DÉCISION
[1] Le 2 mai 2002, monsieur Serge Corbeil (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l'encontre d'une décision rendue le 26 avril 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) en révision administrative.
[2] Par cette décision, la révision administrative confirme la décision rendue le 13 mars 2002 par la CSST, laquelle refusait de rembourser au travailleur les frais encourus pour l’achat du cannabis et/ou pour sa production, et ce, au motif qu’il ne s’agit pas d’un médicament au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la LATMP).
[3] La CSST est intervenue au dossier conformément à l'article 429.16 de la LATMP.
[4] Les parties renoncent à la tenue de l'audience, prévue le 27 juin 2002 et, le 4 septembre 2002, la Commission des lésions professionnelles reçoit l’argumentation du représentant du travailleur, laquelle est également transmise au représentant de la CSST. Le 30 septembre 2002, ce dernier fait parvenir à son tour son argumentation écrite et, le 23 octobre 2002, le représentant du travailleur soumet une réplique.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] Le représentant du travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le travailleur a droit au remboursement des frais encourus pour l’acquisition de cannabis, ceci constituant une assistance médicale aux termes de l’article 189 de la LATMP, et qu’il a également le droit au remboursement des frais encourus pour sa culture.
LES FAITS
[6] Le 25 février 1981, le travailleur est victime d’un accident du travail impliquant sa colonne lombaire. Le 11 novembre 1982, une investigation par myélographie lombaire révèle une protrusion discale postéro-latérale droite au niveau L5-S1. Le 16 novembre 1982, le travailleur subit une intervention chirurgicale, soit une discoïdectomie. Le 29 novembre 1983, il est apte à reprendre le travail alors qu’il est porteur d’une atteinte permanente de 8 %.
[7] Le 12 septembre 1986, le travailleur produit une réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation au 28 avril 1986, en relation avec son accident du travail du 25 février 1981, et ce, en raison d’une fibrose péri-radiculaire lombaire post-discoïdectomie. Le 9 septembre 1987, la lésion est consolidée sans atteinte permanente supplémentaire.
[8] Le 29 mai 1991, le travailleur produit une troisième réclamation alléguant une récidive, rechute ou aggravation au 15 avril 1991, en relation avec son accident du travail du 25 février 1981. Il est question d’une lombalgie chronique d’allure mécanique sans signe radiculaire franc. Le 23 mars 1992, le docteur Denys Jobin, physiatre, indique que le travailleur présente une diminution de 25 % de ses mouvements au niveau du segment lombo-sacré. Le 24 février 1994, le docteur Jean-Maurice D’Anjou, également physiatre, précise que la flexion antérieure est limitée, laquelle reproduit une douleur lombaire basse. Les mouvements de flexion latérale droite et gauche et d’extension sont aussi diminués. Le 24 février 1994, la lésion est consolidée avec un déficit anatomo-physiologique supplémentaire de 4 %. Le travailleur doit éviter de lever des poids de plus de 50 livres, éviter de travailler dans une position penchée plus de 10 à 15 minutes l’heure, éviter les mouvements répétitifs de flexion, extension et rotation du tronc et il doit éviter de se promener avec un véhicule sans suspension. Le 16 mars 1994, la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) accepte la réclamation du travailleur et précise que la condition médicale de ce dernier s’est détériorée.
[9] Le 1er septembre 1995, la CSST rend une décision à l’effet de retenir l’emploi de préposé au lavage des voitures comme emploi convenable et déclare que le travailleur est en mesure de l’exercer à compter du 31 août 1995. Le 2 septembre 1997, une entente intervient entre les parties ayant pour effet de reporter au 31 janvier 1996 la capacité du travailleur à exercer l’emploi convenable et de lui accorder le droit aux indemnités de remplacement du revenu jusqu’au 30 janvier 1997, et ce, dans le cadre d’une démarche de recherche d’emploi.
[10] Le 6 octobre 1999, le travailleur produit une autre réclamation alléguant une aggravation de sa condition lombaire. Il avait été vu par le docteur François Gagnon les 8 février et 16 août 1999, lequel diagnostiquait une névralgie chronique lombaire post-discoïdectomie et notait la présence d'une fibrose périradiculaire. Il est question d’une exacerbation récente. Le 1er octobre 1999, le docteur Jean-Maurice D’Anjou réitère la présence d’une lombalgie chronique et demande la passation d’une scintigraphie osseuse, laquelle a lieu le 10 novembre 1999. Cet examen est interprété comme ne démontrant pas d’évidence d’atteinte facettaire dans la région de L4, L5 et S1. Le 29 novembre 1999, le docteur D’Anjou prescrit une investigation par résonance magnétique.
[11] Le 8 février 2000, le docteur Jean-Maurice D’Anjou rapporte le résultat de la résonance magnétique en ces termes :
« Cet examen démontre des phénomènes de dégénérescence discale de légère à modérée, au niveau L5-S1. On décrit la suspicion d’un bris de l’anneau fibreux avec une toute petite hernie discale centrale L5-S1. Sur les coupes axiales, on parle d'une légère asymétrie, au niveau du sac dural à droite, près du trou de conjugaison. On décrit un aspect suggérant des changements fibro-cicatriciels post-opératoires. »
[12] Le docteur Jean-Maurice D’Anjou est d’avis que cette description à la résonance magnétique correspond sensiblement à celle notée à la dernière tomodensitométrie. Il précise que le travailleur se plaint toujours des mêmes douleurs lombaires, lesquelles ont tendance à irradier dans les deux membres inférieurs jusqu’au niveau des talons et, à l’occasion, jusqu’aux régions testiculaires.
[13] Le 22 novembre 2000, le travailleur est soumis à une nouvelle investigation par résonance magnétique de sa colonne lombaire, et ce, à la demande du docteur Patrice Montminy. Cet examen est interprété comme suit :
« Modifications post-chirurgicales à L5-S1 avec laminectomie partielle droite et comblement de la graisse épidurale à la portion latérale droite du canal spinal. Il pourrait simplement s’agir de phénomènes fibro-cicatritiels. Toutefois, cet examen devrait être complété avec une séquence avec gadolinium afin de départager entre des phénomènes fibro-cicatriciels et une récidive de hernie discale à L5-S1 droite. Cette dernière hypothèse m’apparaît toutefois un peu moins probable. A correler avec film avec gadolinium. » [sic]
[14] Ce 22 novembre 2000, le docteur François Gagnon, médecin ayant charge, écrit à Santé Canada en ces termes :
« 1) Il y a quelques années M. Corbeil a été référé à la clinique des douleurs de l’Hôtel-Dieu de Lévis. Plusieurs tentatives d’analgésie ont été tentées, entre autres épidurales thérapeutiques, corticostéroides. Depuis les cinq dernières années aucune consultation nouvelle n’a été faite étant donné le fait que les interventions analgésiques avaient une durée très limitée et une efficacité réduite. Même l’adjonction d’élavil ou de Neurontin n’ont été que très faiblement efficace. Nous n’avons jamais utilisé les analgésiques majeurs de type morphine. Au cours de ces années M. Corbeil était relativement soulagé par l’usage de la marihuana malgré les risques judiciaires que présente l’usage de cette drogue.
2) Vous trouverez ci-jointe une copie des consultations auprès du Dr. D’Anjou du 3 octobre 1999 et du 29 novembre 1999, ainsi que la scintigraphie du 10 novembre 1999 et la résonance magnétique du 1 février 2000, ainsi que la dernière consultation avec le Dr. D’Anjou du 8 février 2000. Il a également été vu par le Dr. Francoeur neuro-chirurgie dont vous trouverez copie en date du 14 mars 2000. »
3) Parmi les techniques utilisées pour soulager les douleurs de M. Corbeil, à peu près tous les anti-inflammatoires non-stéroidiens ont été tentés, avec beaucoup de problèmes digestifs. À l’occasion un traitement à la cortisone systémique en doses décroissantes a été essayé, des injections de cortisone ont été faites dans la colonne lombaire, on a tenté des épidurales thérapeutiques, des médicaments comme le talwin, l’élavil, le percocet, le neurontin . Ont été tenté récemment le marinol qui a apporté un soulagement certain au cours de son utilisation, mais des limites officielles imposées à l’utilisation du marisol (nausée et sida) nous ont ralenti dans l’utilisation de ce médicament.
4) En ce qui concerne la marihuana, dans le cas de M. Corbeil, les risques en cours nous semble moindres que les effets bénéfiques. Nous sommes d’accord que la fumée de mari comme celle du tabac est nocive au niveau pulmonaire. En ce qui concerne le syndrome de dépendance, M. Corbeil est un vieil usager du cannabis et depuis le temps, il ne semble pas avoir développé cette dépendance. Sur le plan cannabis, quand nous estimons que son utilisateur présente des risques minimum, nous ne voulons pas nécessairement parler de la présentation en inhalation, mais aussi des autres formes d’ingestion exemple le marinol dont l’apparition est encore très récente.» [sic]
[15] Le 1er mars 2001, la CSST, par le biais de la docteure Andrée Filion-Delisle, confirme que les médicaments « Ponstan, Marinol, Hemcort, Loseq, Novo-Alprazol, Celebrex, Zostrix et Novo-Gésic fort » sont pertinents en regard de la lésion professionnelle. Le 11 avril 2001, le docteur Jean-Maurice D’Anjou procède à une analyse de cette même médication, à la demande de la CSST. Il conclut que la médication ajoutée depuis le mois d’octobre 2000, c’est-à-dire le Marinol, est une médication d’exception qui doit être utilisée avec prudence mais que la condition de douleur présentée par le travailleur la justifie. Le Marinol devrait toutefois permettre la réduction du nombre de médicaments pris par ce dernier.
[16] Le 9 octobre 2001, Santé Canada informe le travailleur que conformément à l’article 56 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LRCDAS)[2], et sous réserve des conditions énoncées, qu’il est soustrait de l’application du paragraphe 41 (possession) et de l’article 7 (production/culture) en ce qui concerne le cannabis (marihuana), et ce, pour les fins médicales précisées dans sa demande. Santé Canada déclare que cette exception permet au travailleur de cultiver la plante de cannabis et d’avoir en sa possession du cannabis (marihuana) sous forme de parties de la plante, et ce, toujours sous réserve des conditions précisées. Ces conditions réfèrent à l’utilisation personnelle, à la quantité de plants pouvant être cultivée, à la quantité de marihuana utilisable pouvant être entreposée et à la quantité de marihuana utilisable pouvant être détenue sur soi à l’extérieur de la résidence. Santé Canada précise également que la marihuana n’a pas été approuvée par Santé Canada comme étant une drogue aux termes de la Loi sur les aliments et les drogues[3] et de son règlement et que l’exemption ne constitue pas une opinion, de Santé Canada, quant à l’innocuité, l’efficacité ou encore la qualité de cette substance. Santé Canada précise enfin que l’exemption a été accordée uniquement à cause des informations fournies par le médecin traitant, alors que des raisons médicales justifient cette exemption. Enfin, l’exemption est accordée à condition que le travailleur accepte d’assumer personnellement les risques associés à son utilisation. Santé Canada ne garantit pas que l’utilisation de la marihuana n'aura pas d’effets néfastes sur sa santé. L’exemption accordée au travailleur prend fin le 8 octobre 2002. Si celui-ci maintient son accès à la marihuana à l’expiration de l’exemption, il sera soumis au nouveau Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales[4].
L'AVIS DES MEMBRES
[17] Le membre issu des associations des employeurs est d'avis que le travailleur n'a pas droit au remboursement des frais relatifs à l'acquisition de marihuana ou à sa culture. En cela, il partage en tout point les éléments soumis dans le cadre de l'argumentation du représentant de la CSST, laquelle précise les articles de loi applicables et rappelle que le législateur a prévu de rembourser uniquement les frais d'assistance médicale prévus dans un cadre légal.
[18] Ce membre est aussi d'avis que les mots « médicament » et « drogue » sont bien définis et qu'ils ne permettent pas d'inclure la marihuana non légalisée et non homologuée aux médicaments payés, et ce, malgré la position de Santé Canada. La marihuana ne peut donc pas être considérée aux fins de l'assistance médicale. Agir autrement va au-delà de la loi et constitue une interprétation déraisonnable.
[19] Le membre issu des associations des travailleurs et d'avis, quant à lui, dans la mesure où la marihuana est prescrite par le médecin ayant charge, aux fins de l'atténuation des douleurs, et que Santé Canada consent à donner suite à cette prescription en accordant une exemption permettant la consommation restreinte de marihuana, et ce, suivant des normes très strictes d'acquisition ou de culture, que la CSST doit défrayer les coûts de cette prescription. Le travailleur devra fournir à la CSST la preuve des coûts se rattachant à cette prescription restrictive visant l'atténuation des douleurs, que ce soit dans le cadre de l'acquisition de marihuana ou de sa culture, afin que la CSST puisse rembourser le tout en fonction des critères rigoureux établis par Santé Canada.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[20] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit au remboursement des frais relatifs à l’acquisition de marihuana ou au remboursement des frais relatifs à la culture de plants de marihuana. Il s’agit donc de décider si cette question d’acquisition et de culture de marihuana s’inscrit dans ce qu’il convient d’appeler de l’assistance médicale, conformément à l’article 189 de la LATMP libellé comme suit :
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit :
1 les services de professionnels de la santé;
2 les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S - 4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S‑5);
3 les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4 les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur la protection de la santé publique (chapitre P‑35), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance‑maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5 les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
________
1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23.
[21] La Commission des lésions professionnelles est d’avis, compte tenu de l’importance de la question qui lui est soumise, qu’il faille rapporter longuement l’argumentation des parties en cette matière, commençant par le point de vue du représentant du travailleur, Me Pierre Caux, suivi de celui du représentant de la CSST, Me Stéphane Larouche et, enfin, de la réplique de Me Caux.
[22] Me Pierre Caux, après un résumé du dossier du travailleur, s’exprime en ces termes :
« De nombreuses recherches médicales ont amené Santé Canada à autoriser l’usage de la marijuana à des fins médicales. Santé Canada a d’ailleurs créé le Bureau de l’accès médical au cannabis afin de coordonner l’élaboration et la mise en application du Règlement sur l’accès à la marijuana à des fins médicales (RAMM), a L.C. 1996, ch 19, lequel est entré en vigueur le 30 juillet 2001. Nous vous joignons d’ailleurs à la présente un document explicatif sur ce Bureau et l’utilisation de cannabis à des fins médicales.
La mise en place de cet organisme et l’entrée en vigueur du RAMM fait suite à la décision rendue par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R. contre Parker (2000), 188 D.L.R. La Cour d’Appel de l’Ontario a alors statué que les prohibitions concernant la marijuana sont invalides en ce qu’elles ne prévoient aucune exception pour usage médical. Elles sont donc contraires à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne, L.R.C. (1985), App II.
Se faisant, la Cour reconnaît que l’usage de marijuana a une valeur thérapeutique et/ou médicale dans le traitement de certaines maladies. Pour ce faire, la Cour a apprécié une importante preuve médicale démontrant les effets thérapeutiques de la marijuana.
Il est donc actuellement reconnu, tant médicalement que juridiquement, que l’usage de la marijuana a une valeur thérapeutique et qu’elle peut être considérée dans le cadre d’un traitement médical.
Les articles 188 et 189 de la Loi sur les accidents de travail prévoit qu’un travailleur victime de lésions professionnelles a droit à toute l’assistance médicale requise par son état en raison de cette dite lésion, dont notamment les médicaments et autres produits pharmaceutiques de même que les soins, les traitements et les aides techniques. C’est en vertu de ces dispositions, principalement en vertu de l’article 189, paragraphe 3, que la CSST a accepté de défrayer tous les médicaments prescrits par les médecins de Monsieur Corbeil dans le traitement des douleurs chroniques qu’il ressent. Nous vous rappelons ici que la Commission, suite au rapport d’avril 2001 du Docteur D’Anjou, a accepté de défrayer les coûts reliés à l’acquisition du Marinol qui, tel qu’indiqué à la page 220, constitue un dérivé de la marijuana. C’est également les Docteurs D’Anjou et Gagnon qui ont prescrit la marijuana afin de soulager ses douleurs lombaires.
La prescription de la marijuana, par des professionnelles de la santé, en l’occurrence les deux médecins mentionnés ci-dessus, peut-elle être considérée comme étant la prescription d’un médicament au sens des définitions courantes de ce terme.
La Loi sur la pharmacie, ch. P-10 définie en son article 1, paragraphe h, la notion de médicament comme ceci :
"Toute substance ou mélange de substance pouvant être employée : 1- Au diagnostic, au traitement, à l’atténuation ou à la prévention d’une maladie, d’un désordre, d’un état physique ou psychique anormal, ou de leurs symptômes, chez l’homme ou chez les animaux."
Le Nouveau Petit Robert, le Dictionnaire des termes de médecine et le Dictionnaire de médecine Flammarion, quant à eux, définissent respectivement la notion de médicament comme suit :
"Substance active employée pour prévenir ou traiter une affection ou une manifestation morbide. = drogue. Médication, potion, remède; pharmacie, préparation, spécialité."
"Substance thérapeutique quel que soit son mode d’administration."
"Toute substance ou composition représentant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales ainsi que tout produit pouvant être administré à l’homme ou à l’animal, en vue d’établir un diagnostic médical, ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques (définition découlant de l’article L511 du Code de la Santé publique par l’ordonnance du 23 septembre 1967, et adoptée par la pharmacopée européenne)."
Il nous faut donc constater que Monsieur Corbeil s’est vu prescrire par son médecin traitant, le Docteur Gagnon de même que par le Docteur D’Anjou, de la marijuana à des fins thérapeutiques, soit comme un médicament visant à atténuer les douleurs qu’il ressent à son dos suite à sa lésion professionnelle. En effet, la marijuana prescrite et consommée dans ces circonstances, constitue un médicament au sens de la Loi sur la pharmacie et des définitions généralement reconnues, en ce qu’elle est employée dans le but d’atténuer un état physique anormal, soient les douleurs chroniques ressenties par Monsieur Corbeil. Si la marijuana constitue dans ces circonstances un médicament au sens de la loi et des définitions mentionnées ci-dessus, elle doit donc en être un au sens de l’article 189 , paragraphe 3 de la LATMP. La consommation de la marijuana dans ces circonstances doit être considérée comme une assistance médicale requise par l’état de santé de Monsieur Corbeil en raison de sa lésion professionnelle de 1981.
[…] » [sic]
[23] Me Pierre Caux poursuit en précisant que la CSST est tenue de défrayer les coûts relatifs à l’acquisition et à l’installation du matériel nécessaire à la production de marihuana, puisque la seule alternative légale, ouverte au travailleur, est de produire lui-même sa marihuana étant impossible légalement de s’en procurer. Il doit donc impérativement, d’ajouter Me Caux, acquérir tout l’équipement nécessaire à la production de la marihuana qu’il consomme, conformément aux prescriptions de son médecin. Au surplus, de terminer Me Caux, l’usage de marijuana remplacera la consommation du Marinol.
[24] Me Pierre Caux soumet deux décisions de la Commission d'appel au soutien de son argumentation. Il s’agit de l’affaire Fleurent c. Fer & Titane inc.[5] et Marier c. Frères Maristes[6]. Dans la première affaire, il est question de bas élastique tandis que dans la seconde, il s’agit de traitements de chiropractie. Dans ces deux affaires, la Commission d'appel reconnaît que l’acquisition du bas élastique et le fait de recevoir des traitements de chiropractie s’inscrivent dans l’application des articles 188 et 189 de la LATMP.
[25] Me Pierre Caux conclut comme suit :
« Suivant tout ce qui précède, nous pensons que la marijuana doit être considérée comme étant un médicament dont le coût d’acquisition, ou dans les circonstances actuelles qui prévalent au Canada, les coûts de production doivent être remboursés par la CSST, puisque sa consommation constitue une assistance médicale conformément aux articles 188 et 189 LATMP.
Au surplus, est-il besoin de rappeler au Tribunal que la LATMP est une Loi à caractère social qui doit recevoir une interprétation large et généreuse en faveur du travailleur, et c’est dans cet esprit que nous vous demandons d’appliquer la Loi dans le présent dossier. »
[26] Me Stéphane Larouche, pour sa part, précise que la LATMP est une loi réparatrice et que le législateur a prévu de rembourser des frais d’assistance médicale. Pour avoir droit à un tel remboursement, le travailleur doit respecter les conditions édictées aux paragraphes 188 et suivants. Il s’agit plus particulièrement de l’interprétation qu’il y a lieu de donner au paragraphe 3 de l’article 189 de la LATMP. Me Larouche poursuit en ces termes :
« Pour la CSST, sa position est simple. Dans l’état actuel des choses, la marihuana n’étant pas encore homologuée aux fins de la Loi sur les aliments et drogues, celle-ci ne peut être considérée comme un médicament. Cette position est d’ailleurs conforme à celle retenue par les autorités fédérales tel qu’il appert ci-après. De plus, puisque la marihuana n’est pas disponible en pharmacie, il ne peut s’agir d’un "produit pharmaceutique" au sens de l’article 189 de la LATMP.
Nous pensons que cette Loi sur la pharmacie doit, au Canada, se lire dans le contexte des lois fédérales. D’ailleurs, le travailleur lui-même invoque une exception obtenue sous une loi fédérale pour tenter de se faire payer cette substance. Si par exemple la marihuana n’était visée par aucune exception au fédéral, il ne saurait être question de la reconnaître comme médicament sous une loi provinciale.
Pour bien saisir le fait que le travailleur se trouve en situation d’exception, nous pouvons consulter le site Internet de Santé Canada intitulé «Bureau de l’accès médical au cannabis». Notre collègue a d’ailleurs déposé certaines pages du même site. Vous trouverez en annexe les pages du site qui ont attiré notre attention.
Nous pouvons y lire que la marihuana reste une drogue illicite au Canada. Seules certaines catégories très particulières de personnes peuvent se voir permettre la consommation de marihuana. Depuis le 30 juillet 2001, le Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales est entré en vigueur.
Or, même dans le contexte où une personne se voit autorisée à consommer de la marihuana, il faut référer au paragraphe f de l’article 5 de ce nouveau règlement pour mesurer la portée que donne les autorités fédérales à cette permission. Le nouveau règlement précise que la déclaration du demandeur doit comporter :
"f) la mention qu’il sait qu’aucun avis de conformité n’a été délivré en vertu du Règlement sur les aliments et drogues quant à l’innocuité ou l’efficacité de la marihuana comme drogue, et comprend les implications de ce fait." »
[27] Me Stéphane Larouche poursuit en rapportant ce qui est indiqué au sujet de l’avis de conformité et réfère aux énoncés de Santé Canada inscrits dans la décision du 9 octobre 2001, décision accordant au travailleur l’autorisation de consommer de la marihuana et d’en cultiver les plants. Il continue en ces termes :
« On peut retenir que Santé Canada précise que la marihuana n’est pas une «drogue». Or, la Loi sur les aliments et drogues définit le mot «drogue» comme suit :
"drogue" Sont compris parmi les drogues les substances ou mélanges de substances fabriqués, vendus ou présentés comme pouvant servir :
a) au diagnostic, au traitement, à l’atténuation ou à la prévention d’une maladie, d’un désordre, d’un état physique anormal ou de leurs symptômes, chez l’être humain ou les animaux;
Il faut conclure que la marihuana ne peut être considérée comme utile au traitement, à l’atténuation ou à la prévention d’une maladie, d’un désordre d’un état physique anormal ou de leurs symptômes, chez l’être humain. Sinon, il y aurait un avis de conformité émis au niveau de la marihuana par Santé Canada.
En somme, on ne peut prétendre que Santé Canada, par l’exemption accordée au travailleur en vertu de l’article 56 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, a reconnu cette substance comme étant un médicament. Au contraire, le législateur prend la peine de préciser au demandeur que l’innocuité de la substance n’est pas reconnue.
En comparaison, le Marinol est approuvé en tant que produit thérapeutique au sens de la Loi sur les aliments et drogues. C’est pourquoi la CSST a remboursé ce médicament reconnu comme tel. Cette reconnaissance par la Loi sur les aliments et drogues est une condition essentielle. En effet, tant qu’un produit n’a pas obtenu cette reconnaissance, ses vertus thérapeutiques ne sont pas encore certaines. »
[28] Me Stéphane Larouche réfère à nouveau au site Internet de Santé Canada pour s’attarder à la position de cet organisme sur la valeur thérapeutique et l’efficacité de la marihuana fumée. Il souligne que les données sur cette valeur thérapeutique sont uniquement anecdotiques et qu’il n’y a aucun pays au monde qui a approuvé la marihuana comme médicament. Il précise que les études scientifiques quant à l’innocuité et l’efficacité de cette drogue à des fins thérapeutiques ne sont pas concluantes. De plus, d'ajouter Me Larouche, il y a des risques associés à l’utilisation de la marihuana, particulièrement lorsqu’elle est fumée. Il termine comme suit :
« Bref, de tout ceci, nous pensons que si la loi fédérale et ses règlements viennent dire que la marihuana n’a pas fait l’objet d’une approbation sous la Loi sur les aliments et drogues et que l’innocuité de la marihuana n’a pas été démontrée, on ne peut pas dire que c’est un médicament reconnu au Canada.
La Loi sur la pharmacie du Québec doit se lire dans le contexte de cette législation fédérale. Si une loi fédérale prend la peine de confirmer qu’un produit n’est pas reconnu valable comme traitement d’une maladie, on ne peut pas du même souffle prétendre que la même substance est utile à un traitement sous une loi provinciale. D’ailleurs les mots «pouvant être employés» de la Loi sur la pharmacie montre bien que la reconnaissance comme «traitement valable» se fait ailleurs que dans cette loi.
Interpréter le paragraphe 3 de l’article 189 de la LATMP comme autorisant le remboursement de la marihuana irait donc à l’encontre de la position fédérale. Or, le travailleur invoque une autorisation fournie par le gouvernement fédéral. Pourtant, ce même gouvernement, dans sa sphère de compétence, explicite son refus de reconnaître cette substance comme ayant une valeur thérapeutique dans un traitement.
L’article 189 de la LATMP ne doit pas servir de foyer expérimental pouvant conduire à la reconnaissance d’une substance au terme de la Loi sur les aliments et drogues. C’est plutôt la Loi sur les aliments et drogues qui, de par toute l’expertise de Santé Canada, doit conditionner le champ d’application de l’article 189 de la LATMP. »
[29] Concernant la question de la production de marihuana, Me Stéphane Larouche indique que cette demande est impossible à satisfaire. Il s’exprime comme suit :
« Le paragraphe 3 de l’article 189 de la LATMP ne couvre pas le coût de production d’un médicament (achat d’équipement, installation d’équipement, électricité pour en faire la production, etc.). Ce paragraphe ne vise évidemment que le coût d’achat du médicament. Une telle demande d’assumer les coûts de production d’un médicament n’est aucunement rattachée au texte du paragraphe 3 de l’article 189 de la LATMP.
Ces coûts ne peuvent non plus être considérés comme des aides à la thérapie au sens du paragraphe 5 de l’article 189 de la LATMP. Notre politique entend par cette expression couvrir les aides techniques complémentaires à un traitement et destinées à diminuer la douleur ou stimuler le processus de guérison ou à contrôler l’œdème ou à améliorer la fonction comme les neuro-stimulateurs transcutanés (T.E.N.S.) ou les neuro-stimulateurs épiduraux et intra thalamiques ou les masqueurs d’acouphènes et les autres aides à la thérapie dont la liste apparaît au Règlement sur l’assistance médicale. Les équipements de production de marihuana ne pourraient donc figurer à l’annexe 2 du règlement sur l’assistance médicale parce qu’ils ne correspondent pas à une aide à la thérapie dans leur définition.
Il ne faut pas oublier que l’article 189 est limitatif (l’assistance médicale consiste en ce qui suit). La jurisprudence de la CLP est d’ailleurs à cet effet. Une interprétation restrictive s’impose donc en vertu des règles d’interprétation des lois. Le remboursement des coûts des équipements de production n’est manifestement pas couvert par un paragraphe de l’article 189 de la LATMP. Ainsi, même si Santé Canada autorisait demain matin la consommation de marihuana pour tous, cela ne nous donnerait aucune autorisation législative claire pour accorder le remboursement des coûts des équipements de production. Une modification de la LATMP serait donc nécessaire à notre avis. »
[30] Le 23 octobre 2002, Me Pierre Caux, appelé à répondre aux arguments de Me Stéphane Larouche, réitère que c’est à des fins thérapeutiques que le travailleur est autorisé à produire et consommer de la marihuana, qu’il en a eu l’autorisation en vertu des lois et règlements fédéraux, suite aux recommandations de ses médecins, et que c’est dans le cadre d’une situation d’exception qu’il faut analyser l’application de l’article 189 de la LATMP. Il faut déclarer que la marihuana est un médicament, non pas au sens de la Loi sur les aliments et drogues, mais bien au sens de l’article 189 (3) de la LATMP, et ce, en ce qu’elle est prescrite à titre d’assistance médicale.
[31] Me Pierre Caux indique que le fait de déclarer la marihuana à titre de médicament, en application de l’article 189 (3) de la LATMP, ne contrevient pas à la législation fédérale, puisque c’est par le biais de l’assistance médicale qu’il faut en voir son usage. Au surplus, de préciser Me Caux, la Loi sur la pharmacie n’a pas à être interprétée en fonction de la Loi fédérale sur les aliments et drogues. Il en est de même de la LATMP.
[32] Concernant la question relative à ce qu'il convient d'appeler la vertu thérapeutique, Me Caux indique que la marihuana fait présentement l’objet d’études financées par le gouvernement fédéral afin d’en évaluer l’efficacité réelle. Le fait que la marihuana ne fasse pas actuellement l’objet d’un avis de conformité par Santé Canada ne lui enlève en rien ses qualités thérapeutiques reconnues par la Cour d’appel de l’Ontario, par la communauté médicale et par le gouvernement fédéral, lequel a édicté récemment une politique d’exception permettant, à des fins thérapeutiques, sa production et sa consommation. Me Caux fait un parallèle avec la morphine, laquelle est une drogue, au sens du Code criminel, et pourtant considérée comme un médicament vendu en pharmacie avec restriction. Me Caux termine comme suit :
« Par ailleurs, et compte tenu du fait qu’il est actuellement impossible pour Monsieur Corbeil de se procurer légalement de la marijuana au Canada autrement qu’en la produisant lui-même (Monsieur est autorisé par Santé Canada pour la production et la consommation de la marijuana), il est donc impératif que les coûts reliés à l’acquisition et à l’installation de l’équipement nécessaire à une telle production soient défrayés par la CSST.
En effet, compte tenu du fait que la marijuana a été prescrite à Monsieur Corbeil à des fins thérapeutiques dans le cadre d’un traitement médical relié à sa lésion professionnelle, il nous apparaît clair que la CSST est tenue de lui permettre l’accès à ce traitement. Puisqu’on ne peut actuellement acheter légalement de la marijuana, la CSST est donc tenue de défrayer les coûts reliés à l’accessibilité par Monsieur Corbeil de la marijuana nécessaire à son traitement. Il n’y a actuellement aucune autre possibilité qui s’offre à Monsieur Corbeil. Nous pensons que l’interprétation des articles 188 et suivants permet de reconnaître que, dans la situation qui nous occupe, le remboursement des coûts reliés à l’acquisition et à l’installation des équipements nécessaires à la production de marijuana à des fins thérapeutiques est permis en ce qu’il constitue une assistance médicale. »
[33] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que l’analyse de la question qui lui est soumise doit se faire en tenant compte d’un certain nombre de paramètres qui, à première vue, semblent peu conciliables avec une interprétation restrictive de l’article 189 de la LATMP. Il s’agit des énoncés, tels que :
- la marihuana n’est pas encore homologuée aux fins de la Loi sur les aliments et drogues;
- la marihuana n’est pas disponible en pharmacie;
- la marihuana reste une drogue illicite au Canada;
- seules certaines catégories très particulières de personnes peuvent se voir permettre la consommation de cette drogue;
- le travailleur invoque une exception sous une loi fédérale;
- aucun avis de conformité n’a été délivré en vertu de la Loi sur les aliments et drogues et son règlement quant à l’innocuité ou l’efficacité;
- à Santé Canada, on n’a pas reconnu la marihuana comme étant un médicament;
- aucun pays au monde n’a reconnu la marihuana à titre de médicament;
- il y a des risques associés à la consommation de la marihuana;
- la Loi sur la pharmacie au Québec doit se lire dans le contexte de la législation fédérale.
[34] La Commission des lésions professionnelles est aussi d’avis que ce débat doit tenir compte, outre l’article 189 de la LATMP et les énoncés préalablement invoqués, des articles 1 , 188 , 194 et 351 de la LATMP, lesquels sont libellés comme suit :
1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.
Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour dommages corporels et, le cas échéant, d'indemnités de décès.
La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.
________
1985, c. 6, a. 1.
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
________
1985, c. 6, a. 188.
194. Le coût de l'assistance médicale est à la charge de la Commission.
Aucun montant ne peut être réclamé au travailleur pour une prestation d'assistance médicale à laquelle il a droit en vertu de la présente loi et aucune action à ce sujet n'est reçue par une cour de justice.
________
1985, c. 6, a. 194.
351. La Commission rend ses décisions suivant l'équité, d'après le mérite réel et la justice du cas.
Elle peut, par tous les moyens légaux qu'elle juge les meilleurs, s'enquérir des matières qui lui sont attribuées.
________
1985, c. 6, a. 351; 1997, c. 27, a. 13.
[35] La Commission des lésions professionnelles est d'avis qu'il faut d'abord replacer le débat dans son contexte. Il s’agit ici d’un travailleur victime d’une lésion professionnelle qui en raison de la persistance des douleurs depuis de nombreuses années, alors que les traitements conservateurs n’apportent pas véritablement de soulagement et que la prise massive de médicaments provoque des troubles digestifs, se voit reconnaître la permission, par les autorités compétentes, de consommer de la marihuana et d’en cultiver des plants pour son propre besoin. Cette permission se traduit par une exemption en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et le travailleur est soumis à des conditions très strictes en regard de cette exemption.
[36] Conformément aux articles 1 et 351 de la LATMP, tout doit être mis en œuvre pour permettre la réparation des conséquences d’une lésion professionnelle, conséquences qui, dans le cas en litige, se concrétisent par l’existence de douleurs permanentes. Il est question ici de névralgie chronique lombaire post-discoïdectomie, de fibrose périradiculaire et d’irradiation aux membres inférieurs jusqu’au niveau des talons et, occasionnellement, jusqu’aux régions testiculaires. C’est donc en regard de ce schéma médical et de l’échec des traitements conservateurs que Santé Canada a approuvé la suggestion des médecins et accordé une exemption quant à la consommation de la marihuana et sa culture. Ce schéma médical et cet échec des traitements conservateurs sont bien documentés par le médecin ayant charge le 22 novembre 2002. D'ailleurs, la preuve médicale au dossier démontre clairement que la condition du travailleur s'est détériorée depuis 1999 et que c'est en raison de cette détérioration que des examens spécifiques, tels que la scintigraphie osseuse et des résonances magnétiques, ont été prescrits entre le 10 novembre 1999 et le 22 novembre 2000.
[37] À ce stade de l'analyse, la Commission des lésions professionnelles désire revenir sur la définition du terme « médicament », tel que nous l’enseignent les dictionnaires et les autres sources de référence. À la lecture des définitions aux dictionnaires, la Commission des lésions professionnelles constate que le terme « médicament » fait appel à une description très large. Il est question de toute substance ou composition représentant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines. Il est aussi question de toute substance active employée pour prévenir ou traiter une affection ou une manifestation morbide. On parle de drogue, de médicament, de potion ou encore de remède. La Loi sur la pharmacie définit également le médicament en référant à toute substance ou mélange de substances pouvant être employé, entre autres, à l’atténuation des symptômes d’une maladie. Quant à la Loi sur les aliments et drogues, c'est le mot « drogue » qu'elle définit comme substances ou mélanges de substances fabriqués, vendus ou présentés comme pouvant servir, entre autres, au diagnostic, au traitement, à l’atténuation ou à la prévention d’une maladie, d’un désordre, d’un état physique anormal ou de leurs symptômes. La Commission des lésions professionnelles est donc d'avis que la définition des mots « médicament » et « drogue », alors que chacune de ces définitions réfère à toute substance ou mélanges de substance, est suffisamment large pour y inclure la marihuana lorsque celle-ci est prescrite à des fins médicales.
[38] Il est évident, dans le cas présent, que la consommation de la marihuana vise l'atténuation de la manifestation douloureuse de la maladie. Elle a donc été prescrite à des fins médicales et le but recherché s’apparente à celui d’une médication conventionnelle pour laquelle le médicament fera partie de la liste reconnue et sera distribué en pharmacie. La Commission des lésions professionnelles ne retient donc pas l'argument de la CSST voulant que la marihuana ne soit pas un médicament et qu’en conséquence, il soit impossible de considérer cette substance aux fins de l’application de l’article 189 de la LATMP.
[39] D’abord, la Commission des lésions professionnelles ne peut faire fi du Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales, mis en œuvre sur recommandation du ministre de la Santé et en vertu du paragraphe 55 (1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, lequel est entré en vigueur le 30 juillet 2001, comme étant une ouverture, par les autorités compétentes, à considérer la marihuana comme un moyen thérapeutique visant, entre autres, l’atténuation de phénomènes indésirables et récalcitrants découlant d’une maladie, dont la douleur chronique fait partie. Que la marihuana ne soit pas encore homologuée aux fins de la Loi sur les aliments et drogues ne change en rien la nouvelle vision qui se dessine par le Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales. À cet effet, la Commission des lésions professionnelles cite le passage contenu dans le communiqué relatif à la déclaration du ministre de la santé, Monsieur Allan Rock, du 4 juillet 2001:
« L'annonce d'aujourd'hui est une étape importante dans nos efforts continus pour assurer aux Canadiennes et aux Canadiens atteints de maladies graves et débilitantes une source de marijuana à des fins médicales, a révélé le ministre Rock. Cette mesure humanitaire améliorera la qualité de vie des malades, en particulier ceux qui se trouvent en phase terminale. »
[40] La Commission des lésions professionnelles est aussi d'avis que le fait que la marihuana ne soit pas disponible en pharmacie ne change pas non plus cette nouvelle vision de Santé Canada. Il s’agit là tout au plus d’un problème d’accessibilité que le Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales contourne actuellement en permettant la culture de plants de marihuana. Quant au fait que la marihuana soit une drogue illicite au Canada, ce règlement en atténue la portée en créant, pour certaines personnes, des conditions d’exemption relatives à sa possession, tant chez soi que sur soi, et à sa culture.
[41] Concernant maintenant le fait qu’il n’existe aucun avis de conformité délivré en vertu de la Loi sur les aliments et drogues et son règlement quant à l’innocuité ou l’efficacité de la marihuana à des fins thérapeutiques, la Commission des lésions professionnelles ne peut retenir cet état de fait comme étant suffisant pour fermer le présent débat. En effet, quoiqu’il n’y ait pas aujourd'hui d’avis de conformité, le médecin ayant charge du travailleur et les spécialistes consultés estiment que le recours à la marihuana a des effets positifs pour le travailleur, quant au soulagement de sa douleur chronique. Cela est d'autant plus vrai que celui-ci en a testé les effets par le passé en se procurant cette substance malgré les interdits légaux. De plus, la Commission des lésions professionnelles estime, quoique les études scientifiques ne soient pas encore concluantes sur cette question d’efficacité et d’innocuité de la marihuana, que le fait pour Santé Canada d’en permettre la consommation à des fins médicales milite beaucoup plus, dans la situation actuelle de la recherche, en faveur de l’existence de certains effets bénéfiques, dont l’atténuation des douleurs. D'ailleurs, il existe un organisme appelé Bureau de l'accès médical au cannabis qui coordonne la recherche sur la sécurité et l'efficacité de la marihuana à des fins thérapeutiques. C'est donc dire tout le sérieux accordé à cette nouvelle perspective par Santé Canada. Ce n'est donc pas parce qu'il n'existe pas encore d'avis de conformité qu'il faille, tel que le suggère le représentant de la CSST, ne pas considérer la marihuana comme utile à l'atténuation de la manifestation douloureuse découlant d'une maladie. Si tel était le cas, Santé Canada n'aurait pas prévu d'exemption en regard de cette substance.
[42] En ce qui a trait aux risques associés à la consommation de la marihuana, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il ne s’agit pas là, non plus, d’un argument valable pour fermer le présent débat. À partir du moment où le travailleur est mis au courant des risques, tel que l’exige le Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales, et qu’il en accepte les conséquences, celui-ci ne se retrouve pas nécessairement dans une position plus néfaste que celle qu’il vit en regard d’une médication massive. La Commission des lésions professionnelles estime que le jugement du médecin prévaut en la matière et que ce dernier, en recommandant l’accès à la consommation de la marihuana, en a apprécié l’impact par rapport à la situation globale du travailleur. À cet effet, la Commission des lésions professionnelles réfère à la preuve médicale montrant que le travailleur présente beaucoup de problèmes digestifs avec la prise d'anti-inflammatoires non stéroïdiens. Quant à l'effet nocif, la Commission des lésions professionnelles constate que le docteur François Gagnon a évalué la dépendance du travailleur pour la marihuana et qu'il a conclu que cette dépendance était inexistante.
[43] La Commission des lésions professionnelles est donc d'avis, dans la mesure où la marihuana est prescrite et qu'elle fait l'objet d'une exemption à des fins médicales par Santé Canada, que celle-ci se doit d'être considérée comme un médicament en application de l'article 189 de la LATMP. Bien entendu, il ne saurait être question de tenir un tel discours en l'absence de cette exemption. Nous ne serions d'ailleurs pas en train d'en débattre.
[44] La Commission des lésions professionnelles partage donc le point de vue élaboré par le représentant du travailleur quant au fait de reconnaître la marihuana comme médicament aux fins de l’application de l’article 189 (3) de la loi, malgré qu'elle ne le soit pas en regard de la Loi sur les aliments et drogues. Le contexte de la loi disposant des lésions professionnelles est particulier en ce qu’il prévoit que le travailleur a droit à l’assistance médicale que requiert son état, et ce, dans un contexte où tout doit être fait pour atténuer les conséquences de sa lésion professionnelle. Or, les médecins s'entendent pour dire que c’est par le biais de la consommation de la marihuana que l’on pourra, dans le cas présent, atténuer la douleur chronique. D’ailleurs, la Commission des lésions professionnelles remarque que ni la CSST ni l’employeur n’ont contesté ce traitement préconisé par le médecin ayant charge, alors qu’ils auraient pu le faire en recourant à la procédure au Bureau d’évaluation médicale (BEM) sous l’item de la nature des soins, conformément à l’article 212 de la LATMP libellé comme suit :
212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants :
1° le diagnostic;
2° la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;
3° la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;
4° l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;
5° l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.
L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.
________
1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.
[45] La Commission des lésions professionnelles est par ailleurs d'accord avec le représentant de la CSST pour dire que l'article 189 de la LATMP ne doit pas servir de foyer expérimental pouvant conduire à la reconnaissance d'une substance aux termes de la Loi sur les aliments et drogues. Toutefois, la Commission des lésions professionnelles estime que le fait de donner suite à l'exemption accordée par Santé Canada quant à la marihuana, exemption qui tient compte de la recommandation du médecin ayant charge du travailleur, ne conduira pas inévitablement à la crainte soulevée par le représentant de la CSST. La LATMP a un champ d'application strict, lequel vise la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires. C'est en regard de l'impact sur cet objectif qu'il faut examiner le présent débat.
[46] La Commission des lésions professionnelles rendait récemment une décision[7] reconnaissant l'application de l'article 189 de la LATMP pour une question d'aliments naturels. Les passages pertinents se lisent comme suit:
« […]
[32] Par ailleurs, le tribunal juge opportun d’analyser les prétentions de la CSST en regard du produit MSM. La CSST plaide, à l’audience, qu'étant un produit naturel, le MSM n'est pas couvert par le 3e alinéa de l'article 189 de la loi qui ne s’applique qu’aux médicaments et autres produits pharmaceutiques. Le tribunal est d'avis, avec respect, que tel n'est pas le cas. Rappelons que la loi ne définit pas l’expression "médicaments et autres produits pharmaceutiques", il faut donc s’en reporter au sens usuel de ces mots. D’une part, le dictionnaire indique qu'un médicament est une "substance ou préparation administrée en vue d’établir un diagnostic médical, de traiter ou de prévenir une maladie, ou de restaurer, corriger, modifier des fonctions organiques."
[33] D’autre part, la Loi sur la pharmacie5 définit le terme «médicament» de la façon suivante:
1. Dans la présente loi et dans les règlements adoptés sous son autorité, à moins que le contexte n'indique un sens différent, les termes suivants signifient:
[…]
h) "médicament": toute substance ou mélange de substances pouvant être employé:
i). au diagnostic, au traitement, à l'atténuation ou à la prévention d'une maladie, d'un désordre, d'un état physique ou psychique anormal, ou de leurs symptômes, chez l'homme ou chez les animaux; ou
ii. en vue de restaurer, corriger ou modifier les fonctions organiques chez l'homme ou chez les animaux;
[…]
[34] Par ailleurs, certaines décisions dans la jurisprudence en matière d’assurance, de transport ou de déontologie professionnelle ont interprété les termes "médicament" et "produit pharmaceutique" dans le cadre de différentes actions. Par exemple, dans une affaire où un contrat d'assurances prévoyait le remboursement de médicaments obtenus sur ordonnance d'un médecin, la Cour du Québec6 a décidé qu'un substitut de lait pour nourrisson, étant une formule à la fois thérapeutique ou alimentaire, doit être considéré comme un médicament au sens de la Loi sur la pharmacie. Dans une autre affaire7, où il était question de permis de transport de produits pharmaceutiques, la Cour supérieure du Québec a décidé que la gomme à mâcher édulcorée au sorbitol et au xylitol, ayant des vertus prophylactiques, constitue un produit pharmaceutique. La Cour indique que l'expression produit pharmaceutique s’applique à une quantité de produits ayant un usage non essentiellement thérapeutique mais orienté vers le corps humain en général, qu'il s'agisse d'hygiène, d'apparence ou de soins plus sophistiqués. En outre, des vitamines ont été considérées comme des médicaments8 au sens de la Loi sur la pharmacie.
[35] Ainsi, à la lumière des différentes définitions des dictionnaires s’appliquant aux termes "médicaments" et "autres produits pharmaceutiques" et en s’inspirant de la jurisprudence citée, le tribunal estime contrairement aux prétentions de la CSST que le produit MSM pourrait être considéré comme un médicament ou autre produit pharmaceutique au sens de l'article 189 de la loi. Toutefois, puisque la preuve n’a pas démontré, tel qu’exprimé plus tôt, que le produit MSN est requis en raison de la lésion professionnelle, le tribunal s’en tient à la conclusion selon laquelle la travailleuse n’a pas droit au remboursement du produit.
______________
5 Petit Larousse illustré 1999, Larousse - Bordas, 1998, Paris p. 639
6 Grenon c. Mutuelle d'assurance, [1989] R.R.A. 199
7 Transport Gilles Lemieux Inc. c. P.G. du Québec, C.S. Québec 200-36-00028-83, 200-36-000029-83, 14 novembre 1985, J. Bienvenue
8 R. c. General Nutrition Canada ltd, C.S.P. Montréal, 500-27-005421-799, 23 octobre 1980, J. Mierzwinski
[…] »
[47] Que penser maintenant de l’argument du représentant de la CSST quant à l’impossibilité de rembourser les coûts relatifs à l’acquisition du matériel pour la production de plants de marihuana, au motif qu’une telle situation ne s’apparente pas à ce qui est prévu aux paragraphes 3 et 5 de l’article 189 de la LATMP.
[48] Sur ce point, la Commission des lésions professionnelles réfère d’abord à l’article 194 de la LATMP indiquant que le coût de l’assistance médicale est à la charge de la CSST. Il est donc clair qu’à partir du moment où le travailleur bénéficie d’une assistance médicale, celle-ci doit être à la charge de la CSST. Ce qui est particulier dans le cas présent c’est que les coûts visés ne se rattachent pas à l’achat de la médication mais bien à la production de cette médication.
[49] Pour disposer de cette question, la Commission des lésions professionnelles doit nécessairement tenir compte du fait qu’il est impossible dans le contexte légal actuel, autrement que par la culture de plants de marihuana, de se procurer cette substance. Du moins, il n'existe pas de centre de distribution accessible pour un individu demeurant en région. Il faut donc, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, ne pas s’en tenir à une interprétation restrictive de l’article 189 de la LATMP et permettre d’inclure, aux fins de la reconnaissance de l’assistance médicale et de son accès, le remboursement des coûts relatifs à la culture de marihuana comme s’il s’agissait du coût d’achat du produit fini directement à un centre reconnu. Agir autrement rendrait inapplicable la conclusion à laquelle en arrive la Commission des lésions professionnelles quant à reconnaître, dans le cas présent, la marihuana à titre de médicament compris dans l’assistance médicale. Cela rendrait aussi légalement inapplicable le droit consenti par Santé Canada à la consommation de la marihuana à des fins médicales pour un travailleur accidenté du travail, alors que l'assistance médicale est à la charge de la CSST.
[50] Quant à l'argument du représentant de la CSST voulant que même avec une légalisation complète de la marihuana, l'article 189 de la LATMP ne permettrait pas le remboursement des équipements nécessaires à la culture de cette substance sans modification de la LATMP, la Commission des lésions professionnelles estime que cet argument n'a pas véritablement de valeur. En effet, il y a tout lieu de penser qu'avec une légalisation complète de la marihuana, l'on assisterait à la mise en place de centres de distribution permettant par le fait même un accès facile au produit fini.
[51] La Commission des lésions professionnelles, tout en acceptant la requête déposée par le travailleur sur cette question de la marihuana prescrite par son médecin et pour laquelle il bénéficie d'une exemption de Santé Canada, constate qu’il n’existe au dossier aucun élément permettant d’apprécier les coûts relatifs à l’acquisition de marihuana ou à la mise en place des équipements nécessaires à sa culture restreinte. Le travailleur devra donc fournir à la CSST les factures appropriées, que ce soit des factures de consommation ou d’acquisition de matériel servant à la culture des plants de marihuana, afin de permettre à cette dernière d’évaluer les coûts réalistes, et ce, suivant les critères de consommation restrictive et du nombre de plants que permet le Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête déposée par monsieur Serge Corbeil (le travailleur) le 2 mai 2002;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) en révision administrative rendue le 26 avril 2002;
DÉCLARE que le travailleur est en droit de bénéficier du remboursement des coûts pour l’achat de marihuana ou pour sa culture;
DÉCLARE que le travailleur doit fournir à la CSST les factures relatives à l’achat de marihuana ou à sa culture afin qu’elle procède au remboursement du coût en fonction de la consommation restrictive et du nombre de plants que permet le Règlement sur l'accès à la marihuana à des fins médicales.
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Marielle Cusson |
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Commissaire |
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PROULX, MÉNARD, MILLIARD, CAUX (Me Pierre Caux) |
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Représentant de la partie requérante |
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PANNETON, LESSARD (Me Stéphane Larouche) |
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Représentant de la partie intervenante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001
[2] L.C. 1996, ch. 19
[3] L.R. 1985, ch.F. 27
[4] (2001) 135 GAZ. CAN. II, 1330
[5] C.A.L.P., 05249-62-8711, le 6 août 1999, J. M. Duranceau
[6] C.A.L.P., 56794-03-9402, le 13 septembre 1995, M. Beaudoin
[7] Barnabé et TM Composites inc. et CSST Outaouais, C.L.P., 169317-07-0110, M. Langlois.
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