Safi et Pétroles Super Écono inc. |
2010 QCCLP 3198 |
______________________________________________________________________
______________________________________________________________________
[1] Le 5 octobre 2009, monsieur Akram Safi (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 30 septembre 2009 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 20 juillet 2009 où elle déclare que le travailleur n’a pas subi une récidive, rechute ou aggravation le 20 mai 2009 de sa lésion professionnelle du 15 décembre 2003 en fonction d’un diagnostic de hernie discale lombaire et d’une radiculopathie.
[3] L’audience s’est tenue à Montréal le 1er avril 2010 en présence du travailleur et de son représentant. L’employeur, Les Pétroles Super Écono inc., était représenté par un avocat.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande de reconnaître qu’il a subi une récidive, rechute ou aggravation au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) le 20 mai 2009. Il demande plus particulièrement au tribunal de reconnaître que le diagnostic de cette lésion est celui de neuropathie compressive partielle du sciatique gauche.
MOYEN PRÉALABLE
[5] L’employeur s’oppose à ce que la Commission des lésions professionnelles se prononce en fonction du diagnostic de neuropathie compressive partielle du sciatique gauche. Selon ce dernier, il ne s’agit pas d’un diagnostic émis par le médecin traitant et la situation qui prévaut est la même que lors de la dernière audience devant le tribunal le 14 novembre 2008.
[6] Le travailleur soumet pour sa part que le rapport de son médecin traitant, qui se dit d’accord avec l’opinion du docteur Bernier, entraîne l’endossement de ce diagnostic et, en conséquence, permet au tribunal de le retenir pour les fins d’adjudication.
LES FAITS SUR LE MOYEN PRÉALABLE
[7] Le travailleur subit une lésion professionnelle le 15 décembre 2003 lorsqu’il fait une chute d’un camion. Un diagnostic d’entorse lombaire est alors posé.
[8] Le travailleur est suivi par la docteure Katherine Reed qui agit à titre de médecin traitant. Elle maintient toujours le diagnostic d’entorse lombaire et fait également état de douleur sciatique.
[9] Le 3 mai 2004, le docteur Robert Marien, orthopédiste, à la demande de la CSST, soumet son avis. Il note que le travailleur se plaint d’une douleur lombaire avec irradiation à la fesse gauche, mais soumet qu’en raison d’un examen neurologique normal, le diagnostic à retenir en est un d’entorse lombaire. Il recommande l’octroi d’un pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ainsi que des limitations fonctionnelles.
[10] Le 25 mai 2004, la docteure Reed se dit en accord avec l’opinion du docteur Marien.
[11] Le 21 juillet 2004, le docteur Serge Bourdua, agissant à titre de membre du Bureau d’évaluation médicale, émet un avis où il ne reconnaît aucun pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitations fonctionnelles à la suite de l’entorse lombaire du 15 décembre 2003.
[12] Le 9 novembre 2004, le docteur Tinco Tran, orthopédiste, dans son premier rapport médical contenu au dossier, consolide une hernie discale interne avec radiculopathie S1.
[13] Le 10 novembre 2004, le docteur Tran produit un rapport d’évaluation médicale final où il mentionne que la chute sur les fesses a exercé une force de compression énorme sur le disque L5-S1 ayant produit une rupture annulaire évoluant en discopathie pathologique détectée à l’imagerie.
[14] Le 16 novembre 2004, la Commission des lésions professionnelles amenée à se prononcer sur la conformité de l’avis du docteur Bourdua rend une décision où elle reconnaît que, des suites de son entorse lombaire, le travailleur conserve un pourcentage d’atteinte permanente à son intégrité physique de 2,2 % ainsi que les limitations fonctionnelles suivantes :
· éviter de travailler en position statique assise ou debout pour plus de deux heures à la fois;
· doit être allouer la possibilité de changer de position à volonté pour soulager sa douleur;
· éviter les mouvements répétitifs de flexion et extension;
· éviter les vibrations de basse fréquence;
· éviter de transporter des charges de plus de 15 kg;
[15] Pour la Commission des lésions professionnelles, la procédure d’évaluation médicale était irrégulière compte tenu du fait que la docteure Reed s’était dit d’accord avec l’opinion du docteur Marien.
[16] Les 24 mars et 16 juin 2005, le docteur Tran pose un diagnostic de hernie discale et radiculopathie.
[17] Le 2 août 2005, le docteur Tran fait état d’une hernie discale lombaire compliquée d’une radiculopathie. Le 14 décembre 2005, un électroneuromyogramme relève de discrètes anomalies à l’extensor digitorum brevis et au gastrocnemius gauche. Le tout étant compatible avec une discrète dysfonction segmentaire S1 gauche.
[18] Les 5 janvier, 14 février, 6 avril, 6 juillet, 5 septembre et 5 décembre 2006 de même que le 7 mars 2007, le docteur Tran reprend le diagnostic de hernie discale lombaire et radiculopathie.
[19] Le 2 novembre 2006, la CSST accuse réception des rapports médicaux du docteur Tran et rend une décision refusant de reconnaître la relation entre les diagnostics de hernie discale L5-S1 et radiculopathie S1 et l’accident de travail du 15 décembre 2003.
[20] Dans le cadre d’un appel logé auprès de la Commission des lésions professionnelles portant sur la relation existant entre le diagnostic de hernie discale L5-S1 et radiculopathie S1 et l’événement initial, le travailleur consulte le docteur Jean-Pierre Bernier, neurologue, à titre d’expert.
[21] Dans son rapport daté du 20 avril 2007, le docteur Bernier conclut de la façon suivante en page 13 :
Diagnostics à retenir dans ce dossier :
Subjectivement, la description des symptômes semble suggérer une radiculopathie sensitive davantage que motrice, de la racine S1 du côté gauche.
À l’examen, le Lasègue et le tripode ont une faible positivité. L’examen musculaire est normal. Le réflexe achiléen est normal. La diminution de sensibilité à la face externe du pied et du talon est comparable, anatomiquement, avec le diagnostic de radiculopathie S1. On doit considérer dans le diagnostic différentiel une atteinte partielle, surtout sensitive du nerf sciatique gauche proximale.
Au plan radiologique, la première IRM de la colonne lombaire, faite le 2 mars 2004, ne montrait pas de fracture ou de hernie discale de L1 à L5, mais seulement de légers changements dégénératifs de l’annulus à L5-S1 et une arthrose facettaire à L4-L5 et L5-S1.
Pour sa part, l’IRM du 29 janvier 2006, ne montrait que des signes de discopathie à L5-S1 et une petite hernie discale sous-ligamentaire centrale, sans évidence de compression radiculaire. Ces changements légers, peu spécifiques, se retrouvent chez bon nombre d’individus qui n’ont pas de symptômes au niveau et du côté où ces anomalies sont décrites et ne peuvent expliquer, à mon avis, le tableau de lombo-sciatalgie chronique et sévère du membre inférieur gauche.
[22] Il ajoute à la page 15 de son expertise :
1. Pouvez-vous relier de façon probable ls diagnostics de :
· Hernie discale L5 - S1
· Radiculopathie lombaire S1
À l’accident de travail du 15 décembre 2003 ou à ses conséquences ?
Je pense qu’il est improbable que l’accident de travail du 15 décembre 2003 ait causé d’une part une hernie discale à L5-S1 et d’autre part, une radiculopathie S1 que j’ai tenté de démontrer à la section précédente.
Par contre, j’ai également tenté de démontrer que monsieur Safi a présenté une neuropathie compressive partielle du sciatique gauche, dans sa région proximale lors de l’accident de travail de décembre 2003. Le mécanisme accidentel a été une chute sur les fesses d’une hauteur de 9 à 10 pieds selon monsieur Safi. Ceci a probablement provoqué une compression aiguë du nerf sciatique au niveau de la fesse gauche, plus précisément au niveau de l’échancrure du nerf sciatique au niveau de l’ischion, ce qui rend compte à mon avis, de la localisation de la douleur locale dans cette région et aussi, de la présence de symptômes sensitifs dans le territoire du nerf sciatique. Cela explique également la présence d’anomalies légères à l’EMG dans au moins un muscle innervé par chacune des deux branches principales du nerf sciatique, soit le nerf tibial pour le gastrocnemius et le nerf sciatique poplité externe, pour l’EDB.
Quant à la lombalgie et les restrictions légères de mouvement du rachis lombaire, elles sont à mon avis, des séquelles fonctionnelles objectives d’une entorse lombaire survenue lors de l’accident, comme l’a proposé avant moi le docteur Marien, orthopédiste.
Dans la mesure où ces deux problèmes sont maintenant présents depuis environ 40 mois, leurs manifestations serons à mon avis, permanentes.
[sic]
[23] Le 5 juin 2007, le docteur Tran reprend le diagnostic de hernie discale lombaire et radiculopathie.
[24] Le 31 octobre 2007, le travailleur demande à la CSST de reconnaître une récidive, rechute ou aggravation sur la base des conclusions du docteur Bernier.
[25] Le 8 avril 2008 la CSST rend une décision refusant de se prononcer sur le nouveau diagnostic retenu par le docteur Bernier en raison du fait que ce dernier ne serait pas le médecin traitant.
[26] Le 26 août 2008, le docteur Tran reprend le diagnostic de hernie discale lombaire et radiculopathie.
[27] Le 4 novembre 2008, le docteur Tran pose un diagnostic de hernie discale lombaire compliquée d’une radiculopatie.
[28] Les 5 février et 6 mai 2009, le docteur Tran reprend les diagnostics de hernie discale lombaire et radiculopathie.
[29] Le 12 mai 2009, la Commission des lésions professionnelles rend une décision portant sur la relation entre le diagnostic de hernie L5-S1 et de radiculopathie S1 et l’accident de travail du 15 décembre 2003 et sur la recevabilité du diagnostic de neuropathie compressive partielle du nerf sciatique gauche émis par le docteur Bernier.
[30] La Commission des lésions professionnelles[2] aborde le statut du docteur Bernier de la façon suivante :
[26] À l’audience, le travailleur affirme qu’il est suivi par le docteur Tran aux trois mois. Le docteur Bernier admet dans son témoignage qu’il a reçu un mandat d’expertiser le travailleur par son avocat, ne l’a rencontré qu’une seule fois dans le cadre du litige et ne l’a jamais suivi. Il est donc admis que le docteur Bernier n’a jamais acquis le statu de médecin qui a charge, son statu est plutôt celui d’un expert retenu pour les fins des litiges devant nous.
[27] La première question est donc de savoir si le fait que le nouveau diagnostic de neuropathie compressive du nerf sciatique gauche ne provient pas du médecin qui a charge empêche la CSST ainsi que la Commission des lésions professionnelles de s’en saisir et de se prononcer sur sa relation avec la lésion professionnelle reconnue. La deuxième question est de savoir si une fois que la CSST épuise sa compétence, la Commission des lésions professionnelles peut-elle s’en saisir et se prononcer sur la relation du nouveau diagnostic et la lésion professionnelle.
[28] Les articles de la loi pertinents à ces questions sont les suivants :
212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants :
1° le diagnostic;
2° la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;
3° la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;
4° l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;
5° l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.
L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.
__________
1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.
__________
1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.
[29] Une fois que le dossier est dirigé au Bureau d'évaluation médicale, la CSST est liée par ses conclusions :
224.1. Lorsqu'un membre du Bureau d'évaluation médicale rend un avis en vertu de l'article 221 dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.
Lorsque le membre de ce Bureau ne rend pas son avis dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par le rapport qu'elle a obtenu du professionnel de la santé qu'elle a désigné, le cas échéant.
Si elle n'a pas déjà obtenu un tel rapport, la Commission peut demander au professionnel de la santé qu'elle désigne un rapport sur le sujet mentionné aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 qui a fait l'objet de la contestation; elle est alors liée par le premier avis ou rapport qu'elle reçoit, du membre du Bureau d'évaluation médicale ou du professionnel de la santé qu'elle a désigné, et elle rend une décision en conséquence.
La Commission verse au dossier du travailleur tout avis ou rapport qu'elle reçoit même s'il ne la lie pas.
__________
1992, c. 11, a. 27.
[30] Toute l’économie de la loi repose sur la primauté de l’opinion du médecin qui a charge. Ce n’est qu’après que le dossier soit soumis au Bureau d'évaluation médicale et que le Bureau d'évaluation médicale se prononce sur des questions médicales énoncées à l’article 212 de la loi que le travailleur peut se prévaloir de son droit de contester devant la Commission des lésions professionnelles[3].
[31] Le tribunal ajoute :
[38] Le travailleur, une fois qu’il a reçu l’opinion du docteur Bernier, aurait dû la soumettre soit aux médecins qui ont charge soit, en l’espèce, l’omnipraticien, le docteur Reed, ou bien l’orthopédiste, le docteur Tran, afin que, soit l’un, soit l’autre, puisse en prendre connaissance et émettre une opinion quant à la relation entre les nouveaux diagnostics posés par le docteur Bernier et les conséquences de la lésion professionnelle initiale.
[39] Mais, le travailleur a décidé d’envoyer l’opinion du docteur Bernier directement à la CSST, sans passer par l’étape primordiale et essentielle visée par le législateur qui requiert et privilégie l’opinion du médecin qui a charge. Cette lacune dans le cheminement du dossier constitue un obstacle tant pour la CSST que pour la Commission des lésions professionnelles de pouvoir s’en saisir. C’est donc à bon droit que les instances antérieures considèrent qu’elles ne possèdent pas la compétence requise pour décider des nouveaux diagnostics retenus par l’expert du travailleur. Le dossier, tel que présentement constitué, ne permet pas non plus à la Commission des lésions professionnelles de se saisir de cette question et de se prononcer sur le fond. Au surplus, l’absence d’un avis du Bureau d'évaluation médicale sur la question du diagnostic nous empêche aussi, à ce stade, de discuter du diagnostic de la lésion professionnelle. Tout en admettant que le diagnostic pourrait bien être évolutif, encore faut-il que le tribunal possède la compétence nécessaire afin de pouvoir se prononcer sur la relation réclamée entre un nouveau diagnostic et la lésion professionnelle reconnue.
[40] Au risque de le répéter, le travailleur doit acheminer l’expertise du docteur Bernier au médecin qui a charge afin que ce dernier puisse en prendre connaissance et émette une opinion disant s’il fait sien ou non l’avis de l’expert. Le dossier ne peut se voir actualiser qu’après cette étape complétée.
[41] Il s’ensuit que les deux requêtes doivent être rejetées.
[32] Le 20 mai 2009, le docteur Tran émet une attestation médicale qui mentionne :
Hernie discale lombaire compliquée de radiculopathie reliée à la chute du 15-12-03. Je suis de la même opinion du Dr Bernier - Entorse lombaire est un diagnostic très vague et jamais objectivable [sic]
[33] Le 25 mai 2009, la docteure Reed émet une attestation médicale qui énonce :
I saw him from jan 03- march 04. He was suffering from sciatic nerve symptoms. I have not seen him since 22 march 2004 at which time he was not improved [sic]
[34] Le 25 mai 2009, le travailleur présente une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation accompagnée de l’attestation médicale du docteur Tran du 20 mai 2009.
[35] Le 20 juillet 2009, la CSST rend une décision refusant la réclamation du 25 mai 2009. Elle s’exprime en ces termes :
Nous avons reçu les documents concernant la réclamation pour une rechute, récidive ou aggravation pour laquelle, votre médecin traitant a diagnostiqué une hernie discale lombaire et une radiculopathie. Nous vous informons que nous ne pouvons accepter cette réclamation pour la raison suivante :
-Il n’y a pas de détérioration objective de votre état de santé en regard à l’événement du 15 décembre 2003.
[36] Le 30 septembre 2009, la CSST, à la suite d’une révision administrative, confirme sa décision du 20 juillet 2009. Elle déclare, entre autres choses, être liée par le diagnostic de hernie discale lombaire et de radiculopathie. Elle est silencieuse par rapport à tout autre diagnostic.
L’AVIS DES MEMBRES
[37] La membre issue des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis accueillir l’objection de l’employeur et de reconnaître que l’objet du litige porte uniquement sur la reconnaissance d’une récidive, rechute ou aggravation avec un diagnostic de hernie discale lombaire associée à une radiculopathie reliée à la chute du 15 décembre 2003. A leurs yeux, le rapport médical du Dr Tran ne permet pas de retenir le diagnostic de neuropathie compressive partielle du nerf sciatique gauche.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION SUR LE MOYEN PRÉALABLE
[38] La Commission des lésions professionnelles doit statuer sur la portée à accorder à l’attestation médicale du 20 mai 2009 du docteur Tran et déterminer le diagnostic qui lie les parties aux fins de statuer sur l’existence d’une récidive, rechute ou aggravation.
[39] Conformément à l’article 224 de la loi, les parties sont liées par l’opinion du médecin traitant :
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.
__________
1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.
[40] L’identité du médecin traitant ne fait pas de doute. Seul le docteur Tran a effectivement suivi le travailleur en 2009. Il a émis l’attestation médicale au soutien de la réclamation. Pour sa part, l’attestation émise par la docteure Reed indique qu’elle n’a pas vu le patient depuis 2004. A ce chapitre, il serait difficile de lui reconnaître le statut de médecin traitant, puisqu’elle n’a prodigué aucun soin.
[41] Pour ce qui est du docteur Bernier, la Commission des lésions professionnelles s’est déjà prononcée sur son statut au moment où il a complété son rapport d’expertise et aucun nouveau document émanant de ce médecin ne se retrouve au dossier ou n’a été soumis à la CSST.
[42] La Commission des lésions professionnelles est donc liée par l’opinion du docteur Tran pour ce qui a trait au diagnostic à analyser.
[43] Le procureur du travailleur est d’avis que la mention : « Je suis de la même opinion du Dr Bernier » est suffisante pour conclure que le diagnostic de neuropathie compressive partielle du sciatique gauche est également émis par le docteur Tran à l’intérieur de l’attestation médicale du 20 mai 2009.
[44] Le docteur Tran n’a jamais posé formellement le diagnostic de neuropathie compressive partielle du sciatique gauche. Il a toujours posé un diagnostic de hernie discale lombaire et de radiculopathie. À cet effet, le tribunal se réfère aux rapports et attestations du docteur Tran des 9 et 10 novembre 2004; 24 mars, 16 juin et 2 août 2005; 5 janvier, 14 février, 6 avril, 6 juillet, 5 septembre et 5 décembre 2006; 5 juin 2007; 28 août et 4 novembre 2008; 5 février et 6 mai 2009.
[45] Pour le docteur Tran, la symptomatologie du travailleur s’explique par une composante discale. C’est essentiellement l’opinion qu’il émettait à l’intérieur de son rapport d’évaluation médicale du 10 novembre 2004, où il mentionnait :
La chute sur les fesses à l’événement du 15-12-03 exerce un force de compression énorme sur le disque L5-S1, produit une rupture annulaire évoluant à discopathie pathologique détectée en imagerie faite plus de 3 mois après. La réadaptation professionnelle est nécessaire. [sic]
[46] Pour sa part, le docteur Bernier ne retient pas de composante discale. A son avis, le tout découle d’une atteinte compressive aiguë du nerf sciatique au niveau de la fesse gauche, plus précisément au niveau de l’échancrure du nerf sciatique au niveau de l’ischion. Il considère d’ailleurs, contrairement à l’avis du docteur Tran, que les anomalies découvertes aux bilans radiologiques ne peuvent expliquer le tableau de lombosciatalgie du travailleur.
[47] Le site de la lésion est différent pour ces deux médecins. La hernie discale se retrouve en lombaire au niveau du dos alors que la neuropathie compressive est au niveau de l’ischion qui est une partie inférieure du bassin.
[48] Contrairement au docteur Tran, le docteur Bernier associe les lombalgies aux séquelles fonctionnelles objectives d’une entorse lombaire et non en raison d’une hernie discale.
[49] Il existe donc une incompatibilité entre l’opinion du docteur Tran et celle du docteur Bernier sur la nature des symptômes du travailleur et cette contradiction demeure lorsque le docteur Tran réitère le diagnostic de hernie discale lombaire et radiculopathie à l’intérieur de son attestation du 20 mai 2009.
[50] Le tribunal ne peut conclure que le docteur Tran modifie ses diagnostics pour retenir ceux du docteur Bernier lorsque le seul diagnostic dont il fait mention dans son attestation médicale du 20 mai 2009 est : « hernie discale compliquée d’une radiculopathie reliée à la chute ». Il réitère son opinion.
[51] Il existe également une contradiction flagrante dans les opinions des deux médecins lorsque le docteur Tran écrit : « Entorse lombaire est un diagnostic très vague et jamais objectivable ».
[52] Cet énoncé est difficilement conciliable avec l’affirmation du docteur Bernier qui mentionne : « Quant à la lombalgie et les restrictions légères de mouvement du rachis lombaire, elles sont à mon avis, des séquelles fonctionnelles objectives d’une entorse lombaire survenue lors de l’accident, comme l’a proposé avant moi le docteur Marien, orthopédiste. » (nos soulignements)
[53] Le docteur Tran est d’opinion que l’entorse lombaire n’est jamais objectivée alors que le Dr Bernier nous mentionne constater des séquelles objectives d’une telle entorse. Le tribunal ne peut en venir à la conclusion que les deux médecins partagent la même opinion sur cette question.
[54] Dans les faits, le seul élément contenu à l’attestation médicale qui n’est pas clair est celui où il inscrit : « Je suis de la même opinion du Dr Bernier. »
[55] Cette mention à l’attestation du docteur Tran du 20 mai 2009 suscite plus de questions qu’elle n’apporte de réponse. Aux yeux du tribunal, elle porte à confusion et l’interprétation que veut y donner le travailleur entraînerait des contradictions difficilement soutenables avec ce qui est effectivement écrit à l’attestation du 20 mai 2009.
[56] Compte tenu du fait que l’opinion du médecin traitant est déterminante quant aux droits des parties, cette dernière doit s’exprimer sans ambiguïté. La présente situation ne permet pas de considérer que le docteur Tran a réfuté son opinion diagnostique pour épouser celle du docteur Bernier. Il aurait fallu qu’il soit plus précis et qu’il ne laisse pas planer autant d’incertitude pour en conclure autrement.
[57] Comme le docteur Tran ne pose pas directement le diagnostic de neuropathie compressive partielle du nerf sciatique gauche, le travailleur souhaite qu’en raison de la mention de son accord avec l’opinion du docteur Bernier, le rapport de ce dernier devienne liant. Dans un tel cas, le tribunal ferait abstraction du rapport du docteur Tran pour ne retenir que celui du docteur Bernier.
[58] Il existe quelques situations où le médecin traitant pourra se référer à l’opinion d’un autre médecin pour exprimer son avis. La production d’un rapport complémentaire en est un exemple.
205.1. Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.
La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216 .
__________
1997, c. 27, a. 3.
[59] Ainsi, lorsque le médecin traitant modifie son opinion dans le cadre d’un rapport médical écrit complémentaire, il doit motiver son opinion. Dans l’affaire Guillemette et Consortium Cadoret, Savard, Tremblay, Casault[4], la Commission des lésions professionnelles mentionnait :
[46] À ce stade-ci, le tribunal rappelle que le législateur a consacré dans la loi le principe de la primauté de l’avis du médecin ayant charge du travailleur sur les questions d’ordre médical8. Or, le docteur Cserny a rempli le formulaire « Information médicale complémentaire écrite » en croyant à tort qu’il ne pouvait remettre en question les conclusions du médecin spécialiste. Une telle interprétation est incompatible avec le principe énoncé et le tribunal ne peut la cautionner.
[47] Par ailleurs, il est bien établi que le travailleur est lié par les conclusions du médecin l’ayant pris en charge et qu’il n’existe aucune disposition législative lui permettant de les contester9. En contrepartie, pour donner une opinion valable sur l’un des points mentionnés aux paragraphes 1 à 5 du premier alinéa de l’article 212 de la loi, le médecin doit avoir en main toutes les informations pertinentes10, ce qui n’était pas le cas du docteur Cserny.
[48] Il est également reconnu que le médecin ayant charge du travailleur peut, en vertu de l’article 205.1 de la loi, se rallier à l’opinion du médecin désigné par la CSST, sans nécessairement procéder à un nouvel examen du travailleur. Dans ce cas, sa réponse relativement aux sujets traités à l’article 212 de la loi lie la CSST selon les dispositions de l’article 224 de la loi11. En revanche, lorsque le médecin ayant charge du travailleur modifie sa position initiale, son rapport complémentaire doit être clair, ne pas présenter d’ambiguïté et ne pas porter à interprétation12. Voici ce que mentionnait récemment la commissaire Carmen Racine dans l’affaire Tremblay et Providence Notre-Dame de Lourdes13 à ce sujet :
« [133] La Commission des lésions professionnelles retient de ces différents extraits de décisions que, sollicité par la CSST afin de produire un rapport complémentaire, le médecin qui a charge peut, soit contredire le rapport du médecin expert ou se rallier à ses conclusions.
[134] Il n’a aucune obligation d’examiner la travailleuse avant d’adhérer aux conclusions et motivations du médecin expert. Par ailleurs, son opinion à cet égard doit être claire et limpide.
[135] Ainsi, la Commission des lésions professionnelles constate que n’ont pas été assimilées à des réponses claires et limpides, la simple mention « d’accord » sur le rapport complémentaire dans un cas où le médecin expert consolide la lésion sans atteinte permanente ou limitations fonctionnelles et où le médecin traitant poursuit le suivi médical après avoir manifesté son accord avec ces conclusions8 ou les mentions « rien à ajouter » et « je ne m’objecte pas à cette décision » alors que le médecin expert modifie le diagnostic retenu par le médecin traitant, que ce dernier perd de vue la travailleuse durant un certain temps avant de produire le rapport complémentaire et qu’il admet, par la suite, ne pas avoir en main toutes les informations pertinentes9.
__________
8 9 Références omises. »
[49] En l’espèce, vu les rapports médicaux contradictoires rédigés par le docteur Cserny, les 16 février, 5 mai, 10 juin et 4 août 2005, le tribunal considère que le formulaire « Information médicale complémentaire écrite » transmis à la CSST n’était pas suffisamment clair pour constituer un rapport liant la CSST au sens de l’article 224 de la loi.
________________________
8 St-Louis et Centre hospitalier de soins de longue durée René-Lévesque, C.L.P. 114337-62-9903, 15 juin 2000, L. Vallières; Rousseau et Boiseries du Saint-Laurent inc., C.L.P. 178495-01A-0202, 27 mai 2004, D. Sams.
9 Voir notamment : Doyer et Gonzague Bissonnette, C.A.L.P. 17237-04-9002, 9 juillet 1991, P. Brazeau; Chiazzese et Corival inc., [1995] C.A.L.P. 1168 ; Legault et C.H.V.O. Pavillon Gatineau, C.L.P. 124289-07-9910, 21 mai 2002, A. Vaillancourt.
10 Gagné et Entreprise Cuisine-Or, C.L.P. 231454-03B-0404, 13 juin 2005, M. Cusson.
11 Lacombe et Novexcel inc., C.L.P. 172763-62C-0111, 8 juillet 2002, N. Tremblay.
12 McQuinn et Étiquettes Mail-Well, C.L.P. 201087-62A-0303, 31 janvier 2005, N. Tremblay; Saint-Arnaud et Ville de Trois-Rivières, C.L.P. 256038-04-0502, 20 décembre 2005, D. Lajoie.
13 C.L.P. 247398-71-0411, 24 février 2006, C. Racine.
[60] Le médecin traitant peut également déléguer ses responsabilités à un autre médecin lorsqu’il refuse de compléter le rapport d’évaluation médicale final prévu à l’article 203 de la loi.
203. Dans le cas du paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2° du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui-ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.
Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant :
1° le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des indemnités pour préjudice corporel adopté par règlement;
2° la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion;
3° l'aggravation des limitations fonctionnelles antérieures à celles qui résultent de la lésion.
Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.
__________
1985, c. 6, a. 203; 1999, c. 40, a. 4.
[61] Dans une telle situation, on ne doit pas retrouver de contradiction entre l’opinion du médecin qui a charge et celui qui complète le rapport. Un rapport d’évaluation médical final qui ne respecterait pas cette règle ne serait pas liant aux fins de l’application de la loi. C’est essentiellement la conclusion à laquelle en est arrivée la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Das et Plastiques Balcan ltée[5].
[59] Il est vrai qu’aucune disposition de la loi ne prévoit explicitement la démarche à suivre en cas de contradiction entre le rapport d’évaluation médicale fait par un médecin à la demande du médecin qui a charge et le rapport final de ce dernier, les deux rapports visant à se conformer aux exigences de l’article 203 de la loi.
[60] La Commission des lésions professionnelles a déjà eu à trancher une telle question et a tantôt accordé la qualité liante au rapport d’évaluation médicale7 et tantôt au rapport final du médecin qui a charge8, suivant les circonstances.
[61] Pour sa part, la Cour d’appel, qui s’est penchée sur cette question dans l’affaire Lapointe9, où les faits étaient similaires à ceux de l’espèce, estime que dans une telle situation, la CSST devait constater l’existence d’une contradiction entre les deux rapports et obtenir une nouvelle évaluation du travailleur par un médecin qu’elle désigne, tel que lui permet l’article 204 de la loi. Cette démarche aurait pour conséquence de permettre au travailleur de se prévaloir d’un recours pour établir sa véritable condition médicale, si la contradiction persiste et amène le dossier devant le Bureau d’évaluation médicale.
[62] La Commission des lésions professionnelles constate que l’approche proposée par la Cour d’appel, en plus de protéger le droit du travailleur de choisir son médecin qui a charge, s’harmonise avec les dispositions des articles 205.1 et 212.1 de la loi qui apparaissent au chapitre de la procédure d'évaluation médicale et qui prévoient que lors de contradictions entre l’opinion du médecin qui a charge et celui désigné par la CSST ou celui désigné par l’employeur, le dossier peut être soumis au Bureau d’évaluation médicale pour trancher le différend. Ceci permet aux parties de se prévaloir d’un recours pour faire valoir leur opinion.
[63] Suivant le raisonnement développé par la Cour d’appel, constatant l’existence d’une contradiction entre les rapports des docteurs Marien et Harvey, la CSST aurait dû réagir et requérir du travailleur qu’il se soumette à un examen auprès d’un médecin qu’elle aurait désigné en vertu de l’article 204 de la loi.
[64] La procédure suivie par la CSST, et qui semble découler d’un simple automatisme, empêche la Commission des lésions professionnelles d’attribuer une valeur liante au rapport d’évaluation médicale du docteur Marien.
[65] La CSST a simplement tenté d’obtenir du docteur Harvey son accord aux conclusions du docteur Marien, accord qu’elle a d’ailleurs obtenu. Toutefois, cette façon de procéder n’a fait que compliquer les choses puisque le docteur Harvey a modifié son opinion initiale sans examiner le travailleur et sans donner d’explication. La Commission des lésions professionnelles estime que ce changement d’opinion de la part du docteur Harvey, quant à l’existence de limitations fonctionnelles, ne peut aucunement être retenu pour deux raisons.
_______________________
7 Larivière et Hôpital du Haut-Richelieu, C.A.L.P. 38310-62-9203, 9 mars 1994, M. Lamarre; Armatures Bois-Francs inc. et Allard, C.L.P. 171777-64-0111, 22 avril 2003, R. Daniel.
8 Fata et Pavage CCA inc. [1997] C.A.L.P. 1102 , révision rejetée 88456-60-9612, 25 février 1998, T. Giroux.
9 Précitée, note 3 [Lapointe c. CLP, C. A. Montréal, 500-09-013413-034, 19 mars 2004, jj. Forget, Dalphond, Rayle, (03LP-313).].
[62] Ainsi, pour qu’un rapport émanent d’un autre médecin que le médecin traitant devienne l’avis liant aux fins de l’application de l’article 224 de la loi, l’opinion du médecin traitant qui l’entérine doit être claire et sans contradiction. Pour les motifs précédemment exprimés, les contradictions apparentes entre les opinions des docteurs Tran et Bernier ne permettent pas de conclure que cette règle a été respectée.
[63] Le travailleur est d’avis que le tribunal ne devrait pas faire preuve d’un formalisme excessif quant aux exigences que devrait comporter l’attestation du docteur Tran pour permettre d’analyser la présence d’une rechute en fonction du diagnostic de neuropathie compressive partielle du nerf sciatique gauche.
[64] Le travailleur a tout à fait raison lorsqu’il prétend qu’il n’existe pas de formulation particulière ou prédéfinie à l’attestation médicale et à son contenu.
[65] Pour lier les parties au sens de l’article 224 de la loi ou permettre à ces dernières d’exercer leur droit d’initier la procédure d’évaluation médicale (articles 205.1, 206 et 212.1), il faudra toutefois que l’opinion émise par ce médecin soit claire et que l’on retrouve la mention de l’élément que l’on souhaite voir être retenu, ce qui n’est manifestement pas le cas en l’espèce en ce qui a trait au diagnostic de neuropathie compressive partielle du sciatique gauche.
[66] Il découle de ces dispositions sur la procédure d’évaluation médicale que le diagnostic doit être clairement émis par le médecin traitant. Obliger les parties à déduire l’existence d’un diagnostic non écrit n’apparaît pas conforme à l’esprit de la loi. Au sens de l’article 224 de la loi, c’est l’opinion du médecin traitant qui lie les parties, pas l’interprétation que l’on devrait en faire. Il faut se limiter au texte du document. S’il faut interpréter le document pour en retenir l’interprétation qui devient liante au sens de l’article 224, on remet en cause l’équité de la procédure d’évaluation médicale et laisse la détermination des droits des parties aux aléas de cet exercice. L’ensemble des parties sont en droit de connaître dès le départ les éléments qui seront considérés pour fins d’adjudication. Il s’agit là d’une règle élémentaire de justice et d’équité.
351. La Commission rend ses décisions suivant l'équité, d'après le mérite réel et la justice du cas.
Elle peut, par tous les moyens légaux qu'elle juge les meilleurs, s'enquérir des matières qui lui sont attribuées.
__________
1985, c. 6, a. 351; 1997, c. 27, a. 13.
[67] Compte tenu du fait que la Commission des lésions professionnelles ne peut en venir à la conclusion qu’elle est liée par un autre diagnostic que celui de hernie discale lombaire compliquée d’une radiculopathie reliée à la chute du 15 décembre 2003, elle ne peut se prononcer sur celui de neuropathie compressive du sciatique gauche.
[68] Le moyen préalable soulevé par l’employeur est donc accueilli.
LES FAITS SUR LE FOND DU LITIGE
[69] Bien qu’invité à ce faire, le travailleur n’a pas présenté de preuve sur la question de déterminer s’il existe une récidive, rechute ou aggravation le 20 mai 2009 en fonction d’un diagnostic de hernie discale compliquée de radiculopathie reliée à la chute du 15 décembre 2003.
[70] Aux éléments de preuve déjà rapportés précédemment, la Commission des lésions professionnelles retient également ceux mentionnés dans les paragraphes qui suivent.
[71] Le 5 mai 2004, le docteur Rhodes, qui examine le travailleur à la demande du médecin traitant, pose un diagnostic d’entorse lombaire et suggère d’éliminer une blessure discale.
[72] Le 18 mars 2004, le docteur Rhodes retient uniquement un diagnostic d’entorse soulignant que la résonnance magnétique ne démontre que des changements dégénératifs aux niveaux L4-L5 et L5-S1.
[73] Le 30 janvier 2006, une résonnance magnétique démontre la présence de discopathie L5-S1 avec une petite hernie sous-ligamentaire centrale qui n’apparaît pas entraîner de compression ni de sténose.
[74] Le 12 mai 2009, la Commission des lésions professionnelles déclare que les diagnostics de hernie discale interne et de radiculopathie ne sont pas en relation avec l’accident du 15 décembre 2003.
[75] Le 20 mai 2009, le docteur Tran pose un diagnostic de hernie discale lombaire compliquée d’une radiculopathie reliée à la chute du 15 décembre 2009.
L’AVIS DES MEMBRES
[76] La membre issue des associations syndicales de même que le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis que le travailleur n’a pas fait la preuve que le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation le 20 mai 2009. Il n’existe pas de preuve de relation médicale entre la hernie discale lombaire compliquée d’une radiculopathie diagnostiquées en 2009 et l’accident de travail de 2003 qui a entraîné une entorse lombaire.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[77] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation survenue le 20 mai 2009 en fonction d’un diagnostic de hernie discale lombaire compliquée d’une radiculopathie reliée à la chute du 15 décembre 2003.
[78] Dans le présent dossier, le diagnostic de la lésion d’origine en est un d’entorse lombaire. Bien que suspectée au départ, la composante discale a été éliminée par les docteurs Reed, Rhodes, Marien, Bourdua et Bernier.
[79] La hernie centrale retrouvée à la résonnance magnétique en janvier 2006 a été déclarée non en relation avec l’accident de travail par la Commission des lésions professionnelles. Pour que le tribunal reconnaisse la présence d’une récidive, rechute ou aggravation en mai 2009, le travailleur doit fournir la preuve prépondérante que la hernie discale lombaire diagnostiquée en mai 2009 est en relation avec l’entorse lombaire subie en 2003. Le travailleur n’a pas fait cette preuve.
[80] La Commission des lésions professionnelles ne dispose d’aucun élément expliquant en quoi une entorse subie en 2003 aurait entraîné une hernie discale lombaire en 2009.
[81] De plus, il n’existe pas de preuve prépondérante permettant de conclure à une modification du tableau clinique entre novembre 2006, date de la dernière demande de rechute, et mai 2009.
[82] Le travailleur n’a pas, non plus, démontré que la hernie discale, compliquée de radiculopathie, diagnostiquée en 2009 pouvait constituer une autre forme de lésion professionnelle.
[83] La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que le travailleur n’a pas établi avoir subi une lésion professionnelle le 20 mai 2009.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête déposée par monsieur Akram Safi, le travailleur, le 5 octobre 2009;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 30 septembre 2009 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que monsieur Akram Safi n’a pas subi de lésion professionnelle le 20 mai 2009 et, qu’en conséquence, il n’a pas droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
|
|
|
Michel Larouche |
|
|
|
|
|
|
|
|
Me Jean Bellemare |
|
BELLEMARE, AVOCATS |
|
Représentant de la partie requérante |
|
|
|
Me Allan E. Feldman |
|
FRUMKIN, FELDMAN & ASS. |
|
Représentant de la partie Intéressée |
[1] L.R.Q. c. A-3.001
[2] Safi et Pétroles super Écono inc. (Les), C.L.P. 312795-71-0703, 12 mai 2009, J.D. Kushner
[3] Corbeil et Air Canada, C.L.P. 195853-61-0212, 20 décembre 2005, L. Nadeau.
[4] C.L.P. 276152-09-0511, 31 mars 2006, R. Arseneau
[5] C.L.P. 228495-72-0402, 25 octobre 2005, F. Juteau