Breton et Groupe Canam Manac inc. |
2010 QCCLP 1405 |
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[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a rendue initialement le 9 octobre 2008 et déclare que les frais reliés aux travaux d’entretien du domicile du travailleur, soit ceux de son terrain à tondre ou à ceux qui concernent le déneigement, ne sont pas remboursables en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), puisqu’il n’est pas porteur d’une atteinte permanente grave, suite à sa lésion professionnelle du 28 octobre 2004.
L’AUDIENCE
[3] Une audience fut tenue le 27 janvier 2010 au Palais de justice de Saint-Joseph-de-Beauce. Le travailleur est présent et représenté par Me Guylaine Guénette. Le travailleur ainsi que sa conjointe, madame Ginette Morin, ont témoigné.
[4] De plus, le travailleur a déposé 15 pièces, sous les cotes T-1 à T-15, notamment des photos démontrant son stationnement, ses balcons à déneiger et son terrain à entretenir, notamment la coupe du gazon, ainsi que des reçus de déneigement pour les hivers débutant en 2004-2005 jusqu’en 2009-1010, au montant de 250 $ par an (T-2 à T-7), et aussi une estimation des coûts pour la tonte du gazon à l’été 2010 (déposée sous la cote T-15).
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] La procureure du travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’accueillir sa requête, d’infirmer la décision rendue par la révision administrative de la CSST et de déclarer que le travailleur avait droit, à compter de l’année 2004-2005, aux frais de déneigement de son domicile, au montant de 250 $ par année, et aussi aux frais pour la tonte du gazon, pour les mêmes années, travaux qui furent effectués par sa conjointe et dont elle réclame un montant de 400 $ par année.
[6] Subsidiairement, elle demande d’accorder ces sommes à compter de la date de consolidation de sa lésion, soit le 16 mai 2005.
L’AVIS DES MEMBRES
[7] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d'avis d’accueillir, en partie, la requête du travailleur et d’infirmer la décision rendue par la révision administrative de la CSST.
[8] D’une part, ils sont d'avis que ce n’est pas le pourcentage de déficit anatomo-physiologique (DAP) ou encore d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique (APIPP) qui détermine si un travailleur présente une atteinte permanente grave ou non au sens de l’article 165 de la loi.
[9] Les membres sont plutôt d’avis que, selon la jurisprudence fortement majoritaire, celle-ci se quantifie en fonction des limitations fonctionnelles permanentes résultant de la lésion professionnelle ou encore de l’aggravation d’une condition personnelle préexistante à la suite d’une lésion professionnelle, comme ce fut le cas chez le travailleur à compter du 28 octobre 2004.
[10] D’autre part, les membres constatent que c’est à la suite de la décision entérinant un accord, rendue le 20 mars 2007, sous la plume du commissaire Lavigne, que la CSST a dû procéder à la désignation d’un membre du Bureau d’évaluation médicale (BEM) qui a accordé sept limitations fonctionnelles permanentes de classes I et 2, selon l’Institut de recherche en santé et sécurité au travail (IRSST), lors de son avis rendu le 3 mai 2007. La décision qui y donne suite, soit celle du 10 mai 2007, n’ayant pas été contestée, les parties sont donc liées par de telles limitations fonctionnelles.
[11] En l’occurrence, les membres sont d'avis que cela constitue une atteinte permanente grave au sens de l’article 165 de la loi et que, compte tenu des limitations fonctionnelles retenues par le membre du BEM, le travailleur n’était certes pas en mesure d’exercer les travaux d’entretien courant de son domicile, dont il réclame les frais, soit la tonte du gazon avec sa tondeuse et un coupe-gazon effectuée par sa conjointe depuis l’été 2005, et aussi le déneigement fait par une personne qui lui facture un montant de 250 $ par saison hivernale, payable en deux versements et pour lequel le travailleur a produit des reçus à cet effet.
[12] Les membres sont d'avis que ces frais d’entretien courant du domicile, prévus à l’article 165 de la loi, ne peuvent être rétroactifs avant l’année 2007, pour la tonte du gazon, et l’hiver 2007-2008 pour les frais de déneigement.
[13] En effet, les membres sont d'avis que c’est à compter de l’avis du membre du BEM, soit le 3 mai 2007, qui a énuméré explicitement des limitations fonctionnelles à la région dorso-lombo-sacrée du travailleur, lesquelles, pour la plupart, l’empêchent d’exercer ses travaux d’entretien courant de son domicile, qu’il effectuait lui-même, avant sa lésion professionnelle, qu’il a droit au remboursement de ces travaux d’entretien du domicile.
[14] Ils sont d’avis que c’est en 2007 que l’on connaît explicitement quelles sont les limitations fonctionnelles permanentes du travailleur et si cela constitue une atteinte permanente grave au sens de l’article 165 de la loi, ce qui est le cas.
[15] Les membres sont d’avis que les limitations fonctionnelles énumérées par le médecin qui a charge du travailleur, soit le docteur Jacques Roy, en date du 28 juin 2005, ne permettaient pas de conclure que le travailleur n’était plus en mesure d’effectuer ses travaux d’entretien courant à domicile, puisqu’il était limité et incapable de rester longtemps en position debout ou assise ou encore de marcher sur de longues distances. Ces deux limitations fonctionnelles ne l’empêchaient pas, à ce moment, d’exercer ses travaux d’entretien courant du domicile.
[16] D’ailleurs, ce dernier n’avait pas fait de réclamation à la CSST pour de tels travaux durant les années 2004, 2005 et 2006. Ce n’est qu’à compter de 2007 que le travailleur a demandé à la CSST si elle pouvait lui rembourser des frais pour l’entretien courant du domicile, moyennant la production de pièces justificatives démontrant que ces travaux sont exécutés par une tierce personne ou un entrepreneur, ce qu’il a fait.
[17] Ils sont d'avis que le travailleur a droit au remboursement des frais d’entretien courant du domicile, soit le déneigement à compter de l’hiver 2007-2008, pour une somme de 250 $ par saison hivernale, sur production de pièces justificatives, notamment un reçu indiquant le nom de la personne ou de l’entreprise, son numéro de téléphone, son adresse t la période où il a effectué ces travaux de déneigement.
[18] Pour ce qui est de la tonte du gazon avec le coupe-gazon et la tondeuse, les membres sont d’avis que, même si la conjointe du travailleur exerçait ce travail depuis 2005, ce n’est qu’à compter de l’été 2007 qu’elle a droit à un remboursement, non pas de 400 $ ou 450 $ par an, selon la seule estimation faite par une tierce personne, mais plutôt à une somme de 300 $ par an, compte tenu que le travailleur utilisait ses propres équipements pour la tonte du gazon.
[19] Les membres sont donc d’avis que le travailleur a droit à un remboursement de 300 $ par année, depuis l’été 2007, pour la tonte du gazon effectuée par sa conjointe, et que si cette dernière ne fait plus ce travail à compter de l’été 2010, le travailleur devra produire deux estimations de personnes et/ou d’entrepreneur auprès de la CSST pour se faire rembourser le coût de ces travaux, comme il l’a fait pour le déneigement.
LES FAITS ET LES MOTIFS
- LES FAITS
[20] Monsieur Patrice Breton (le travailleur) a subi une lésion professionnelle, le 28 octobre 2004, à la région lombaire et une récidive, rechute ou aggravation (RRA) de cette lésion professionnelle le 15 novembre 2004.
[21] Le 30 mai 2005, le docteur Jacques Roy consolide la lésion professionnelle du travailleur, soit une séquelle d’entorse lombaire avec lombalgies persistantes sur arthrose facettaire et hernie discale L3-L4 droite, le tout tel qu’il appert de son rapport final. Il ne prévoit pas d’APIPP mais prévoit l’existence de limitations fonctionnelles. Il suggère une évaluation auprès d’un orthopédiste.
[22] Le 28 juin 2005, dans un rapport complémentaire qui donne suite au rapport du docteur André Blouin, le docteur Roy se dit en accord avec la date de consolidation retenue, soit le 16 mai 2005, mais qu’il doit ajouter le diagnostic de séquelles d’entorse lombaire et qu’il y a existence de limitations fonctionnelles chez le travailleur, puisqu’il est fortement limité et n’est plus capable de rester longtemps en position debout ou assise, ou même marcher sur une longue distance.
[23] C’est à la suite de ce rapport complémentaire que la CSST initie un processus auprès du membre du BEM, en date du 5 juillet 2005. Celui-ci devait se prononcer sur le diagnostic et sur l’existence ou non de limitations fonctionnelles attribuables à la lésion professionnelle du 28 octobre 2004 et à la RRA du 15 novembre 2004.
[24] Cependant, le travailleur fut vu le 27 juillet 2005 par le docteur Serge Gagnon, chirurgien orthopédiste, qui a complété une expertise médicale le 1er août 2005, qui a servi de rapport d'évaluation médicale (REM). Dans son expertise, il précise, comme antécédents pertinents, que le travailleur aurait eu un autre épisode d’entorse à la région lombaire qui a nécessité un arrêt de deux ou trois jours, trois ans auparavant. Toutefois, à la suite de son questionnaire et de son examen clinique, le travailleur n’aurait pas droit à des limitations fonctionnelles permanentes, puisque rien ne l’empêche de reprendre des activités normales d’une personne de son âge, et ce, à la suite de son accident du travail du 28 octobre 2004. De plus, le déficit anatomo-physiologique (DAP) est évalué à 0 %, soit pour une entorse lombaire sans séquelles fonctionnelles objectivées.
[25] Cela a eu pour conséquence que la CSST a annulé la demande auprès du membre du BEM, puisqu’elle a retenu ce rapport d’expertise comme étant le REM et a entériné les conclusions du docteur Gagnon, soit l’absence d’un DAP et de limitations fonctionnelles permanentes.
[26] La CSST a ensuite rendu des décisions portant sur l’absence d’atteinte permanente et sur la capacité de travail du travailleur, à la suite du rapport d’expertise du docteur Gagnon. Le travailleur a contesté ces décisions qui ont été confirmées par la CSST, à la suite d’une révision administrative, qui l’a jugé capable d’exercer à nouveau son emploi prélésionnel d’électricien chez l’employeur. Le travailleur a contesté cette décision auprès de la Commission des lésions professionnelles qui a rendu une décision entérinant un accord[2], le 20 mars 2007.
[27] Dans cette décision(2), la Commission des lésions professionnelles accueille en partie la requête du travailleur, infirme en partie la décision de la CSST, le 31 octobre 2005, à la suite d’une révision administrative, déclare que le travailleur n’a pas droit à une indemnité pour une atteinte permanente, mais prend acte du rapport final du 30 mai 2005 du médecin qui a charge du travailleur, soit le docteur Jacques Roy, et retourne le dossier à la CSST afin que celle-ci le traite conformément à la loi et désigne à nouveau un membre du BEM en conformité avec les dispositions de la loi et selon les termes de cet accord.
[28] C’est donc en raison de ces faits qu’une procédure d’évaluation médicale fut demandée auprès du membre du BEM, le docteur Jean-Pierre Lacoursière, orthopédiste qui a questionné et examiné le travailleur le 20 avril 2007 et complété son avis le 3 mai 2007. Ce dernier s’est prononcé essentiellement sur les limitations fonctionnelles résultant des deux lésions professionnelles, soit celle du 28 octobre 2004 et du 15 novembre 2004 et en retient sept, soit les suivantes :
1- Il ne peut exécuter de façon répétitive des mouvements de flexion, d’extension, de torsion de grande amplitude au niveau de la région lombaire;
2- Il ne peut soulever, porter, pousser ou tirer de façon répétitive des charges excédant 15 à 20 kilos;
3- Il ne peut travailler en position penchée, accroupie ou instable;
4.- Il ne peut garder la même posture statique que ce soit debout ou assise pour des périodes dépassant 30 à 40 minutes sans avoir à changer de position;
5- Il ne peut marcher sur un terrain accidenté ou glissant;
6- Il ne peut ramper ou grimper;
7- Il ne peut subir des vibrations ou des contrecoups à la colonne lombaire.
[29] C'est à la suite de la reconnaissance de ces limitations fonctionnelles permanentes que le travailleur n’a plus été en mesure d’occuper son emploi régulier chez l’employeur ni un emploi convenable.
[30] Le 17 juillet 2007, la CSST rend une décision à l’effet que le travailleur peut bénéficier de la réadaptation professionnelle puisqu’il conserve des limitations fonctionnelles attribuables à sa lésion professionnelle survenue le 15 novembre 2004.
[31] Le 20 août 2007, la CSST notifie le travailleur qu’il n’est plus en mesure d’exercer son emploi d’électricien ni tout autre emploi chez son employeur et qu’en conséquence, elle lui versera une indemnité de remplacement du revenu jusqu’à l’âge de 68 ans qui diminuera progressivement selon les termes de l’article 56 de la loi.
[32] Or, c’est à compter de l’année 2007, plus précisément en août 2007, que le travailleur a demandé à la CSST s’il pouvait se voir attribuer des montants pour un programme de réadaptation sociale, soit le remboursement du coût d’achat d’un lit articulé. Par la suite, il a demandé aussi des montants pour des travaux d’entretien courant de son domicile, tels le déneigement de son entrée et la tonte du gazon.
[33] Ces faits sont confirmés notamment par les notes évolutives colligées le 21 juin 2007 par monsieur Gaétan Gaudreau, conseiller en réadaptation du travailleur. Dans celles-ci, monsieur Gaudreau précise lors de la rencontre tenue avec le travailleur que ce dernier lui dit ne pas avoir travaillé depuis 2004, qu’il ressent des douleurs continuelles qui sont rapidement augmentées avec des engourdissements au membre inférieur droit lorsqu’il se penche ou au moindre effort important. Le seul médicament que le travailleur continuait à prendre est le Duragésic qui est un analgésique puissant. Le travailleur est alors âgé de 65 ans et ses IRR ont commencé à diminuer.
[34] Sur l’aspect psychosocial, monsieur Gaudreau écrit que le travailleur réussit à satisfaire ses besoins de base mais ne peut plus faire le déneigement de son entrée, tondre la pelouse, peinturer. Monsieur Gaudreau lui explique la politique sur les travaux d’entretien, les frais payables par la CSST pour les travaux qu’il faisait lui-même avant l’accident et qu’il est maintenant incapable de les faire en raison de ses limitations fonctionnelles. Le travailleur lui répond qu’il fera des demandes pour les travaux d’entretien courant du domicile qu’il fait faire depuis son accident du travail et qui sont payables par la CSST, selon monsieur Gaudreau. Il produira alors les factures et les soumissions requises. Monsieur Gaudreau écrit qu’il doit y avoir un suivi pour ces travaux d’entretien.
[35] Des discussions ont été tenues entre monsieur Gaudreau, l’employeur et le travailleur et il fut décidé par la CSST, compte tenu que le travailleur était porteur de limitations fonctionnelles de classe I, II et III pour la région lombaire, que son travail d’électricien l’oblige à se pencher très souvent, à travailler régulièrement en terrain accidenté ou glissant, qu’il doit alterner les positions assise et debout régulièrement aux 30 à 40 minutes, en plus de soulever des poids lourds régulièrement, que le travailleur était alors incapable de reprendre son travail ni tout autre emploi convenable chez l'employeur. Il pouvait donc bénéficier de l’application des articles 53 et 56 de la loi.
[36] C’est d’ailleurs au cours d’une de ces discussions tenues le 17 août 2007 que la CSST précise que le travailleur doit éventuellement faire parvenir ses demandes de remboursement pour les travaux d’entretien de la pelouse, du déneigement et autres travaux pour les dernières années. Elle rappelle aussi que c’est à la suite de la décision du 20 mars 2007 de la Commission des lésions professionnelles qui retournait le dossier à la CSST que le dossier du travailleur fut référé à un membre du BEM (docteur Lacoursière) et qu’il s’est vu accorder des limitations fonctionnelles importantes.
[37] Selon le travailleur, il aurait produit des factures et/ou des soumissions auprès de la CSST pour être remboursé ou payé de tels frais d’entretien courant du domicile.
[38] En effet, le 17 octobre 2007, le travailleur a produit à la CSST une soumission pour le déneigement de sa résidence qui a été fait par madame Lisa Quirion depuis l’hiver 2004-2005. Celle-ci le fait encore en 2010, le tout tel qu’il appert des pièces T-2 à T-7 qui sont les reçus nouvellement émis et refaits par monsieur Paul Lacroix, l’un des deux employés de madame Quirion qui déneigent les entrées résidentielles ou commerciales depuis environ 10 ans, en utilisant notamment un camion muni d’une gratte à l’avant.
[39] Selon l’estimé fait par madame Quirion et les reçus déposés par le travailleur, les frais saisonniers pour le déneigement coûtent 250 $ depuis l’année 2004-2005 et c’est toujours ce montant pour l’année 2009-2010. Cependant, le tribunal constate que l’employé qui a signé ces reçus n’indique ni l’adresse ni le numéro de téléphone de madame Quirion et/ou de son entreprise, ce qui pourrait être vérifié par la CSST avant d’octroyer le paiement, s’il y a lieu. La méthode de paiement exigée par madame Quirion est en deux versements de 125 $ chacun, ce qui est toujours le cas.
[40] Le travailleur a aussi produit une demande de remboursement de frais à la CSST, dans laquelle il précise que sa conjointe, madame Ginette Morin, fait la tonte du gazon de son domicile depuis l’été 2005. Madame Morin estime qu’un montant de 400 $ par été est raisonnable à titre de remboursement pour cette tâche, qu’elle exerce environ 20 fois par année, incluant le coupe-gazon (fouet).
[41] Le 24 octobre 2007, la CSST a refusé de payer le coût d’achat d’une aide technique, soit un lit ajustable acheté par le travailleur, puisque ni la loi ni le règlement ne le permettait. Cependant, la CSST ne s’était toujours pas prononcée sur les frais d’entretien courant du domicile réclamés par le travailleur, soit le déneigement et la tonte du gazon.
[42] En date du 3 septembre 2008, madame Morin a produit une soumission pour la tonte du gazon, que son conjoint faisait auparavant. Elle réclame un coût de 400 $ par saison, pour les années 2005, 2006, 2007 et 2008, pour un total réclamé de 1 600 $.
[43] À l’audience, le travailleur a confirmé que c’est son épouse qui fait la tonte du gazon depuis l’été 2005. Elle utilise aussi le fouet. C’est en raison de ses sévères limitations fonctionnelles qu’il est incapable de le faire. Il précise que les quelques pentes et l’inclinaison de son terrain font en sorte qu’il doit pousser, tirer et soulever à l’occasion la tondeuse, mais surtout effectuer une partie de la tonte avec le coupe-gazon, ce qui l’amène à être penché régulièrement vers l’avant et à faire des mouvements de torsion du tronc, qu’il ne peut plus faire compte tenu de ses limitations fonctionnelles. Cette preuve est corroborée notamment par les photos et les plans illustrant le terrain du travailleur, déposés en liasse sous les cotes T-1 et T-8 à T-14.
[44] En outre, madame Morin a confirmé le témoignage rendu par son conjoint, à l’effet que, durant l’été 2010, elle ne fera plus la tonte du gazon ni le fouet puisqu’elle entend octroyer cette tâche à monsieur Lionel Lachance, qu’elle connaît, puisque résidant dans sa municipalité et qui fait ce genre de travail pour différentes entreprises ou particuliers.
[45] Selon la pièce T-15, monsieur Lachance demande un montant de 450 $ pour l’été 2010 pour faire la tonte du gazon mais utiliserait ses équipements, soit sa tondeuse et son fouet, de même qu’un tracteur à gazon, s’il y a lieu.
[46] Avant cette soumission, pour l’été 2010, le travailleur utilisait toujours ses équipements, soit sa tondeuse et son coupe-gazon (fouet). Le fouet doit être fait au moins une fois par semaine et la tonte du gazon peut se faire jusqu’à deux fois par semaine durant l’été.
[47] Le travailleur précise que sa tondeuse est à traction arrière et que celle-ci déchiquette l’herbe coupée. Il n’a donc pas à utiliser un sac. Cependant, le travailleur et madame Morin confirment qu’ils ressentent une certaine vibration lorsqu’ils utilisent le fouet et la tondeuse. La tondeuse doit être poussée et tirée, même s’ils poussent avec moins de force étant donné qu’elle est munie d’une traction arrière.
[48] Madame Morin connaît les adresses de madame Quirion, qui fait le déneigement depuis 2004, et de monsieur Lachance, qui fera la tonte du gazon à compter de l’été 2010. Madame Morin précise qu’elle ne peut plus faire la tonte du gazon, puisqu’elle s’est blessée en 2009 et que cela est trop difficile pour elle.
[49] Quant aux reçus de déneigement (T-2 à T-7), ceux-ci sont signés et complétés par monsieur Paul Lacroix qui est un salarié de madame Quirion. Le travailleur se dit incapable de déneiger son entrée et ses balcons, puisque pelleter et gratter exigent beaucoup d’efforts et aussi des mouvements de flexion antérieure, d’extension et de torsion du tronc, lorsqu’il doit soulever la pelle. Il ressent aussi des contrecoups, lorsqu’il ramasse la neige avec la pelle et/ou la gratte. Il ne peut plus faire cette tâche et ne la faisait plus depuis l’hiver 2005.
[50] Selon T-1, la surface à déneiger dans son entrée est d’environ 24’ X 40’. Il a aussi deux patios, l’un situé à l’arrière de 10’ x 24’ et l’autre situé à l’avant de 12’ x 14’. Il y a une pente descendante vers la rue dans sa cour avant. À l’occasion, c’est son voisin qui déneige sa toiture.
[51] Quant à la tonte du gazon, le travailleur précise qu’il n’est plus en mesure de faire cette tâche qui lui occasionne des contrecoups au niveau de la région dorsolombaire, que ce soit lors de la poussée ou encore lorsqu’il doit exercer des mouvements de torsion pour tourner avec la tondeuse. Cela exige aussi de marcher longtemps, puisqu’il estime que la tonte du gazon, avec la tondeuse et le fouet, peut prendre jusqu’à deux heures. La dénivellation de son terrain fait en sorte que cette opération est difficile, notamment lorsqu’il utilise le fouet à bout de bras et en position penchée, car la pente est d’environ un mètre, tant à l’avant que sur le côté nord de son terrain, le tout tel qu’illustré sur les photos T-11 et T-12. La pente est très abrupte à l’arrière de son terrain vers son voisin, le tout tel qu’il appert de la photo déposée sous la cote T-13.
[52] Le travailleur précise qu’il a réessayé, en 2005, de déneiger ses deux patios et, à l’été 2005, de passer la tondeuse mais n’a pu le faire en raison des contrecoups ressentis à sa colonne lombaire et des mouvements faits lorsqu’il doit pousser et/ou tirer sur ces objets utilisés.
[53] C’est pour l’ensemble de ces raisons que la procureure du travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le travailleur a droit au remboursement des frais pour l’entretien courant de son domicile qui a été effectué par une tierce personne, soit le déneigement, et ce, depuis l’hiver 2005-2006 et pour la tonte du gazon qui et faite par son épouse depuis l’été 2005, et ce, jusqu’à l’été 2009.
[54] Elle demande de rembourser au travailleur la somme de 250 $ pour le déneigement, pour chacune de ces années, et de 400 $ par saison pour la tonte du gazon effectuée par son épouse.
- LES MOTIFS DE LA DÉCISION
La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement du coût des travaux d’entretien courant de son domicile et, si tel est le cas, lesquels et à compter de quelle année ?
[55] Or, selon les décisions rendues par la CSST, le travailleur n’est pas admissible à de tels frais d’entretien courant du domicile, en vertu de l’article 165 de la loi, puisqu’il n’est porteur d’aucune atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique grave, car il ne s’est vu attribuer aucun pourcentage de déficit anatomophysiologique résultant de ses lésions professionnelles survenues en 2004.
[56] De plus, la CSST considère que les sept limitations fonctionnelles émises par le membre du BEM ne correspondent pas à l’interprétation de l’expression « atteinte permanente grave à son intégrité physique », telle que libellée dans l’article 165 de la loi, et ce, pour avoir droit à de tels frais d’entretien courant du domicile.
[57] Qu’en est-il en l’espèce ?
[58] Avec respect pour la CSST, la Commission des lésions professionnelles ne partage pas son avis, et ce, en raison des motifs suivants.
[59] D’abord, le soussigné réfère à une décision rendue le 15 mars 2001 par la commissaire Desbois[3] où cette commissaire reprend fort bien les dispositions pertinentes de la loi qui s’appliquent à la réadaptation, tant sociale que professionnelle, et aussi les buts visés par de tels programmes. Il y a lieu de citer textuellement les paragraphes pertinents de cette décision qui s’appliquent à ceux de la présente affaire qui sont les suivants :
[…]
[33] Dans la loi, le remboursement du coût de travaux d’entretien courant est prévu dans le cadre du chapitre sur la réadaptation, plus précisément dans le cadre de la réadaptation sociale.
[34] À ce sujet, les articles suivants méritent d’être cités afin de bien situer le contexte :
1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.
Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour dommages corporels et, le cas échéant, d'indemnités de décès.
La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 1.
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
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1985, c. 6, a. 145.
146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en œuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.
Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.
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1985, c. 6, a. 146.
151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
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1985, c. 6, a. 151.
152. Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :
1º des services professionnels d'intervention psychosociale;
2º la mise en œuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;
3º le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;
4º le remboursement de frais de garde d'enfants;
5º le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.
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1985, c. 6, a. 152.
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
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1985, c. 6, a. 165.
[35] Il s’avère donc que seul le travailleur accidenté qui subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique est admissible à des mesures de réadaptation en vertu des articles 145 et suivants de la loi, comme en a d’ailleurs déjà décidé la Cour supérieure dans l’affaire Nova P.B. inc. et C.A.L.P.2 :
« L’article 145 dit que pour avoir droit à la réadaptation, le travailleur doit subir une atteinte permanente. En l’absence de cet élément essentiel, le droit s’avère inexistant et ne peut revivre par l’interprétation d’autres dispositions qui n’ont pas la même portée que celle de l’article 145. L’esprit de la loi exprimé à l’article 1 se manifeste à l’article 145 quant au droit à la réadaptation. »
[36] Il est par ailleurs maintenant bien établi dans la jurisprudence que l’atteinte permanente dont il est question à l’article 145 de la loi doit être interprétée de façon large et libérale, de manière à inclure une atteinte dont l’indemnisation n’est pas prévue au Règlement sur le barème des dommages corporels3 et même, parfois, la seule présence de limitations fonctionnelles.
[37] Ainsi, il s’avère qu’une atteinte physique ou psychique temporaire, même si elle est sévère, ne donne pas droit à la réadaptation.
[38] Une fois établie la nécessité de la présence d’une atteinte permanente, la question qui se pose est celle de savoir à partir de quel moment le travailleur subit cette atteinte permanente puisque cela constituera le point de départ du droit à la réadaptation et aux mesures en découlant.
[39] Différentes réponses ont été données à cette question par la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles et, depuis 1998, par la Commission des lésions professionnelles. Ainsi, sont retenus comme point de départ ou, en quelque sorte, comme date de naissance du droit à la réadaptation :
• La date de la survenance de la lésion professionnelle ayant entraîné une atteinte permanente, si l’existence de cette dernière est prévisible ou établie par la suite4;
• La date à laquelle il est médicalement possible de déterminer l’existence d’une atteinte permanente résultant de la lésion professionnelle, et ce, indépendamment de la date de consolidation de cette dernière5;
• La date de la consolidation de la lésion professionnelle ayant entraîné une atteinte permanente6;
• La date à laquelle est décrétée, ou établie, l’existence d’une atteinte permanente, après consolidation de la lésion professionnelle7;
• La date de la décision de la CSST reconnaissant le droit du travailleur à la réadaptation8.
[40] Dans l’affaire Thibault précitée9, la Commission des lésions professionnelles précise par ailleurs que lorsqu’il est question d’une demande d’aide personnelle à domicile en vertu de l’article 158 de la loi, dont l’évaluation en fonction des besoins est prévue par règlement, la date de l’évaluation des besoins doit plutôt être retenue comme point de départ.
[41] D’entrée de jeu, la Commission des lésions professionnelles déclare souscrire essentiellement à la thèse selon laquelle le début de l’existence de l’atteinte permanente et, par conséquent, le point de départ du droit à la réadaptation, se situent juridiquement à la date à laquelle il est médicalement possible de déterminer l’existence de séquelles permanentes, et ce, indépendamment de la date de consolidation de la lésion professionnelle.
[42] En effet, le tribunal considère que l’atteinte permanente que le travailleur subit ne commence pas nécessairement à exister lors de la survenance de la lésion professionnelle puisque l’état du travailleur peut évoluer par la suite de façon imprévisible, de telle sorte qu’une atteinte qui n’était pas présente au départ peut se développer et finalement s’avérer permanente.
[43] Par ailleurs, l’atteinte permanente que le travailleur subit ne commence pas à exister subitement au moment où la lésion est consolidée ni au moment où elle fait l’objet d’une évaluation formelle, après consolidation de la lésion. L’atteinte était présente et permanente avant la consolidation ou l’évaluation; elle n’est que constatée, confirmée, déclarée et surtout précisée à ce moment. Le degré exact d’atteinte permanente est effectivement plus facile à établir lorsque la lésion est consolidée soit, conformément à la définition qu’en donne la loi, qu’elle est guérie ou stabilisée, de sorte qu’aucune amélioration n’est prévisible.
[44] En fait, tout l’intérêt de situer le début de l’existence de l’atteinte permanente au moment où il est médicalement possible d’en déterminer une réside dans la souplesse et l’adaptabilité de cette approche, de façon à se coller le plus possible à la réalité médicale du travailleur.
2 (1993) C.A.L.P. 327
3 (1987) 119 G.O. II, 5576
4 Paquet et Ville de Rimouski, 10797-01-8902, 91-04-05, S. Lemire, (J3-11-07); St-Denis et Excel Personnel inc., 108338-72-9812, 99-05-28, N. Lacroix.
5 Brouty et Voyages Simone Brouty, 120748-31-9907, 00-06-15, P. Simard; Fortin et les Amusements Fortin inc., 123470-02-9909, 00-09-18, S. Lemire; Gagné et Provigo distribution inc., 136575-61-0004, 00-09-21, L. Nadeau.
6 Charron et CHSLD, 114870-64-9904, 9907-27, Y. Lemire.
7 Février et Win-Sir Textiles inc., 116590-73-9905, 99-11-11, Y. Ostiguy; Thibault et Lucien Paré et Fils ltée, 115773-32-9905, 00-03-29, G. Tardif.
8 Gentleman et Hôpital général Juif Martimer & B. Davis, 91424-60C-9709, 98-11-12, J.-D. Kushner.
9 Thibault et Lucien Paré et Fils ltée, précitée, note 7.
[Les soulignés sont du soussigné]
[60] Or, l’un des arguments retenus par la CSST pour refuser le remboursement de tels frais d’entretien courant du domicile du travailleur est que ce dernier ne présente aucune atteinte permanente grave à son intégrité physique, tel qu’exigé par l’article 165 de la loi.
[61] Avec respect pour la CSST, le tribunal se rallie à la majorité des commissaires qui ont rendu des décisions sur ce sujet, à savoir que ce n’est pas nécessairement le pourcentage d’APIPP ou encore de DAP qui constitue ce qu’est une atteinte permanente grave à l’intégrité physique mais aussi l’évaluation et l’énumération des limitations fonctionnelles qui sert de référence à cette interprétation.
[62] Ici, le médecin qui a charge du travailleur, soit le docteur Jacques Roy, n’a accordé aucun pourcentage de DAP et/ou d’APIPP au travailleur en raison de ses lésions professionnelles du 28 octobre 2004 et du 15 novembre 2004. Par contre, conclure nécessairement que le travailleur n’a aucune atteinte permanente grave à son intégrité physique, compte tenu de l’absence de DAP, va à l’encontre de l’esprit de la loi et des articles cités dans la présente décision.
[63] En effet, dans le cas présent, ce sont les limitations fonctionnelles permanentes qui font en sorte que le travailleur fut déclaré admissible à la réadaptation, tant professionnelle que sociale, le tout tel qu’il appert de la décision rendue le 17 juillet 2007 par la CSST à cet effet.
[64] À ce sujet, le tribunal réfère à une décision rendue par la commissaire Thériault[4] où celle-ci reprend l’article 165 de la loi et surtout l’interprétation que l’on doit donner à l’expression « atteinte permanente grave à son intégrité physique » :
[...]
[13] En l’instance, le médecin ayant charge détermine en se référant au Règlement sur le barème des dommages corporels, que le déficit anatomo-physiologique est de 0 %. Toutefois, selon la jurisprudence, le fait qu’une atteinte permanente ne se traduise par aucun pourcentage de déficit anatomo-physiologique selon le Règlement sur le barème des dommages corporels, cela n’est pas un obstacle à ce que le travailleur ait droit à la réadaptation que requiert son état, le droit à la réadaptation et le droit à l’indemnité pour dommages corporels étant deux droits distincts2.
[14] Dans le présent cas, on reconnaît l’existence des limitations fonctionnelles découlant de la lésion de sorte qu’il en infère une incapacité donnant ouverture au droit à la réadaptation.
[15] Ceci étant dit, la Commission des lésions professionnelles souligne que pour avoir droit au remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile, il doit être établi que le travailleur présente une atteinte permanente grave tel que le précise l’article 165 de la loi.
[16] La jurisprudence a défini le caractère grave de l’atteinte permanente en regard de la finalité de l’article 165 de la loi qui est l’exécution des travaux d’entretien courant du domicile3. Ainsi, il s’agit d’évaluer si les limitations fonctionnelles du travailleur découlant de sa perte d’intégrité physique l’empêchent d’exécuter lui-même les travaux d’entretien réclamé.
[...]
2 Jolin-Gagnon et Hôpital Marie-Claret [1989] CALP 319
Pothier et Houbigant Ltée [1991] CALP 1087
Michaud et Jacques Michaud Enr., 16278-08-8912, 23 juillet 1993, Me Guy Perreault, commissaire
3 Général Électrique du Canada Inc. et Nazir Mohammed Shaikh, 19395-62-9905, 23 octobre 1992, Francine Dion Drapeau, commissaire
[65] Cette interprétation des articles 145 et 165 de la loi fut aussi mentionnée dans une décision[5] rendue le 5 mai 1999 par le commissaire Prégent, où il écrit ce qui suit :
[33.] Selon la tendance jurisprudentielle actuelle, la présence de limitations fonctionnelles implique nécessairement l’existence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique même si cette atteinte n’est pas transposable en termes de pourcentage d’atteinte permanente selon le barème des dommages corporels. Ainsi, la détermination de l’existence d’une atteinte permanente peut se faire à partir de la présence de limitations fonctionnelles, particulièrement quand celles-ci sont de nature à empêcher le travailleur de refaire adéquatement son emploi. Elles deviennent donc un indicateur de l’existence d’une séquelle fonctionnelle.
[66] En conséquence, la Commission des lésions professionnelles conclut que les limitations fonctionnelles permanentes identifiées par le membre du Bureau d'évaluation médicale (docteur Lacoursière), lors de son avis rendu le 3 mai 2007, démontrent, de façon probante, que non seulement le travailleur était incapable d’exercer son emploi d’électricien chez l'employeur ou ailleurs sur le marché du travail mais aussi qu’il était devenu incapable, à compter de l’année 2007, selon ces limitations fonctionnelles permanentes, d’exercer lui-même les travaux d’entretien courant de son domicile qu’il faisait avant sa lésion professionnelle d’octobre 2004 et de novembre 2004.
[67] En effet, le tribunal constate que, tant pour la tonte du gazon que pour le déneigement, le travailleur ne respecte pas certaines de ses limitations fonctionnelles permanentes émises par le membre du BEM qui n’ont pas été contestées par les parties.
[68] En effet, lors de ces travaux d’entretien courant du domicile, le travailleur exécute de façon répétitive certains mouvements de flexion, d’extension et de torsion de grandes amplitudes au niveau de sa région lombaire. Il peut aussi soulever, porter, pousser ou tirer de façon répétitive des charges excédant 15 à 20 kilogrammes, que ce soit la neige à transporter ou la tondeuse. De plus, il ne peut travailler en position penchée, accroupie ou instable alors que son témoignage confirme qu’il doit se pencher et être en position instable, tant lors du déneigement que pour la tonte du gazon, notamment lorsqu’il utilise le fouet aux endroits qui ne sont pas accessibles avec la tondeuse. Il ne peut marcher sur un terrain accidenté ou glissant, ce qui rendrait difficile le déneigement l’hiver compte tenu de la pente de son terrain de stationnement et l’été compte tenu des pentes de son terrain, il doit utiliser principalement le fouet et non la tondeuse. En outre, il ne peut subir des vibrations ou des contrecoups à la colonne lombaire, ce qui serait aussi problématique pour lui lors de ces travaux d’entretien courant du domicile, ce qui fut d’ailleurs confirmé par la conjointe du travailleur qui fait l’un de ces deux travaux, soit la tonte du gazon.
[69] En conséquence, le travailleur a droit au remboursement des frais occasionnés par ces travaux d’entretien courant du domicile, soit la tonte du gazon et le déneigement.
[70] Cependant, tel que l’a précisé le soussigné dans la présente décision, il est établi médicalement, de façon probante et même certaine, que les limitations fonctionnelles qui empêchent le travailleur d’exercer ses deux travaux d’entretien courant du domicile sont clairement établies, non pas dans le rapport complémentaire de son médecin qui a charge, le docteur Jacques Roy qui a complété celui-ci le 28 juin 2005 en énumérant quelles seraient les limitations fonctionnelles retenues par ce dernier mais plutôt par celles retenues par le membre du BEM en mai 2007.
[71] En effet, celles retenues dans le rapport complémentaire du docteur Roy n’empêchaient pas le travailleur d’exercer ces travaux d’entretien courant du domicile même si ceux-ci auraient été difficiles à exercer pour le travailleur compte tenu de sa condition lombosacrée. Cependant, puisque ces limitations énumérées par le docteur Roy ne l’empêchaient pas d’exercer ces travaux d’entretien courant du domicile, le travailleur n’avait donc pas droit au remboursement de ceux-ci pour les années 2005 et 2006.
[72] Par contre, il en est tout autrement à compter de l’année, surtout de l’été 2007 jusqu’à l’été 2009 et des hivers 2007 à 2010.
[73] Il faut rappeler que c’est l’épouse du travailleur qui fait la tonte du gazon de son domicile depuis 2005. Elle demande d’ailleurs à la CSST de lui rembourser la somme de 400 $ par saison. Cette preuve démontre aussi que le travailleur est incapable d’exercer les travaux d’entretien courant de son domicile depuis certainement l’année 2007.
[74] Le travailleur a donc droit au montant de 250 $ par année, mais seulement après vérification qui sera faite par la CSST, concernant le nom, le numéro de téléphone et l’adresse de madame Liza Quirion qui lui a facturé la somme de 250 $ par saison hivernale pour le déneigement du stationnement de la résidence du travailleur, et ce, depuis l’hiver 2004-2005. Cependant, et tel que précisé auparavant, ce n’est qu’à compter de l’hiver 2007-2008 jusqu’à celui actuel, soit 2009-2010, que le travailleur aura droit à cette somme, soit trois années à 250 $, pour un total de 750 $ pour le déneigement.
[75] Quant aux frais d’entretien courant du domicile pour la tonte de la pelouse qui a été faite par madame Morin, conjointe du travailleur, et ce, depuis l’été 2005, le travailleur n’aura droit qu’au remboursement pour les années 2007, 2008 et 2009, non pas sur une base de 400 $ par année, tel que réclamé par madame Morin, mais plutôt de 300 $ par saison estivale.
[76] En effet, le tribunal trouve raisonnable d’accorder cette somme à la conjointe du travailleur qui utilisait les équipements de ce dernier, soit sa tondeuse et son fouet, ce qui diminue donc les coûts d’entretien courant du domicile par rapport à ceux qu’elle paierait si elle faisait exercer ces travaux par une tierce personne qui fournit ses équipements, comme ce serait le cas à compter de l’été 2010, si monsieur Lionel Lachance, qui a produit une soumission au montant de 450 $ pour la tonte du gazon avec un tracteur à gazon, une tondeuse et/ou un fouet, le faisait. De plus, l’entretien de ces équipements est fait par cette tierce personne et non par le travailleur, comme il le faisait auparavant.
[77] La CSST devra donc rembourser au travailleur la somme de 900 $ qui constitue trois saisons où sa conjointe, madame Ginette Morin, a procédé à la tonte du gazon au domicile du travailleur, soit jusqu’à la saison 2009.
[78] Quant à la saison 2010, la CSST vérifiera auprès du travailleur s’il est nécessaire d’obtenir une autre soumission pour vérifier le coût que pourrait engendrer cette opération par une tierce personne puisque madame Morin ne fera plus la tonte du gazon à l’été 2010.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE, en partie, la requête produite par monsieur Patrice Breton, le travailleur;
INFIRME la décision rendue le 26 février 2009 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement d’une partie des sommes réclamées par sa conjointe, madame Ginette Morin, qui a effectué la tonte du gazon avec la tondeuse et le fouet appartenant à son conjoint, durant les étés 2007, 2008 et 2009, dont le coût raisonnable pour chacune de ces années est estimé à 300 $, pour un total de 900 $;
DÉCLARE que le travailleur aura droit au remboursement des frais de déneigement au montant de 250 $ pour les années 2007-2008, 2008-2009 et 2009-2010, pour un total de 750 $, lorsque ce dernier aura fourni à la CSST, les noms et adresses de la personne ou de l’entreprise qui effectue le déneigement pour le travailleur depuis l’année 2004, afin qu’elle puisse vérifier auprès de cette personne et/ou cette entreprise s’ils ont réellement effectué ces travaux de déneigement au domicile du travailleur; et
DÉCLARE, qu’en conséquence, le travailleur avait droit au remboursement des travaux courants de son domicile selon l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et qu’il pourra soumettre une ou plusieurs soumissions pour l’été 2010 concernant la tonte du gazon de son domicile auprès de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.
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Robin Savard |
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Me Guylaine Guénette |
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TUAC (LOCAL 509) |
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Représentant de la partie requérante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Breton et Groupe Canam Manac inc. et CSST, C.L.P. 275200-03B-0511, 20 mars 2007, C. Lavigne.
[3] Langelier c Les entreprises André & Ronald Guérin ltée et CSST, C.L.P. 126249-01B-9910, L. Desbois.
[4] Allard et Plomberie Lyonnais inc., C.L.P. 141253-04B-0006, 11 décembre 2000, H. Thériault.
[5] Centre du camion Amos et . Vézina et CSST Abitibi, C.L.P. 89948-08-9707, 3 mai 1999.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.