Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Janvier et Fleury Station-service

2012 QCCLP 5725

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

10 septembre 2012

 

Région :

Laurentides

 

Dossiers :

413689-64-1006-R  413690-64-1006-R

 

Dossiers CSST :

089194625   131065989

 

Commissaire :

Pauline Perron, juge administratif

 

Membres :

René F. Boily, associations d’employeurs

 

Stéphane Marinier, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

413689-64-1006

413690-64-1006

 

 

Daniel Janvier

Daniel Janvier

Partie requérante

Partie requérante

 

 

et

et

 

 

Fleury Station-service (Fermé)

La petite maison de Pointe-Calumet

Partie intéressée

Partie intéressée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 11 mars 2011, monsieur Daniel Janvier (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 7 février 2011 (le Tribunal).

[2]           Par cette décision, le Tribunal rejette les deux requêtes du travailleur et déclare qu’il n’a pas subi une récidive, rechute ou aggravation, le ou vers le 9 décembre 2009, de sa lésion professionnelle survenue le 21 mai 1985 (dossier 413689-64-1006) ni de celle survenue le 10 février 2007 (dossier 413690-64-1006).

[3]           Le travailleur se présente seul à l’audience tenue par la Commission des lésions professionnelles le 20 juin 2012. Fleury Station-service (employeur 1) est une entreprise fermée et La petite maison de Pointe-Calumet (employeur 2) n’est pas représenté. La cause est mise en délibéré à la date d’audience.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]           Le travailleur présente des faits survenus postérieurement à la décision rendue et demande la révision de la décision au motif que ces nouveaux faits ont un effet déterminant.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]           Monsieur Stéphane Marinier, membre issu des associations syndicales, et monsieur René F. Boily, membre issu des associations d’employeurs, sont d’avis qu’aucun motif pouvant donner ouverture à la décision rendue n’a été soumis. Il y lieu de rejeter la requête.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[6]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il y a lieu de réviser ou de révoquer la décision rendue par le Tribunal.

[7]           L’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la Loi) permet à la Commission des lésions professionnelles de réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue.

[8]           Cette disposition définit les critères donnant ouverture à la révision ou la révocation d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles :

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[9]           Elle doit être lue en conjugaison avec le troisième alinéa de l’article 429.49 de la Loi qui édicte le caractère final et sans appel des décisions de la Commission des lésions professionnelles :

429.49.  […] 

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[10]        Le législateur a voulu ainsi assurer la stabilité juridique des décisions rendues par le Tribunal. Il y a donc lieu d’interpréter ces deux dispositions de façon à respecter les objectifs législatifs.

[11]        Comme l’a rappelé la Cour supérieure, dans le cadre des anciens articles 405 et 406 de la Loi mais dont le principe s’applique intégralement aux articles 429.56 et 429.49, les décisions sont finales et sans appel et la Commission des lésions professionnelles ne peut agir comme un tribunal d’appel[2].

[12]        En ce qui concerne le « vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision », motif qui est le plus souvent soulevé, la Commission des lésions professionnelles, s’inspirant des interprétations données par les tribunaux supérieurs et d’autres tribunaux chargés d’appliquer des dispositions similaires, s’est prononcée à plusieurs occasions sur la portée de ce terme peu de temps après son adoption[3].

[13]        Il ressort de ces décisions qu’une erreur de fait ou de droit peut constituer un « vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision » si le requérant démontre que cette erreur est manifeste et qu’elle a un effet déterminant sur la décision rendue. Une erreur manifeste est une erreur flagrante[4].

[14]        Le pouvoir de révision ne peut servir de prétexte à la demande d’une nouvelle appréciation de la preuve soumise au premier Tribunal ou à un appel déguisé[5]. Il ne peut également être l’occasion de compléter ou bonifier la preuve ou l’argumentation soumise au Tribunal[6].

[15]        Aussi, plus récemment, la Cour d’appel a été appelée à se prononcer sur l’interprétation de la notion de vice de fond.

[16]        En 2003, dans l’affaire Bourassa[7], elle rappelle la règle applicable en ces termes :

[21]    La notion [de vice de fond] est suffisamment large pour permettre la révocation de toute décision entachée d'une erreur manifeste de droit ou de fait qui a un effet déterminant sur le litige. Ainsi, une décision qui ne rencontre pas les conditions de fond requises par la loi peut constituer un vice de fond.

 

[22]      Sous prétexte d'un vice de fond, le recours en révision ne doit cependant pas être un appel sur la base des mêmes faits. Il ne saurait non plus être une invitation faite à un commissaire de substituer son opinion et son appréciation de la preuve à celle de la première formation ou encore une occasion pour une partie d'ajouter de nouveaux arguments(4).

__________

(4)             Yves Ouellette. Les tribunaux administratifs au Canada : procédure et preuve. Montréal : Éd. Thémis, 1997. P. 506-508 ; Jean-Pierre Villaggi. « La justice administrative », dans École du Barreau du Québec. Droit public et administratif. Volume. 7 (2002-2003). Cowansville : Y. Blais, 2002. P. 113, 127-129.

 

 

[17]        La Cour d’appel a de nouveau analysé cette notion dans l’affaire CSST c. Fontaine[8] alors qu’elle devait se prononcer sur la norme de contrôle judiciaire applicable à une décision en révision.

[18]        Le juge Morissette, après une analyse approfondie, rappelle les propos du juge Fish dans l’arrêt Godin[9] et réitère qu’une décision attaquée pour le motif d’un vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision.

[19]        La Cour d’appel réitère cette position quelques semaines plus tard dans l’affaire Touloumi[10].

[20]        Ainsi, les principes retenus dès 1998 ont été analysés par la Cour d’appel et ils demeurent. Elle invite la Commission des lésions professionnelles en révision à continuer de faire preuve d’une très grande retenue et de ne pas utiliser la notion de vice de fond à la légère. Elle insiste sur la primauté à accorder à la première décision et sur la finalité de la justice administrative. En d’autres termes, la première décision rendue par la Commission des lésions professionnelles fait autorité et ce n'est qu'exceptionnellement que cette décision pourra être révisée.

[21]        Quant à l’allégation de faits nouveaux, la jurisprudence[11] a établi trois critères afin de conclure à l’existence d’un fait nouveau soit :

1-           la découverte postérieure à la décision d’un fait qui existait au moment de l’audience;

2-           la non-disponibilité de cet élément de preuve au moment où s’est tenue l’audience initiale;

3-           le caractère déterminant qu’aurait eu cet élément sur le sort du litige, s’il eut été connu en temps utile.

[22]        Cette même jurisprudence enseigne que le « fait nouveau » ne doit pas avoir été créé postérieurement à la décision du premier juge administratif. Il doit plutôt avoir existé avant cette décision, mais avoir été découvert postérieurement à celle-ci, alors qu’il était impossible de l’obtenir au moment de l’audience initiale. Il doit également avoir un effet déterminant sur le sort du litige[12].

[23]        Dans le cas qui nous occupe, le travailleur, dans sa requête écrite, souligne son désaccord avec la décision rendue sur neuf paragraphes. Il n’invoque toutefois pas d’erreur manifeste et déterminante au sens où la jurisprudence le reconnaît comme nous l’avons déjà exposé. Le travailleur n’est d’ailleurs pas revenu sur ces points en audience. Notons que la décision rendue est claire, intelligible et bien motivée.

[24]        C’est plutôt le fait qu’il a passé un nouvel examen par résonance magnétique et qu’il a subi une nouvelle chirurgie postérieurement à la décision rendue qu’il nous expose pour demander la révision de la décision. Il indique que la décision rendue par le Tribunal le « bloque » car la CSST ne veut plus rendre une nouvelle décision au motif que la décision du Tribunal a « tout réglé ». Il veut donc que l’on change la décision.

[25]        Tel qu’expliqué au travailleur lors de l’audience, ce ne sont pas des faits qui peuvent permettre d’invalider la décision rendue, car le Tribunal ne pouvait les connaître puisqu’ils n’existaient pas. Avec les éléments que possédait le Tribunal, il ne pouvait établir une relation entre sa condition et les événements initiaux. Il en va de la stabilité des décisions rendues de ne pas constamment revenir sur les décisions rendues à partir de faits postérieurs à cette décision.

[26]        Toutefois, ces faits postérieurs peuvent donner ouverture à une nouvelle réclamation pour récidive, rechute ou aggravation et la CSST se doit de traiter cette nouvelle demande et ne peut se contenter de référer verbalement à la décision rendue. Les nouvelles informations médicales permettront ou non de déclarer une nouvelle récidive, rechute ou aggravation.

[27]        La Commission des lésions professionnelles a donc invité le travailleur à faire une nouvelle démarche auprès de la CSST et d’exiger une décision par cet organisme.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de monsieur Daniel Janvier, le travailleur.

 

 

__________________________________

 

Pauline Perron

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Pétrin c. C.L.P. et Roy et Foyer d’accueil de Gracefield, C.S. Montréal 550-05-008239-991, 15 novembre 1999, j. Dagenais.

[3]           Produits forestiers Donahue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733 ; Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783 .

[4]           Lamarre et Day & Ross inc., [1991] C.A.L.P. 729 .

[5]           Franchellini et Sousa, précitée, note 3.

[6]           Moschin et Communauté Urbaine de Montréal, [1998] C.L.P. 860 ; Lamarre et Day & Ross précitée, note 4; Sivaco et C.A.L.P., [1998] C.L.P.180; Charrette et Jeno Neuman & fils inc., C.L.P. 87190-71-9703, 26 mars 1999, N. Lacroix; Pétrin c. C.L.P. et Roy et Foyer d’accueil de Gracefield, précitée, note 2.

[7]           Bourassa c. Commission des lésions professionnelles, [2003] C.L.P. 601 (C.A.).

[8]           [2005] C.L.P. 626 (C.A.).

[9]           Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.).

[10]         CSST c. Touloumi, [2005] C.L.P. 921 (C.A) .

[11]         Bourdon c. Commission des lésions professionnelles, [1999] C.L.P. 1096 (C.S.); Pietrangelo et Construction NCL, 107558-73-9811, 17 mars 2000, Anne Vaillancourt; Nadeau et Framatome Connectors Canada inc., 110308-62C-9902, 8 janvier 2001, D. Rivard, 2000LP-165; Soucy et Groupe RCM inc., 143721-04-0007, 22 juin 2001, M. Allard, 2001LP-64; Provigo Dist. (Maxi Cie) et Briand, 201883-09-0303, 1er février 2005, M. Carignan; Lévesque et Vitrerie Ste-Julie, 200619-62-0302, 4 mars 2005, D. Lévesque; Roland Bouchard (succession) et Construction Norascon inc. et als, 210650-08-0306, 18 janvier 2008, L. Nadeau.

[12]         Bourdon c. C.L.P., Id.

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