Décision

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Modèle de décision CLP - janvier 2010

Lehoux et Kyzen inc.

2012 QCCLP 6910

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

Lévis

29 octobre 2012

 

 

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

 

 

Dossier :

465567-03B-1203

 

 

 

Dossier CSST :

136549565

 

 

 

Commissaire :

Michel Sansfaçon, juge administratif

 

 

 

Membres :

Michel Piuze, associations d’employeurs

 

 

Aline Rousseau, associations syndicales

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

 

 

 

Denis Lehoux

 

 

Partie requérante

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

Kyzen inc. (entreprise fermée)

 

 

Belhumeur, Pronovost & Associés inc.

 

Parties intéressées

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 15 mars 2012, monsieur Denis Lehoux (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et la sécurité du travail (la CSST) le 29 février 2012 à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celles qu’elle a rendues le 30 novembre 2011, le 12 janvier 2012 et le 24 janvier 2012 et déclare :

-           que la lésion professionnelle a entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique de 3,30 %, ce qui donne une indemnité pour préjudice corporel de 2 066,66 $, plus les intérêts;

-           que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais encourus pour le ratissage de son terrain, une partie des travaux de peinture de son domicile et le grand ménage;

-           que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais encourus pour la tonte de son gazon.

[3]           Les parties ont été convoquées à une audience à Thetford Mines le 21 août 2012. Dans une lettre transmise le 15 août 2012, le travailleur a prévenu le tribunal de son absence. Kyzen inc.[1] (l’employeur) et Belhumeur, Pronovost & Associés inc. (le syndic) étaient absents.

[4]           La Commission des lésions professionnelles rend la présente décision malgré l’absence des parties à l’audience, comme le permet l’article 429.15 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) :

429.15.  Si une partie dûment avisée ne se présente pas au temps fixé pour l'audition et qu'elle n'a pas fait connaître un motif valable justifiant son absence ou refuse de se faire entendre, la Commission des lésions professionnelles peut néanmoins procéder à l'instruction de l'affaire et rendre une décision.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]           Dans une lettre manuscrite adressée à la Commission des lésions professionnelles le 15 août 2012, le travailleur explique qu’il ne sera pas présent à l’audience du 21 août 2012. Il demande à la Commission des lésions professionnelles de se pencher attentivement sur la question de la peinture et du grand ménage. Le tribunal comprend de cette lettre que le travailleur ne conteste pas les autres sujets traités dans la décision contestée.

L’AVIS DES MEMBRES

[6]           Le membre issu des associations d’employeurs et la membre issue des associations syndicales considèrent que la requête du travailleur doit être accueillie. Selon eux, il avait droit au remboursement des frais encourus pour la peinture et le grand ménage de son domicile puisque ces travaux ne respectent pas ses limitations fonctionnelles. Ils sont d’accord avec les motifs du soussigné.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[7]           Le travailleur subit des lésions professionnelles le 16 juin 2010 dans le cadre de son emploi d’assembleur.

[8]           Les diagnostics retenus par le médecin qui a charge sont une épicondylite bilatérale, une épitrochléite gauche et une tendinite à l’épaule gauche.

[9]           Le travailleur est examiné par le docteur Yves Ferland, le 28 juin 2011, à la demande de la CSST. Celui-ci retient les diagnostics d’épitrochléite au coude droit, d’épicondylite au coude gauche et de tendinite de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche avec un syndrome d’abutement. À son avis, les lésions sont consolidées le 28 juin 2011 et justifient la reconnaissance d’une atteinte permanente et de limitations professionnelles.

[10]        Le travailleur est examiné le 17 octobre 2011 par le docteur Réjean Cloutier, orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale. Dans ses conclusions il retient les diagnostics d’épicondylite droite et gauche, d’épitrochléite droite et de tendinite de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche. À son avis, les lésions sont consolidées depuis le 28 juin 2011. Elles entraînent un déficit anatomophysiologique de 2 % ainsi que des limitations fonctionnelles :

4-         EXISTENCE OU POURCENTAGE D’ATTEINTE PERMANENTE À L’INTÉGRITÉ PHYSIQUE OU PSYCHIQUE :

 

SÉQUELLES ACTUELLES :

 

Code            Description                                                                        DAP

 

102374          atteinte des tissus mous coude droit sans séquelles

                    fonctionnelles mais avec changements radiologiques              1 %

 

102374          atteinte des tissus mous coude gauche sans séquelles

                    fonctionnelles mais avec changements radiologiques              1 %

 

102365          atteinte des tissus mous épaule gauche sans séquelles

                    fonctionnelles ni changements radiologiques                          0 %

 

[…]


 

5-         EXISTENCE OU ÉVALUATION DES LIMITATIONS FONCTIONNELLES :

 

Éviter les mouvements répétitifs d’extension et de flexion des 2 coudes.

 

Éviter les mouvements répétitifs de pronation et de supination des 2 coudes (ex : visser et dévisser).

 

Éviter de garder le bras gauche en position statique d’abduction et d’élévation antérieure au-dessus de 90°.

 

Éviter les mouvements répétitifs de rotation de l’épaule gauche au-dessus de 90°.

 

Éviter de soulever et de manipuler des objets de plus de 10 kilos avec les 2 mains de façon répétitive ou fréquente.

 

 

[11]        Le 25 octobre 2011, la CSST rend une décision par laquelle elle entérine les conclusions du Bureau d’évaluation médicale et déclare que le travailleur a droit à l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce que la CSST se prononce sur sa capacité à exercer son emploi. Cette décision est confirmée par la révision administrative le 30 novembre 2011.

[12]        Le 30 novembre 2011, la CSST rend une décision reconnaissant que le travailleur a droit à une indemnité pour dommages corporels de 2 066,66$. Le travailleur demande la révision de cette décision le 20 décembre 2011.

[13]        Dans une lettre datée du 4 janvier 2012, la représentante du travailleur demande à la CSST de reconnaître que celui-ci a droit au remboursement des frais pour les travaux suivants : la peinture intérieure, le grand ménage, le déneigement du stationnement et de la toiture, le ratissage de son terrain, l’achat de 18 cordes de bois de chauffage et le ramonage de sa cheminée.

[14]        Dans une décision rendue le 12 janvier 2012, la CSST reconnaît que le travailleur a droit au remboursement de certains frais :

Nous vous informons que nous acceptons de payer les frais suivants d’entretien de votre domicile : le déneigement et une partie des travaux de peinture. Suite aux limitations émises, nous estimons que les tâches de peinture avec le rouleau pour le plafond et le haut des murs demeurent des zones plus difficiles. Les travaux de peinture sont accordés aux 5 ans. Nous vous invitons à planifier cette tâche pour faire une pièce à la fois. Un maximum annuel doit être considéré pour l’ensemble des travaux d’entretien.

 

Pour les frais de déneigement, nous vous accordons un montant de 300 $ par année pour la saison hivernale. […]

 

 

[15]        Dans une seconde décision datée du 12 janvier 2012, la CSST informe le travailleur qu’elle ne peut rembourser les frais encourus pour le ratissage de son terrain, certains travaux de peinture (le bas des murs sous les cinq pieds et le découpage au pinceau) et le grand ménage.

[16]        Le 24 janvier 2012, la CSST rend une troisième décision relative aux travaux d’entretien. Cette fois-ci, elle refuse le remboursement des frais pour la tonte du gazon. Le travailleur demande la révision de cette décision ainsi que celles rendues le 12 janvier 2012.

[17]        Le 29 février 2012, la révision administrative rend la décision contestée. Tel que précisé plus haut, elle confirme les décisions rendues le 30 novembre 2011, le 12 janvier 2012 et le 24 janvier 2012.

[18]        La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit au remboursement des frais qu’il engage pour les travaux de peinture et le grand ménage de son domicile. À cet égard, l’article 165 prévoit ce qui suit :

165.  Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[19]        En fonction de cette disposition, le droit au remboursement des frais liés à l’entretien courant du domicile dépend de l’existence d’une atteinte permanente grave à l’intégrité physique et de l’incapacité d’effectuer les travaux en cause. Le travailleur doit également démontrer qu’il effectuerait lui-même ces travaux si ce n’était de la lésion professionnelle.

[20]        Selon la jurisprudence, les travaux de peinture intérieure[3] et le grand ménage[4] constituent des « travaux d’entretien courant » au sens de l’article 165 de la loi.

[21]        En ce qui a trait à la notion d’« atteinte permanente grave », la jurisprudence établit qu’elle s’évalue, non pas uniquement en fonction du pourcentage d’atteinte permanente établi à la suite de la lésion professionnelle, mais plutôt en analysant la capacité résiduelle de la travailleuse en fonction des travaux d’entretien courant qu’elle ne peut accomplir[5].

[22]        Précisons que le travailleur est droitier. Il a, par ailleurs, déclaré à la CSST qu’il effectuait lui-même les travaux de peinture et le grand ménage de son domicile avant de subir une lésion professionnelle le 16 juin 2010.

[23]        En ce qui a trait aux travaux de peinture, la CSST a accepté d’assumer ceux qui sont effectués à plus de cinq pieds de hauteur. Dans la décision contestée, la réviseure mentionne notamment que le découpage des murs et des plafonds est peu exigeant pour les coudes et les épaules. Elle ajoute que le travailleur peut effectuer ces tâches en faisant alterner les périodes de travail et de repos; de plus, ces activités peuvent s’étaler sur plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

[24]        Le soussigné considère que cette décision est mal fondée.

[25]        Selon les limitations fonctionnelles retenues par le Bureau d’évaluation médicale, le travailleur doit « éviter les mouvements répétitifs d’extension et de flexion des deux coudes ». Or, le découpage d’un mur implique généralement un tel mouvement. En effet, à chaque fois qu’une personne trempe un pinceau dans un contenant à peinture et étend le bras vers la surface à peindre, il plie et déplie forcément le coude. La hauteur à laquelle les travaux sont effectués ne change rien à la nature du geste en cause.

[26]        D’autre part, l’utilisation d’un rouleau pour peindre les murs implique également des gestes répétitifs d’extension et de flexion des coudes. Il est impossible d’appliquer une couche de peinture sur un mur à l’aide d’un rouleau en gardant les coudes immobiles. Encore une fois, la hauteur de la surface à peindre ne modifie pas la nature du mouvement.

[27]        Par ailleurs, il est complètement irréaliste d’exiger que des murs soient peints en deux temps en fonction d’une hauteur particulière. L’application d’une couche de peinture doit nécessairement se faire en une seule fois pour permettre un résultat qui est uniforme.

[28]        Pour ces raisons, le soussigné considère que la CSST doit assumer les frais reliés à la peinture du domicile du travailleur.

[29]        En ce qui a trait au grand ménage, la CSST reconnaît que les travaux en cause (le nettoyage des plafonds, des murs, des planchers et des vitres) peuvent contrevenir aux limitations fonctionnelles du travailleur[6]. Le soussigné est d’accord avec cette affirmation puisque le fait de laver de telles surfaces implique effectivement des gestes répétitifs de flexion et d’extension d’un ou des deux coudes.

[30]        La CSST refuse cependant d’en assumer le coût puisqu’elle considère que ces mêmes travaux peuvent « aisément » se faire par étape et s’étaler sur plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

[31]        La Commission des lésions professionnelles considère que cette décision est également erronée.

[32]        Selon l’article 165 de la loi, c’est l’incapacité d’un travailleur à faire des travaux d’entretien en conséquence de sa lésion qui détermine si la CSST doit en rembourser le coût. À partir du moment où cette incapacité est constatée, aucune disposition prévue à la loi n’oblige un travailleur à étaler les travaux sur plusieurs jours, voire des semaines.

[33]        Le ménage annuel d’une résidence se fait habituellement en une seule journée ou une seule fin de semaine. Or, l’étalement de gros travaux d’entretien sur une longue période est susceptible d’entraîner un surplus de désagréments que le travailleur n’a pas à supporter simplement parce qu’il présente des limitations fonctionnelles permanentes.

[34]        En conséquence de ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur a droit au remboursement du coût relié au grand ménage de son domicile.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur Denis Lehoux, le travailleur;

MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 29 février 2012 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail doit assumer les frais reliés à la peinture du domicile du travailleur selon les modalités prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail doit assumer les frais reliés au grand ménage du domicile du travailleur selon les modalités prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

 

__________________________________

 

Michel Sansfaçon

 

 

 

 



[1]           L’entreprise a cessé ses activités.

[2]           L.R.Q., c. A-3.001.

[3]           Jean et Lambert Somec inc., 122765-72-9909, 31 janvier 2000, M. Bélanger; Liburdi et Spécialistes d'acier Grimco, 124728-63-9910, 9 août 2000, J.-M. Charette; Thériault et Minnova inc., 113468-02-9903, 26 février 2001, R. Deraiche; Castonguay et St-Bruno Nissan inc., 137426-62B-0005, 26 novembre 2001, A. Vaillancourt.

[4]           Vinette et Constructions Gaston Roberge inc., 336900-64-0712, 11 septembre 2008, J.-F. Martel; Montmagny et Denis Marcotte Briqueteur inc., 2012 QCCLP 2285 .

[5]           Benoît et Produits électriques Bezo ltée et Produits d’éclairage Exacta Canada ltée (faillite), C.L.P. 144924-62-0008, 13 février 2001, R.-L. Beaudoin; Dupuis et Service d’aide domestique enr., C.L.P. 132205-71-0002, 28 juin 2001, D. Lévesque; Méthot et Transport Y.G.B. inc. (fermée), C.L.P. 171379-63-0110, 7 août 2002, R.-M. Pelletier; Barette et Centre hospitalier Sainte-Jeanne-D’Arc [2004] C.L.P. 685 .

[6]           La réviseure écrit : « le fait que les activités tel que le nettoyage des plafonds, des murs, des planchers et des vitres nécessitent des gestes variés qui pourraient contrevenir aux limitations fonctionnelles ».

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