Claveau et Industrie GMI inc. |
2008 QCCLP 7445 |
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[1] Le 11 août 2008, monsieur Marc Claveau (le travailleur), dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 31 juillet 2008, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST modifie celle qu’elle a initialement rendue le 13 mai 2008. Elle déclare que le travailleur a droit au remboursement des travaux d’entretien courant du domicile au regard de la teinture extérieure de sa maison. Elle déclare de plus, que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût d’achat de son bois de chauffage, ni au remboursement du remplacement de son poêle à bois pour un poêle à granules, ni au remboursement des granules. Elle déclare en outre qu’il n’a pas droit à une allocation pour aide personnelle à domicile pour le nettoyage du bain et l’entretien de sa maison. Enfin, elle déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement des autres travaux demandés le 23 avril 2008.
[3] Une audience se tient à Chicoutimi le 26 novembre 2008. L’employeur n’est pas représenté. Le travailleur est présent et représenté. Le représentant de la CSST qui est intervenu au dossier a avisé la Commission des lésions professionnelles qu’il ne serait pas présent à l’audience. La cause est mise en délibéré le 26 novembre 2008.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] La contestation du travailleur vise à faire reconnaître son droit au remboursement de différents travaux, matériaux et équipements qui lui ont été refusés par la CSST. Le travailleur a présenté diverses demandes. Leur analyse permet de les catégoriser sous différentes rubriques :
- Le remboursement des frais relatifs aux tâches domestiques :
- nettoyage du bain;
- entretien de la maison;
- Le remboursement des frais relatifs à des travaux courants d’entretien du domicile :
- peinture extérieure de la maison;
- déneigement du toit de la maison;
- nettoyage des murs et des plafonds de même que du ventilateur et de la lumière du plafond;
- Le remboursement des frais relatifs à des travaux nécessaires à la finalisation de la construction de sa maison :
- finaliser la frise;
- construire un escalier extérieur;
- poser une porte de garage;
- poser de la tuile dans la chambre à coucher;
- Le remboursement des frais nécessaires à la réparation des vices de construction affectant sa maison :
- remplacer une poutre brisée dans sa chambre;
- modifier le plancher;
- modifier la charpente (fermes de toit);
- poser la laine minérale;
- remplacer les tuiles du plancher de la cuisine et de la chambre de bain;
- réparer les fondations et poser un drain pour enrayer les infiltrations d’eau
- Le remboursement des frais relatifs à la transformation et la réparation de certains équipements :
- changer le poêle à bois pour un poêle à granules et assurer l’approvisionnement en granules;
- remplacer la tondeuse;
- défrayer le coût des réparations de son auto;
[5] À l’audience, le tribunal a circonscrit avec le travailleur la portée de la décision qu’il devait rendre. Il a précisé qu’il ne se prononcerait pas au mérite, sur les demandes relatives au remboursement des frais relatifs aux tâches domestiques.
[6] En effet, la preuve documentaire au dossier ne permet pas d’établir que la CSST a évalué, en première instance, les demandes de nettoyage du bain et d’entretien de la maison, en fonction des paramètres établis par les articles 158 à 163 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
[7] Ces articles, et notamment l’article 160, traitent des conditions d’ouverture à l’aide personnelle à domicile. Dans sa décision du 13 mai 2008, la CSST indique que ces travaux ne font pas partie de l’entretien courant du domicile. Par ailleurs, dans sa décision rendue le 31 juillet 2008, à la suite d’une révision administrative, la CSST ne fait pas référence à la grille d’analyse prévue à l’Annexe I du Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile. Cette preuve n’est d’ailleurs pas versée au dossier. C’est pourquoi, en son absence, le tribunal a informé le travailleur qu’il infirmerait la partie de la décision de la CSST rendue le 31 juillet 2008 portant sur l’aide personnelle à domicile, tout en retournant le dossier à la CSST pour qu’elle analyse ses demandes en fonction des paramètres établis par le règlement et qu’elle rende une décision motivée.
L’AVIS DES MEMBRES
[8] Conformément à l’article 429.50 de la loi, le soussigné a demandé et obtenu l’avis des membres qui ont siégé avec lui sur la question faisant l’objet de la contestation ainsi que les motifs de cet avis.
[9] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que la requête du travailleur devrait être rejetée en partie. Ils estiment que les travaux nécessaires à la finalisation de la construction d’une maison, de même que ceux relatifs à la réparation des vices de construction affectant une maison, ne font pas partie des travaux d’entretien courant du domicile. Par ailleurs, ils estiment que le remboursement des frais relatifs à la transformation et la réparation de certains équipements relève du pouvoir discrétionnaire de la CSST en vertu de l’article 184, paragraphe 5 de la loi.
[10] De l’avis des membres, les travaux de teinture extérieure du domicile, le déneigement de la toiture et le nettoyage des murs, des plafonds de même que du ventilateur et de la lumière du plafond, constituent des travaux courants d’entretien du domicile que le travailleur peut se voir rembourser. Quant au nettoyage du bain et l’entretien de la maison, ils constituent des tâches domestiques couvertes par l’aide personnelle à domicile. Au regard de ces tâches, les membres retourneraient le dossier à la CSST pour qu’elle évalue les besoins du travailleur en fonction de la grille d’analyse prévue à l’Annexe I du Règlement et qu’elle rende une décision à cet effet.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[11] La contestation du travailleur s’inscrit dans le contexte factuel suivant.
[12] Le 13 juillet 2004, le travailleur est victime d’un accident du travail alors qu’un rouleau de fil à souder pesant environ 70 livres fait une chute d’environ sept pieds et le frappe à la nuque.
[13] À la suite d’une contestation portant sur le diagnostic et l’existence de limitations fonctionnelles, un membre du Bureau d’évaluation médicale, le neurochirurgien Bouvier, conclut, le 12 octobre 2006, que la lésion professionnelle entraîne les limitations fonctionnelles suivantes :
« - Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente des activités qui impliquent :
- soulever, porter, pousser, tirer des charges supérieures à environ 25 kilos;
- ramper, grimper;
- effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne cervicale;
- subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale (provoqués par du matériel roulant sans suspension, par exemple). »
[14] L’octroi de ses limitations fonctionnelles et d’un pourcentage de déficit anatomo-physiologique de 2 % amène le travailleur à présenter une demande pour que les frais de déneigement de sa cour extérieure lui soient remboursés par la CSST en vertu de l’article 165 de la loi. Cette réclamation du travailleur est refusée par la CSST le 20 octobre 2005. La décision est confirmée le 6 mars 2006, à la suite d’une révision administrative et contestée à la Commission des lésions professionnelles le 16 mars 2006.
[15] Dans une décision rendue le 31 juillet 2007[2], la Commission des lésions professionnelles passe en revue les limitations fonctionnelles du travailleur et conclut, qu’au regard des travaux impliqués dans la demande du travailleur, l’atteinte permanente entraînée par la lésion est grave au sens de l’article 165 de la loi. C’est pourquoi, elle déclare que le travailleur a droit au remboursement des frais qu’il a engagé pour faire exécuter des travaux de déneigement au cours de la saison 2005-2006, jusqu’à concurrence du maximum prévu par la loi.
[16] Le 23 avril 2008, le travailleur s’adresse à la CSST pour que celle-ci défraie le coût des travaux listés au paragraphe 4 de la présente décision.
[17] Le 13 mai 2008, la CSST refuse le paiement de ces travaux puisqu’elle estime qu’ils ne font pas partie de l’entretien courant du domicile.
[18] Le 23 mai 2008, le travailleur conteste cette décision de la CSST, laquelle est modifiée le 31 juillet 2008, la CSST reconnaissant alors le droit du travailleur au remboursement des travaux de teinture extérieure de la résidence, d’où la présente contestation à la Commission des lésions professionnelles.
[19] Eu égard aux précisions apportées en début d’audience, l’analyse de la contestation du travailleur doit être effectuée au regard des conditions d’ouverture prévues à l’article 165 de la loi.
[20] Cet article prévoit ce qui suit :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
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1985, c. 6, a. 165.
[21] Ainsi, vu son libellé, pour avoir droit au remboursement des frais qu’il a encourus, le travailleur doit démontrer qu’il a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique découlant de sa lésion professionnelle, qu’il est incapable d’effectuer des travaux d’entretien courant de son domicile qu’il effectuerait lui-même si ce n’était de sa lésion, et que le total des frais réclamés ne dépasse pas le montant prévu à l’article 165 pour l’année en cause.
[22] Eu égard à la diversité des demandes formulées par le travailleur, le tribunal estime qu’il convient, dans un premier temps, de déterminer quelles demandes peuvent constituer des travaux courants d’entretien du domicile admissibles au remboursement.
[23] La loi ne définit pas l’expression « entretien courant du domicile ». Dans l’affaire Rouette et Centre hospitalier Cooke[3], la commissaire Sénéchal écrit ce qui suit :
[51] L’article 165 de la Loi exige qu’il s’agisse de travaux d’entretien courant du domicile. La Loi ne définit pas l’expression « entretien courant ». Dans l’affaire Champagne et Métallurgie Noranda inc.(Horne)1, le commissaire Pierre Prégent procède, entre autres, à l’analyse de la notion d’entretien courant du domicile. Il conclut que cette notion vise les travaux qui sont exécutés pour maintenir en bon état le domicile et dont la nature même de ces travaux fait qu’ils sont habituels, ordinaires et banals.
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1 C.L.P. 144899-08-0008, 1er mars 2001, Me Pierre Prégent.
[24] En outre, dans l’affaire Paquet et Pavillon de l’Hospitalité inc.[4], le commissaire Savard dresse la liste des travaux qui ont été reconnus à titre de travaux d’entretien courant du domicile. Il écrit ce qui suit :
[68] Or, il fut établi par la jurisprudence que les travaux suivants sont des travaux d’entretien courant du domicile et qu’ils doivent être remboursés, tels que :
- tondre le gazon;
- laver les vitres du domicile;
- faire le grand ménage annuel tel que laver les murs, plafond, armoire, tapis, plancher et vitres du domicile;
- certains travaux visant à la conservation d’un terrain et du domicile d’un travailleur tels qu’ébrancher des arbres et arbustes et les couper si nécessaire, ainsi que ramasser des feuilles dans les gouttières et sur le terrain;
- l’achat et le transport de bois de chauffage au domicile d’un travailleur, si ce dernier coupait et transportait lui-même son bois de chauffage de sa terre à bois à son domicile, et ce, avant sa lésion professionnelle et qu’il utilisait ce bois comme source principale de chauffage;
- le ramonage d’une cheminée si celle-ci sert comme principale source de chauffage du domicile du travailleur;
- les travaux de peinture et/ou de teinture, s’il vise à la conservation du domicile et de ses dépendances, telles qu’une galerie, un patio, des châssis extérieurs et intérieurs ainsi que les murs et les plafonds du domicile;
- le sablage et le vernissage d’un plancher de bois franc qui visent à le restaurer et à le conserver, c’est-à-dire à l’entretenir;
- le déneigement et le déglaçage d’une aire de stationnement du domicile et de ses dépendances immobiles, telles qu’un balcon, patio, galerie, toiture qui doivent être nettoyés pour conserver et utiliser ces espaces nécessaires à l’entretien courant du domicile. »
[25] Cette liste n’est pas exhaustive. Dans sa qualification, le tribunal doit toutefois tenir compte que les travaux ordinaires et habituels du domicile doivent être opposés à des travaux d’entretien inhabituels ou extraordinaires[5].
[26] En l’espèce, les travaux de réparation des vices de construction affectant la maison du travailleur ne sont pas visés par l’article 165 de la loi. En effet, eu égard à la jurisprudence constante de la Commission des lésions professionnelles, le tribunal estime que ces travaux ne visent pas le maintien en bon état du domicile et ne sont pas habituels, ordinaires et banals. Selon l’aveu même du travailleur à l’audience, ils sont rendus nécessaires parce que lors de la construction récente de sa maison, il n’a pas utilisé des matériaux de qualité. En outre, il avoue avoir commis des erreurs dans l’érection du bâtiment notamment lors des travaux relatifs aux fondations, de sorte que l’eau s’infiltre dans sa maison. Par ailleurs, la maison ne compte pas suffisamment de fermes de toit pour la soutenir. Conséquemment, celle-ci s’affaisse et une poutre s’est brisée dans sa chambre à coucher.
[27] Enfin, le remplacement des tuiles du plancher dans les circonstances décrites à l’audience, ne peut constituer des travaux d’entretien courant du domicile. Le travailleur a en effet indiqué qu’il a choisi des matériaux de piètre qualité et que la tuile s’est usée prématurément rendant nécessaire son remplacement alors que la maison est de construction récente.
[28] Quant aux travaux nécessaires à la finalisation de la construction de la maison, le tribunal estime que ceux-ci ne constituent pas non plus des travaux d’entretien courant du domicile. Le remboursement du coût des travaux demandé, ne vise en effet pas l’entretien courant du domicile, mais la construction même de la maison. Ainsi, la CSST n’a pas à payer les frais pour finaliser la frise de la maison, construire un escalier extérieur, poser une porte de garage, poser la laine minérale et poser la tuile dans la chambre à coucher du domicile.
[29] Quant aux travaux relatifs à la transformation et la réparation de certains équipements tels son automobile, la Commission des lésions professionnelles estime qu’ils ne répondent pas non plus à la définition de travaux d’entretien courant du domicile puisqu’ils ne visent pas, en soi, le maintien en bon état du domicile.
[30] Le représentant du travailleur estime toutefois que le paiement de ces frais, notamment ceux du remplacement d’un poêle à bois par un poêle à granules et de la tondeuse actuelle par une plus légère, permettrait à la CSST d’éviter des coûts récurrents. C’est pourquoi il demande au tribunal de déclarer qu’ils peuvent être remboursés en vertu de l’article 184, paragraphe 5, de la loi ou de l’article 152, comme l’a reconnu la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Côté et Dynamitage M.B. inc.[6].
[31] La Commission des lésions professionnelles estime que l’exercice des pouvoirs prévus au paragraphe 5 de l’article 184 de la loi est discrétionnaire. Ainsi, la CSST peut choisir de continuer de défrayer les coûts liés à l’achat et au transport du bois de chauffage au domicile du travailleur et ceux relatifs à la tonte du gazon, selon les paramètres prévus à l’article 165 de la loi, plutôt que de transformer ou remplacer des équipements qui pourraient éventuellement permettre au travailleur de réaliser lui-même les travaux. En l’espèce, c’est le choix que la CSST a fait et il n’y a pas lieu d’intervenir pour modifier sa décision.
[32] Par ailleurs, dans l’affaire Côté et Dynamitage M.B. inc. il était quasi impossible pour le travailleur d’obtenir des services de déneigement dans le milieu où il vivait. C’est pourquoi, la Commission des lésions professionnelles a autorisé une mesure exceptionnelle permettant au travailleur d’être le plus autonome possible. En l'espèce, il n’y a aucune preuve de cette nature. Conséquemment, le remboursement de ces coûts ne peut être autorisé, sous l’angle des articles 165 ou 152 de la loi.
[33] Quant aux frais reliés à l’entretien et la réparation de l’automobile du travailleur, ces travaux n’entrent pas dans la définition de la notion d’entretien courant du domicile visée à l’article 165 de la loi. L’automobile n’est en effet pas le domicile du travailleur.
[34] Au regard des travaux de teinture extérieure[7] de la maison, du déneigement du toit[8], du nettoyage des murs, des plafonds, du ventilateur et de la lumière du plafond[9], la Commission des lésions professionnelles estime que ces travaux font partie des travaux courants d’entretien du domicile, à titre de grand ménage, conformément à la jurisprudence constante du tribunal.
[35] Reste donc à déterminer si le coût des travaux que la Commission des lésions professionnelles estime admissibles, vu la portée de l’article 165 de la loi, peut être remboursé au travailleur, compte tenu des autres conditions d’ouverture prévues à l’article 165 de la loi.
[36] De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, au regard des travaux qu’il veut se voir rembourser par la CSST et qui sont admissibles, le travailleur satisfait à la première condition prévue à la loi. Il a en effet subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique.
[37] Cette notion n’est pas définie à la loi. Cependant, la Commission d’appel en matière de lésion professionnelle et la Commission des lésions professionnelles ont établi qu’il fallait analyser le caractère grave d’une atteinte permanente à l’intégrité physique en tenant compte de l’objet de la loi et de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les activités visées par l’article 165 de la loi[10].
[38] Dans l’affaire Chevrier et Westburn ltée et CSST, la commissaire Cuddihy s’exprime comme suit :
« La Commission d’appel considère que l’article 165 doit s’interpréter à la lumière de l’objet de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et du but envisagé par la réadaptation sociale. Or, la loi, tel que le prévoit son article 1, a comme objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires. La réadaptation sociale a, selon l’article 151, pour but d’aider le travailleur à surmonter les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle et à redevenir autonome dans l’accomplissement de ses activités habituelles.
Dans cette optique, le mot grave qui qualifie l’atteinte permanente à l’article 165, ne doit pas être considéré isolément. L’article doit être lu dans son ensemble et dans le contexte de l’objet de la loi et du but recherché par la réadaptation sociale. Il y a donc lieu d’analyser le caractère grave d’une atteinte permanente à l’intégrité physique en tenant compte de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les activités visées par l’article 165 de la loi. Donc, pour avoir droit au remboursement de frais d’entretien pour une chose particulière, il faut que le travailleur ait une atteinte permanente qui est suffisamment grave pour l’empêcher d’accomplir ce travail d’entretien courant particulier de son domicile vu que le but d’une telle mesure de réadaptation est de rendre le travailleur autonome. »
[39] En l’espèce, le commissaire Jean-François Martel a reconnu que le travailleur était porteur d’une atteinte permanente grave,[11]au regard du remboursement de travaux de déneigement. La Commission des lésions professionnelles n’est pas liée par cette décision puisque la gravité de l’atteinte permanente doit être appréciée en fonction de chacun des travaux particularisés pour lesquels le travailleur demande le remboursement.
[40] La commissaire Sénéchal s’exprimait d’ailleurs comme suit à ce sujet dans l’affaire Grenier et Manac inc.[12] :
De ces nombreuses décisions, le tribunal retient que le caractère grave d’une atteinte permanente s’analyse en tenant compte de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les activités visées par l’article 165 de la loi. Ce faisant, le pourcentage de l’atteinte permanente n’est pas le seul critère d’analyse. Cette analyse doit tenir compte de la situation particulière et réelle du travailleur. Et ce, tant en ce qui concerne sa condition physique qu’en ce qui a trait aux activités d’entretien courant réalisées. La notion d’atteinte permanente grave peut donc s’avérer être une notion très relative. En fait, comme l’indique la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Barette et C.H. Ste-Jeanne-D’Arc[13] pour un même travailleur, il est possible de conclure à l’existence d’une atteinte permanente grave eu égard à certaines activités visées par l’article 165 alors qu’il peut en être autrement pour d’autres activités.
[41] En l’espèce, le 8 novembre 2008, l’ergothérapeute Brassard produisait une expertise en vue de l’audience à la Commission des lésions professionnelles. Elle concluait que les limitations fonctionnelles reconnues au dossier par le membre du Bureau d’évaluation médicale étaient incompatibles avec les activités de teinture extérieure, de déneigement du toit, de coupe du bois de chauffage et de grand ménage, activités constituant des travaux d’entretien courant du domicile.
[42] Dans les circonstances, au regard de ces travaux, en l’absence d’une preuve contraire, la Commission des lésions professionnelles reconnaît que le travailleur a subi une atteinte permanente grave.
[43] Puisqu’à l’audience, le travailleur a affirmé qu’il effectuerait lui-même ces travaux n’eut été de sa lésion et comme il n’y a pas de preuve à l’effet contraire, la Commission des lésions professionnelles estime donc que le travailleur satisfait à cette autre exigence de la loi.
[44] Par ailleurs, le tribunal retient de la preuve prépondérante que le domicile du travailleur n’est muni que d’une seule plinthe électrique pour toute la maison. Puisque le travailleur doit utiliser un système de chauffage au bois pour obtenir la chaleur nécessaire dans sa maison, et que le système électrique est insuffisant, le remboursement des frais pour l’approvisionnement du bois de chauffage[14] est possible en vertu de l’article 165 de la loi.
[45] Conséquemment, la Commission des lésions professionnelles estime que le travailleur a droit au remboursement des frais engagés pour les travaux de teinture extérieure de sa maison, de déneigement de la toiture de sa maison, de nettoyage des murs, des plafonds, du ventilateur et de la lumière du plafond, à titre de grand ménage, et d’approvisionnement en bois de chauffage, jusqu’à concurrence du montant maximum de 1 500 $ prévu à la loi, ce montant faisant l’objet d’une revalorisation annuelle conformément à l’article 113 de la loi.
[46] Quant aux travaux de nettoyage du bain et d’entretien de la maison, la Commission des lésions professionnelles retourne le dossier à la CSST pour qu’elle procède à l’analyse des besoins du travailleur et qu’elle détermine, le cas échéant, le montant de l’aide personnelle à domicile auquel il a droit selon les normes et barèmes adoptés par règlement.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE en partie la requête du travailleur, monsieur Marc Claveau;
INFIRME en partie la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 31 juillet 2008, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais qu’il a engagés pour faire exécuter des travaux de déneigement de sa toiture, de teinture extérieure de sa maison, de nettoyage des murs et des plafonds, de même que du ventilateur et de la lumière du plafond, d’approvisionnement en bois de chauffage, jusqu’à concurrence du maximum prévu par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais pour finaliser la frise de sa maison, construire un escalier extérieur, poser une porte de garage, poser la laine minérale, poser la tuile du plancher de sa chambre à coucher, remplacer une poutre dans sa chambre à coucher, remplacer les tuiles de la cuisine et de la salle de bain, remplacer et ajouter des fermes de toit, réparer les fondations de sa maison et poser un drain autour de celles-ci, remplacer le poêle à bois par un poêle à granules, remplacer la tondeuse et réparer son auto;
RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour qu’elle évalue les besoins d’aide personnelle à domicile du travailleur selon les normes et barèmes adoptés par règlement.
[1] L.R.Q. c. A-3.001
[2] C.L.P. 284500-02-0603, 31 juillet 2007, J.F.Martel.
[3] C.L.P. 141411-04-0006, 31 mai 2001, S. Sénéchal.
[4] 142213-03B-0007, 12 décembre 2000, R. Savard.
[5] Lévesque et Mines Northgate inc., [1990] C.A.L.P. 683 .
[6] C.L.P. 280678-05-0601,17août 2006, L. Boudreault.
[7] Paquet et Pavillon de l’Hospitalité inc., déjà citée.
[8] Bacon et Général Motors du Canada ltée, [2004] C.L.P. 941 .
[9] Boroday et Société Canadienne des postes, 91417-62-9708, 21 juin 1999, L. Vallières; Castonguay et St-Bruno Nissan inc., 137426-62B-0005, 21 novembre 2001, A. Vaillancourt; Lévesque et Mines Northgate inc., [1990] C.A.L.P. 683 .
[10] Chevrier et Westburn ltée, 16175-08-8912, 25 septembre 1990, M. Cuddihy (J2-15-19); Boileau et Les Centres jeunesses de Montréal, 103621-71-9807, 1er février 1999, Anne Vaillancourt; Filion et PE Boisvert Autos ltée, 110531-63-9902, 15 novembre 2000, M. Gauthier.
[11] Dossier 284500-02-0603, 31 juillet 2007, J.-F. Martel.
[12] C.L.P. 297919-04-0608, 26 novembre 2007, S. Sénéchal
[13] Voir note 8.
[14] Drolet et Pointe-nor inc. (Gravier), 296440-08-0608, 12 décembre 2006, F. Daigneault.
AVIS :
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