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[1] Le 25 janvier 2006, monsieur Claude Mailhot (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 9 décembre 2005 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 7 octobre 2005 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement pour le remplacement du tapis de son domicile par des planchers de bois franc.
[3] L’audience s’est tenue le 13 octobre 2006 à Joliette en présence du travailleur qui n’est pas représenté, les employeurs, 29572773 Québec inc. étant fermé et Chemibec 2000 étant en faillite, ne sont pas présents ni représentés.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande être remboursé pour l’installation des planchers de bois franc au lieu du tapis qu’il a dû faire installer afin de pouvoir se déplacer dans son condominium.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Conformément à l’article 429.50 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), le commissaire soussigné a obtenu l’avis des membres sur la question faisant l’objet de la contestation.
[6] La membre issu des associations d’employeurs est d’avis d’accueillir la requête du travailleur sur la question du remplacement du tapis par le bois franc dans son condominium en raison des difficultés que cela comporte pour lui de se déplacer en fauteuil roulant sur le tapis, mais elle est en désaccord de rembourser le changement du carrelage dans la cuisine, puisque cette partie était déjà constituée dans un matériel permettant au travailleur de circuler avec son fauteuil roulant.
[7] Le membre issu des associations syndicales est d’avis d’accueillir la requête du travailleur, car les modifications sont rendues nécessaires en raison de sa lésion professionnelle.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[8] Dans sa prise de décision, la Commission des lésions professionnelles a tenu compte de l’avis de ses membres, de l’ensemble de la preuve documentaire au dossier, du témoignage du travailleur et de son argumentation.
[9] Au soutien de sa décision, la Commission des lésions professionnelles réfère aux éléments de la preuve, tant documentaire que testimoniale, pertinents à la détermination des questions en litige.
[10] La preuve au dossier démontre que le travailleur conserve une atteinte permanente grave en raison de sa lésion professionnelle qui l’a laissé paraplégique, l’obligeant à se déplacer en fauteuil roulant.
[11] Cette atteinte grave donne ouverture à l’application du programme de réadaptation prévue aux dispositifs de l’article 149 et suivants de la loi, notamment à l’aménagement du domicile afin de permettre au travailleur d’utiliser sans mettre en danger son intégrité physique.
[12] Le travailleur a procédé à l’achat d’un condominium et plusieurs transformations ont été payées par la CSST afin de rendre l’appartement fonctionnel pour le travailleur.
[13] Toutefois, ce type de construction est livré avec du tapis dans la presque totalité des pièces, sauf dans la salle de bain et la cuisine.
[14] Or, la preuve démontre que les déplacements en fauteuil roulant sont difficiles en raison de la friction des poils du tapis qui crée une résistance au déplacement du fauteuil roulant que le travailleur utilise de façon manuelle.
[15] La preuve démontre aussi que le travailleur développe des tendinites aux doigts, aux poignets et aux membres supérieurs en raison de l’utilisation qu’il doit faire de ses membres supérieurs pour se déplacer avec son fauteuil roulant. Le fait qu’il y ait du tapis dans le condominium multiplie les risques de lésions aux membres supérieurs et entrave l’utilisation et la jouissance que le travailleur est en droit de s’attendre à son domicile.
[16] Le condominium était vendu avec des tapis. Ceux-ci faisaient donc partie des installations de base comme les armoires de cuisine et autre utilité comme la salle de bain. Celle-ci a été modifiée afin de permettre au travailleur de l’utiliser. Le même raisonnement doit trouver son application concernant les tapis. Il s’agit des composantes au même titre que les armoires, les portes, les installations de la salle de bain. Les planchers recouverts de tapis ne lui permettent pas d’utiliser son appartement en toute sécurité, efficacité et confort en raison de son fauteuil roulant.
[17] L’enlèvement du tapis pour le remplacer par du bois franc constitue une modification essentielle au domicile du travailleur afin de lui permettre de l’occuper adéquatement.
[18] L’article 153 de la loi prévoit :
153. L'adaptation du domicile d'un travailleur peut être faite si:
1° le travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique;
2° cette adaptation est nécessaire et constitue la solution appropriée pour permettre au travailleur d'entrer et de sortir de façon autonome de son domicile et d'avoir accès, de façon autonome, aux biens et commodités de son domicile; et
3° le travailleur s'engage à y demeurer au moins trois ans.
Lorsque le travailleur est locataire, il doit fournir à la Commission copie d'un bail d'une durée minimale de trois ans.
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1985, c. 6, a. 153.
[19] Plus particulièrement au paragraphe 2, il est précisé que le travailleur a droit d’avoir accès de façon autonome aux biens et commodités de son domicile, ce qui ne serait pas possible si le travailleur développe des lésions professionnelles aux membres supérieurs. Les tapis et de la résistance supplémentaire rendent les déplacements difficiles, hasardeux et mettent en péril l’intégrité physique du travailleur. Il y a donc lieu de faire droit à la requête du travailleur sur cette question.
[20] Concernant les modifications des carreaux et des tuiles, qui permettent au travailleur les déplacements sans danger, le tribunal est d’avis que la CSST n’a pas à rembourser ces modifications qui ont été faites que dans le but d’agencer la décoration.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur Claude Mailhot, le travailleur;
INFIRME la requête de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 9 décembre 2005;
DÉCLARE que monsieur Claude Mailhot a droit au remboursement pour l’enlèvement des tapis dans son condominium et le remplacement par des planchers de bois franc.
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Simon Lemire |
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Commissaire |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.