H.H. Brown Canada ltée |
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Marché aux puces de Sainte-Foy |
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Parties intéressées |
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RECTIFICATION D’UNE DÉCISION
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[1] La Commission des lésions professionnelles a rendu le 31 mai 2013, une décision dans le présent dossier;
[2] Cette décision contient une erreur d’écriture qu’il y a lieu de rectifier en vertu de l’article 429.55 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001;
[3] Aux paragraphes [58], [77], [81], [87], [88] et [89], nous lisons : madame Larivière.
[4] Alors que nous aurions dû lire à ces paragraphes : madame Laperrière.
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Renée-Claude Bélanger |
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M. Réjean Potvin |
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C.S.N. (SHERBROOKE) |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Sylvain Toupin |
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CAIN LAMARRE CASGRAIN WELLS |
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Représentant de l’employeur Les Aliments Prince (Bacon America/International) |
Chartier et Aliments Prince (Bacon America/international) |
2013 QCCLP 3704 |
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[1] Le 14 juillet 2011, madame Jacynthe Chartier (la travailleuse) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) du 13 juin 2011, rendue à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a initialement rendue le 18 mars 2010 et déclare que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle le ou vers le 26 février 2010 ayant occasionné un syndrome du canal carpien bilatéral. En conséquence, la CSST ajoute que la travailleuse n'a pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et qu’elle doit rembourser le montant de 915,40$ qui lui a été versé à titre d'indemnité de remplacement du revenu pour la période du 27 février 2010 au 12 mars 2010.
[3] Une audience se tient à Drummondville les 3 mai 2012 et 31 janvier 2013. La travailleuse est présente et représentée par monsieur Réjean Potvin. L’employeur, Les Aliments Prince (Bacon America/International), est également présent en la personne de madame Nancy Provençal et est représenté par Me Sylvain Toupin. Finalement, les compagnies Chaussures H.H. Brown Canada ltée et Marché aux puces de Sainte-Foy sont absentes.
[4] L’affaire est mise en délibéré aux termes de la dernière journée d’audience, soit le 31 janvier 2013.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’elle a été victime d’une maladie professionnelle à compter du 26 février 2010, en raison des mouvements effectués dans le cadre de son travail de journalière au département du précuit chez l’employeur. Le diagnostic qu’elle désire voir reconnaître à titre de maladie professionnelle est celui de syndrome du canal carpien bilatéral.
LES FAITS
[6] En se basant sur l’ensemble de la preuve testimoniale et documentaire, le tribunal retient les faits suivants comme étant pertinents au présent litige.
[7] À l’époque pertinente, la travailleuse âgée de 40 ans occupe depuis le 21 avril 1997 un emploi de journalière au département du précuit chez l’employeur. Lors de son embauche, la travailleuse explique à l’audience qu’elle a été affectée « au tranchage » durant deux à trois semaines. Par la suite, elle a obtenu son poste « au précuit » et l’occupe depuis ce temps.
[8] La travailleuse occupe cet emploi à raison de 40 heures/semaine réparties sur cinq jours. Elle bénéficie de deux pauses-santé de quinze minutes par jour et de trente minutes pour le dîner. Elle est droitière.
[9] Le 5 mars 2010, elle produit une réclamation à la CSST en vue de faire reconnaître l’existence d’une maladie professionnelle. Au formulaire « Avis de l’employeur et demande de remboursement » de la CSST, elle explique les circonstances d’apparition de la douleur de la façon suivante :
J’ai les mains qui engourdies depuis 1 an, mais depuis un mois c’est pire. Ça engourdie plus fréquemment. [sic]
[10] Au soutien de sa réclamation, elle joint un rapport médical complété le 26 février 2010 par le docteur Gervais. Un diagnostic de tunnels carpiens bilatéraux est posé. La travailleuse est référée pour un électromyogramme. Une infiltration est effectuée. Une orthèse est prescrite de même qu’un arrêt de travail.
[11] Le 17 mars 2010, l’employeur transmet à la CSST une expertise médicale réalisée par le docteur Raynald Rioux le 10 mars 2010. Questionnée sur ses antécédents personnels et occupationnels, la travailleuse répond « que le seul travail exigeant sur le plan de l’effort serait de manipuler des boîtes de 12 kg, ce qui peut arriver 1 à 2 journées par semaine et parfois aucune. ».
[12] À l’examen objectif, le docteur Rioux note que la travailleuse est droitière, qu’elle mesure 5’4’’ et pèse 192 livres.
[13] Après avoir analysé le dossier et examiné la travailleuse, le docteur Rioux conclut qu’elle présente « un syndrome du tunnel carpien bilatéraux dont le lien avec le travail n’est pas démontré chez une dame porteuse d’un IMC de 33, facteur de risque reconnu ».
[14] L’employeur joint également une étude des postes de travail effectuée par le docteur André Gilbert, chirurgien orthopédiste, en 2002. Dans le cadre de cette étude, une analyse de la ligne de la spatule[2] a été effectuée par le docteur Gilbert. De cette analyse, le tribunal retient ce qui suit :
[…]
Lors de ma visite, j’ai eu l’occasion de visualiser plusieurs de ces travailleuses et je dois dire que l’effort déployé est pour ainsi dire nul, par contre, il y a une cadence relativement élevée puisque la moyenne pour compléter des paquets de 20 feuilles, est de 1 minute 55 secondes.
Par contre, il faut dire que le prélèvement des 5 tranches de bacon est variable d’une travailleuse à une autre. La moyenne a recours à une très légère déviation cubitale (50) avec flexion palmaire qui va de 100 à une extension de 50 du poignet gauche, la main droite étant disposée à plat sur le bacon une fois celui-ci ramassé avec la spatule. Par la suite, on vient déposer les tranches de bacon sur le papier ciré en stabilisant les tranches de bacon de la main droite et en retirant la spatule de la main gauche.
La main droite est en position neutre et ne bouge pas
[15] De cette analyse, le docteur Gilbert conclut que dans cette tâche, il y a une notion de fréquence. Il précise toutefois que cette fréquence est celle d’une activité dynamique, sans manipulation de poids et dans une position ergonomique. Il retient qu’il ne retrouve pas dans cette tâche les facteurs généralement susceptibles de donner naissance à une lésion professionnelle.
[16] Le 17 mars 2010, la docteure Line Lemay, médecin régionale de la CSST, évalue l’admissibilité de la réclamation. Elle conclut de cette façon :
Considérant que le travailleur occupe les mêmes postes depuis plus de deux mois,
Considérant que le travailleur fait l’usage des gants,
Considérant que le travailleur ne travaille pas au froid,
Considérant qu’à toutes les tâches effectuées, il y a peu ou pas de mouvements de grandes amplitudes des poignets, pas de pression palmaire ou de vibrations,
Considérant la rotation des différents postes de travail,
Considérant que peu ou pas de postures contraignantes des poignets.
La relation n’est pas médicalement établie pour le diagnostic de tunnel carpien bilatéral.
[17] Sur la base de cet avis médical, la réclamation de la travailleuse est refusée le 18 mars 2010. Cette décision est confirmée par la CSST siégeant en révision administrative le 13 juin 2011; d’où le présent litige.
[18] Au dossier constitué, on retrouve un rapport d’expertise ergonomique rédigé par madame Ève Laperrière à la demande de la travailleuse en janvier 2012. Dans un premier temps, elle passe en revue, avec littérature à l’appui, les facteurs de risque pour développer un syndrome du canal carpien. Elle reprend ainsi les facteurs de répétition, de force, de vibration et/ou de postures contraignantes. Elle précise également qu’une combinaison de ces facteurs constitue également un facteur de risque.
[19] Dans un deuxième temps, elle procède à l’analyse du poste de travail de la travailleuse à partir de l’enregistrement vidéo fourni par l’employeur. Elle retient des postures en prise et en pince ainsi que des déviations et flexions-extensions du poignet.
[20] Elle conclut que les prises en pince sont caractéristiques du travail effectué au département du précuit. Selon son opinion, la main qui tient la spatule (droite) maintient presque constamment une posture en prise durant quatre heures par quart de travail.
[21] Concernant la répétitivité, elle fait mention d’un calcul effectué par elle dont le résultat représente entre 6,8 et 70,9 mouvements par minute avec les deux poignets. Le temps de cycle est par ailleurs de moins de 30 secondes sur chacune des séquences vidéo. Elle retient par conséquent que la répétitivité constitue un facteur de risque. Le facteur force n’est cependant pas présent dans les tâches exécutées.
[22] Elle conclut que pour la main gauche, le facteur répétitivité est en cause alors que pour la main droite, les facteurs combinés de posture et de répétitivité sont en cause pour le développement d’un syndrome du canal carpien.
[23] À l’audience, la travailleuse commente le visionnement d’un enregistrement vidéo[3] portant sur la description des différents postes de travail qu’elle effectue[4]. Une description écrite de ces mêmes postes fait également partie du dossier constitué[5]. De la preuve testimoniale[6] et documentaire, le tribunal retient ce qui suit :
Ø Il y a trois lignes de production. La travailleuse est assignée à la troisième ligne appelée « la micro-onde ». Elle a déjà travaillé sur les deux autres lignes et précise qu’il n’y a presque pas de différence entre celles-ci.
Ø Il existe douze postes de travail en rotation aux trente minutes. Après avoir effectué les douze postes, la travailleuse reprend à partir du début jusqu’à la fin de son quart de travail, de sorte qu’elle estime qu’elle peut effectuer jusqu’à 15 rotations par jour.
Ø premier poste : le Plaçage de tranche
Placer tranches. Lorsque le bacon sort du refroidisseur, elle prend les tranches de ses deux mains et les place sur le convoyeur cinq par cinq et enlève les tranches qui ne sont pas bonnes et les met dans un bac. [sic]
Deux personnes sont affectées à placer les tranches de bacon de chaque côté de la ligne.
Le tribunal retient que les gestes effectués à ce poste comprennent de légères flexions des poignets, de légères extensions des doigts sans charge véritable ainsi que des mouvements d’écartement des doigts avec de légères déviations.
L’employeur précise en regard de la vitesse de la ligne que plus il y a de travailleurs plus la vitesse est grande et vice et versa.
Ø deuxième poste : Les spatules (8 postes)
Les huit premiers postes sont identiques. Ce qui diffère c’est l’endroit où les travailleurs prennent le bacon sur le convoyeur et le côté (droit ou gauche).
Elle est debout devant sa table de travail, elle prend une spatule de sa main droite et elle ramasse les tranches de bacon précuit sur un tapis à côté d’elle (5 tranches de bacon à la fois) et les place sur des feuilles de papier sur la table devant elle. Lorsque le paquet est plein, elle le dépose des deux mains sur un convoyeur au dessus du tapie où elle ramasse. Aussi, elle retire les tranches qui ne sont pas bonnes et les place dans des bacs à côté d’elle [sic]
Sur les postes de spatule, la travailleuse précise qu’elle ne fait jamais plus de deux rotations de suite. Ainsi, après avoir effectué deux périodes de trente minutes, elle se dirige à un autre poste n’impliquant pas la manipulation de la spatule. Dans une journée de travail, la travailleuse estime qu’elle peut effectuer de quatre à cinq heures non consécutives sur ce poste.
Le tribunal retient que lorsque la travailleuse est positionnée à la fin de la ligne et qu’elle doit aller prendre des tranches de bacon qui sont près d’elle, son poignet droit effectue une légère déviation cubitale alors que plus loin, il n’y en a presque pas. Le tribunal note également une légère extension du poignet gauche.
Par ailleurs, lorsque la travailleuse est située au début ou au milieu de la ligne, le tribunal retient qu’il y a une légère déviation en prise de la main droite accompagnée d’une légère flexion et extension du poignet droit. L’extension n’est pas extrême et la charge n’est pas significative. Cette extension peut être qualifiée de légère à modérée. Du côté gauche, on note une flexion du poignet ainsi qu’une déviation cubitale du poignet sans charge.
Ø troisième poste : carbo
Il y a une boîte vide placée sur la balance sur sa table de travail. Elle prend à deux mains les tranches de bacon qui ont été retirées au poste 1 à 8 dans des bacs et remplie la boîte jusqu’à ce qu’elle atteigne un poids de 4 kg.[7]. ou elle prend les bacs, les pèsent et les vide dans des combos [sic]
Le tribunal retient que les gestes effectués à ce poste comprennent des mouvements de prise et de préhension avec un peu de flexion et d’extension sans amplitudes extrêmes.
Selon la travailleuse il s’agit du poste le plus facile.
Ø quatrième poste : Emballage ou multi-vac (emballeuse sous vide)
Poste un en face de l’autre.
Elle est debout devant un convoyeur situé à la hauteur de son menton. Elle prend les paquets de bacon avec ses deux mains sur le convoyeur et les place un à la fois dans l’emballeuse automatique située à la hauteur de sa taille.
La travailleuse ajoute que la température à l’intérieur de l’usine se situe entre 42 et 44oF. Il y a 20 feuilles par paquet. Sur la ligne 3, la travailleuse précise qu’elle est seule.
Le tribunal retient que les gestes effectués à ce poste comprennent des mouvements de manipulation fine avec les doigts. Il y a peu de mouvements des poignets avec de légères extensions et flexions sans charge véritable.
Ø cinquième poste : La mise en boîtes
Elle est debout et prend ses deux mains en alternance les paquets qui sortent de l’emballeuse. Elle place les paquets dans une boîte et envoie la boîte en la poussant avec la paume de ses mains sur une balance. Elle rabat les côtés de la boîte met de la glace sèche dans la boîte fréquemment et la « tape » à la main. Enfin elle place la boîte sur le convoyeur.
La travailleuse ajoute qu’elle place cinq paquets par boîte. Lorsqu’il s’agit de paquets de 50 %[8], chacun des paquets pèse entre 1,5 et 2 kg. Le poids de la boîte est d’environ 12,5 kg. Il faut également mettre de la glace sèche dans la boîte.
Elle précise que prendre la glace sèche avec la spatule était pour elle un mouvement problématique.
Le tribunal retient que les gestes effectués à ce poste comprennent des mouvements de prise en pince et de préhension. Les mouvements des poignets sont rapides en flexion extension sans grande amplitude. Le poids varie en fonction des paquets et de leur contenu.
le Micro-onde
Selon la travailleuse, il s’agit de prendre les paquets qui arrivent sur un convoyeur aérien à la sortie de la multi-vac et de les placer dans une boîte. Les paquets pèsent entre un et 3,3 kilos.
À la sortie de la multi-vac, on retrouve des mouvements en pince entre le pouce et l’index. Le tribunal note des mouvements d’extension des deux poignets ainsi qu’un mouvement de déviation cubitale du poignet gauche.
Lorsqu’elle ferme la boîte avec un ruban adhésif, les mouvements comportent des prises ainsi que des gestes de supination et de déviation cubitale.
[24] La travailleuse explique à l’audience qu’elle a commencé à ressentir graduellement des engourdissements aux mains environ un an avant de produire sa réclamation. Elle n’a pas consulté à l’époque. Aucun fait accidentel ni événement particulier n’est à l’origine de cette douleur. Avec le temps, la douleur s’est intensifiée. Elle en a discuté avec l’employeur et avec des consœurs au travail. Une copie du registre des blessures complété par la travailleuse en date du 24 février 2010 est d’ailleurs déposée[9].
[25] Elle a consulté pour la première fois le 12 février 2010 et a reçu une infiltration le 26 février 2010. Elle a travaillé entre le 12 et le 26 février 2010.
[26] Elle a été opérée aux deux poignets. Elle a repris le travail le 24 janvier 2012. Elle explique que le côté gauche est redevenu normal alors que le côté droit n’est pas comme avant, elle n’a plus de force.
[27] Questionnée sur les postes les plus problématiques, la travailleuse explique que le poste le plus exigeant selon elle est celui où elle doit manipuler la spatule. Elle explique que c’est elle qui a choisi d’aller sur la ligne 3; cette ligne ayant débuté au début des années 2000. Au début, soit de 2000 à 2006, le bacon ne se ramassait pas à la spatule, mais à la main.
[28] Au chapitre des antécédents, elle ajoute avoir déjà passé un électromyogramme qui s’est avéré normal.
[29] Elle ajoute finalement que trois autres de ses collègues qui travaillent également sur la ligne 3 ont eu un syndrome du canal carpien.
témoignage de madame nancy provençal
[30] Madame Nançy Provençal, gestionnaire des dossiers chez l’employeur, témoigne à la demande de la travailleuse.
[31] Elle dépose et commente plusieurs documents administratifs concernant les collègues de travail identifiées par la travailleuse ayant présenté selon elle un syndrome du canal carpien[10]. De ces documents, le tribunal retient qu’aucune réclamation n’a été reconnue par la CSST et que l’ensemble des travailleuses a été indemnisé par le biais de l’assurance-salaire.
[32] À ce titre, madame Provençal indique que pour la période de 2001 à 2012, elle n’a répertorié, pour toutes les lignes de précuit confondues, aucune réclamation acceptée par la CSST en référence avec un diagnostic de syndrome du canal carpien.
témoignage de madame ève laperrière
[33] Madame Ève Laperrière , ergonome, témoigne à la demande de la travailleuse. Elle précise qu’aux fins de son opinion, elle a analysé l’enregistrement vidéo fourni par l’employeur sans toutefois avoir eu accès aux lieux de travail.
[34] Procédant à une révision de la littérature scientifique, elle dégage les facteurs à considérer lors de l’analyse d’un poste de travail, eu égard au risque de développer un syndrome du canal carpien. Ainsi, on parle de force de plus de 4 kg, de répétitivité des mouvements de plus de deux à quatre mouvements par minute durant plus de quatre heures par jour. En regard de la posture, il faut rechercher des mouvements de flexion-extension du poignet ou de la main durant plus de deux heures par jour ou des mouvements de prise durant plus de quatre heures par jour. Une combinaison de ces facteurs augmente le risque. Elle ajoute finalement qu’un temps de repos suffisant n’annule pas la présence des autres facteurs.
[35] Référant à son évaluation, elle retient que le poste de journalière à la ligne 3 au département de précuit présente plusieurs facteurs de risque de développer un syndrome du canal carpien.
[36] Pour la répétitivité, elle explique avoir procédé au décompte des mouvements de pince des doigts ainsi que des mouvements de flexion, extension et déviation du poignet. Elle témoigne avoir retrouvé, pour les deux mains, plus de deux à quatre mouvements par minute, de sorte qu’elle retient ce facteur de risque comme étant présent.
[37] Pour la main droite qui tient la spatule, elle a observé une posture en pince ce qui constitue un facteur de risque supplémentaire. Madame Laperrière explique cette conclusion par le fait que la travailleuse passe plus de quatre heures par jour avec la spatule dans les mains. Ceci étant pour la main droite, il existe selon elle une combinaison des facteurs de répétitivité et de posture alors que pour la main gauche, seul le facteur de répétitivité est présent.
[38] Questionnée sur sa méthode de calcul, elle explique qu’elle a compté les mouvements perceptibles à l’œil sans se soucier de l’angulation du mouvement. Elle admet toutefois ne pas avoir retrouvé de position ou d’angulation extrême. Pour les mouvements de pince, elle précise que le seul fait de tenir quelque chose a été retenu dans son évaluation.
[39] Elle ajoute finalement que les facteurs de risque personnels, tels que le sexe et le poids de la travailleuse ne changent pas l’existence de facteurs de risque reliés au travail. Aussi, bien que la travailleuse ait exercé ce poste durant près de douze ans avant que ne soit posé un diagnostic de syndrome du canal carpien, madame Laperrière mentionne que la littérature ne précise pas la durée d’exposition requise pour développer une telle lésion professionnelle.
témoignage de madame Nancy Gallant
[40] L’employeur fait témoigner madame Nancy Gallant qui est superviseure de l’ensemble des départements depuis 2012. Auparavant et à l’époque de la réclamation de la travailleuse, elle a été superviseure au département du précuit. De même, elle a déjà été journalière au précuit sur le quart de soir et de jour.
[41] Elle explique qu’au département du précuit, il y a deux quarts de travail qui existaient au moment où la travailleuse a produit sa réclamation. Sur le quart de jour, il y a en moyenne 26 personnes alors que le soir, il y en a 24. Majoritairement, les postes sont occupés par des femmes. Elle précise qu’entre 2008 et 2011, le nombre de personnes sur chacune des lignes a pu varier tout au plus d’une à deux personnes.
[42] Madame Gallant indique qu’elle a procédé, en vue de son témoignage, à la pesée d’une spatule en plastique qui pèse 179,3 grammes alors qu’une spatule en acier inoxydable (stainless) pèse 257,9 grammes. À la sortie de l’emballeuse, un paquet de mi-cuit (50 %) pèse environ 2,7 kilos alors qu’un paquet de bacon cuit pèse 0,42 kilos par paquet.
[43] Appelée à décrire plus amplement la production sur les trois lignes, madame Gallant indique que 60 % de la production est constituée de mi-cuit versus 40 % pour le cuit. Cette production est toutefois variable. Au total, il y a dix rotations de spatule par jour.
[44] À la sortie de l’emballeuse, elle décrit la ligne 3 comme étant celle où le rythme est le moins élevé. Sur les lignes 1 et 2, deux personnes y sont affectées, car il y a deux lignes de production sur la même emballeuse. Ainsi, une des deux personnes met les paquets dans la boîte alors que l’autre la remplit de glace sèche. Sur la ligne 3, une seule personne y est affectée. C’est donc elle qui met les paquets dans la boîte et met la glace sèche.
[45] Madame Gallant ajoute que depuis février 2012 un « robot » a été mis en opération et permet d’éviter l’utilisation de la spatule. La mise en place de cette machine a permis d’augmenter l’efficacité de la vitesse de production.
[46] Une « tapeuse » automatique a également été mise en place à compter de mars 2009. Elle « tape » la boîte au complet. Il existe également des « tapeuses » manuelles. La plus petite sans le ruban pèse 310 grammes alors que la grosse pèse 480 grammes. Une roulette de ruban neuve pèse pour sa part 260 grammes. Elle admet cependant que lorsque la boîte est trop large ou pour solidifier le fond d’une boîte contenant du 50 %, il peut arriver que la préposée soit obligée d’utiliser la « tapeuse » manuelle avant d’acheminer la boîte à la « tapeuse » automatique.
[47] Finalement, elle indique avoir consulté les rapports de production et avoir constaté que la travailleuse a effectué 37,88 heures supplémentaires en 2009 alors qu’en 2011, elle en a fait 17,21 heures.
témoignage du docteur raynald rioux
[48] Le docteur Raynald Rioux, médecin généraliste, témoigne à la demande de l’employeur.
[49] Il commente dans un premier temps des extraits de littérature issus de banques de données reconnues dans le milieu médical scientifique. Selon cette littérature, l’étiologie du syndrome du canal carpien réfère plus souvent à des causes personnelles qu’à des causes occupationnelles. Ainsi, le sexe, l’âge, le poids et l’hérédité sont souvent des causes associées. Ceci étant, le docteur Rioux faisant référence à un des documents produits[11] souligne qu’un nombre considérable d’articles indique que l’élévation de l’indice de la masse corporelle constitue un facteur de risque principal pour le développement d’un syndrome du canal carpien. Finalement, dans 43 % des cas, les causes sont inconnues.
[50] Concernant les facteurs de risque associés au travail, le docteur Rioux mentionne toutefois que les tâches exigeant une grande force et une grande répétitivité sont associées au développement d’un syndrome du canal carpien. Il retient par conséquent comme facteurs de risque : les mouvements répétitifs de la main, la force de préhension, la posture anormale des mains et des poignets et l’utilisation d’outils vibrants.
[51] Commentant le cas à l’étude, le docteur Rioux insiste sur le fait qu’il est important d’évaluer l’ensemble du tableau. Il souligne en l’espèce que la travailleuse, avec un indice de masse corporelle de 33, présente deux facteurs de risque personnels, soit le sexe et l’obésité.
[52] Relativement au poste de travail, le docteur Rioux est d’avis que le poste de journalière au département du précuit ne demande pas d’effort important ni de mobilisation extrême. Au contraire, la mobilisation observée est de faible amplitude.
[53] En regard de la notion de répétitivité lors du travail avec la spatule, le docteur Rioux souligne qu’il faut tenir compte de la variabilité entre le début du convoyeur et la fin où le nombre de tranches à ramasser est moindre. La spatule est légère et peut souvent être déposée lorsque la travailleuse est au milieu ou à la fin du convoyeur. De même, la prise des tranches de bacon est effectuée sur un court laps de temps suivi d’un temps de repos.
[54] Au moment de la manipulation de la glace sèche, la pelle est gardée dans la main environ deux secondes.
[55] Lors du « tapage » des boîtes, le docteur Rioux remarque une légère déviation radiale au début. Cette déviation se corrige en cours de mouvement et le poignet termine en position neutre.
[56] Bref, le docteur Rioux est d’opinion que même si le travail comporte une certaine répétitivité, il y a une variation dans les tâches qui doit être considérée. En somme, le fait de faire des mouvements de faible amplitude sans effort, dans un contexte de rotation de postes aux trente minutes n’est pas susceptible selon lui de développer un syndrome du canal carpien.
[57] Questionné sur la bilatéralité, le docteur Rioux souligne que la main gauche n’est pas sollicitée de la même façon, entre autres la spatule n’est pas manipulée par cette main. Cet état de fait milite, selon lui, en faveur de la thèse de la condition personnelle. De même, il lui apparaît étonnant que la travailleuse ait été en mesure d’effectuer ce poste de travail durant douze ans avant que la maladie ne fasse son apparition.
[58] Appelé à commenter la littérature médicale déposée par madame Larivière, le docteur Rioux souligne entre autres que les critères de Sluiter dont madame Larivière s’est inspirée ne sont pas spécifiques au syndrome du canal carpien. De même, il précise que certaines études ne retiennent pas que la répétitivité seule peut être un facteur favorisant le développement de cette maladie.
L’AVIS DES MEMBRES
[59] Le membre issu des associations syndicales de même que le membre issu des associations d’employeurs partagent le même avis.
[60] Ainsi, ils considèrent que la preuve prépondérante ne démontre pas que le travail de journalière au département du précuit chez l’employeur comporte des risques particuliers pouvant avoir causé le diagnostic retenu de syndrome du canal carpien bilatéral.
[61] En effet, ils accordent une valeur prépondérante à l’opinion médicale et au témoignage du docteur Rioux ainsi qu’à l’opinion de la docteure Lemay, médecin régionale de la CSST.
[62] Ceci étant, ils estiment que la requête de la travailleuse doit être rejetée et que la décision de refus de la CSST siégeant en révision administrative doit être confirmée.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[63] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la travailleuse a subi une lésion professionnelle le ou vers le 26 février 2010.
[64] Dans le présent dossier, le diagnostic non contesté et par conséquent retenu par le tribunal aux fins de l’analyse est celui de syndrome du canal carpien bilatéral.
[65] D’emblée, la notion d’accident du travail est écartée de même que la notion de rechute, récidive ou aggravation. La preuve établit au contraire qu’aucun événement particulier ni fait accidentel n’est survenu, que la travailleuse n’a aucun antécédent et qu’au surplus, elle a commencé à ressentir des engourdissements un an avant la production de sa réclamation.
[66] Le tribunal doit donc déterminer si la travailleuse a souffert d’une maladie professionnelle telle que définie à l’article 2 de la loi qui se lit comme suit :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[67] Afin de faciliter la démonstration de la présence d’une maladie professionnelle, le législateur a édicté une présomption en faveur de la travailleuse que l’on retrouve à l’article 29 de la loi, lequel se lit comme suit :
29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.
Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.
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1985, c. 6, a. 29.
[68] Ainsi, afin de bénéficier de la présomption de maladie professionnelle prévue à l'article 29, la travailleuse doit prouver, par une preuve prépondérante, qu’elle est atteinte d’une maladie prévue à l’annexe I et qu’elle exerce un travail correspondant à cette maladie d’après l’annexe.
[69] En l’espèce, le diagnostic de syndrome du canal carpien n’est pas une maladie répertoriée à l’annexe I de la loi faisant en sorte que la travailleuse ne peut bénéficier de la présomption de l’article 29 de la loi.
[70] En l’absence d’application de la présomption de l’article 29, l’article 30 de la loi prévoit ce qui suit :
30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.
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1985, c. 6, a. 30.
[71] Soulignons que le tribunal ne dispose d’aucune indication lui permettant d’assimiler la présente affaire à une maladie caractéristique du travail au sens de l’article 30. La preuve démontre au contraire qu’aucune réclamation pour un tel diagnostic na été reconnue par la CSST.
[72] La travailleuse a donc le fardeau de démontrer par une preuve prépondérante que le syndrome du canal carpien bilatéral qu’elle a présenté est relié aux risques particuliers de son travail de journalière au département du précuit.
[73] À ce sujet, le tribunal considère important de préciser le fardeau de preuve qui incombe à la travailleuse. Celle-ci doit en effet démontrer par une preuve prépondérante, en fonction de la balance des probabilités, qu’elle a été exposée à des risques particuliers dans l’exécution de ses tâches et que ces risques particuliers ont été significatifs et déterminants dans l’apparition et/ou le développement de sa maladie.
[74] Bien que le fardeau de preuve requis ne soit pas celui de la certitude scientifique, il n’est pas pour autant suffisant d’invoquer de simples possibilités pour convaincre le tribunal. Ceci étant, la simple allégation d’une problématique particulière dans l’exécution d’une tâche n’est pas suffisante, une preuve médicale permettant de démontrer la relation entre les risques particuliers du travail et la maladie diagnostiquée est requise[12].
[75] En regard du fardeau de preuve qui incombe à la travailleuse, la Commission des lésions professionnelles exprime ce qui suit[13] :
[46] La preuve médicale revêt une importance toute particulière puisque, même si la détermination des risques particuliers peut se faire par une preuve profane, l’établissement d’une relation entre ces risques et un diagnostic relève en grande partie de la preuve d’expert. Cependant, le fardeau de preuve est celui de la balance des probabilités et il n’est donc pas nécessaire qu’une preuve de certitude scientifique soit faite8.
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8. Brasserie Labatt ltée et Trépanier, [2003] C.L.P. 1485 .
[76] Ceci étant, le tribunal estime que la preuve en l’espèce ne démontre pas que la travailleuse a été exposée à des risques particuliers dans l’exécution de ses tâches et au surcroît que ceux-ci ont été significatifs et déterminants dans le développement de la maladie.
[77] D’emblée, le tribunal écarte les facteurs de risque de vibrations et de force. D’une part, aucune preuve n’a été présentée concernant la présence de vibrations. D’autre part, la preuve ne permet pas davantage de conclure à l’utilisation de force. À ce sujet, bien que la travailleuse ait allégué que certaines tâches telles que la mise en boîte ou la manipulation des paquets de bacon appelés 50 % nécessitaient de sa part le déploiement d’une certaine force, madame Larivière et le docteur Rioux n’ont pas retenu ces situations comme pouvant être à risque. Ceci étant, en l’absence de preuve probante permettant de conclure que ces tâches constituent un risque de développer un syndrome du canal carpien bilatéral, le tribunal ne peut retenir cet argument.
[78] Les experts se sont plutôt attardés sur les facteurs de répétitivité et de postures contraignantes; le tribunal se propose donc de disposer de la question en litige en analysant ces deux facteurs.
[79] Il est clair en l’espèce que le poste de journalière au précuit comporte une certaine répétition de mouvements surtout lorsque la travailleuse occupe les postes où il y a manipulation de la spatule. Les deux experts s’entendent d’ailleurs là-dessus.
[80] Bien qu’il admette que le poste comporte un certain facteur de répétitivité, le docteur Rioux est d’opinion qu’il faut tenir compte également de la variabilité entre le début du convoyeur où toutes les tranches de bacon y sont disposées, le milieu où la quantité diminue et la fin du convoyeur où le nombre de tranches est beaucoup moindre. Le tribunal constate au visionnement de la vidéo qu’effectivement, cette situation diminue la cadence de travail en y interposant des temps de repos, ce qui a pour conséquence de réduire considérablement l’impact du facteur de répétitivité.
[81] Madame Larivière a procédé, pour sa part, à un décompte des mouvements perceptibles à la vue sans toutefois faire une distinction entre une action, un cycle de travail et un mouvement. Il appert toutefois de la littérature déposée que cette distinction essentielle doit être effectuée dans le cadre d’une telle analyse. De plus, madame Larivière ne semble pas avoir tenu compte de la variabilité qui existe entre le début du convoyeur, le milieu et la fin; du moins, son opinion est muette à ce sujet.
[82] Le tribunal conclut par conséquent que bien qu’il y ait une certaine répétitivité dans les postes où il y a une manipulation de la spatule, la prise en compte de la variabilité sur le convoyeur amoindrit l’importance de ce facteur et fait en sorte que le tribunal ne considère pas qu’il s’agit en l’espèce « d’une haute répétitivité » telle que reconnue dans la littérature médicale.
[83] En ce qui a trait aux postures contraignantes, la preuve dont le tribunal dispose est à l’effet que les mouvements effectués sont surtout des gestes de préhension et de pince des doigts alors que les poignets sont, soit en position neutre, soit en légère déviation cubitale ou radiale ou en légère flexion ou extension.
[84] Le tribunal retient du témoignage des deux experts qu’il n’y a pas de position ou d’amplitudes extrêmes. Ces derniers se sont d’ailleurs également entendus sur cet aspect à l’audience.
[85] Le tribunal constate par ailleurs que les seules mesures d’amplitude de mouvement qui apparaissent au dossier sont celles qui ont été prises par le docteur Gilbert en 2002. Bien que la description de la tâche offerte par le docteur Gilbert fasse référence à une travailleuse qui tient la spatule de la main gauche contrairement à la travailleuse qui est droitière et bien qu’il y ait eu des modifications de tâches depuis cette étude, la description fournie par le docteur Gilbert du poste de spatule est similaire au visionnement de la vidéo. La travailleuse ayant confirmé en audience que l’enregistrement vidéo correspond à sa façon de travailler, le tribunal considère qu’il peut tenir compte des données recueillies par le docteur Gilbert.
[86] Ainsi, en l’absence de preuve contraire quant aux mesures d’amplitude de mouvement, le tribunal considère comme probante l’opinion du docteur Gilbert sur cet aspect et conclut qu’il n’y a pas de preuve de postures contraignantes sur le poste de spatule. À cela, s’ajoute bien entendu le constat des deux experts à l’audience en regard de l’ensemble des postes.
[87] Madame Larivière retient au surplus la posture de prise en pince durant plus de quatre heures comme étant un facteur de risque supplémentaire. Questionnée sur les périodes de temps de repos, madame Larivière soutient que celles-ci n’éliminent pas le facteur de risque. Avec respect, le tribunal ne partage pas cette opinion. La preuve démontre que la travailleuse ne tient pas la spatule durant quatre heures consécutives; on parle plutôt d’une heure. De plus, durant cette heure, la travailleuse selon sa position au convoyeur peut déposer la spatule sur celui-ci.
[88] De même, lorsque la travailleuse effectue la rotation et change de côté du convoyeur, certes elle tient la spatule, mais de façon statique sans mouvement, sans résistance et sans force. Adhérer à la prétention de madame Larivière en viendrait à conclure que le simple fait de tenir dans ses mains un objet durant plusieurs minutes ou plusieurs heures peut être un facteur de risque supplémentaire. Le tribunal n’est pas d’accord avec cette prétention.
[89] La preuve d’une relation entre le travail et le diagnostic de syndrome du canal carpien repose pour la travailleuse sur l’opinion et le témoignage de madame Larivière. Pour les motifs déjà exposés, le tribunal conclut que madame Larivière est demeurée trop évasive sur des précisions qu’elle aurait dû apporter et qui ont été soulevées par le tribunal.
[90] La Commission des lésions professionnelles retient plutôt les opinions des docteurs Gilbert, Rioux et Lemay de la CSST et les considère comme prépondérantes.
[91] Le tribunal conclut par conséquent que la preuve médicale prépondérante ne permet pas de conclure que le poste de journalière au précuit occupé par la travailleuse est compatible avec l’apparition d’un syndrome du canal carpien bilatéral.
[92] Dans les circonstances, il y a lieu de rejeter la requête de la travailleuse.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête déposée le 14 juillet 2011 par madame Jacynthe Chartier (la travailleuse);
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 13 juin 2011 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que madame Jacynthe Chartier n’a pas été victime d’une lésion professionnelle le ou vers le 26 février 2010 et qu’en conséquence, elle n’a pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
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Renée-Claude Bélanger |
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M. Réjean Potvin |
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C.S.N. (SHERBROOKE) |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Sylvain Toupin |
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CAIN LAMARRE CASGRAIN WELLS |
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Représentant de l’employeur Les Aliments Prince (Bacon America/International) |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] À l’audience, ce poste en particulier a fait l’objet d’une preuve plus élaborée.
[3] Cet enregistrement a été déposé sous la cote T-1.
[4] La travailleuse a déclaré à l’audience que ce vidéo est représentatif de son travail même si elle n’y apparaît pas.
[5] Voir à cet effet la page 1 du dossier constitué.
[6] Aux fins de cette portion de l’audience, les deux experts présents, soit madame Ève Laperrière, ergonome, pour la travailleuse et docteur Raynald Rioux, pour l’employeur, ont été appelés, à la demande du tribunal, à s’entendre sur une description des mouvements effectués par les poignets et les mains.
[7] La travailleuse témoigne que le poids de la boîte doit être de 6 kg et non 4 kg.
[8] Le bacon est cuit à 50 %.
[9] Ce document a été déposé sous la cote T-2.
[10] Ces documents sont déposés sous les cotes T-3, T-4, T-5, E-1, E-2.
[11] Les facteurs de risque personnel pour le syndrome du tunnel carpien. Une revue de littérature.
[12] Gendron et 9118-9274 Québec inc., C.L.P. 396287-31-0912, 1er juin 2010, G. Tardif; Les industries de moulage Polytech inc. et Pouliot, C.L.P. 144010-62B-08, 20 novembre 2001; Cadieux et B.O.L.D., C.L.P. 216395-64-0309, 1er juin 2004, R. Daniel.
[13] Gendron et 9118-9274 Québec inc. déjà cité à la note 12.