Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

RÉGION:

OUTAOUAIS

LONGUEUIL, le 2 mars 1999

 

DOSSIER:

93920-07-9801

DEVANT LE COMMISSAIRE :

Éric Ouellet

 

 

 

 

ASSISTÉ DES MEMBRES :

Nicole Girard

 

 

Associations d'employeurs

 

 

 

 

 

Alain Archambault

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST:

110019031

AUDIENCE TENUE LE :

11 novembre 1998

 

DOSSIER BR :

6255 3443

À :

Hull

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MONSIEUR LOUIS LAROCQUE

5, place Corbeil

Buckingham (Québec)  J8L 3S9

 

 

 

 

PARTIE APPELANTE

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

LES STRUCTURES UNIVERSELLES INC.

52, rue du Sacré-Cœur

Charlemagne (Québec)  J5Z 1W5

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 


DÉCISION

 

Le 22 janvier 1998, monsieur Louis Larocque (le travailleur) dépose une déclaration d’appel à la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) à l’encontre d’une décision rendue le 12 janvier 1998 par le bureau de révision de l’Outaouais (le bureau de révision).

 

Par cette décision unanime, le bureau de révision infirme en partie la décision du 13 mai 1997 rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), ordonne le remboursement des traitements prescrits par le médecin qui a charge du travailleur et refuse l’achat d’un lit orthopédique.

 

À l’audience, le travailleur est présent.  Pour sa part, la compagnie Les Structures universelles inc. (l’employeur) est absente bien que dûment convoquée.

 

Bien que l’appel de l’employeur ait été déposé à la Commission d’appel, la présente décision est rendue par la Commission des lésions professionnelles, conformément à l’article 52 de la Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives (L.Q. 1997, c.27) entrée en vigueur le 1er avril 1998.  En vertu de l’article 52 de cette loi, les affaires pendantes devant la Commission d’appel sont continuées et décidées par la Commission des lésions professionnelles.

 

OBJET DE L’APPEL

 

Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer en partie la décision de la CSST du 13 mai 1997 et de déclarer qu’il a droit au remboursement des frais reliés à l’achat d’un lit orthopédique.

LES FAITS

 

Monsieur Louis Larocque, monteur de structures d’acier au service de l’employeur, fait une chute d’environ 10 mètres le 7 septembre 1995 et s’inflige de multiples fractures au visage, au bassin, aux jambes ainsi qu’à la colonne vertébrale.

 

Le travailleur subit diverses interventions chirurgicales ainsi que de nombreux traitements si bien que son état n’est toujours pas consolidé à ce jour.  Le 28 avril 1997, le docteur Duranleau prescrit un lit orthopédique au travailleur, ce que refuse la CSST et cette décision est contestée devant le bureau de révision qui la maintient, d’où le présent appel.

 

À l’audience, le travailleur explique qu’il demande le remboursement de frais pour l’achat d’un lit orthopédique, puisqu’il ne dort pas la nuit et doit se lever à chaque heure pour dégourdir ses membres.  Il est un polytraumatisé grave et prend beaucoup de médicaments.  Il subit des traitements de physiothérapie et il n’a pas encore été évalué par la CSST pour ses dommages corporels, non plus qu’il n’a entrepris de processus de réadaptation.

 

Monsieur Larocque explique qu’un siège spécial lui a été remboursé pour son véhicule automobile et qu’il a été remboursé d’un montant de 7 400 $ pour un matelas orthopédique.  Le travailleur souligne que seul l’achat d’un matelas orthopédique ne règle rien parce qu’il ne peut pas changer de position.

 

AVIS DES MEMBRES

 

Le membre issu des associations syndicales est d’avis que le coût pour l’achat d’un lit orthopédique devrait être remboursable au travailleur puisque sa condition de polytraumatisé nécessite l’achat d’une telle aide technique pour améliorer sa condition physique.

 

Le membre issu des associations d’employeurs considère qu’une telle aide technique n’est pas remboursable, puisque non prévu au Règlement sur l’assistance médicale.[1].

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

 

La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le coût relié à l’achat d’un lit orthopédique doit être remboursé au travailleur.

 

Les dispositions de l’article 189 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., chapitre A-3.001) (la loi) définit dans les termes suivants ce qu’inclus l’assistance médicale :

 

189.     L'assistance médicale consiste en ce qui suit:

 

            1o  les services de professionnels de la santé;

 

            2o  les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives (1991, chapitre 42) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris et inuit (chapitre S-5);

 

            3o  les médicaments et autres produits pharmaceutiques;

 

            4o  les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur la protection de la santé publique (chapitre P - 35), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance-maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;


 

            5o  les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1o à 4o que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.

 

Les quatre premiers paragraphes de l’article 189 précité ne couvrent pas l’achat d’un lit orthopédique.  Le dernier paragraphe ne vise pas davantage un tel achat, le règlement étant muet en ce qui concerne la location ou l’achat d’un lit orthopédique.  On y parle plutôt de lit d’hôpital.

 

Notons par ailleurs que la CSST a procédé au remboursement pour l’achat d’un matelas orthopédique alors le règlement de la CSST ne prévoit pas expressément que ce coût est remboursable.

 

Dans la présente affaire, le travailleur a subi un accident du travail violent qui lui a causé des fractures sérieuses ce qui permet d’envisager des séquelles permanentes importantes, comme en font foi les rapports médicaux du dossier.  La note déposée à l’audience et datée du 10 août 1998, du physiatre Denis Duranleau, explique d’ailleurs comme suit les limitations fonctionnelles de son patient :

 

« (…)

 

            Comme limitations fonctionnelles, ce patient est incapable de demeurer en position assise et debout pour plus de 5 à 10 minutes.  En position couchée, le patient doit se relever à toutes les heures.  Il a actuellement à la maison, un matelas orthopédique de type R.O.H.O.  Il prend comme médication Oxycontin et Oxycodone régulièrement.  Nous avons prescrit du Neurontin pour essayer de contrôler les symptômes et pseudoparesthésies au niveau des deux membres inférieurs.  Le patient a eu également un bloc sacro-iliaque gauche sous scopie, ce qui l’a beaucoup aidé.  Nous avons prescrit chez lui un bloc facettaire au niveau L4-L5, L5-S1 gauche.  La résonance magnétique au niveau du bassin démontre une pseudoarthrose ou retard d’union de l’aileron sacré gauche.  La discale C5-C6 et de plus petite taille également au niveau de C4-C5.  Au niveau lombaire, la résonance magnétique démontre une diminution modérée du calibre des foramens sacrés gauches à S2-S3, S3-S4.  Pas d’évidence de neuropathie cubitale bilatéralement.  Au Ct-Scan lombaire, nous notons des signes de discopathie de L3 à S1.  Pas d’évidence de hernie discale.  Diminution modérée du calibre des trous de conjugaison au niveau L4-L5 par des ostéophytes postéro-latéraux.

 

Comme pronostic :  Ce patient est en invalidité totale et permanente à vie, il aura des douleurs chroniques à vie, il aura besoin de soins médicaux à vie.»

 

Dans une autre note du 3 novembre 1998, le physiatre prescrit l’achat d’un lit électrique ajustable :

 

«La présente a pour but de vous informer que nous voyons Monsieur Larocque, qui présente une pseudarthrose à la région sacro-iliaque gauche suite à une fracture du bassin ainsi qu’à un polytrauma.  Le patient doit, pour faire des nuits de sommeil appréciable et confortable ainsi que pour avoir un sommeil réparateur, actuellement le patient est en invalidité totale, et pour que ce patient puisse faire ses activités de la vie quotidienne et domestique diurnes normales, nous croyons qu’un lit électrique ajustable est absolument indiqué chez ce patient.

 

Donc, nous réitérons notre appui face au besoin d’un lit électrique ajustable pour ce patient.»

 

 

La CSST, pour sa part, considère aussi le travailleur comme lourdement handicapé puisqu’elle motive une décision d’accepter le remboursement des frais engagés pour faire exécuter certains travaux et les frais engagés pour les frais de gardiennage et de déplacement, par le fait que le travailleur a subi une atteinte permanente grave à la suite de sa lésion professionnelle.

 

En l’espèce, le médecin traitant du travailleur le dit invalide.  On peut donc prévoir, au minimum, que le travailleur sera porteur d’une atteinte permanente importante et qu’il bénéficiera d’un processus de réadaptation pour analyser sa capacité de travail.

 

Voyons à prime abord la jurisprudence récente concernant l’achat ou la location de lit orthopédique.

 

La commissaire, Ginette Godin, dans sa décision d’octobre 1998, analyse la question en comparant un lit orthopédique, non prévu au règlement précité, à un lit d’hôpital dont la location est prévue audit règlement[2].

 

La conclusion de la décision de madame Godin se lit comme suit :

 

«La Commission des lésions professionnelles ne peut confondre ces deux catégories de lit car la qualification «d’hôpital» réfère à un lit prévu pour alitement journalier et nocturne alors qu’un lit orthopédique se réfère à un lit pour utilisation nocturne»

 

 

Avec respect, le soussigné ne partage pas l’avis de la commissaire concernant l’interprétation de l’utilité réelle d’un lit d’hôpital et des avantages de cette aide technique.

 

De l’avis du présent tribunal, en plus de servir à l’alitement nocturne et diurne, l’avantage principal d’un lit d’hôpital est qu’il est ajustable de façon électrique ou manuelle, donc pouvant être utilisé par le patient lui-même de façon autonome et par le personnel soignant.  Il est aussi pourvu de barre de sécurité de chaque côté pour prévenir les chutes, de roulettes pour être facilement déplaçable et d’ancrages pour des produits médicaux.

 

Dans le présent cas, l’objectif du médecin traitant du travailleur est de permettre à ce dernier de soulager ses douleurs la nuit ou le jour, de façon autonome, permettant ainsi une récupération maximum lors des périodes de repos, qu’elles se fassent le jour ou la nuit.

 

L’objectif de la loi et accessoirement du règlement sur l’assistance médicale précité, vise à fournir des aides techniques qui vont permettre l’amélioration de l’état de santé des bénéficiaires de cette aide et, plus fondamentalement, répondre à l’objet de la loi qui est la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires.

Un lit orthopédique, servant aux fonctions citées précédemment est, de l’avis du présent tribunal, assimilable à un lit d’hôpital, ayant comme avantage principal d’être ajustable.  Ce n’est pas parce que le législateur n’a pas prévu explicitement le remboursement d’un lit orthopédique, que cette aide technique n’est pas remboursable.  Malgré une expression imparfaite, le législateur, en parlant de lit d’hôpital, a voulu permettre qu’un tel lit puisse être disponible au travailleur lors du retour à la maison, lui permettant ainsi de recouvrer le plus d’autonomie possible.  Dans le cas en l’espèce, le travailleur a particulièrement besoin d’une telle aide technique puisque lourdement handicapé.

 

Finalement, notons que le règlement ne prévoit pas l’achat d'une telle aide technique mais en prévoit plutôt la location.

 

Vu ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que le coût pour la location d’un lit orthopédique doit être remboursé au travailleur

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

 

ACCUEILLE l’appel déposé le 22 janvier 1998 par monsieur Louis Larocque;

 

INFIRME en partie la décision du bureau de révision du 12 janvier 1998;

 

DÉCLARE que monsieur Louis Larocque a droit au remboursement des frais reliés à la location d’un lit orthopédique;

 


ORDONNE à la Commission de la santé et de la sécurité du travail de rembourser à monsieur Louis Larocque les frais reliés à la location d’un lit orthopédique.

 

 

 

 

 

 

Éric Ouellet, commissaire

 



[1]   (L.R.Q., c. A-3.001, a. 189, par 5° et a. 454 par, 3.1°, 1992, c.11, a, 8, par 3° et a. 44 par 1°).

[2]   Savard et Jean Leclerc excavation, (CLP) 94640-03-9803 et 100026-03-9804, 1998‑10‑21.

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