DÉCISION
[1] Le 29 août 2000, Mme Manon Faucher, la travailleuse, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) du 4 août 2000 rendue à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a initialement rendue le 17 mai 2000, laquelle refuse à Mme Faucher le remboursement de frais de garde d’enfants.
[3] À l’audience, la travailleuse est présente et non représentée. L’employeur est fermé.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Mme Faucher demande à la Commission des lésions professionnelles de déterminer qu’elle a droit au remboursement des frais de garde d’enfants encourus pour la période correspondant à son hospitalisation en raison de sa lésion professionnelle.
LES FAITS
[5] Mme Faucher est âgée de 29 ans. À l’époque pertinente, elle occupe un poste d’assistante cultivatrice pour la compagnie 9081-6786 Québec inc. (Ferme Claufort).
[6] Le 2 novembre 1999, elle subit un accident du travail et se blesse au dos. Elle explique qu’en se penchant pour déplacer un outil, elle ressent une vive douleur au dos. Elle s’absente du travail à compter du 4 novembre 1999.
[7] Le 5 novembre 1999, Mme Faucher consulte à l’urgence de l’Hôtel-Dieu de Sorel. La docteure Chouinard examine la travailleuse. Elle note une mobilisation difficile avec une démarche très lente. Elle pose un diagnostic de lombalgie imprécise avec des éléments de somatisation. Ce même jour, elle est examinée par la docteure Nathalie Chevalier. Cette dernière pose un diagnostic de hernie discale L5-S1 paramédiane gauche accompagnée d’une sciatalgie gauche.
[8] Le 6 novembre 1999, l’examen physique révèle un Lasègue positif à 30o à gauche et à 45o à droite. On pose un diagnostic de lombosciatalgie gauche avec possibilité de hernie discale. On réfère à la présence de problèmes d’ordres personnel et familial avec des éléments de somatisation. En soirée, Mme Faucher est examinée à nouveau. On indique que la travailleuse a mal forcé au travail et qu’elle souffre d’une lombalgie. On prévoit son « congé ce jour », soit le 7 novembre 1999.
[9] Mme Faucher ne quitte pas l’hôpital le 7 novembre 1999. Le docteur Giroux demande une consultation en neurologie et en orthopédie.
[10] Le 8 novembre 1999, Mme Faucher subit une radiographie de la colonne lombo-sacrée. L’examen ne révèle rien de particulier.
[11] Le 9 novembre 1999, elle est examinée en neurologie. La travailleuse se plaint d’une douleur lombaire qui augmente progressivement en intensité avec une irradiation à la fesse et à la cuisse droites. Également, elle se plaint depuis le 3 novembre 1999 d’un engourdissement à tout l’hémicorps gauche. Le neurologue note que depuis deux à trois ans, de façon sporadique, la travailleuse se plaint d’engourdissements semblables. Parfois, elle ressent ces symptômes du côté droit. Également, depuis six ans, la travailleuse souffre parfois d’ataxie et de vertiges. Elle a été hospitalisée une semaine à Louiseville pour ce problème. Enfin, il note que depuis quatre à cinq ans, elle souffre de céphalées importantes avec photophobie.
[12] Le neurologue identifie trois problèmes, soit une entorse lombaire avec possibilité d’une hernie discale, une maladie démyélinisante de type sclérose en plaques à éliminer et la présence de migraines et de céphalées.
[13] Le 9 novembre 1999, elle est examinée en orthopédie pour une lombosciatalgie gauche. On demande la tenue d’une tomodensitométrie et on prescrit de la médication.
[14] Le 10 novembre 1999, Mme Faucher subit une tomodensitométrie cérébrale et lombaire. La tomodensitométrie cérébrale s’avère normale. Toutefois, la normalité de l’examen n’élimine pas une sclérose en plaques. On propose la tenue d’une imagerie par résonance magnétique s’il y a persistance de doutes cliniques de sclérose en plaques. La tomodensitométrie lombaire révèle une petite hernie discale paramédiane gauche au niveau L5-S1. On note une légère arthrose hypertrophique des facettes articulaires des niveaux L3-L4, L4-L5 et L5-S1.
[15] Le 12 novembre 1999, on note que la travailleuse est très souffrante. On parle d’une douleur de L5 jusqu’au genou gauche. Mme Faucher subit une épidurale thérapeutique. Le 15 novembre 1999, la travailleuse subit une nouvelle épidurale thérapeutique.
[16] Le 23 novembre 1999, en présence de symptômes atypiques au membre inférieur droit, on demande la tenue d’une myélographie.
[17] Le 25 novembre 1999, Mme Faucher subit une myélographie lombaire. Malgré les résultats positifs de la tomodensitométrie au niveau L5-S1, la myélographie lombaire ne révèle aucune hernie discale au niveau L5-S1.
[18] Le 1er décembre 1999, Mme Faucher reçoit un bloc facettaire de L3 à S1 gauche.
[19] Le 2 décembre 1999, Mme Faucher subit une imagerie par résonance magnétique cérébrale. Aux renseignements cliniques, on note que l’examen est prescrit en raison d’une hémiparésie à l’hémicorps gauche plus que droite depuis trois semaines, d’engourdissements péribuccaux, vision floue, vertiges et des antécédents d’épisode neurologique depuis deux à trois ans. L’examen révèle une hyperintensité d’étiologie indéterminée.
[20] Mme Faucher fut hospitalisée du 5 novembre 1999 au 7 décembre 1999. À sa sortie, le médecin traitant de la travailleuse prépare une « feuille sommaire » précisant les informations sur l’hospitalisation. À titre de diagnostic principal, on précise une perte d’autonomie. Comme autre diagnostic, on parle d’une lombalgie sévère non soulagée par épidurale et soulagée par bloc facettaire L4-L5-S1 droit. On note des engourdissements aux quatre membres d’étiologie indéterminée et une mésentente conjugale. On précise les traitements reçus dont l’administration de cortisone à hautes doses.
[21] Le 8 décembre 1999, Mme Faucher réclame le remboursement des frais de garde d’enfants du 5 novembre 1999 au 7 décembre 1999 à raison de 30 $ par jour.
[22] Le 8 mars 2000, le docteur Gilles Mathieu, du service médical de la CSST, analyse le dossier hospitalier de Mme Faucher. Il conclut que l’hospitalisation de 31 jours a été nécessaire en raison d’une symptomatologie à caractère neurologique sans relation avec le diagnostic d’entorse lombaire. Il prévoit communiquer avec le médecin qui a charge de la travailleuse au moment de l’hospitalisation afin d’obtenir les détails nécessaires.
[23] Le 20 mars 2000, le docteur Mathieu communique avec le médecin qui a charge de Mme Faucher. Le médecin mentionne qu’il ne voit pas de relation entre le problème lombaire de la travailleuse et l’investigation neurologique.
[24] Le 21 mars 2000, la CSST rend une décision par laquelle elle reconnaît l’existence d’une lésion professionnelle le 2 novembre 1999 en raison d’un diagnostic d’entorse lombaire.
[25] Le 17 mai 2000, elle rend une décision refusant la réclamation de Mme Faucher concernant les frais de garde d’enfants. Mme Faucher demande la révision de cette décision, d’où le présent litige.
[26] À l’audience, la Commission des lésions professionnelles a entendu le témoignage de Mme Faucher. Elle raconte les circonstances de l’accident du 2 novembre 1999.
[27] À compter du 5 novembre 1999 et ce jusqu’au 7 décembre 1999, elle est hospitalisée. Au cours de cette hospitalisation, elle est examinée et elle reçoit des soins en raison de son mal de dos.
[28] Pendant son hospitalisation, elle a dû faire appel aux services d’une gardienne à tous les jours pendant 24 heures pour s’occuper de ses enfants âgés de 4 ans et 6 ans. Lorsqu’elle travaille, elle fait appel à une gardienne mais les services de cette dernière ne sont pas requis pendant 24 heures à chaque jour.
L'AVIS DES MEMBRES
[29] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que la travailleuse n’a pas droit au remboursement de frais de garde d’enfant. L’analyse du dossier et particulièrement des documents ayant trait à sa période d’hospitalisation ne permet pas de conclure que la travailleuse fut hospitalisée en raison de sa lésion professionnelle. On réfère plutôt à une perte d’autonomie et de façon secondaire à des problèmes lombaires lesquels, n’eût été de l’ensemble des autres problèmes, n’auraient pas nécessité une hospitalisation de 31 jours.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[30] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse a droit au remboursement des frais de gardienne encourus lors de son hospitalisation du 5 novembre 1999 au 7 décembre 1999.
[31] La Commission des lésions professionnelles réfère à l’article 164 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q. c. A-3.001) (la Loi), lequel se lit comme suit :
164. Le travailleur qui reçoit de l'aide personnelle à domicile, qui accomplit une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation ou qui, en raison de sa lésion professionnelle, est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement visé au paragraphe 2° de l'article 162 peut être remboursé des frais de garde d'enfants, jusqu'à concurrence des montants mentionnés à l'annexe V, si :
1 ce travailleur assume seul la garde de ses enfants;
2 le conjoint de ce travailleur est incapable, pour cause de maladie ou d'infirmité, de prendre soin des enfants vivant sous leur toit; ou
3 le conjoint de ce travailleur doit s'absenter du domicile pour se rendre auprès du travailleur lorsque celui - ci est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement ou pour accompagner le travailleur à une activité que celui‑ci accomplit dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.
________
1985, c. 6, a. 164; 1992, c. 21, a. 80.
[32] D’abord, il doit s’agir d’un travailleur qui reçoit de l’aide personnelle à domicile, d’un travailleur qui accomplit une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation ou d’un travailleur qui, en raison de sa lésion professionnelle, est hébergé ou hospitalisé.
[33] En l’espèce, il est en preuve que la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 2 novembre 1999 et qu’elle a été hospitalisée du 5 novembre 1999 au 7 décembre 1999.
[34] Pour octroyer un remboursement des frais de garde d’enfants, l’hospitalisation doit être en raison de sa lésion professionnelle.
[35] L’analyse préalable des notes de consultation permet de constater qu’au cours de son hospitalisation, la travailleuse a effectivement reçu plusieurs évaluations ou traitements en relation avec sa condition lombaire. Toutefois, la Commission des lésions professionnelles ne peut conclure à l’effet que la lésion professionnelle, soit une entorse lombaire, fut la raison de l’hospitalisation d’une durée de 31 jours.
[36] D’abord, la Commission des lésions professionnelles réfère à la « feuille sommaire » complétée par le docteur Giroux en date du 7 décembre 1999. À titre de diagnostic principal, on précise qu’il s’agit d’une perte d’autonomie. On réfère à la condition lombaire de la travailleuse à titre de diagnostic secondaire.
[37] La Commission des lésions professionnelles ne nie pas l’existence de problèmes lombaires chez Mme Faucher mais elle considère qu’ils ne peuvent être la cause de son hospitalisation. L’hospitalisation a plutôt été l’occasion de lui administrer entre autres des traitements pour sa condition lombaire. La Commission des lésions professionnelles croit que, n’eut été de sa « perte d’autonomie » et des différents symptômes d’engourdissements, de céphalées ou de problèmes d’ordre personnel, la travailleuse n’aurait pas été hospitalisée 31 jours pour une condition lombaire s’avérant être une entorse lombaire.
[38] Tel que mentionné, au cours de son hospitalisation, la travailleuse reçoit des traitements et subit des évaluations qui concernent spécifiquement sa condition lombaire. Toutefois, de tels diagnostics ou de telles évaluations peuvent se faire de l’externe, sans nécessité d’hospitalisation. L’analyse des notes médicales des 5 et 6 novembre 1999 ne font montre d’aucun élément, relativement à sa condition lombaire, qui implique une hospitalisation. D’ailleurs, à la suite de l’évaluation du 6 novembre 1999, on prévoit un « congé ce jour ».
[39] La Commission des lésions professionnelles estime que les notes de l’examen neurologique du 9 novembre 1999 sont très révélatrices quant aux motifs de l’hospitalisation de Mme Faucher. Le neurologue met en lumière une série de symptômes étrangers à la condition lombaire de Mme Faucher. Hormis la condition lombaire, il émet notamment la possibilité d’une maladie démyélinisante de type sclérose en plaques, de migraines et d’une arnoldite gauche. Bien que la période d’hospitalisation soit ponctuée de traitements concernant sa condition lombaire, on note que la travailleuse subit une investigation en raison de ses différents symptômes neurologiques. Par exemple, le 2 décembre 1999, Mme Faucher subit une imagerie par résonance magnétique en raison d’une hémiparésie à l’hémicorps gauche et droite depuis trois semaines, d’engourdissements péribuccaux, d’une vision floue, de vertiges. On réfère aussi à des antécédents d’épisode neurologique depuis deux à trois ans.
[40] Enfin, la Commission des lésions professionnelles réfère à l’analyse effectuée par le docteur Mathieu du service médical de la CSST et particulièrement à la note qu’il rédige à la suite d’une conversation avec le médecin qui a charge de Mme Faucher.
[41] Ainsi, à la lumière de cette analyse, la Commission des lésions professionnelles n’est pas convaincue que l’hospitalisation de 31 jours est due à l’entorse lombaire subie par la travailleuse à la suite de l’accident du travail du 2 novembre 1999. La travailleuse n’a pas droit au remboursement des frais encourus pour la garde d’enfants.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de Mme Manon Faucher du 29 août 2000 ;
CONFIRME la décision de la CSST du 4 août 2000 rendue à la suite d’une révision administrative ;
ET
DÉCLARE que la travailleuse n’a pas droit au remboursement des frais de garde d’enfants selon l’article 164 de la Loi.
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Me Sophie Sénéchal |
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Commissaire |
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