Béland et Général Électrique du Canada

2007 QCCLP 2711

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Hyacinthe :

3 mai 2007

 

Région :

Yamaska

 

Dossier :

299331-62B-0609

 

Dossier CSST :

119339547

 

Commissaire :

Nicole Blanchard, avocate

 

Membres :

Robert Dumais, associations d’employeurs

 

Alain Rajotte, associations syndicales

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Ginette Béland

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Général Électrique du Canada

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

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DÉCISION

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[1]                Le 23 septembre 2006, madame Ginette Béland (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 11 août 2006 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST infirme en partie celle qu’elle a initialement rendue le 23 mai 2006 et déclare que la travailleuse a droit au remboursement des frais de main d’œuvre relatifs à la taille de sa haie de bouleaux, mais pas aux frais relatifs à l’entretien et/ou l’émondage du bouleau situé près de sa piscine ni à la tonte du gazon.

[3]                À l’audience tenue le 1er mai 2007, seule la travailleuse est présente.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                La travailleuse demande de reconnaître qu’elle a droit au remboursement des frais relatifs à la tonte du gazon et l’entretien d’un bouleau situé près de sa piscine.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Le membre issu des associations syndicales est d’avis d’accueillir la contestation de la travailleuse. Il considère que la travailleuse a droit au remboursement des frais engagés pour la tonte du gazon, puisque cette activité est incompatible avec ses limitations fonctionnelles. Quant à la taille du bouleau, dans les circonstances décrites par la travailleuse, il considère que cela constitue un travail d’entretien courant.

[6]                Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis de rejeter la contestation de la travailleuse. Il considère que l’activité de tondre le gazon ne contrevient nullement à ses limitations fonctionnelles et que l’entretien du bouleau ne peut être considéré un travail d’entretien courant du domicile.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[7]                La Commission des lésions professionnelles doit décider si la travailleuse a droit au remboursement des frais engagés pour la tonte du gazon et pour l’entretien d’un bouleau situé près de sa piscine.

[8]                C’est en vertu de l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) que doivent être analysées les demandes des travailleurs concernant les travaux d’entretien courant du domicile. Cet article se lit comme suit :

165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[9]                Ainsi, pour avoir droit au remboursement des frais engagés pour des travaux d’entretien courant du domicile, un travailleur doit démontrer qu’il a subi un atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d’une lésion professionnelle et qu’il est incapable d’effectuer les travaux d’entretien courant de son domicile qu’il effectuerait normalement lui-même si ce n’était de sa lésion.

[10]           En l’espèce, si la CSST reconnaît, d’ailleurs à juste titre, que la tonte du gazon fait partie des travaux d’entretien courant du domicile, elle refuse toutefois de rembourser à la travailleuse les frais engagés pour faire exécuter ce travail. Elle considère alors que la travailleuse peut très bien procéder elle-même à cette activité sans contrevenir à ses limitations fonctionnelles.

[11]           Ce faisant, la CSST interprète, encore une fois à juste titre, la notion d’atteinte permanente grave en fonction de la capacité résiduelle de la travailleuse à la suite de sa lésion professionnelle. En fait, la CSST s’est demandée si l’atteinte permanente affectant la travailleuse, se traduisant par les limitations fonctionnelles, est assez grave pour empêcher la travailleuse d’exécuter la tonte de la pelouse.

[12]           Jusque-là, ce raisonnement est bien fondé et la conclusion à laquelle elle arrive, avec les informations qu’elle possédait, l’était tout autant.

[13]           En effet, la travailleuse avait alors informé la CSST qu’elle vivait seule avec sa fille, qu’avant la survenance de sa lésion professionnelle, elle faisait elle-même les travaux d’entretien de sa pelouse mais, surtout, que son terrain était plat. Donc, l’analyse de cette situation avait amené la CSST à conclure que la tonte du gazon n’était pas incompatible avec les limitations fonctionnelles retenues, lesquelles sont :

- Ne doit pas faire un travail au-dessus de 90º d’abduction ou élévation.

- Ne doit pas faire un travail avec abduction ou élévation statique

 du membre supérieur droit même en bas de 90º.

- Ne doit pas faire des mouvements répétitifs de l’épaule.

- Ne doit pas soulever plus de 5 livres avec abduction ou élévation

 du membre supérieur droit.

- Peut soulever jusqu’à 10 livres avec le membre supérieur droit le long

de son corps.  

 

 

[14]           Or, à la suite de l’audience, le tribunal dispose d’une preuve différente de celle dont disposait la CSST. La travailleuse témoigne que lorsqu’elle a été questionnée par le conseiller sur le type de terrain qu’elle possède, elle lui a effectivement répondu qu’il était plat mais, pour elle, ce terme était alors en opposition à un terrain montagneux ou très accidenté, ce qui ne décrivait certainement pas bien son terrain.

[15]           Toutefois, elle explique qu’elle n’avait alors pas saisi l’impact que pouvait avoir cette réponse, puisqu’en fait, son terrain possède des inclinaisons telles que, pour réaliser la coupe du gazon à certains endroits, elle ne respecterait pas ses limitations fonctionnelles.

[16]           À l’appui, elle dépose des photographies de son terrain, où effectivement le tribunal peut constater que la tonte du gazon, à certains endroits, irait à l’encontre de ses limitations fonctionnelles. Aussi, l’utilisation du coupe-bordures n’avait pas été tenu en compte par la CSST lors de son analyse, alors que cette activité est aussi très exigeante pour les épaules et, de l’avis du tribunal, incompatible avec les limitations fonctionnelles.

[17]           Ainsi, la Commission des lésions professionnelles conclut que la travailleuse a droit au remboursement des frais engagés pour la tonte du gazon.

[18]           En ce qui concerne la taille du bouleau, la travailleuse explique qu’il est situé tout près de sa piscine et que, chaque année, elle-même procède à sa taille afin d’éviter que des branches tombent sur la piscine et l’endommage. Certes, sur son terrain, il y a plusieurs autres arbres, mais elle ne demande que le remboursement des frais engagés pour la taille du bouleau situé près de sa piscine, soit une cinquantaine de dollars, selon un estimé des coûts, car, dit-elle, elle n’est plus capable de le faire en raison de sa lésion professionnelle et que, sans cette coupe, il pourrait devenir dangereux.

[19]           Or, pour faire droit à la demande de la travailleuse, le tribunal doit conclure que la taille du bouleau constitue un travail d’entretien courant du domicile. La CSST a considéré cette activité comme relevant davantage de l’embellissement et de l’aménagement paysager et n’a pas accepté de reconnaître qu’il s’agissait-là d’un travail d’entretien courant.

[20]           Il est reconnu que les travaux d’entretien courant du domicile sont des travaux habituels, ordinaire par opposition à des travaux inhabituels ou extraordinaires.

[21]           De l’avis du tribunal, dans les circonstances telles que décrites par la travailleuse, la taille annuelle du bouleau près de la piscine constitue un travail habituel et ordinaire et, non pas, un travail qu’elle ne faisait qu’exceptionnellement. Ce travail peut certainement se comparer à la taille de sa haie, dont la CSST, en révision administrative, a accepté le remboursement à la travailleuse en considérant qu’il s’agissait là d’un travail d’entretien courant.

[22]           Dans la cause Pinard et Russel Drummond[2], la Commission des lésions professionnelles concluait qu’un des objectifs poursuivis par le législateur, lorsqu’il parle de travaux d’entretien courant d’un domicile, est sûrement la préservation du bien par des travaux qui sont de nature à être faits pour préserver les acquis. Ici, la taille annuelle du bouleau près de la piscine vise justement cet objectif.


PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de la travailleuse, madame Ginette Béland;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 11 août 2006 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que les frais encourus par madame Ginette Béland afin de faire exécuter la tonte du gazon et la taille du bouleau situé près de la piscine doivent lui être remboursés, sur présentation des pièces justificatives.

 

 

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Nicole Blanchard

 

Commissaire

 

 

 

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           145317-02-0008, 29 novembre 2000, R. Deraîche

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