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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Saint-Jérôme |
30 août 2006 |
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Région : |
Laurentides |
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Dossier CSST : |
125318980 |
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Commissaire : |
Me Thérèse Demers |
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Membres : |
Conrad Lavoie, associations d’employeurs |
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Claudette Lacelle, associations syndicales |
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Assesseur : |
Bernard Gascon, médecin |
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Entreprises Custer Inc. (Les) |
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Partie requérante |
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et |
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Yves Daoust |
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Partie intéressée |
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Dossier : 234220-64-0405
[1] Le 14 mai 2004, Les Entreprises Custer inc. (l’employeur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre de la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 27 avril 2004, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme sa décision initiale du 29 janvier 2004 et conclut de nouveau que monsieur Yves Daoust (le travailleur) a subi une lésion professionnelle le 8 décembre 2003, à savoir une entorse lombaire et qu’il a droit aux indemnités prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
Dossier : 257842-64-0503
[3] Le 16 mars 2005, l’employeur conteste également la décision rendue par la CSST le 22 février 2005, à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST confirme les décisions qu’elle a rendues le 12 janvier 2005 par lesquelles elle se déclare liée par l’avis émis par un membre du Bureau d’évaluation médicale en date du 7 janvier 2005 et déclare, par conséquent, que le travailleur conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique de 2,20 % et des limitations fonctionnelles et qu’il a droit à l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle se prononce sur sa capacité à exercer un emploi.
Dossier : 264460-64-0506
[5] Le 1er juin 2005, l’employeur soumet une troisième requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre cette fois de la décision rendue par la CSST le 21 avril 2005, à la suite d’une révision administrative.
[6] Par cette décision, la CSST confirme sa décision antérieure du 11 août 2004 et se déclarant liée par l’avis émis le 28 juillet 2004 par un membre du Bureau d’évaluation médicale, déclare que le diagnostic à retenir en est un d’entorse lombaire et que cette lésion est consolidée avec suffisance de soins et de traitements, le 23 juillet 2004.
[7] L’audience s’est tenue le 8 novembre 2005 en présence des parties et de leur procureur respectif.
[8] À la fin de l’audience, le travailleur obtient un délai pour soumettre des documents additionnels. Le 6 février 2006, le tribunal accepte de prolonger ce délai de même que ceux offerts aux deux parties pour le dépôt d’un complément d’argumentation, et ce, jusqu’au 17 février 2006 et ce n’est qu’à compter de cette dernière date que la commissaire soussignée a pu recueillir l’avis des membres issus des associations syndicales et d’employeurs qui avaient siégé avec elle et prendre le tout en délibéré.
L’OBJET DES REQUÊTES
Dossier : 234220-64-0405
[9] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle, sous quelque forme que ce soit, le 8 décembre 2003, et qu’il n’a pas droit à la protection de la loi. Il prétend plus spécifiquement qu’il n’existerait aucun lien de causalité probable entre les faits rapportés par le travailleur et les malaises lombaires dont ce dernier est atteint, peu importe le diagnostic retenu.
Dossier : 264460-64-0506
[10] À tout événement, l’employeur soutient que le diagnostic à retenir serait celui posé par le docteur Jacques Murray, orthopédiste, soit une lombalgie discogénique et qu’il s’agit d’une maladie reliée à une condition personnelle préexistante et symptomatique depuis plusieurs années, soit une discopathie lombaire. Cela étant, l’employeur soutient qu’il n’y a pas lieu, de se prononcer sur la date de la consolidation et de la suffisance des soins de cette lésion d’origine personnelle.
[11] De manière subsidiaire, soit dans le cas où le tribunal retiendrait, contrairement à ses prétentions, que le travailleur est atteint d’une entorse lombaire d’origine professionnelle, l’employeur invoque que cette lésion devrait être consolidée le 29 avril 2004, et ce, avec suffisance de soins et de traitements.
Dossier : 257842-64-0503
[12] De manière subsidiaire également, l’employeur prétend que cette entorse lombaire, si elle a existé, n’aurait pas entraîné d’atteinte permanente à l’intégrité physique ni de limitation fonctionnelle.
L’AVIS DES MEMBRES
[13] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs accueilleraient les requêtes de l’employeur puisque la preuve permet d’établir de manière probante que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 8 décembre 2003, et ce, peu importe le diagnostic retenu.
[14] La preuve offerte par le travailleur ne permet d’établir de manière probable que sa lésion à la région lombaire est survenue sur les lieux du travail et c’est pourquoi il n’y a pas lieu de présumer, en vertu de l’article 28 de la loi, qu’il a subi une lésion professionnelle. Le travailleur n’offre pas non plus une preuve crédible et probable quant à la survenance d’un accident de travail.
[15] La preuve la plus probante est à l’effet que la douleur rapportée par le travailleur s’est manifestée lors de l’exécution d’un geste banal, habituel et volontaire qui n’est pas susceptible d’engendrer une lésion à la région lombaire.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[16] Le tribunal doit, dans un premier temps, déterminer si le travailleur a ou non subi une lésion professionnelle le 8 décembre 2003.
[17] Le travailleur en l’espèce n’a qu’une seule prétention. Il soutient avoir subi une lésion professionnelle en se blessant, de manière imprévue et soudaine, à son travail le 8 décembre 2003. Est-ce bien le cas ?
[18] L’article 2 de la loi offre les définitions suivantes eu égard à la « lésion professionnelle » et à « l’accident du travail » :
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[19] Pour obtenir gain de cause, le travailleur doit démontrer, par l’entremise d’une preuve prépondérante, l’existence des trois éléments suivants. Il a été victime d’un accident à son travail le 8 décembre 2003, il s’est blessé à cette occasion et cette lésion est reliée à cet événement.
[20] Par ailleurs, si le travailleur est en mesure de démontrer que sa lésion constitue une blessure et qu’elle est arrivée sur les lieux de son travail alors qu’il effectue son travail, il peut se prévaloir de la présomption de lésion professionnelle prévue à l’article 28 de la loi et être ainsi déchargé de son fardeau d’établir l’existence d’un accident de travail, particulier et identifiable de même que l’existence d’un lien de causalité entre celui-ci et la lésion qu’il a subie, tel que l’exige l’article 2 de la loi.
28. Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 28.
[21] Le travailleur soutient que la preuve offerte de sa part lui permet de bénéficier de cette présomption car il serait démontré qu’il est atteint d’une entorse lombaire et que cette lésion est apparue de manière subite et imprévue sur les lieux de son travail alors qu’il accomplit son travail.
[22] Or, après avoir dûment analysé l’ensemble de la preuve, le tribunal conclut que le travailleur ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve, et ce, tant à l’égard de l’article 28 que de l’article 2 de la loi.
[23] À l’époque pertinente, le travailleur, âgé de 55 ans, exerce depuis 14 ans un emploi de menuisier-charpentier chez l’employeur.
[24] Il ne s’agit pas d’un emploi régulier à temps complet. Le nombre de semaines et d’heures travaillées par le travailleur au cours d’une même année varient énormément car tout dépend des contrats que son employeur obtient.
[25] À titre d’exemple, entre le 1er janvier et le 8 décembre 2003, le travailleur n’a travaillé que 664 heures, soit l’équivalent de 18 semaines à temps complet et dans la semaine précédant l’apparition de ses malaises à la région lombaire, soit entre le 30 novembre et le 8 décembre 2003, il a effectué que 8 heures de travail.
[26] Le lundi 8 décembre 2003, le travailleur doit exécuter des tâches diverses visant à clore un chantier résidentiel. Il doit ramasser tous les équipements et biens de l’employeur qui sont encore à cet endroit, dont la vingtaine de toiles isolantes de matière plastique qui recouvrent le terrain. Ces toiles mesurent 10 pieds de large par vingt-cinq pieds de long et pèsent environ de 25 à 30 livres. Il doit les rouler, les transporter et les embarquer dans un camion. Il est seul pour accomplir ce travail qu’il fait occasionnellement.
[27] Dans la réclamation produite auprès de la CSST, le 15 décembre 2003, le travailleur déclare que ses malaises à la région lombaire sont apparus au cours de l’accomplissement de cette tâche. Il écrit ce qui suit : « Je roulait des toiles isolantes. J’étais à genoux et en me relevant, mon dos a barré [sic] ».
[28] Le 23 décembre 2003, lors de la première consultation médicale, le travailleur indique à la docteure C. Boisvert qu’il « s’est penché pour rouler un tapis, en se relevant, a barré d’un coup ».
[29] Le 27 janvier 2004, lors d’une discussion avec l’agent de la CSST, le travailleur réitère avoir barré en se relevant.
[30] Le 7 avril suivant, un agent de la révision administrative recueille à nouveau la version du travailleur et indique ce qui suit au dossier :
Se penche pour rouler toile à bulles 2 pouces d’épais qui sert à empêcher le sol de geler. Toile 10’ X 25’. En se relevant son dos a "barré".
[31] Le 29 avril 2004, le travailleur réaffirme et mime avoir barré en se relevant alors qu’il est examiné, à la demande de l’employeur, par le docteur Jacques Murray, orthopédiste. Il tient ensuite des propos comparables à chaque fois qu’on l’interroge à ce sujet.
[32] Par ailleurs, à l’audience, le travailleur modifie de manière significative cette version des faits et des circonstances entourant l’apparition de ses malaises à la région lombaire.
[33] Dans un premier temps, il déclare que la douleur est apparue lorsqu’il se relève de la position penchée après avoir étendu et étiré une toile sur le sol avant de la rouler, ce qui correspond à peu de choses près à ses déclarations antérieures mais il affirme, par la suite, avec réserve et hésitations, que sa douleur lombaire est plutôt apparue au moment où il se relève de la position accroupie et qu’il effectue en même temps un mouvement de « swing » ou de torsion du tronc pour déposer sur une de ses épaules l’extrémité du rouleau formé par une toile qu’il vient de rouler. Il ajoute de plus que la douleur fut tellement vive qu’il est retombé au sol.
[34] En résumé, le travailleur soutient donc désormais avoir fait un faux mouvement lors d’une distorsion forcée du tronc suivie d’une chute mais comme il n’est pas en mesure d’expliciter davantage pourquoi il n’a jamais auparavant fait mention ou référence à ces éléments (chute, effort et faux mouvement) pourtant plus importants et plus difficiles à oublier qu’un simple geste d’élévation du tronc, le tribunal estime qu’il n’y a pas lieu de retenir cette version tardive et enrichie et retient que les faits décrits dans sa déclaration initiale, soit qu’il a barré en se relevant de la position penchée car c’est cette version, donnée à moult occasions par la suite, qui s’avère la plus probable compte tenu de sa contemporanéité.
[35] Bref, le tribunal ne croit pas que le travailleur a barré en effectuant un faux mouvement ou un geste brusque ou brutal de distorsion du tronc à son travail, le 8 décembre 2003. Bien au contraire, le tribunal conclut que le travailleur a barré en accomplissant un geste banal, usuel et dépourvu d’effort. Il s’est penché, s’est relevé et a barré d’un coup.
[36] Lors de l’argumentation, l’employeur prétend que le tribunal devrait accueillir ses requêtes car le geste ainsi décrit et incriminé par le travailleur ne saurait en aucune façon être à l’origine de sa lésion à la région lombaire, et ce, principalement si le tribunal tient compte du diagnostic avancé par le médecin traitant du travailleur, à savoir celui d’une entorse lombaire, car il ne comporte aucun mécanisme lésionnel susceptible de l’engendrer. Il ne s’agit nullement d’un mouvement de distorsion brusque avec élongation ou arrachement des ligaments de la région lombaire. C’est un mouvement banal, usuel et effectué de manière volontaire.
[37] L’employeur ajoute, qu’en pareilles circonstances, le travailleur ne doit pas bénéficier de la présomption de lésion professionnelle prévue à l’article 28 de la loi, car en l’absence de toute compatibilité entre le geste décrit et le diagnostic posé on ne saurait présumer que l’entorse alléguée est survenue sur les lieux du travail.
[38] Le tribunal est également de cet avis qui a été retenu, à maintes reprises, dans des cas comparables.
[39] En effet, tel que le mentionne le commissaire Jean-François Clément dans l’affaire Centre de protection et de réadaptation de la Côte-Nord et Marie Lefrançois[2], il n’est pas suffisant de démontrer que la blessure s’est manifestée sur les lieux du travail ou que des douleurs ont été ressenties à cet endroit pour avoir droit au bénéfice de la présomption de l’article 28 de la loi car, dans cet article, le législateur a bel et bien requis la preuve que la blessure est « arrivée sur les lieux du travail ».
[40] Or, telle que le précise le commissaire Clément dans cette même affaire, pour qu’une entorse arrive sur les lieux du travail, il faut être en présence d’un mouvement de distorsion brusque tel que le mentionnent les définitions d’usage et le présent tribunal dans de nombreuses décisions, dont :
Dans l’affaire Sauvé et Hôpital St-Luc[3], la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles a décidé qu’en l’absence de manoeuvre de torsion ou de mouvement brutal de distorsion sur les lieux du travail, la présomption ne pouvait pas s’appliquer puisqu’il n’y avait pas de preuve que l’entorse s’était produite sur les lieux du travail.
Dans l’affaire Later et J.M. Asbestos inc.[4], la Commission des lésions professionnelles conclut qu’en l’absence d’un mouvement brutal de distorsion d’un ligament à l’origine de l’entorse diagnostiquée, la travailleuse n’a pas fait la preuve que cette entorse est survenue en exécutant ses tâches.
Dans une autre affaire[5], la Commission d’appel conclut à la non-application de la présomption prévue à l’article 28 parce que le geste décrit par le travailleur constitue un geste normal et dépourvu de tout mouvement brutal de distorsion susceptible de causer une entorse. Le commissaire conclut que l’apparition de la douleur ne correspond pas dans le temps à la survenance de l’entorse faisant ainsi échec à la présomption.
Dans l’affaire Emballages Somerville et Binette[6], la Commission d’appel refuse elle aussi d’appliquer la présomption prévue à l’article 28 parce que le geste que la travailleuse décrit comme étant la cause de sa lésion n’a pu causer l’entorse diagnostiquée. Ainsi, la relation médicale nécessaire pour conclure que la blessure est arrivée sur les lieux du travail alors que la travailleuse est à son travail n’est pas démontrée.
Dans Lafrenière et Wal-Mart Canada inc.[7], la commissaire Manon Gauthier estime que la présomption prévue à l’article 28 ne peut trouver application parce que la travailleuse n’a pu démontrer que son entorse cervicale était survenue sur les lieux du travail alors qu’elle était à son travail. La commissaire estime que la travailleuse devait démontrer qu’elle avait posé un geste ou un mouvement, lorsqu’elle a exercé son activité de travail, susceptible de provoquer l’apparition d’une entorse cervicale.
Dans l’affaire Desjardins et Piscines Trévi inc.[8], la Commission des lésions professionnelles a encore une fois refusé d’appliquer la présomption prévue à l’article 28 parce que la travailleuse n’avait subi aucun coup ou contrecoup au travail au moment de l’événement allégué, faisant en sorte qu’on ne pouvait conclure que l’entorse cervicale était arrivée au travail alors que la travailleuse était à son travail.
Dans l’affaire Scierie Montauban inc. et Delisle[9], la commissaire Carole Lessard rappelle que l’apparition de la douleur sur les lieux du travail est insuffisante à elle seule pour établir la corrélation avec la blessure qui serait survenue au même moment. S’il est invraisemblable que la blessure diagnostiquée ait pu être causée par l’événement ou par le mouvement décrit, la présomption ne peut alors trouver application. Elle réfère de plus à de la jurisprudence qui va dans ce sens[10].
[41] En résumé, le présent tribunal considère que le principe émis dans toutes ces décisions s’appliquent parfaitement en l’espèce et conclut qu’il n’y a pas lieu de permettre l’application de la présomption prévue à l’article 28 de la loi à l’avantage du travailleur.
[42] À tout événement, même si le tribunal avait appliqué la présomption de l’article 28 de la loi, il aurait retenu, compte tenu de l’avis émis par le docteur Murray, qu’il n’y a pas de relation probable entre le geste décrit par le travailleur et la lésion diagnostiquée par son médecin et il l’aurait ensuite renversée, ce qui l’amènerait encore cette fois à ne pas présumer de l’existence d’une lésion professionnelle, en l’espèce.
[43] Cela étant écarté, le tribunal doit maintenant déterminer si la preuve soumise par le travailleur répond aux exigences de l’article 2 de la loi. Or, ce n’est pas le cas.
[44] Les gestes rapportés par le travailleur ont été effectués de manière volontaire. Il ne s’agit pas de gestes d’évitement ou accomplis dans le cadre d’une situation inattendue, imprévue et soudaine.
[45] Dans le contexte où, comme en l’espèce, il n’y a aucun faux mouvement de démontré, le fait de se pencher et de se relever doit être considéré comme un mouvement habituel et normal que toute personne est fréquemment appelée à accomplir au cours de sa vie et il ne peut être assimilé à un événement imprévu et soudain[11].
[46] Cela étant, le tribunal doit conclure que la situation rapportée par le travailleur ne répond pas également aux exigences de l’article 2 de la loi.
[47] À tout événement, le tribunal ne saurait davantage conclure à l’existence d’un lien de causalité entre le geste allégué par le travailleur avec l’un ou l’autre des diagnostics émis depuis le 8 décembre 2003, soit ceux d’entorse lombaire, de lombalgie discogénique et discopathie lombaire puisqu’il ne dispose d’aucun avis médical clair, crédible et documenté sur ce sujet.
[48] L’opinion médicale qui s’avère la plus probable en l’espèce est celle énoncée à l’effet contraire par le docteur Murray, le 29 avril 2003, car il est le seul à avoir analysé le mécanisme accidentel allégué et avoir tenu compte des antécédents du travailleur.
[49] Selon ce spécialiste, le geste décrit par le travailleur n’est pas susceptible d’avoir engendré une entorse lombaire ni d’avoir aggravé ou rendu symptomatique la maladie dégénérative aux niveaux L1-L2 et L5-S1 qui a pu être objectivée par les imageries médicales produites au dossier car il ne sollicite pas la région lombaire de manière anormale ou exagérée.
[50] Selon le docteur Murray, le fait que la condition lombaire du travailleur ne s’est pas améliorée depuis le 8 décembre 2003 accrédite davantage l’hypothèse d’un problème relié à une maladie lombaire d’origine dégénérative pouvant apparaître et réapparaître sans cause précise et évoluant de manière progressive, insidieuse et fluctuante au fil des ans que celle d’une blessure causée par un événement isolé et particulier car si tel avait été le cas, sa condition se serait progressivement améliorée après sa survenance. Or, ce n’est pas le cas.
[51] Cette conclusion s’avère d’autant plus probante dans le contexte où il est également démontré que le lendemain de l’apparition de sa douleur, le travailleur déclarait dans un formulaire complété à la clinique du docteur Robidou, chiropraticien, qu’il souffre de maux de dos depuis 1998 et qu’il présente de manière occasionnelle des douleurs irradiées à la jambe gauche et des épisodes de blocages, et ce, depuis 2002.
[52] L’ensemble de ces éléments amène le tribunal à conclure que c’est fort probablement, par hasard, que la condition personnelle du travailleur s’est manifestée et est devenue douloureuse alors que celui-ci se relève sur les lieux de son travail, le 8 décembre 2003.
[53] Or, tel que le mentionne la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Services Maritimes Desgagnés inc. et Yves Boudreault[12], produite par l’employeur à l’audience, la manifestation d’une douleur sur les lieux du travailleur ne permet pas de présumer qu’il y a eu un événement imprévu et soudain, celui-ci doit être prouvé et démontré par l’entremise d’une preuve prépondérante. Or, le travailleur ne s’est pas déchargé de ce fardeau de preuve.
[54] Bref, le tribunal retient que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 8 décembre 2003, car il n’est pas établi que la manifestation de sa douleur lombaire sur les lieux de son travail découle d’un événement imprévu et soudain.
[55] Cela dit, le tribunal accueille la première requête soumise par l’employeur, infirme la décision d’admissibilité rendue par la CSST et déclare sans objet, les décisions rendues subséquemment sur les conséquences médicales de la lésion lombaire du travailleur car il est désormais établi qu’il s’agit d’une maladie dégénérative d’origine personnelle.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier : 234220-64-0405
ACCUEILLE la requête soumise le 14 mai 2004 par Les Entreprises Custer inc., l’employeur ;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 27 avril 2004, à la suite d’une révision administrative ;
DÉCLARE que monsieur Yves Daoust (le travailleur) n’a pas subi une lésion professionnelle le 8 décembre 2003 et qu’il n’a pas droit aux indemnités prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Dossier : 257842-64-0503
DÉCLARE que la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 22 février 2005, à la suite d’une révision administrative, n’a plus d’objet ;
DÉCLARE également que la requête soumise le 16 mars 2005 par l’employeur n’a plus d’objet.
Dossier : 264460-64-0506
DÉCLARE que la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 21 avril 2005, à la suite d’une révision administrative, n’a plus d’objet ;
DÉCLARE également que la requête déposée le 1er juin 2005 par l’employeur n’a plus d’objet.
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Me Thérèse Demers |
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Commissaire |
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Me Marie-Ève Vanden Abeele |
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A.P.C.H.Q. |
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Représentante de la partie requérante |
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Me Chantal Paquet |
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C.S.D. |
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Représentante de la partie intéressée |
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[1] L.R.Q. c. A-3.001
[2] 228885-09-0403, le 24 août 2004
[3] C.A.L.P. 43868-60-9208, le 6 février 1995, B. Lemay, Révision rejetée, le 10 juillet 1995, A. Leydet.
[4] C.L.P. 109937-05-9902, le 1er mars 2000, F. Ranger.
[5] Payment et Ville de Verdun, C.A.L.P. 54402-62-9310, le 28 novembre 1994, R. Brassard.
[6] C.L.P. 123181-62-9909, le 18 avril 2000, R. Beaudoin.
[7] C.L.P. 137073-63-0005, le 17 janvier 2001, M. Gauthier.
[8] C.L.P. 125809-61-9910, le 27 février 2001, S. Di Pasquale (décision sur requête en révision).
[9] Précitée note 3.
[10] Planchers Beauceville et Leclerc, C.A.L.P. 08027-03-8806, le 13 juillet 1990, P. Brazeau ; Larocque et Métro-Richelieu inc., C.A.L.P. 06235-60-8801, le 23 janvier 1990, E. Harvey, requête en révision rejetée, le 12 juin 1990, P. Brazeau.
[11] Doiron et Briques Citadelle, précitée note 15 ; Labrecque et Hôpital Notre-Dame, Juri-sélection J2-21-18 ; Brissette et Coopérative fédérée/Abattoir St-Jean-Baptiste, Juri-sélection C1-12-21 ; Perreault et Consolidated-Bathurst inc., Juri-sélection J3-23-12 ; Les Ventes Castel Mercury ltée et Bertrand, C.A.L.P. 32290-60-9107 et 37465-63-9203, le 30 août 1993, Y. Tardif.
[12] 218356-03B-0310, 22 octobre 2004, Me Robin Savard