Décision

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Cyr et Martin Automobiles inc.

2011 QCCLP 4411

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Gaspé

29 juin 2011

 

Région :

Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent

et Côte-Nord

 

Dossier :

421293-01B-1009

 

Dossier CSST :

125962951

 

Commissaire :

Raymond Arseneau, juge administratif

 

Membres :

Diane Morin, associations d’employeurs

 

Jacques Picard, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Benoît Cyr

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Martin Automobiles inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 28 septembre 2010, monsieur Benoît Cyr (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 25 août 2010 à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 2 juin 2010. Elle déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais de garde d’enfants engagés lors de sa visite médicale à Québec du 6 mai 2010.

[3]           Le travailleur est présent à l'audience tenue le 27 mai 2011 aux Îles-de-la-Madeleine. L’entreprise Martin Automobiles inc. (l’employeur) n’y est pas représentée.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Le travailleur demande au tribunal de déclarer que la CSST doit lui rembourser les frais de garde d’enfants engagés lors de sa visite médicale du 6 mai 2010.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]           La membre issue des associations d’employeurs est d’avis que la requête du travailleur devrait être rejetée. En effet, elle estime que ce dernier n’a pas droit au remboursement des frais de garde d’enfants engagés lors de son séjour à Québec au début du mois de mai 2010, puisque lors de ce déplacement, il ne remplissait pas les conditions de l’article 164 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[6]           Le membre issu des associations syndicales est plutôt d’avis que la requête du travailleur devrait être accueillie. Il souligne que la CSST a accepté, sur une base volontaire, d’assumer les frais de garde d’enfants engagés par le travailleur lors de ses déplacements antérieurs à Québec pour y recevoir des soins de santé. Conséquemment, il considère qu’elle devait continuer d’assumer de tels frais lors de son déplacement du début du mois de mai 2010.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[7]           Le 3 mai 2004, le travailleur alors âgé de 35 ans subit un accident du travail dans l’exercice de son emploi de mécanicien pour l’employeur. Le diagnostic initialement posé est une lombalgie avec radiculalgie L5-S1 gauche.

[8]           Peu après, le travailleur recommence à effectuer les tâches de son emploi habituel.

[9]           Le 19 novembre 2007, le travailleur subit une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle initiale.

[10]        Au début du mois de février 2010, le travailleur se rend dans la région de Québec afin d’y subir une intervention chirurgicale en lien avec sa lésion professionnelle. À cette occasion, il est hospitalisé durant quelques jours.

[11]        À la fin du mois de mars 2010, le travailleur retourne à Québec afin d’y rencontrer le médecin qui l’a opéré quelques semaines auparavant. Sa conjointe l’accompagne.

[12]        À cette époque, la CSST accepte de rembourser au travailleur les frais engagés pour faire garder les deux enfants mineurs de sa conjointe. Au moment d’autoriser le paiement, l’agente d’indemnisation note avoir avisé le travailleur que l’autorisation a été accordée « de façon exceptionnelle » et qu’il devra à l’avenir fournir une « justification » valable pour bénéficier d’une telle mesure.

[13]        Au début du mois de mai 2010, le travailleur retourne consulter son médecin à Québec et se fait accompagner de nouveau par sa conjointe.

[14]        À son retour, le travailleur demande à la CSST de lui rembourser les frais de garde des enfants de sa conjointe, soit un montant de 90,00 $.

[15]        Le 2 juin 2010, la CSST rend une décision par laquelle elle refuse de rembourser au travailleur les frais de garde des enfants de sa conjointe. Cette décision est ultérieurement confirmée à la suite d’une révision administrative, d’où le présent litige.

[16]        Ces faits étant présentés, examinons maintenant le cadre légal permettant de disposer de la requête.

[17]        L’article 164 de la loi prévoit qu’un travailleur peut se faire rembourser, à certaines conditions, les frais de garde d’enfants. Voici comment cet article traite de ce sujet :

164.  Le travailleur qui reçoit de l'aide personnelle à domicile, qui accomplit une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation ou qui, en raison de sa lésion professionnelle, est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement visé au paragraphe 2° de l'article 162 peut être remboursé des frais de garde d'enfants, jusqu'à concurrence des montants mentionnés à l'annexe V, si :

 

1° ce travailleur assume seul la garde de ses enfants;

 

2° le conjoint de ce travailleur est incapable, pour cause de maladie ou d'infirmité, de prendre soin des enfants vivant sous leur toit; ou

 

3° le conjoint de ce travailleur doit s'absenter du domicile pour se rendre auprès du travailleur lorsque celui-ci est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement ou pour accompagner le travailleur à une activité que celui-ci accomplit dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.

__________

1985, c. 6, a. 164; 1992, c. 21, a. 80.

 

 

[18]        L’établissement dont il est question au paragraphe 2 de l'article 162 de la loi est « un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou […] un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5) ».

[19]        Lors de son témoignage, le travailleur a expliqué avoir séjourné lors de son déplacement à Québec du début mai 2010 dans un établissement administré par une congrégation religieuse. Selon la preuve présentée, il ne s’agit toutefois pas d’un établissement visé au paragraphe 2 de l'article 162 de la loi.

[20]        Cela étant dit, au début mai 2010, le travailleur ne recevait pas d’aide personnelle à domicile, il ne s’est pas déplacé à Québec dans le cadre d’un plan individualisé de réadaptation et il n’a pas non plus été hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement visé au paragraphe 2 de l'article 162 de la loi. Il ne remplissait donc pas les conditions énoncées à l’article 164 de la loi.

[21]        Or, la jurisprudence enseigne qu’un travailleur n’a pas droit au remboursement des frais de garde d’enfants s’il ne satisfait pas ces conditions. Voici, à titre d’exemple, ce qu’écrit le tribunal dans l’affaire Dion et Studio Martine enr.[2] :

[19]      Encore une fois, l’article 164 est clair; il ne s'applique qu’au travailleur qui reçoit de l’aide personnelle à domicile lorsqu’il accomplit une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation ou lorsqu’il est hébergé ou hospitalisé en raison de sa lésion professionnelle. Or, tel n’est pas le cas de la travailleuse, puisqu’elle ne reçoit pas d’aide personnelle à domicile; de plus, en se rendant consulter un médecin à la demande de la CSST, elle n’accomplit pas une activité dans le cadre d’un plan individualisé de réadaptation et elle n’est ni hébergée ni hospitalisée, en raison de sa lésion professionnelle, dans une installation maintenue par un établissement visé au paragraphe 2° de l'article 162 de la loi. Par conséquent, elle n’a pas droit au remboursement des frais de garde d’enfant qu’elle a encourus en rapport avec cette visite médicale4.

 

[20]      On pourrait, peut-être, s’étonner d’un tel résultat, voire même le déplorer, mais le tribunal est d’avis que ni la CSST, ni la Commission des lésions professionnelles n’ont le pouvoir de modifier ces dispositions claires de la loi ou du règlement. Seul le législateur pourrait décider qu’il y a lieu de le faire.

 

[21]      Par ailleurs, il faut bien reconnaître qu’il existe d’autres dépenses que la loi et le règlement ne permettent pas, dans l’état actuel du droit, de rembourser aux travailleurs victimes d’une lésion professionnelle. À titre d’exemple, la Commission des lésions professionnelles a déjà décidé, dans un autre dossier5, qu’un travailleur n’a pas droit, d’une part, au remboursement des frais que son médecin lui charge pour lui fournir une attestation médicale confirmant le fait qu’il ne peut utiliser les transports en commun ou qu’il doit être accompagné pour effectuer ses déplacements et qu’il n’a pas droit, d’autre part, au remboursement des frais de transport engagés par ses parents entre leur résidence et la sienne afin de le conduire à ses traitements médicaux. Un travailleur n’a pas droit, non plus, au remboursement de la perte de salaire subie par son épouse qui l’accompagne lors d'examens médicaux6 ou à la suite d’une intervention chirurgicale7. Ces exemples démontrent que le législateur n’a pas prévu rembourser intégralement, dans tous les cas, les dépenses liées à la survenance d’une lésion professionnelle.

______________________

[Références omises]

[22]        Dans les circonstances, le tribunal ne peut que constater que le travailleur ne remplissait pas, lors de son déplacement à Québec au début du mois de mai 2010, les conditions d’ouverture de l’article 164 de la loi. Les frais de garde d’enfants engagés à cette occasion ne peuvent donc lui être remboursés.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de monsieur Benoît Cyr, le travailleur;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 25 août 2010 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais de garde d’enfants engagés au début du mois de mai 2010 pour se déplacer dans la région de Québec afin d’y rencontrer son médecin.

 

 

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Raymond Arseneau

 

 

 



[1]       L.R.Q., c. A-3.001.

[2]       C. L. P. 232559-01A-0404, 1er septembre 2004, J.-M. Laliberté.

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