Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Yamaska

SAINT-HYACINTHE, le 19 mars 2002

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

161075-62B-0105

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Marie Danielle Lampron

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Madame Nicole Généreux

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Monsieur Gilles Robidoux

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

117366013-1

AUDIENCE TENUE LE :

29 novembre 2001

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Saint-Hyacinthe

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CLAUDE MESSIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

OLYMEL ST-SIMON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 14 mai 2001, monsieur Claude Messier (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 2 mai 2001 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la CSST confirme une décision initialement rendue le 1er février 2000 et déclare que le remboursement du frais de déplacement du travailleur ne peut être défrayé par la CSST.

AUDIENCE

[3]               Le travailleur et sa représentante sont présents à l'audience. La procureure de Olymel St-Simon (l'employeur) a avisé qu'elle et l'employeur seraient absents et elle a transmis une argumentation écrite.

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[4]               Le travailleur demande de déclarer qu'il a droit au remboursement des frais de déplacement, au coût de 2,50$, qu'il a défrayés pour se rendre chez son médecin le 29 octobre 1999. Il soumet que même si le montant en jeu est minime, il s’agit d’une question de principe et de droit dont l’enjeu peut être beaucoup plus élevé dans d’autres établissements de l’employeurs ailleurs au Québec.

LES FAITS

[5]               Le 5 octobre 1999, le travailleur ressent des douleurs au coude droit alors qu’il effectue son travail. Il se rend à l’infirmerie pour l’application de glace et déclare l’événement à l’employeur et continue de travailler. La douleur continue de s’accentuer et il se rend à nouveau à l’infirmerie les 14 et 28 octobre pour l’application de glace. Le 29 octobre, constatant sa difficulté à travailler en raison de la douleur, il avise l'employeur qu’il quitte pour aller consulter un médecin.

[6]               Le 29 octobre 1999, le Dr Vincent pose un diagnostic d'épicondylite au coude droit et autorise une assignation temporaire. La CSST accepte la réclamation du travailleur.

[7]               Le 1er novembre 1999, le travailleur demande à la CSST de lui rembourser les frais de déplacement au coût de 2,50$ qu’il a encourus pour se rendre chez son médecin le 29 octobre, à savoir de l'usine St-Simon à la Clinique de Ste-Rosalie (20 km), où il a consulté le Dr Vincent.

[8]               Le 1er février 2000, la CSST refuse de rembourser au travailleur ses frais de déplacement, au motif qu'ils sont à la charge de l’employeur. Le travailleur demande la révision de cette décision.

[9]               Le 2 mai 2001, la CSST confirme, en révision administrative, la décision du 1er février 2000 en précisant que ces frais (premier transport) sont de la responsabilité de l’employeur en vertu de l’article 190 de la Loi sur les accidents et les maladies professionnelles[1]. Le travailleur conteste cette décision, d'où le présent litige.

[10]           Le travailleur témoigne à l’audience. Il affirme ne pas avoir pris de rendez-vous chez son médecin mais avoir dû quitter l’usine St-Simon le 29 octobre car la douleur était devenue intolérable. Il a utilisé son véhicule personnel. Le travailleur affirme qu’il n’y a pas de clinique médicale à St-Simon et que son médecin pratique à Ste-Rosalie. Le travailleur ne croit pas qu’il y ait un service de transport en commun qui desserve le village.

[11]           Monsieur Gaétan Gingras témoigne à l’audience à la demande du travailleur. Il affirme qu’il n’y a pas de service de transport en commun où l’usine est située.

L'AVIS DES MEMBRES

[12]           La membre issue des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d'avis que la CSST doit, en vertu de l'article 115 de la loi, rembourser au travailleur les frais de déplacement qu’il encoure pour toutes les visites médicales requises par sa lésion professionnelle. Les membres considèrent que le terme « transport » utilisé à l'article 190 de la loi est différent de celui de « déplacement », que l’on retrouve à l'article 115 de la loi, de sorte que la responsabilité du paiement incombe à la CSST et non à l'employeur.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[13]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit au remboursement des frais encourus à la suite de la consultation médicale qu'il a effectuée chez son médecin le 29 octobre 1999.

[14]           La CSST refuse de rembourser le travailleur au motif que les frais de transport de la première visite médicale sont à la charge de l’employeur en vertu de l’article 190 de la Loi sur les accidents et les maladies professionnelles[2] (la loi). L’employeur refuse, quant à lui, de rembourser les frais de la consultation médicale du 29 octobre au motif qu’il appartient à la CSST de défrayer les coûts de déplacement en vertu de l’article 115 de la loi, le travailleur s’étant déplacé seul à la clinique, l’employeur n’ayant pas eu à le faire transporter.

[15]           Les articles 115 et 190 de la loi se lisent comme suit:

115. La Commission rembourse, sur production de pièces justificatives, au travailleur et, si son état physique le requiert, à la personne qui doit l'accompagner, les frais de déplacement et de séjour engagés pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation, selon les normes et les montants qu'elle détermine et qu'elle publie à la Gazette officielle du Québec.

________

1985, c. 6, a. 115.

 

190. L'employeur doit immédiatement donner les premiers secours à un travailleur victime d'une lésion professionnelle dans son établissement et, s'il y a lieu, le faire transporter dans un établissement de santé, chez un professionnel de la santé ou à la résidence du travailleur, selon que le requiert son état.

 

Les frais de transport de ce travailleur sont assumés par son employeur qui les rembourse, le cas échéant, à la personne qui les a défrayés.

 

Sur un chantier de construction, l'obligation prévue par le premier alinéa s'applique au maître d'oeuvre au sens de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S - 2.1).

________

1985, c. 6, a. 190.

 

 

[16]           L’argumentation de l’employeur est basée principalement sur la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Olymel St-Simon et Daniel Chamberland[3]. Il soumet que l’on ne peut parler de « transport » du travailleur au sens de l’article 190 de la loi puisque le travailleur n’a pas été « transporté » mais s’est plutôt « déplacé » par lui-même, rendant ainsi inapplicable à son cas l’article 190. L’employeur soumet qu’une distinction doit être faite entre la notion de « déplacement » prévue à l’article 115 de la loi et celle de « transport » prévue à l’article 190 de la loi.

[17]           L'affaire Olymel St-Simon et Daniel Chamberland, précemment citée, traite d’une plainte logée par un travailleur en vertu de l’article 32 de la loi, au motif que l’employeur (le même que l’actuel dossier) aurait exercé des mesures discriminatoires ou des représailles à son égard en raison du non-respect de l’article 190 de la loi. Tout comme dans la présente affaire, le travailleur a utilisé son véhicule pour se rendre chez son médecin. Dans sa décision, la commissaire Blanchard s’exprime ainsi :

« 25. Cet article (190) vise les premiers secours à apporter à un travailleur et prévoit comme première obligation pour l'employeur de les assumer immédiatement sur les lieux du travail. La deuxième obligation de l'employeur est de faire transporter le travailleur, s'il y a lieu, dans un établissement de santé, chez un professionnel de la santé ou encore à sa résidence, selon que le requiert son état et ce n'est que dans un tel cas, qu’il en assume les coûts ou les rembourse à la personne qui les a défrayés.

 

26. La Commission des lésions professionnelles est d’avis que cela ne vise nullement le cas du travailleur, puisque les mots « s’il y a lieu » et « selon que le requiert son état » perdrait alors toute signification.

 

27. Ce n’est que lorsque l’état d'un travailleur le requiert, qu’un employeur doit le faire transporter dans un établissement de santé, chez un professionnel de la santé ou à sa résidence. Dans le cas contraire, à savoir, si l’état d’un travailleur ne le requiert pas, l’employeur n'assume aucune obligation de le faire transporter avec comme corollaire aussi aucune obligation de lui rembourser les coûts encourus d'un tel déplacement.

 

(…)

29. Ici, ce qui est mis en preuve, c'est que le travailleur ne requérait pas d'aide à se déplacer, qu'il était capable d'aller seul consulter un médecin. Donc, l'employeur n'a aucune obligation de le faire transporter dans un établissement de santé chez un professionnel de la santé ou à sa résidence puisque son état ne le requérait pas. Le travailleur pouvait très bien utiliser son automobile, tel qu'il l'a fait, mais, à ce moment, c'est à la CSST de rembourser les frais engagés pour ce déplacement et ce, tel que le prévoit l'article 115 de la Loi et le Règlement sur les frais de déplacement et de séjour, A-3.001, r. 0.4.1, 93-06-07, G.O., p. 4257.  Certes, ici, la CSST a refusé de le faire et a rendu une décision à cet effet, Malheureusement, le travailleur n’a pas contesté cette décision. La Commission des lésions professionnelles ne peut donc ordonner à la CSST de le rembourser pour ce frais de déplacement.

(…)

36. (…)

REJETTE la plainte du travailleur. »

 

 

[18]           Il est pertinent à ce stade de référer au Règlement sur les frais de déplacement et de séjour (règlement). L’article 1 précise ceci :

1. Le travailleur victime d’une lésion professionnelle a droit au remboursement, selon les normes prévues au présent règlement et les montants prévus à l’annexe 1, des frais de déplacement et de séjour qu’il engage pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation, conformément à la Loi sur les accidents et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001)

 

Si l’état physique du travailleur le requiert, la personne qui doit l’accompagner a droit au remboursement des frais de déplacement et de séjour qu’elle engage, selon les mêmes normes et montants.

 

 

[19]           Le chapitre I du règlement traite des Frais de déplacement et de séjour et comporte, à la section II, deux sous-rubriques, l’une qui traite des Frais de transport et l’autre qui traite des Frais de repas. Le chapitre II du règlement traite des Frais de transport par ambulance, par voie aérienne ou par un autre moyen de transport.

[20]           L’article 5 du règlement indique que sont remboursables les frais engagés pour le transport en commun par autobus, métro, train ou bateau. Le travailleur et monsieur Gingras ont témoigné qu'il n'y avait aucun transport en commun desservant le territoire où est située l’usine. Les articles 8 et 10 du règlement prévoient que sont remboursables, les frais de transport engagés pour se déplacer au lieu où les soins doivent être reçus, les examens médicaux doivent être subis ou les activités dans le cadre du plan individualisé de réadaptation doivent être accomplies, en choissant l’itinéraire le plus court.

[21]           L’annexe I du règlement prévoit les montants payables : 0,340 $ par km si le véhicule personnel est autorisé et 0,125 $ par km pour un véhicule personnel non autorisé. La réclamation du travailleur fait état d’un déplacement sur une distance de 10 kilomètres.

[22]           Est-ce que le deuxième aliéna de l’article 190 de la loi réfère aux frais de transport du travailleur victime d’une lésion professionnelle dans l’établissement de l’employeur qui a dû être transporté ou comprend-il également les frais de transport du travailleur qui se déplace lui-même?

[23]           Le dictionnaire Petit Robert définit ainsi l’expression « transport » : « 2. Le fait de porter pour faire parvenir en un autre lieu; manière de déplacer ou de faire parvenir par un procédé particulier (véhicule, récipient, etc) ». L’expression « déplacement est ainsi définie : « 1. Action de déplacer, de se déplacer (choses); mouvement qui fait passer un objet d’une place à une autre. (…) 3. Action de déplacer (quelqu’un), de faire changer de poste. (…) 4. Action de se déplacer (personnes), d’aller d’un lieu à un autre ».

[24]           La Commission des lésions professionnelles considère que le sens courant des termes « transport » et « déplacement », tel qu’indiqué aux différents dictionnaires, permet de conclure que les frais de déplacement et les frais de transport ne sont pas deux catégories si distinctes, les frais de déplacement constituant des frais de transport. Le Règlement sur les frais de déplacement et de séjour l’illustre d’ailleurs.

[25]           À la lecture du premier alinéa de l’article 190 de la loi, la Commission des lésions professionnelles note, tout comme la commissaire Blanchard, dans l’affaire Olymel et Danielle Chamberland, que cet article crée une obligation pour l’employeur de « donner les premiers secours » à « un travailleur qui subit une lésion professionnelle dans son établissement » et deuxièmement, de le « faire transporter », « s’il y a lieu », à différents endroits (dans un établissement de santé, chez un professionnel de la santé ou chez le travailleur), « selon que le requiert l’état du travailleur ».

[26]           La Commission des lésions professionnelles considère que lorsque le législateur prévoit, au deuxième alinéa de l’article 190 de la loi, que « les frais de transport de ce travailleur » sont assumés par l’employeur, il réfère aux frais qui découlent de l’obligation qui est imposée à l’employeur, à savoir les frais de premiers secours occasionnés pour faire transporter le travailleur victime d’une lésion professionnelle dans son établissement. Le libellé de cet article ne permet pas de croire que le législateur ait voulu faire supporter à l’employeur les frais de transport d’un travailleur pour lequel l’employeur n’avait pas d’obligation en vertu du premier alinéa de l’article 190 de la loi.

[27]           En effet, puisque le législateur a utilisé l’expression « et, s’il y a lieu, le faire transporter », la Commission des lésions professionnelles considère que dans le présent cas, l’employeur n’avait aucune obligation de faire transporter le travailleur, avec comme corrolaire, comme le mentionne la commissaire Blanchard dans l’affaire ci-dessus relatée, que l’employeur n’a aucune obligation de rembourser au travailleur les frais encourus par ce dernier pour se déplacer lui-même pour se rendre chez son médecin.

[28]           Ainsi, compte tenu du libellé de l’article 115 de la loi, la Commission des lésions professionnelles considère que c’est à la CSST à rembourser au travailleur, les frais de déplacement que ce dernier a engagés le 29 octobre 1999 pour recevoir des soins médicaux. Et, compte tenu de la réclamation du travailleur, qui réclame un déplacement à un taux de 0,125$ par km, la Commission des lésions professionnelles fait droit à sa requête, telle demandée, et détermine qu’il a droit à un montant de 2,50$ en raison de frais encourus au taux de 0,125 $ par km pour un déplacement sur une distance de 10 kilomètres.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Claude Messier;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 2 mai 2001 à la suite d'une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement de ses frais de déplacement engagés le 29 octobre 1999 pour recevoir des soins médicaux;

ORDONNE à la Commission de la santé et de la sécurité du travail de rembourser au travailleur la somme de 2,50$.

 

 

 

Marie-Danielle Lampron

 

Commissaire

 

 

C.S.N.

(Madame Caroline Ouellette)

Représentant de la partie requérante

 

BEAUVAIS, TRUCHON

(Me Vicky Pageau)

Représentant de la partie intéressée

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001

[2]          idem

[3]          [1999] CLP 197

AVIS :
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