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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Gatineau |
15 novembre 2006 |
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Région : |
Outaouais |
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Dossier CSST : |
124484791 |
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Commissaire : |
Me Marie Langlois |
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Membres : |
Raymond Groulx, associations d’employeurs |
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Robert Potvin, associations syndicales |
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217376-07-0310 |
243147-07-0409 |
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236346-07-0406 241922-07-0408 243218-07-0409
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247420-07-0411 |
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Provigo Distribution Centre Distribution Épicerie |
Christine Poirier Partie requérante |
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Partie requérante |
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et |
et |
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Christine Poirier Partie intéressée |
Provigo Distribution Centre Distribution Épicerie |
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Partie intéressée |
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et |
et |
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Commission de la santé et de la sécurité du travail |
Commission de la santé et de la sécurité du travail |
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Partie intervenante |
Partie intervenante |
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Dossier 217376-07-0310
[1] Le 6 octobre 2003, Provigo Distribution Centre Distribution Épicerie (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 23 septembre 2003 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 20 août 2003 et déclare que la travailleuse a subi une lésion professionnelle initiale le 21 juillet 2003 avec un diagnostic d’entorse cervicale.
Dossier 222177-07-0312
[3] Le 5 décembre 2003, l’employeur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la CSST le 21 novembre 2003 à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 5 novembre 2003 en rapport à l’avis rendu par le membre du Bureau d’évaluation médicale le 29 octobre 2003. Elle se déclare liée par cet avis qui retient un diagnostic d’entorse cervicale, que la lésion n’est pas encore consolidée et que les soins ou traitements sont toujours nécessaires. La CSST déclare que puisque la lésion n’est pas consolidée, la travailleuse continue d’avoir droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
Dossier 236346-07-0406
[5] Le 10 juin 2004, l’employeur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la CSST le 19 mai 2004 à la suite d’une révision administrative.
[6] Par cette décision la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 21 avril 2004 en rapport à l’avis rendu par le membre du Bureau d’évaluation médicale le 15 avril 2004. Elle se déclare liée par cet avis qui retient que la lésion est consolidée le 14 avril 2004, que les soins et traitements ne sont plus justifiés après cette date, que l’atteinte permanente est de 0 % et qu’il y a des limitations fonctionnelles. Elle déclare également qu’elle est justifiée de poursuivre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle se prononce sur la capacité de la travailleuse d’exercer son emploi. La CSST déclare qu’elle doit cesser de payer les soins et traitements après le 14 avril 2004 et que le travailleuse n’a pas droit à une indemnité pour préjudice corporel.
Dossier 241922-07-0408
[7] Le 19 août 2004, l’employeur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la CSST le 18 août 2004 à la suite d’une révision administrative.
[8] Par cette décision la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 11 mai 2004 et déclare que la travailleuse a droit à la réadaptation et donc à l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce que la CSST se prononce sur la capacité de travail. Elle confirme également la décision qu’elle rendait le 29 juin 2004 autorisant une mesure de réadaptation, à savoir un réentraînement au travail et le remboursement des frais de réadaptation engagés pour cette mesure.
Dossier 243147-07-0409
[9] Le 8 septembre 2004, la travailleuse dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste la décision rendue par la CSST le 18 août 2004 à la suite d’une révision administrative. Il s’agit de la même décision que celle contestée par l’employeur au dossier 241922-07-0408.
Dossier 243218-07-0409
[10] Le 9 septembre 2004, l’employeur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la CSST le 7 septembre 2004 à la suite d’une révision administrative.
[11] Par cette décision la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 27 août 2004 et déclare que la travailleuse est capable d’exercer son emploi à compter du 26 août 2004 et qu’en conséquence, le versement de l’indemnité de remplacement du revenu prend fin à cette date.
Dossier 247420-07-0411
[12] Le 3 novembre 2004, la travailleuse dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision rendue par la CSST le 28 octobre 2004 à la suite d’une révision administrative.
[13] Par cette décision, la CSST se déclare sans compétence pour statuer sur la capacité de la travailleuse d’exercer son emploi, ayant déjà rendu une décision à la suite d’une révision administrative sur le même sujet le 7 septembre 2004.
[14] L’audience est tenue à Gatineau le 10 octobre 2006 en présence de la travailleuse qui est représentée par un conseiller et de l’employeur qui est représenté par procureur. La CSST, partie intervenante aux dossiers 243147-07-0409, 243218-07-0409 et 247420-07-0411, n’y est pas représentée.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
Dossier 217376-07-0310
[15] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le 17 septembre 2003, la travailleuse a subi une lésion professionnelle en raison du traitement de physiothérapie reçu le 16 septembre 2003 en relation avec la lésion initiale du 21 juillet 2003. L’employeur ne maintient donc pas sa contestation relativement à la reconnaissance de la lésion professionnelle du 21 juillet 2003.
Dossier 222177-07-0312
[16] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la lésion professionnelle du 17 septembre 2003 n’est pas encore consolidée.
Dossier 236346-07-0406
[17] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la lésion professionnelle du 17 septembre 2003 n’étant pas encore consolidée, il est trop tôt pour se prononcer sur les autres questions médicales.
Dossier 241922-07-0408
[18] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la lésion professionnelle n’étant pas encore consolidée, il est trop tôt pour se prononcer sur le droit à la réadaptation et la nécessité de mesures de réadaptation.
Dossier 243147-07-0409
[19] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la lésion professionnelle du 17 septembre 2003 n’est pas encore consolidée et qu’il est trop tôt pour se prononcer sur le droit à la réadaptation et la nécessité de mesures de réadaptation.
Dossier 243218-07-0409
[20] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la lésion professionnelle du 17 septembre 2003 n’étant pas encore consolidée, il est trop tôt pour se prononcer sur la capacité de la travailleuse à reprendre son emploi.
Dossier 247420-07-0411
[21] La travailleuse ne fait aucune représentation quant à cette contestation.
LES FAITS
[22] Le 21 juillet 2003, la travailleuse allègue avoir été victime d’une lésion professionnelle. Elle décrit les circonstances d’événement au formulaire de réclamation du travailleur dans les termes suivants :
J’ai passé une commande avec plusieurs caisses de liqueur. La cliente ne pouvant les lever m’a demandé de l’aider. J’ai donc lever 5 caisses à la foie, pour les passer sur le scan et les remettre dans son panier. J’ai senti une douleur cou et épaule droite. [sic]
[23] Le 22 juillet 2003, elle consulte le docteur P. Villemaire qui pose un diagnostic d’entorse cervicale. Il recommande un arrêt de travail et prescrit des traitements de physiothérapie.
[24] La travailleuse débute les traitements de physiothérapie le 25 juillet 2003. Elle commence une assignation temporaire de travail à des tâches allégées les 4 et 5 août 2003.
[25] La travailleuse voit la docteure M.-J. Gallant le 5 août 2003. Celle-ci note une exacerbation des symptômes lors de l’assignation temporaire. Elle recommande un nouvel arrêt de travail jusqu’au 20 août 2003 et prescrit la poursuite des traitements de physiothérapie.
[26] Les notes de physiothérapie du 15 août 2005 montrent que la douleur diminue et que la travailleuse a plus de facilité avec les mouvements. Les amplitudes articulaires de même que la force sont encore diminuées. Le 20 août 2003, elles font état que la douleur diminue et que les mouvements sont plus faciles. La travailleuse a encore de la difficulté avec les activités de la vie quotidienne.
[27] Le 18 août 2003, le docteur Villemaire indique à son rapport médical que l’entorse cervicale a été aggravée par des travaux d’entretien ménager inappropriés à sa condition effectués au travail. Il note cependant que la condition s’améliore depuis l’arrêt de travail. Le 25 août suivant, il constate peu d’amélioration. La travailleuse est maintenue en arrêt de travail jusqu’au 8 septembre 2003.
[28] Le 2 septembre 2003, le docteur C. Giasson, omnipraticien, évalue la travailleuse à la demande de l’employeur. Il constate un examen musculo-squelettique dans les limites de la normale. Selon lui, il n’y a aucune évidence d’une lésion de type entorse cervicale.
[29] Les notes de physiothérapie du 5 septembre 2003 laissent voir au plan objectif que les amplitudes articulaires sont diminuées dans tous les mouvements. Les progrès sont lents.
[30] Le docteur Villemaire note le 11 septembre 2003 qu’il y a des progrès en physiothérapie, que la travailleuse demeure avec une légère diminution d’amplitude, une sensibilité facettaire et une irradiation au trapèze. Le médecin suggère une rentrée progressive au travail intégrée aux traitements de physiothérapie. Il prévoit une consolidation de la lésion dans 60 jours ou moins.
[31] Le 17 septembre 2003, le docteur Villemaire rapporte que les tractions cervicales effectuées en physiothérapie la veille ont aggravé la condition de la travailleuse. À ses notes évolutives médicales, le docteur Villemaire indique que le traitement par traction a « aggravé +++ sa douleur et je me demande en fait pourquoi on fait des tractions à une blessure post/facettaire ». Le médecin recommande de continuer en physiothérapie mais de cesser les traitements par tractions cervicales. Le médecin reporte l’assignation temporaire au 1er octobre 2003.
[32] Le 26 septembre 2003, les notes de physiothérapie montrent que la travailleuse se plaint de la continuation de la diminution de son endurance physique. Selon le physiothérapeute, il y a augmentation des amplitudes articulaires actives et passives, mais incomplète. Il y a cependant diminution de force des muscles cervicaux.
[33] Le 26 septembre 2003, le docteur Villemaire note que la travailleuse demeure inapte aux travaux légers. La physiothérapie aide, mais les progrès sont lents.
[34] Le 2 octobre 2003, le docteur Villemaire complète un rapport complémentaire dans lequel il se dit en désaccord avec les conclusions du docteur Giasson et prévoit diriger la travailleuse en orthopédie.
[35] Le 9 octobre 2003, le docteur Villemaire indique qu’il y a maintenant défaut de progrès malgré la physio intensive. Le médecin recommande la suspension des traitements de physiothérapie et le début de traitements de chiropraxie douce. Il ne prévoit aucune date de consolidation de la lésion.
[36] Le physiothérapeute note le 9 octobre 2003 que l’amplitude articulaire de la colonne cervicale est diminuée dans tous les mouvements et qu’il y a plateau. Il ajoute qu’il y a douleur avec les tractions et les compressions cervicales.
[37] Le dossier est soumis au Bureau d’évaluation médicale de sorte que le docteur Pierre-Paul Hébert, chirurgien-orthopédiste, examine la travailleuse en sa qualité de membre du Bureau d’évaluation médicale le 29 octobre 2003. Son examen démontre une perte multidirectionnelle de mobilité cervicale avec spasme du trapèze droit sans déficit neurologique. Le médecin retient un diagnostic d’entorse cervicale qui n’est pas encore consolidée.
[38] Le 10 novembre 2003, la docteure Odette Perron, chirurgienne orthopédiste, examine la travailleuse et constate que la mobilité cervicale est limitée dans tous les mouvements. Elle demande une résonance magnétique qui est interprétée le 19 novembre suivant comme étant normale.
[39] La travailleuse reprend des travaux légers en décembre 2003. Le docteur Villemaire constate une rechute le 17 décembre 2003 liée à un travail qui a exigé trop de temps avec les bras élevés devant elle.
[40] Le 7 janvier 2004, le docteur Giasson procède à une seconde expertise de la travailleuse établissant à nouveau que la lésion est consolidée sans séquelles. Le docteur Villemaire répond dans un rapport complémentaire qu’il y a une atteinte très claire des tissus de la charnière cervico-scapulaire et une réaction psychologique qui sont traitables. Selon lui, la lésion n’est pas encore consolidée.
[41] Le 25 février 2004, des blocs facettaires cervicaux sont faits par le docteur Martin Lepage, radiologiste. L’examen préalable démontre une légère arthrose facettaire C5-C6 bilatéralement.
[42] Le 14 avril 2004, le docteur Denis Laflamme, chirurgien orthopédiste, examine la travailleuse en sa qualité de membre du Bureau d’évaluation médicale. Il estime que la travailleuse a atteint un plateau thérapeutique et il consolide la lésion le 14 avril 2004 avec un déficit anatomophysiologique de 0 % pour une entorse cervicale sans séquelle fonctionnelle objectivée, mais avec des limitations fonctionnelles de la classe I.
[43] Le 22 avril 2004, le docteur Villemaire indique qu’il n’y a pas d’atteinte de plateau thérapeutique puisque la travailleuse continue d’avoir des hauts et des bas selon les modalités de traitements.
[44] Le 17 mai 2004, la docteure Perron revoit la travailleuse et constate une ankylose sévère et des limitations fonctionnelles persistantes qui sont incompatibles avec le travail de caissière. Elle recommande une réadaptation professionnelle.
[45] Le 19 mai 2004, le docteur Villemaire note peu de progrès avec le déclenchement d’un trouble myofascial régional. Il indique « Le BEM fait erreur à 100% ».
[46] Le 26 mai 2004, le docteur Patrice Langlois, anesthésiste, procède à une infiltration de Botox pour le syndrome myofascial de la paroi supérieure du trapèze.
[47] Le 31 mai 2004, le docteur Villemaire constate une « rechute entorse cervicale en soulevant des 2 L de liqueur à bout de bras sur sa caisse ce AM » et prescrit un nouvel arrêt de travail. À cette date, la travailleuse complète un rapport d’enquête et d’accident du travail et rapporte l’événement suivant :
J’ai passé une cliente avec 2 bouteilles de 2 L. Je l’ai mis dans un sac de papier et j’ai pousser le sac pour le donner à la cliente et j’ai resentis la douleur à la même place dans le cou suivi de migraines. [sic]
[48] Le 3 juin 2004, la travailleuse est évaluée par une physiothérapeute et une ergothérapeute en regard de son potentiel de réadaptation. Elles estiment que la travailleuse bénéficierait de participer à un programme de réentraînement au travail.
[49] Le 16 juillet 2004, le docteur Villemaire indique « en réadaptation : les buts apparents sont utopiques. Je ne crois pas approprié de simuler le travail ». Le 17 août 2004, il indique que le syndrome cervical myofascial post entorse cervicale est sévère. Le 27 août suivant, il indique qu’une atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles plus sévères sont à prévoir. La travailleuse doit rester en arrêt de travail.
[50] Le 4 octobre 2004, la docteure Perron indique à son rapport médical que des séquelles fonctionnelles résultent de l’entorse cervicale et qu’une réadaptation est à prévoir.
[51] Le 14 octobre 2004, le docteur E. Dehoux, physiatre, évalue la travailleuse à la demande du docteur Villemaire. Il rapporte que la travailleuse a reçu des traitements de physiothérapie avec exercices et étirements passifs sans aucune amélioration et même avec exacerbation par les exercices. Il est en désaccord avec le docteur Laflamme en regard de l’absence d’atteinte permanente à l’intégrité physique. Il croit que l’entorse a laissé des séquelles permanentes. Il écrit que la travailleuse a un fonctionnement très limité par la douleur qui est bien réelle et qui l’empêche de travailler. Il estime que la travailleuse ne pourra reprendre son emploi pré-lésionnel, mais pourrait bénéficier d’une réorientation professionnelle.
[52] Le docteur Villemaire continue à traiter la travailleuse pour le syndrome myofascial secondaire à l’entorse au cours de l’année 2005 et en 2006, auquel s’ajoute un problème de dépression secondaire. Le 5 mai 2005, des infiltrations de Marcaine sont effectuées.
[53] Le 9 mai 2006, le docteur Richard Lambert, physiatre, évalue la travailleuse dans le cadre d’une demande de rente d’invalidité permanente à la Régie des rentes du Québec. Le médecin note la présence de cellulalgie au niveau de la fosse sus-épineuse droite avec un cordon myalgique qui, lors de la palpation, reproduit une douleur irradiant au niveau para-cervical. Il est d’avis qu’un diagnostic de « dysfonction cervicale (entorse cervicale selon les écoles) diffuse, du côté droit plus que gauche, avec irradiation des rameaux postérieurs sous forme de cellulalgie et de cordon myalgique ». Il constate une limitation fonctionnelle très importante. Il suggère d’introduire des traitements d’ostéopathie et de poursuivre la physiothérapie. Puis advenant l’inefficacité de ces traitements, il suggère des blocs de branche médiane dans le but d’effectuer une thermolésion le cas échéant. Il est d’avis que la travailleuse présente des limitations fonctionnelles « qu’on ne peux qualifier de permanentes pour l’instant puisque les traitements ne sont pas terminés ». Le pronostic est bon mais la travailleuse ne récupérera jamais suffisamment de fonction pour reprendre son emploi habituel.
[54] Le docteur Villemaire témoigne à l’audience en sa qualité de médecin traitant et de médecin expert. Il rapporte qu’avant juillet 2003, la travailleuse avait subi des blessures à la région cervicale. Des documents déposés à l’audience établissent que la travailleuse a été victime d’une maladie professionnelle alors qu’elle était caissière pour un autre employeur. La maladie professionnelle s’est manifestée le 10 janvier 1992 et a été consolidée six mois pus tard, le 15 juin 1992. Le diagnostic alors reconnu, par une décision du Bureau de révision de la CSST rendue le 5 novembre 1992, est une tendinite du sous-épineux impliquant le trapèze supérieur et les extenseurs du cou. Le docteur Villemaire ne connaissait pas l’existence de cette maladie professionnelle lorsqu’il a traité la travailleuse à compter de juillet 2003.
[55] Par ailleurs, la travailleuse a également subi une autre lésion professionnelle en raison d’une entorse cervicale le 27 avril 2001 que le docteur Villemaire avait consolidé le 9 août 2001 sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. À son rapport final du 9 août 2001, il écrivait « entorse du cou amélioration incomplète mais excellente fonction ». Ainsi, cette entorse du mois d’avril 2001 avait été guérie mais de façon incomplète. La travailleuse avait cependant été capable de reprendre son travail.
[56] Le docteur Villemaire ne revoit la travailleuse qu’en juillet 2003 pour une nouvelle entorse cervicale, qui fait l’objet du présent litige. Il témoigne que l’entorse guérissait normalement de sorte que la travailleuse a été autorisée à reprendre son travail le lundi 15 septembre 2003. Elle a fait une première journée de travail avec certaines difficultés selon le médecin.
[57] Puis, le 16 septembre 2003, la travailleuse a eu un traitement de physiothérapie avec des tractions cervicales. Il s’agit d’un traitement au cours duquel le physiothérapeute exerce une force en tirant sur la tête de la patiente alors qu’elle est immobilisée. Il ne s’agit aucunement d’un mouvement volontaire de la travailleuse. Le docteur Villemaire explique que ce type de traitement est tout à fait contre-indiqué pour une entorse cervicale postérieure comme celle dont souffre la travailleuse puisque cela a pour effet d’empirer la blessure. Bien que ces traitements puissent parfois être appropriés dans les cas de hernie discale afin de libérer la tension sur le disque, dans le cas d’une entorse cervicale postérieure, les muscles et tendons blessés sont tendus à cause de la lésion et le fait d’étirer ces structures déjà blessées entraîne des blessures supplémentaires qui peuvent avoir des conséquences très néfastes, comme en l’espèce.
[58] Le docteur Villemaire est affirmatif, ces traitements de physiothérapie ont entraîné une aggravation de la blessure et des conséquences de celle-ci. Ils sont entièrement responsables de la blessure qui s’en est suivie. N’eut été de ceux-ci, la lésion évoluait de façon favorable jusque là.
L’AVIS DES MEMBRES
[59] Le membre issu des associations d’employeurs de même que le membre issu des associations syndicales sont d’avis que la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 17 septembre 2003 à la suite des traitements de physiothérapie reçus la veille qui consistaient à des tractions cervicales. Ils estiment que cette lésion n’est pas encore consolidée et que les soins et traitements sont encore nécessaires. Ainsi, selon eux, il est trop tôt pour se prononcer sur les autres questions d’ordre médical, sur le droit à la réadaptation, les mesures s’y rapportant et sur la capacité à reprendre l’emploi pré-lésionnel.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[60] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 21 juillet et le 17 septembre 2003, ainsi que la date de consolidation de même que les séquelles des lésions le cas échéant.
[61] La lésion professionnelle est définie à l’article 2 de la loi dans les termes suivants :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[62] L’article 28 de la loi crée une présomption de lésion professionnelle afin d’en faciliter la preuve:
28. Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 28.
[63] L’article 31 de la loi prévoit entre autres qu’une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l’occasion des soins reçus pour une lésion professionnelle constitue une lésion professionnelle. L’article 31 se lit comme suit :
31. Est considérée une lésion professionnelle, une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion:
1° des soins qu'un travailleur reçoit pour une lésion professionnelle ou de l'omission de tels soins;
2° d'une activité prescrite au travailleur dans le cadre des traitements médicaux qu'il reçoit pour une lésion professionnelle ou dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.
Cependant, le premier alinéa ne s'applique pas si la blessure ou la maladie donne lieu à une indemnisation en vertu de la Loi sur l'assurance automobile (chapitre A-25), de la Loi visant à favoriser le civisme (chapitre C-20) ou de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels (chapitre I-6).
__________
1985, c. 6, a. 31.
[64] Ainsi, pour que l’article 31 puisse recevoir application, la preuve doit démontrer que la travailleuse a subi, outre une lésion professionnelle initiale, une autre blessure ou maladie en relation avec les soins reçus pour sa lésion professionnelle d’origine ou l’omission de tels soins.
[65] Dans le présent dossier, la preuve démontre que la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 21 juillet 2003. En effet, le diagnostic de la lésion est une entorse cervicale, qui constitue une blessure au sens de l’article 28 de la loi. Selon les circonstances décrites, crédibles et non contestées, cette blessure est survenue au travail alors que la travailleuse était à son travail le 21 juillet 2003. D’ailleurs, la CSST en a décidé ainsi et à l’audience, l’employeur informe le tribunal qu’il ne conteste pas cet aspect du dossier.
[66] La Commission des lésions professionnelles conclut que la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 21 juillet 2003.
[67] A-t-elle subi une autre lésion professionnelle le 17 septembre 2003 en raison des soins de physiothérapie reçus la veille? Le tribunal estime que tel est le cas.
[68] En effet, le docteur Villemaire témoigne que les tractions cervicales qu’a effectuées le physiothérapeute lors du traitement prodigué le 16 septembre 2006 sont entièrement responsables de la blessure qui s’en est suivie. Le médecin a témoigné que la manœuvre effectuée par le physiothérapeute, qui consiste à tirer la tête de la patiente alors qu’elle est immobilisée, est susceptible d’entraîner des blessures supplémentaires aux muscles et tendons du cou. Le tribunal considère cette preuve crédible et tout à fait plausible dans les circonstances. La preuve n’est aucunement contredite. L’entorse cervicale suivie du syndrome myofascial secondaire est donc survenue par le fait des traitements de physiothérapie donnés à la suite de la lésion professionnelle du 21 juillet 2003. Cela établit l’application de l’article 31 de la loi.
[69] Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles conclut que la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 21 juillet 2003, de même qu’une lésion professionnelle le 17 septembre 2003, à la suite des soins prodigués en physiothérapie le 16 septembre 2003.
[70] Reste à savoir si la lésion du 17 septembre 2003 est consolidée et si elle a entraîné des séquelles.
[71] La consolidation de la lésion est une notion définie à l’article 2 de la loi de la façon suivante :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« consolidation » : la guérison ou la stabilisation d'une lésion professionnelle à la suite de laquelle aucune amélioration de l'état de santé du travailleur victime de cette lésion n'est prévisible;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[72] En l’espèce, le tribunal retient que la prépondérance de la preuve médicale établit que la lésion n’est pas encore consolidée. Seuls les docteur Giasson et Laflamme estiment que la lésion du 17 septembre 2003 est consolidée en date du 14 avril 2004. Par contre, la docteure Perron constate une ankylose sévère en mai 2004 et une infiltration de Botox est faite à cette période. Puis, une exacerbation des symptômes survient le 31 mai 2004 à la suite d’un nouvel événement au travail. Des infiltrations de Marcaine sont faites en mai 2005. En mai 2006, le docteur Lambert note la présence d’une cellulalgie au site de la lésion et recommande de nouveaux traitements d’ostéopathie et la poursuite de la physiothérapie. Advenant l’échec de ces traitements, il propose une thermolésion. Il ressort de cette preuve que la lésion professionnelle n’était ni guérie, ni stabilisée le 14 avril 2004. De nouveaux traitements en vue de l’amélioration de la condition de la travailleuse sont prévus.
[73] La Commission des lésions professionnelles conclut que la lésion professionnelle du 17 septembre 2003 n’est pas encore consolidée et que des soins et traitements sont encore nécessaires. Compte tenu de ces conclusions, il est trop tôt pour évaluer l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles qui, selon la preuve actuelle sont prévisibles. Il est également prématuré d’évaluer le droit à la réadaptation, les mesures s’y rapportant et la capacité de reprendre l’emploi pré-lésionnel.
[74] La lésion du 17 septembre 2003 n’étant pas encore consolidée, la CSST doit assurer le suivi de ce dossier.
[75] En regard du dossier 247420-07-0411, la Commission des lésions professionnelles constate que la CSST refuse d’exercer sa compétence à la suite de la demande de révision déposée en bonne et due forme par le travailleur le 7 septembre 2004 relativement à sa décision du 27 août 2004. Puisque la Commission des lésions professionnelles doit rendre la décision qui aurait due être rendue, conformément à l’article 377 de la loi, les conclusions qui s’imposent sont les mêmes que celles applicables au dossier 243218-07-0409, à savoir que la lésion professionnelle du 17 septembre 2003 n’étant pas encore consolidée, il est trop tôt pour se prononcer sur la capacité de la travailleuse à reprendre son emploi pré-lésionnel
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 217376-07-0310
ACCUEILLE la requête de Provigo Distribution Centre Distribution Épicerie;
MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 23 septembre 2003 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que madame Christine Poirier, la travailleuse, a subi une lésion professionnelle le 21 juillet 2003;
DÉCLARE que le 17 septembre 2003, la travailleuse a subi une lésion professionnelle en raison du traitement de physiothérapie reçu le 16 septembre 2003 en relation avec la lésion initiale du 21 juillet 2003.
Dossier 222177-07-0312
ACCUEILLE la requête de Provigo Distribution Centre Distribution Épicerie;
CONFIRME en partie la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 21 novembre 2003 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le diagnostic de la lésion professionnelle du 17 septembre 2003 est une entorse cervicale avec syndrome myofascial secondaire;
DÉCLARE que la lésion professionnelle du 17 septembre 2003 n’est pas encore consolidée;
DÉCLARE que les soins ou traitements en relation avec la lésion professionnelle du 17 septembre 2003 sont toujours nécessaires.
Dossier 236346-07-0406
ACCUEILLE la requête de Provigo Distribution Centre Distribution Épicerie;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 19 mai 2004 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la lésion professionnelle du 17 septembre 2003 n’est pas encore consolidée;
DÉCLARE que les soins ou traitements en relation avec la lésion professionnelle du 17 septembre 2003 sont toujours nécessaires;
DÉCLARE qu’il est trop tôt pour se prononcer sur les autres questions médicales.
Dossier 241922-07-0408
ACCUEILLE la requête de Provigo Distribution Centre Distribution Épicerie;
MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 18 août 2004 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la lésion professionnelle du 17 septembre 2003 n’étant pas encore consolidée, il est trop tôt pour se prononcer sur le droit à la réadaptation et les mesures s’y rattachant.
Dossier 243147-07-0409
ACCUEILLE la requête de madame Christine Poirier, la travailleuse;
MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 18 août 2004 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la lésion professionnelle du 17 septembre 2003 n’étant pas encore consolidée, il est trop tôt pour se prononcer sur le droit à la réadaptation et les mesures s’y rattachant.
Dossier 243218-07-0409
ACCUEILLE la requête de Provigo Distribution Centre Distribution Épicerie;
MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 7 septembre 2004 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la lésion professionnelle du 17 septembre 2003 n’étant pas encore consolidée, il est trop tôt pour se prononcer sur la capacité de la travailleuse à reprendre son emploi pré-lésionnel.
Dossier 247420-07-0411
ACCUEILLE la requête de madame Christine Poirier, la travailleuse;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 28 octobre 2004 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la lésion professionnelle du 17 septembre 2003 n’étant pas encore consolidée, il est trop tôt pour se prononcer sur le droit à la réadaptation et les mesures s’y rattachant.
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Me Marie Langlois |
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Commissaire |
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Me Claude Stringer |
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CSA/CONFLITS & SOLUTIONS |
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Représentant de l’employeur |
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Richard Bélanger |
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RATMP |
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Représentant de la travailleuse |
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Me Michèle Gagnon-Grégoire |
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PANNETON LESSARD |
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Représentante de la partie intervenante |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.