______________________________________________________________________
______________________________________________________________________
[1] Le 3 février 2005, monsieur Alain Cloutier, pour monsieur Marc Vachon (le travailleur), dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste la décision rendue le 25 janvier 2005 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d'une révision administrative.
[2] Par cette décision, la révision administrative confirme la décision rendue par la CSST le 1er novembre 2004 et déclare que le travailleur n'est pas porteur d'une maladie pulmonaire professionnelle.
[3] Audience tenue le 9 juin 2005 à Thetford-Mines en présence du travailleur et de son représentant, monsieur Gordon Ringuette. Métallurgie Castech inc. (l'employeur) est, pour sa part, représenté par monsieur Guy Sylvain.
[4] Afin de compléter le dossier du travailleur, la Commission des lésions professionnelles a demandé et obtenu une mise à jour du dossier médical de ce dernier le 4 juillet 2005. Le 2 septembre 2005, le représentant de l'employeur écrit à la Commission des lésions professionnelles pour signaler qu'il n'a aucun commentaire additionnel à émettre concernant les derniers documents médicaux déposés au dossier du travailleur. La cause est donc prise en délibéré à cette dernière date.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] Le représentant du travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d'infirmer cette décision rendue le 25 janvier 2005 par la CSST, à la suite d'une révision administrative, et de déclarer que le travailleur présente bel et bien une lésion professionnelle le 13 novembre 2003 sous forme de maladie professionnelle.
LES FAITS
[6] Le travailleur, aujourd'hui âgé de 47 ans, travaille dans le domaine de la métallurgie depuis 18 ans. À ses débuts, il exerce les fonctions de démouleur, soudeur et, depuis les 15 dernières années, celle d'opérateur de pont roulant.
[7] Le 13 novembre 2003, il consulte le docteur Cabot pour des douleurs thoraciques. À cette occasion, le docteur Cabot porte le diagnostic de bronchite toxique, condition pour laquelle un arrêt de travail lui est prescrit.
[8] Le 23 novembre 2003, le travailleur passe des tests de fonction respiratoire sous la supervision du docteur Michel Laviolette, pneumologue, tests qui montrent la présence d'un volume de rétention. Dans son rapport dicté le 25 novembre 2003, le docteur Laviolette parle d'un syndrome obstructif qui se caractérise surtout par un volume de rétention.
[9] Dans un autre rapport également dicté le 25 novembre 2003, le docteur Laviolette n'écarte pas le diagnostic d'asthme qui se manifeste au travail en raison d'une exposition aux différents facteurs irritants.
[10] Dans une lettre datée du 8 décembre 2003 et adressée au docteur Lemieux, le docteur Laviolette invite ce dernier à faire une demande pour une évaluation par le Comité de la CSST et de requérir dès que possible une enquête industrielle sur le milieu de travail.
[11] Le 12 décembre 2003, les parties complètent les différents formulaires d'usage à la CSST concernant un événement survenu le 13 novembre 2003, événement que ces derniers rapportent en ces termes :
Je suis opérateur de pont roulant, à partir du plafond. Mon poste de travail est fermé mais non étanche. Depuis l'arrivée de la production des pièces coulées de Fonderie Unitcast (janvier 2003), j'ai, à plusieurs reprises, fait des rapports à l'infirmerie, alors que je ressentais des brûlures aux poumons et j'étouffais. Le 13 novembre 2003, le système de ventilation était défectueux, j'ai alors quitté mon travail, après avoir informé mon superviseur, et je suis allé consulter un médecin. [sic]
[12] Le 12 mars 2004, le Comité des maladies pulmonaires professionnelles, composé des docteurs Serge Boucher, Michel Laviolette et Marc Desmeules, tous pneumologues, examine le travailleur. Dans le rapport qui en a suivi, ce comité apporte l'opinion et les commentaires suivants :
Ce patient, qui nie tout antécédent asthmatique, présentait depuis plusieurs mois des ennuis respiratoires évocateurs de problèmes asthmatiques et associés à une sensation de brûlure rétrosternale. Suite à une exposition excessive aux fumées le 12 novembre 2003, alors qu'il y a eu arrêt de la ventilation, le patient a estimé que sa condition devenait trop mauvaise et il a décidé d'arrêter de travailler et d'aller consulter. Les examens ont démontré l'existence d'un asthme bronchique avec hyperactivité bronchique non spécifique. Nos tests actuels confirment la persistance d'un état asthmatique. La possibilité d'un asthme professionnel doit être évaluée davantage dans ce dossier. Avant de formuler un avis définitif, le Comité souhaite obtenir :
1. Une enquête industrielle sur les polluants auxquels monsieur Vachon est exposé à la fonderie Castech;
2. Dépendant des résultats de l'enquête industrielle, de considérer une épreuve de provocation bronchique spécifique en usine ou en laboratoire.
[13] Par la suite, le travailleur consulte régulièrement le docteur P. Lemieux qui retient le diagnostic d'asthme professionnel.
[14] À la demande de la CSST, monsieur Luc Roberge, hygiéniste du travail, procède à une évaluation des conditions de travail chez l’employeur. Après avoir identifié les produits retrouvés à la fonderie, monsieur Roberge produit le 10 juin 2004 un rapport dont la Commission des lésions professionnelles juge important de reproduire, dans leur intégralité, les chapitres « discussion et conclusion ».
DISCUSSION
Suite à cette recherche, à l'analyse des poussières et à l'évaluation environnementale, les résultats nous indiquent que le travailleur a été exposé à de la poussière qui contient du quartz, de la cristobalite, de la mangésioferrite, du zircon, des oxydes métalliques, du calcite et du feldspaths. Le rapport d'évaluation environnementale (annexe 3) nous indique qu'il y a émanation de phénol, d'ammoniac et d'éthyl mercaptan.
Si nous regardons chacune de ces fiches, l'ensemble de ces produits sont des irritants légers à très sévères pour les voies respiratoires et les yeux.
De plus, le formaldéhyde et l'éthanal sont reconnus comme des sensibilisants respiratoires.
CONCLUSION
Monsieur Vachon a été exposé à des irritants sévères et à des sensibilisants respiratoires.
[15] Les 23, 24 et 25 août 2004, une évaluation est faite en usine où le travailleur est exposé aux différents produits et substances. Ces tests n'ont pu permettre de mettre en évidence de réaction asthmatique chez le travailleur ni de changements significatifs au niveau bronchique.
[16] Le 3 septembre 2004, le Comité des maladies pulmonaires professionnelles composé cette fois des docteurs Jean-Guy Parent, Serge Boucher et Marc Desmeules, conclut à l'absence d'asthme professionnel chez le travailleur.
[17] Le 14 octobre 2004, le Comité spécial des présidents, composé des docteurs Raymond Bégin, André Cartier et Gaston Ostiguy, confirme l'absence d'asthme professionnel chez le travailleur.
[18] Le 1er novembre 2004, la CSST écrit au travailleur pour l'informer qu'elle ne lui reconnaît pas de maladie professionnelle pulmonaire, décision que ce dernier porte en révision le 26 novembre 2004.
[19] Le 25 janvier 2005, la CSST, à la suite d'une révision administrative, confirme sa décision rendue le 1er novembre 2004, d'où la contestation déposée à la Commission des lésions professionnelles le 3 février 2005 au nom du travailleur.
[20] À l'audience, le travailleur confirme travailler dans une fonderie depuis le 27 mai 1985 et plus particulièrement comme opérateur de pont roulant depuis presque 15 ans.
[21] À ce titre, son travail consiste à déplacer des charges pour approvisionner les travailleurs.
[22] Comme opérateur de pont roulant, il bénéficie d'une cabine de 6 pieds par 6 pieds vitrée non étanche et non ventilée située sous le pont roulant. Il situe la cabine à approximativement 14 pieds du sol.
[23] Il travaille sur le quart de jour de 7 h 00 à 15 h 30 sauf pour la période hivernale où il débute à 7 h 30 pour terminer à 16 h.
[24] Avant décembre 2002, les heures de coulée étaient de soir et de nuit.
[25] Après le rapatriement de l'exploitation d'Unitcast, en janvier 2003, le sable utilisé a été modifié et le coulage se faisait également sur le quart de jour à raison de 3 à 4 coulées durant ce quart.
[26] Les opérations d'Unitcast ont été installées sans ventilation.
[27] Il n'a jamais eu de problème d'asthme avant les modifications apportées à l'usine en décembre 2002 ou janvier 2003.
[28] Il a noté que la qualité de l'air s'est détériorée par la suite au point où il évalue la visibilité dans l'usine parfois à ± 25 pieds.
[29] Il explique la détérioration de la qualité de l'air par le fait que l'on place les pièces moulées sur un convoyeur vibrant qui sert à casser le moule et à déplacer les pièces.
[30] Plus le moule est chaud et plus la poussière et la fumée montent dans l'atmosphère.
[31] À l'époque, il n'y avait pas de ventilation au-dessus du convoyeur.
[32] Il portait un masque de type 3M régulier qui était efficace contre la poussière seulement.
[33] Il commente les tests faits en usine au mois d'août 2004 et souligne que ceux-ci ne sont pas le reflet de ce qu'il a vécu en 2003.
[34] Appelé à élaborer davantage sur cette allégation, le travailleur souligne que l'employeur a fait installer un système de ventilation avec hotte et jupe au-dessus du convoyeur. Il va jusqu'à faire état d'un changement de connexion qui a eu pour effet de doubler la capacité de récupération.
[35] Il ajoute également que durant les tests effectués au mois d'août 2004, les portes de l'usine étaient grandes ouvertes et qu’il n'y avait presque pas de fumée alors qu'en novembre 2003, les portes en question étaient fermées.
[36] Il est coprésident du Comité de santé et sécurité dans l'usine depuis 1996.
[37] Il s'est plaint de la qualité de l'air au Comité de santé et sécurité ainsi qu'à ses supérieurs.
[38] Avant de quitter son travail en novembre 2003, il a consulté à plusieurs reprises le Service de santé de l'employeur en raison des difficultés qu'il avait à respirer et d’une sensation de brûlure aux niveaux des yeux et des bronches.
[39] Il mentionne que les symptômes vécus sous forme de sensation d'étouffement et de brûlure aux yeux et aux bronches étaient présentes sur les lieux de son travail et diminuaient le soir et les fins de semaine.
[40] Il n'a pas fait d'autres crises d'asthme depuis qu'il a quitté l'entreprise au mois de novembre 2003.
[41] Malgré qu'il n'a pas fait d'autres crises d'asthme, il fait tout de même usage de pompes de type « Ventolin » sur une base quotidienne à la demande du docteur Laberge.
[42] Du témoignage de monsieur Guy Sylvain, la Commission des lésions professionnelles retient qu'il est directeur d'usine chez l'employeur.
[43] Il confirme le déménagement des opérations Unitcast et précise que la première coulée a eu lieu le 6 janvier 2003.
[44] Il atteste qu'il n'y avait pas de ventilation vis-à-vis le convoyeur.
[45] Il a fait intervenir monsieur Jean-Guy Nadeau, hygiéniste du travail, en février 2003.
[46] Il a fait installer un système de hotte vis-à-vis le convoyeur vers la fin du mois d'avril 2004 avec jupe dans les semaines suivantes.
[47] Il soumet qu'il y a toujours eu des masques disponibles dans l'entreprise afin de protéger les travailleurs contre la poussière.
L’AVIS DES MEMBRES
[48] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d'avis d'infirmer la décision rendue par la révision administrative le 25 janvier 2005.
[49] Selon eux, la preuve offerte dans ce dossier permet d'établir que le travailleur a vraisemblablement aggravé une condition personnelle préexistante par cette exposition massive aux produits irritants utilisés dans l'entreprise durant la période du 6 janvier au 13 novembre 2003.
[50] Ils rappellent que le travailleur n'avait jamais souffert d'asthme avant cette période.
[51] Depuis le déménagement des opérations d'Unitcast, il y a des coulées sur le quart de jour et de plus, les convoyeurs vibrants sur lesquels défilent les morceaux fraîchement coulés ne sont pas dotés d'un système de ventilation à cette époque, engendrant ainsi beaucoup de fumée et de poussière, surtout pour l'opérateur de pont roulant qui est appelé à travailler en élévation dans une cabine vitrée non étanche et non ventilée.
[52] Ils doutent sérieusement que le début des symptômes du travailleur ne soit que le fruit du hasard.
[53] Ils accordent peu d'importance aux tests faits en usine au mois d'août 2004 puisque ceux-ci ne sont pas le reflet des conditions de travail vécues pendant cette période du 6 janvier au 13 novembre 2003.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[54] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur présente une lésion professionnelle le 13 novembre 2003.
[55] La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) (la loi) définit, à son article 2, la lésion professionnelle comme suit :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[56] Il ressort de cette définition qu'une lésion professionnelle peut avoir comme origine :
- un accident du travail;
- une maladie professionnelle;
- une récidive, rechute ou aggravation.
[57] Compte tenu de la preuve offerte dans ce dossier, la Commission des lésions professionnelles est d'avis que seule la notion de maladie professionnelle peut faire l'objet d'analyse quoique le représentant du travailleur n'écarte pas celle de l'accident du travail.
[58] En effet, la Commission des lésions professionnelles ne peut retenir l'événement survenu le 13 novembre 2003 lors d'un bris de ventilation dans l'entreprise puisque le travailleur était déjà aux prises avec des symptômes témoignant de son asthme bien avant cette date.
[59] Il en est de même des notions de récidive, rechute ou aggravation puisque le travailleur n'avait jamais eu de symptômes reliés à son asthme avant le déménagement des opérations d'Unitcast en décembre 2002 ou janvier 2003.
[60] Néanmoins, la Commission des lésions professionnelles tient à préciser que le fait d'écarter les notions de récidive, rechute ou aggravation ne prive pas pour autant le travailleur de prouver qu'il a tout de même aggravé une condition personnelle en raison des risques particuliers de son emploi d'opérateur de pont roulant.
[61] Ceci étant clarifié, la loi définit, à son article 2, la maladie professionnelle comme suit :
« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[62] Afin de faciliter la preuve d'une maladie professionnelle, le législateur a prévu, à l'article 29 de la loi, une présomption de cette dernière.
[63] Pour donner ouverture à l'application de cette présomption de maladie professionnelle, encore faut-il que le travailleur démontre, par une preuve prépondérante, qu'il est porteur d'une maladie spécifiquement énumérée à cette annexe I de la loi et qu'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après cette même annexe.
[64] À ce titre, la Commission des lésions professionnelles retient de la preuve que le premier diagnostic porté dans ce dossier est celui de bronchite toxique, le tout tel qu'il appert du rapport médical du docteur Cabot du 13 novembre 2003.
[65] Par la suite, les spécialistes consultés par le travailleur diagnostiquent chez lui un asthme.
[66] Dans la mesure où le diagnostic d'asthme bronchique figure à l'annexe I de la loi, la Commission des lésions professionnelles doit donc prendre acte de la réalisation de la première condition donnant ouverture à l'application de cette présomption de maladie professionnelle.
[67] Quant à la seconde condition prévue à l'annexe I de la loi, nous devons être en présence d'un travail impliquant une exposition à un agent spécifique sensibilisant.
[68] À la lecture de l'étude industrielle effectuée par monsieur Luc Roberge le 10 juin 2004, nous sommes à même de constater que certains produits utilisés dans l'usine sont considérés comme agents sensibilisants suivant les fiches signalétiques de ceux-ci.
[69] Dès lors, la Commission des lésions professionnelles doit conclure à la réalisation de la seconde condition donnant ouverture à l'application de la présomption de maladie professionnelle et en prend donc acte à ce stade-ci.
[70] Comme cette présomption peut faire l'objet d'un renversement, qu'en est-il de la preuve sur ce volet ?
[71] Appelé à passer différents tests bronchiques et une exposition en milieu de travail, le travailleur a été exposé aux substances utilisées dans l'entreprise et n'a aucunement réagi aux agents spécifiques sensibilisants que l'on retrouve dans son milieu de travail.
[72] Même si le travailleur remet en question les tests faits en usine en raison du fait qu'ils n'ont pas été exécutés dans le contexte où il a été exposé en 2003, la Commission des lésions professionnelles tient tout de même à préciser que peu importe la densité des poussières et de la fumée retrouvée lors de ces tests effectués en usine, le travailleur aurait vraisemblablement réagi aux agents sensibilisants même à de faibles quantités.
[73] L'absence de réaction à ces agents spécifiques sensibilisants rend donc peu probable le développement d'un asthme professionnel par ces mêmes agents sensibilisants, d'où le renversement de cette présomption de maladie professionnelle.
[74] Le travailleur doit donc démontrer à la Commission des lésions professionnelles que sa maladie vécue sous forme d'asthme est soit caractéristique de son travail d'opérateur de pont roulant ou reliée aux risques particuliers de celui-ci suivant l'application de l'article 30 de la loi.
[75] La Commission des lésions professionnelles souligne qu'aucune preuve n'a été apportée par le travailleur voulant que l'asthme pouvait être caractéristique de son emploi, laissant comme seule et unique possibilité la relation entre cette pathologie et le risque particulier de son emploi d'opérateur de pont roulant.
[76] Dans l'analyse de cette dernière notion, la Commission des lésions professionnelles n'écarte pas non plus l'aggravation d'une condition personnelle préexistante par les risques particuliers de son travail tel que l'a reconnu la Cour d'appel du Québec dans la cause PPG Canada inc. c. Commission d’appel en matière de lésions professionnelles et autres[1]. Dans cette affaire, après avoir fait une revue de la jurisprudence, la Cour d'appel du Québec souligne que pour conclure qu'une aggravation d'une condition personnelle préexistante constitue une lésion professionnelle, il faut que soit survenu un accident du travail ou une aggravation causée par les risques particuliers du travail.
[77] C'est justement par le biais d'une aggravation d'une condition personnelle préexistante causée par les risques particuliers du travail d'opérateur de pont roulant que la Commission des lésions professionnelles fait droit à la requête du travailleur.
[78] En effet, le travailleur qui oeuvre dans une fonderie depuis 18 ans n'avait pas de problème d'asthme avant que l'employeur ne déménage les opérations de l'entreprise Unitcast.
[79] Avant ce déménagement, il n'y avait pas de coulées sur le quart de jour sur lequel oeuvre le travailleur.
[80] Or, depuis le 6 janvier 2003, il y a de 3 à 4 coulées sur le quart de jour.
[81] Les convoyeurs vibrants sur lesquels défilent les moules fraîchement coulés ne sont pas dotés de système de ventilation. Ainsi, il se dégage beaucoup de poussière et de fumée qui montent au niveau de la cabine de l'opérateur du pont roulant au point où le travailleur parle d'une diminution de la visibilité parfois à ± 25 pieds.
[82] Comme cette cabine vitrée se déplace sous le pont roulant et qu'elle passe près du convoyeur vibrant, le travailleur est exposé à des émanations importantes de fumée et de poussière.
[83] Qui plus est, sa cabine qui n'est pas étanche, n'est également pas dotée d'un système de ventilation qui lui est propre.
[84] Au fil des jours et des semaines, le travailleur est confronté à une sensation de brûlure aux yeux ainsi qu'aux bronches.
[85] Il consulte le Service de santé de l'employeur à quelques reprises pour cette condition et soumet cette problématique au Comité de santé et sécurité dont il fait partie.
[86] Il s'ensuit des recommandations pour faire installer un système de « hottes » avec jupe au-dessus du convoyeur afin de récupérer le plus possible la fumée et la poussière qui se dégagent lorsque les moules défilent, travaux qui ont été effectués seulement au printemps 2004.
[87] Cependant, avant même que ces travaux ne soient terminés, le travailleur est soumis à une exposition massive le 13 novembre 2003 lorsque le système de ventilation de l'entreprise devient défectueux.
[88] Il n'en fallait pas plus pour que le travailleur présente une augmentation de ces symptômes, lesquels obligent ce dernier à consulter un médecin ce jour même.
[89] Il s'ensuit différents tests de provocation bronchique dont un qui est effectué en milieu de travail au mois d'août 2004. Ces tests n'ont pu démontrer de réaction significative aux différents agents sensibilisants retrouvés dans cette entreprise.
[90] Sans vouloir douter de ces résultats en regard des agents spécifiques sensibilisants, puisque le travailleur aurait normalement réagi à la moindre exposition, il n'en demeure pas moins que ces tests en usine ne sont pas révélateurs sur l'intensité de l'exposition du travailleur à la fumée et la poussière.
[91] En effet, à l'époque où ces tests ont été effectués, l'employeur avait apporté des correctifs à la ventilation et avait doté les convoyeurs vibrants d'un système de « hottes » avec jupe.
[92] De plus, lors de ces tests, les portes de l'entreprise étaient grandes ouvertes alors que pendant l'exposition du travailleur du 6 janvier 2003 au 13 novembre 2003, les portes n'étaient pas ouvertes durant la période hivernale, le printemps et l'automne.
[93] On peut certainement écarter les agents sensibilisants comme étant la cause de l'asthme du travailleur mais il en est autrement des agents irritants que prend soin d'identifier monsieur Roberge dans son rapport du 10 juin 2004.
[94] Ce dernier ira plus loin en insistant sur chacune des fiches techniques des produits retrouvés dans l'entreprise qui sont classés comme agents irritants légers à très sévères pour les voies respiratoires et les yeux.
[95] La Commission des lésions professionnelles doute sérieusement que l'apparition des symptômes du travailleur après le 6 janvier 2003 ne soit que le fruit du hasard sur sa condition asthmatique.
[96] Qui plus est, le docteur Michel Laviolette, pneumologue, n'écarte pas cette hypothèse dans l'un des deux rapports qu'il dicte le 25 novembre 2003 lorsqu'il soumet que le travailleur peut présenter un asthme qui se manifeste lors de son travail et que cette manifestation serait due à une exposition à différents facteurs irritants.
[97] Cette possibilité avancée par le docteur Laviolette revêt donc ici davantage le caractère probant.
[98] Au risque de se répéter, le travailleur n'avait jamais eu de problème avant le déménagement des opérations d'Unitcast en janvier 2003.
[99] De plus, il a développé des symptômes sous forme de brûlure aux yeux et aux bronches avec sensation d'oppression au niveau thoracique.
[100] Depuis qu'il a quitté son travail le 13 novembre 2003, il n'a plus refait de crise d'asthme.
[101] Il est vrai que le travailleur continue à être symptomatique de cet asthme faisant même usage d’un bronchodilatateur sur une base quotidienne.
[102] C'est donc dans ce contexte des plus particuliers que la Commission des lésions professionnelles croit sincèrement que le travailleur a rendu symptomatique une condition d'asthme latente par les risques particuliers de son travail d'opérateur de pont roulant dans les circonstances préalablement reproduites.
[103] La Commission des lésions professionnelles prend soin de préciser que la condition d'asthme du travailleur est une condition personnelle préexistante puisqu'il est demeuré symptomatique de celle-ci malgré le fait qu'il ne soit plus exposé à des agents irritants en milieu de travail.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête déposée à la Commission des lésions professionnelles le 3 février 2005 au nom de monsieur Marc Vachon (le travailleur);
INFIRME la décision rendue le 25 janvier 2005 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d'une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a présenté, le 13 novembre 2003, une lésion professionnelle vécue sous forme de maladie professionnelle en ce sens qu'il a aggravé une condition personnelle préexistante par les risques particuliers de son travail d'opérateur de pont roulant;
DÉCLARE finalement qu'il a droit aux avantages et privilèges prévus à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) (la loi) pour cette lésion professionnelle.
|
|
|
Claude Lavigne |
|
Commissaire |
|
|
|
|
|
|
|
|
M. Gordon Ringuette |
|
SYNDICAT DES MÉTALLOS |
|
Représentant de la partie requérante |
|
|
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.