Décision

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Harvey et Groupe Gagnon Frères (Div. Détail)

2008 QCCLP 1633

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

15 mars 2008

 

Région :

Saguenay-Lac-Saint-Jean

 

Dossier :

329183-02-0702

 

Dossier CSST :

126922087

 

Commissaire :

Claude-André Ducharme

 

Membres :

Jean-Eudes Lajoie, associations d’employeurs

 

Germain Lavoie, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Michel Harvey

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Groupe Gagnon Frères (div. Détail)

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 19 septembre 2007, monsieur Michel Harvey (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 11 septembre 2007 à la suite d'une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme la décision qu'elle a initialement rendue le 20 juin 2007 et déclare que monsieur Harvey n'a pas droit au remboursement des travaux suivants : la réfection du trottoir menant à la porte d'entrée, du balcon en bois et du plancher du cabanon, la construction du patio et la peinture intérieure de son domicile.

[3]                La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience à Saguenay le 28 février 2008. Monsieur Harvey était présent. Groupe Gagnon Frères (div. détail) (l'employeur) n'était pas représenté.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Monsieur Harvey demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu'il a droit au remboursement des travaux visés par la décision de la CSST.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d'avis que la requête doit être accueillie en partie.

[6]                Ils considèrent que monsieur Harvey n'a pas droit au remboursement du coût de la réfection du trottoir menant à la porte d'entrée, du balcon en bois et du plancher du cabanon et de la construction du patio parce qu'il s'agit de travaux d'entretien inhabituel ou de rénovation plutôt que de travaux d'entretien courant du domicile. À l'inverse, compte tenu de la nature de ces travaux et des limitations fonctionnelles qui résultent de sa lésion professionnelle, ils estiment qu'il a droit au remboursement des travaux de peinture intérieure de son domicile.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[7]                La Commission des lésions professionnelles doit décider si monsieur Harvey a droit au remboursement des travaux qu'il réclame.

[8]                Le bien-fondé de sa réclamation doit être examiné en regard de l'article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), lequel prévoit ce qui suit :

165.  Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[9]                Selon la jurisprudence, la gravité de l'atteinte permanente à l'intégrité physique du travailleur est appréciée en tenant compte de sa capacité résiduelle à exercer les travaux d'entretien visées par l'article 165 de la loi et ce, tel qu'établie par les limitations fonctionnelles qui résultent de la lésion professionnelle qu'il a subie[2].

[10]           Par ailleurs, elle limite l'application de l'article 165 de la loi aux travaux d'entretien courant du domicile, qu'elle définit comme étant des travaux d'entretien habituels, ordinaires et répétitifs pour entretenir un domicile par opposition aux travaux d'entretien inhabituels ou extraordinaires qui sont plus de la nature de travaux de rénovation[3].

[11]           Dans le présent cas, rappelons que dans l'exercice de son travail d'ébéniste chez l'employeur, monsieur Harvey a subi une lésion professionnelle le 7 juillet 2004 qui a été diagnostiquée comme étant une élongation musculaire à l'avant-bras droit et une épitrochléite au coude droit. La lésion a entraîné une atteinte permanente à l'intégrité physique de 3,30 %, pour une atteinte des tissus mous du membre supérieur droit et une limitation de la mobilité du poignet droit, ainsi que les limitations fonctionnelles suivantes :

-     Éviter toute tâche de travail qui implique ouverture ou fermeture des mains, de façon répétitive ou soutenue.

-     Éviter tout travail en sollicitation répétitive flexion - extension des coudes, pronation - supination des avants-bras, flexion - extension des poignets.

-     Éviter toute activité nécessitant une position statique en extension du poignet.

-     Éviter de soulever, porter, pousser, tirer des charges excédant 5 à 10 kilogrammes, et ce de façon répétitive ou soutenue.

 

 

[12]           Le médecin qui produit le rapport d'évaluation médicale fait état de la persistance de douleurs malgré les traitements prodigués.

[13]           La CSST a reconnu le caractère grave de l'atteinte permanente à l'intégrité physique de monsieur Harvey en regard de certains travaux d'entretien courant de son domicile en lui accordant le remboursement des travaux de déneigement et de lavage des vitres.

[14]           Pour ce qui de la réfection du trottoir menant à la porte d'entrée, du balcon en bois et du plancher du cabanon, la construction du patio, elle a refusé de rembourser ces travaux en considérant qu'il ne s'agissait pas de travaux d'entretien courant du domicile.

[15]           Lors de son témoignage, monsieur Harvey explique que le trottoir doit être refait au complet parce que le ciment est brisé et que si quelqu'un se blesse, il risque d'être poursuivi. Les planchers du balcon et du cabanon doivent également être refaits parce que le bois est défoncé ou pourri et qu'ils ne sont plus sécuritaires. En ce qui a trait au patio, il explique qu'il avait commencé sa construction avant la survenance de sa lésion professionnelle et il n'est plus en mesure de le terminer à cause des conséquences de sa lésion.

[16]           Le tribunal estime que la CSST était justifiée de refuser le remboursement de ces travaux à monsieur Harvey puisqu'il ne s'agit pas de travaux d'entretien courant du domicile, mais davantage de travaux d'entretien inhabituel et de rénovation.

[17]           En ce qui concerne les travaux de peinture intérieure du domicile, il s'agit de travaux qui sont généralement considérés comme étant des travaux d'entretien courant du domicile[4]. La CSST a refusé de rembourser ces travaux à monsieur Harvey parce que, selon elle, ils impliquent des exigences physiques faibles pour les mains, les poignets et les coudes et qu'il peut les accomplir à son rythme, en prenant des pauses fréquentes et en alternant les tâches.

[18]           Le tribunal ne fait pas la même analyse de la situation. D'une part, comme l'indique la Commission des lésions professionnelles dans Gaulin et Bombardier inc.[5], on conçoit mal comment une personne atteinte d'une épicondylite chronique peut exécuter des travaux de peinture au rouleau et au pinceau sans que cela comporte des exigences significatives, voire importantes pour son coude et son poignet.

[19]           D'autre part, le tribunal souscrit à l'opinion émise par la Commission des lésions professionnelles dans Ganotec inc. et Morin[6], voulant que, contrairement à d'autres travaux d'entretien du domicile, le travailleur ne peut pas peindre les murs et les plafonds à son rythme parce que la peinture doit être appliquée de manière continue sur toute la surface et à un rythme soutenu pour donner un résultat uniforme et de qualité.

[20]           Les travaux de peinture comportent ainsi des mouvements répétitifs du coude et du poignet qui vont à l'encontre des limitations fonctionnelles reconnues à monsieur Harvey.

[21]           Dans ce contexte, compte tenu qu'il est établi que monsieur Harvey aurait normalement effectué lui-même les travaux de peinture intérieure de son domicile, il a droit au remboursement du coût de ces travaux, jusqu'à concurrence du montant maximum prévu par l'article 165 de la loi et ce, sur présentation à la CSST d'une pièce justificative (une facture) établissant que les travaux ont été effectués par un tiers.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la requête de monsieur Michel Harvey,

MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 11 septembre 2007 à la suite d'une révision administrative;

DÉCLARE que monsieur Harvey n'a pas droit au remboursement des travaux suivants : la réfection du trottoir menant à la porte d'entrée, du balcon en bois et du plancher du cabanon, la construction du patio;

DÉCLARE que monsieur Harvey a droit, sur présentation d'une pièce justificative, au remboursement du coût des travaux de peinture intérieure de son domicile, jusqu'à concurrence du montant maximum prévu par l'article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

 

__________________________________

 

Claude-André Ducharme

 

Commissaire

 

 

Kathleen Couture

Groupe ACCISST (Le)

Représentante de la partie intéressée

 

 

 

 

 

 

 

 



[1]           L.R.Q. c. A-3.001.

[2]           Lalonde et Mavic Construction, C.L.P. 146710-07-0009, 28 novembre 2001, M. Langlois; Gélinas et Ferme Gérard Jacob inc., C.L.P. 313903-04-0704, 24 juillet 2007, S. Sénéchal.

[3]           Viau et Camfil Farr (Canada) inc., C.L.P. 292364-01B-0606, 19 février 2007, G. Tardif; Lauzon et Produits et Services sanitaires Andro inc., C.L.P. 297256-64-0608, 5 juin 2007, R. Daniel.

[4]           Gastiers inc. et Landry, C.L.P. 118228-63-9906, 3 novembre 1999. M. Beaudoin; Jean et Lambert Somec inc., C.L.P. 122765-72-9909, 31 janvier 2000, M. Bélanger; Liburdi et Les spécialistes d'acier Grimco, C.L.P. 124728-63-9910, 9 août 2000, J.-M. Charette; Thériault et Minnova inc., C.L.P. 113468-02-9903, 26 février 2001, R. Deraiche; Ouimet et Revêtements Polyval inc. , C.L.P. 157104-61-0103, 26 septembre 2001, L. Nadeau; Castonguay et St-Bruno Nissan inc., C.L.P. 137426-62B-0005, 26 novembre 2001, Alain Vaillancourt.

[5]           C.L.P. 198544-05-0301, 17 juin 2003, L. Boudreault.

[6]           C.L.P.  314915-04-0704, 13 février 2008, A. Guigley.

AVIS :
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