DÉCISION
[1] Le 30 septembre 2002, monsieur Michel Gagnon (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 19 août 2002 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 5 février 2002 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement des coûts de remplacement du siège passager de son véhicule par un siège électrique à six (6) positions.
[3] Le travailleur est présent à l’audience.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande de reconnaître qu’il a droit au remboursement des coûts pour le remplacement du siège passager de son véhicule par un siège électrique à six (6) positions.
L'AVIS DES MEMBRES
[5] Conforment à l’article 429.50 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), le commissaire soussigné a demandé et obtenu l’avis des membres qui ont siégé avec lui sur la question faisant l’objet de la contestation ainsi que les motifs de cet avis.
[6] Les membres issus des associations d’employeurs et syndicales sont tous deux d’avis que, suivant la preuve contenue au dossier du travailleur et celle qu’il a fournie lors de son témoignage à l’audience, ce dernier a droit au remboursement des coûts occasionnés par le remplacement du siège passager de son véhicule par un siège électrique à six (6) positions. Même si la CSST a déjà assumé les coûts de remplacement du siège conducteur de ce véhicule par un siège électrique à six (6) positions, le travailleur n’est pas en mesure de conduire sur de très longues distances, devant ainsi céder sa place à un autre conducteur, habituellement sa conjointe.
[7] Compte tenu des limitations fonctionnelles fort importantes que présente le travailleur, le moyen le plus adéquat pour lui de transférer du siège de conducteur au siège de passager, lorsqu’il ne peut plus conduire, est le siège électrique à multiples positions. En effet, un tel siège se colle mécaniquement au siège du conducteur et permet au travailleur de s’y glisser sans avoir à sortir de son véhicule avec son fauteuil motorisé et de se faire monter sur le siège du passager.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[8] Le travailleur bénéficie du droit à la réadaptation en vertu de l’article 145 de la loi qui prévoit que ce droit est acquis au travailleur qui a subi une atteinte permanente à son intégrité physique en raison d’une lésion professionnelle.
[9] La loi prévoit également que la réadaptation s’actualise suivant un plan individualisé qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle[2].
[10] La réadaptation sociale vise à aider un travailleur à surmonter, dans la mesure du possible, les conséquences personnelles et sociales d’une lésion professionnelle, à s’adapter à la nouvelle situation découlant de cette lésion et à gagner le maximum d’autonomie dans l’accomplissement de ses activités habituelles[3].
[11] Un programme de réadaptation sociale peut comprendre la mise en œuvre de moyens pour adapter le véhicule d’un travailleur à sa capacité résiduelle[4].
[12] L’adaptation d’un véhicule ne peut être faite que si le travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique et si cette adaptation est nécessaire pour lui permettre de conduire lui-même son véhicule ou d’y avoir accès[5].
[13] Les capacités résiduelles du travailleur l’obligent à utiliser un fauteuil motorisé pour ses déplacements à l’extérieur de son domicile.
[14] L’achat de ce fauteuil motorisé a été autorisé par la CSST.
[15] Suite à l’acquisition de ce fauteuil motorisé, la CSST a également procédé à l’adaptation du véhicule automobile du travailleur afin de lui permettre d’y avoir accès avec ce fauteuil et de faciliter son transfert de ce fauteuil au siège conducteur.
[16] Lors de son témoignage, le travailleur a décrit l’usage qu’il faisait de son véhicule et celui qu’il souhaiterait normalement faire.
[17] Malgré le fait qu’il puisse conduire son véhicule après l’adaptation de celui-ci par la CSST, il ne peut le faire que sur de très courtes distances. En effet, il peut difficilement conduire plus de soixante (60) à quatre-vingt-dix (90) minutes consécutivement. Après cette période, il doit céder sa place et transférer, soit sur le siège arrière, soit sur le siège passager. Le transfert sur le siège arrière s’avère particulièrement difficile et dangereux, car il doit le faire à l’aide de béquilles dans un espace très restreint. Quant au transfert sur le siège passager, le travailleur doit d’abord prendre place dans son fauteuil motorisé, descendre de son véhicule automobile, se rendre du côté du siège passager et s’y faire monter. Compte tenu de la taille relativement imposante du travailleur, il s’agit d’une opération difficile et risquée.
[18] Le travailleur précise en outre que le siège passager de son véhicule n’offre pas, en raison de l’atteinte permanente à son intégrité physique et de ses limitations fonctionnelles, le confort d’un siège modifié.
[19] Le travailleur limite donc l’usage de son véhicule à des déplacements de courtes distances. Il peut difficilement entreprendre un voyage qui dépasse l’heure ou l’heure et demie.
[20] Ainsi, le travailleur peut difficilement accompagner sa conjointe et ses enfants lors des voyages qui dépassent cette durée, entre autres lors de visites familiales ou durant les vacances, parce que son véhicule automobile n’est pas suffisamment adapté à sa condition physique.
[21] Le travailleur prétend donc que son droit à la réadaptation lui confère également le droit d’adapter son véhicule non seulement pour le conduire mais également pour y avoir accès lorsqu’il ne peut le conduire.
[22] La Commission des lésions professionnelles doit donc décider si le travailleur a droit au remboursement des coûts pour le remplacement du siège passager de son véhicule par un siège électrique à six (6) positions.
[23] Propriétaire de son véhicule automobile, le travailleur a subi une atteinte grave à son intégrité physique qui l’empêche de le conduire ou d’y avoir accès sans qu’il ne soit adapté.
[24] Le travailleur a démontré que même si son véhicule a été adapté pour lui permettre de le conduire, il peut difficilement avoir accès au siège passager lorsqu’il n’est plus en mesure d’en assurer la conduite.
[25] Comme il est établi que le travailleur ne peut conduire pour des périodes excédant soixante (60) à quatre-vingt-dix (90) minutes et utiliser de façon adéquate le siège passager, il évite ainsi de faire de longues distances qu’il soit conducteur ou passager.
[26] Ainsi, il s’empêche d’accompagner sa famille lors de voyages dont la durée excède l’heure ou l’heure et demie qu’il est en mesure de tolérer lorsqu’il conduit. Ces voyages ont souvent pour but de visiter la famille ou les amis, de sortir les enfants ou de prendre des vacances en famille.
[27] Cet empêchement est une des conséquences personnelles et sociales de la lésion professionnelle du travailleur que vise justement l’article 151 de la loi.
[28] Et la loi permet justement d’atténuer cette conséquence en adaptant le véhicule principal d’un travailleur lourdement handicapé en raison d’une lésion professionnelle pour lui permettre de le conduire ou d’y avoir accès plus facilement que ce soit à titre de conducteur ou de passager.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur Michel Gagnon, le travailleur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 19 août 2002 à la suite d’une révision administrative; et
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des coûts de remplacement du siège passager de son véhicule automobile par un siège électrique à six (6) positions.
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JEAN-PIERRE ARSENAULT |
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Commissaire |
AVIS :
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