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[1] Le 11 novembre 2004, monsieur Jacques Chevalier (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 20 octobre 2004 à la suite d'une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 11 août 2004 et déclare que monsieur Chevalier n’a pas droit au remboursement des frais de traitements de kinésithérapie et des frais de déplacements reliés à ces traitements.
[3] La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience à Montréal le 8 février 2005. Monsieur Chevalier était présent et il était représenté. Camions Ryder du Canada ltée (l’employeur) était égalementreprésenté.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Monsieur Chevalier demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit au remboursement des frais de traitements de kinésithérapie et de déplacements qu’il a réclamé à la CSST.
LES FAITS
[5] Le 8 janvier 1998, dans l’exercice de son travail de mécanicien chez l’employeur, monsieur Chevalier subit une fracture de la vertèbre D11 au cours d’un accident du travail.
[6] À la recommandation de son médecin, le docteur Denis Ladouceur, neurochirurgien, monsieur Chevalier suit un programme de réadaptation physique entre les mois de décembre 1998 et d’avril 1999 qui améliore sa condition.
[7] Le docteur Ladouceur consolide la lésion le 15 juillet 1999. Dans le rapport d’évaluation médicale qu’il produit le 16 novembre 1999, il retient le diagnostic de fracture D11 et de radiculopathie irritative D11 gauche. Il évalue que la lésion a entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique de 22,80 % (en incluant l’atteinte permanente pour douleurs et perte de jouissance de la vie) et des limitations fonctionnelles de classe 2.
[8] La CSST décide que monsieur Chevalier a droit à la réadaptation professionnelle et, subséquemment, dans le contexte d’un accord intervenu à la Commission des lésions professionnelles, il est reconnu capable d’exercer l’emploi convenable de représentant vendeur.
[9] Il a recommencé à travailler récemment, à raison de quelques heures, comme opérateur d’une souffleuse à neige.
[10] Le 24 mai 2002, par l’intermédiaire de son représentant, monsieur Chevalier réclame à la CSST la somme de 2 415 $ en remboursement des frais de traitements de kinésithérapie qu’il a reçus jusqu’au 25 mars 2002 et des frais de déplacements afférents. Il accompagne sa réclamation de reçus de la naturopathe qui lui a prodigué ces traitements.
[11] Le 8 août 2002, la CSST refuse sa réclamation au motif que les traitements qu’il a reçus ne sont pas couverts par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi). Monsieur Chevalier ne conteste pas cette décision.
[12] Le 6 janvier 2003, son représentant transmet à la CSST des pièces complémentaires pour démontrer que les traitements ont bien été prescrits par un médecin. Il s’agit de deux documents émis par le docteur Ladouceur en 2000, soit un certificat médical daté du 13 janvier et d’un rapport médical daté du 26 juillet, dans lesquels ce médecin prescrit des traitements de kinésithérapie. Le représentant de monsieur Chevalier demande à la CSST de reconsidérer sa décision du 8 août 2002. Il envoie également de nouveaux reçus concernant les traitements que monsieur Chevalier a reçus depuis sa demande initiale.
[13] Le 14 janvier 2003, la CSST refuse de reconsidérer sa décision du 8 août 2002.
[14] Le 16 février 2004, le représentant de monsieur Chevalier demande à la CSST de se prononcer sur la nouvelle demande de remboursement des frais qu’il a faite le 6 janvier 2003, en soumettant que celle-ci est demeurée sans réponse. Il envoie de nouveaux reçus pour les derniers traitements.
[15] Le 11 août 2004, la CSST refuse le remboursement réclamé au motif que les traitements de kinésithérapie ne sont pas remboursables en vertu de la loi et du Règlement sur l’assistance médicale[2], décision qu’elle maintient le 20 octobre 2004 à la suite d'une révision administrative.
L’AVIS DES MEMBRES
[16] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales considèrent que le litige ne concerne que les traitements reçus après le 25 mars 2002 puisque ceux reçus jusqu’à cette date ont fait l’objet de décisions finales de la CSST le 8 août 2002 et le 14 janvier 2003.
[17] Cela précisé, ils sont d’avis que la requête doit être rejetée parce que le remboursement des traitements de kinésithérapie n’est pas prévu par le Règlement sur l’assistance médicale.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[18] La Commission des lésions professionnelles doit décider si monsieur Chevalier a droit au remboursement des frais de kinésithérapie et des frais de déplacements afférents qu’il a réclamé.
[19] Il convient de préciser au départ que le litige doit être limité aux seuls traitements qu’il a reçus après le 25 mars 2002 puisque ceux, qu’il a reçus jusqu’à cette date, ont fait l’objet de décisions finales de la CSST le 8 août 2002 et le 14 janvier 2003.
[20] En argumentation, le représentant de monsieur Chevalier rappelle que les traitements de kinésithérapie ont été prescrits par le médecin de monsieur Chevalier et il soumet que ces traitements font partie de l’assistance médicale à laquelle il a droit en vertu des articles 188 et suivants de la loi.
[21] Il invoque notamment l’article 192 qui confère au travailleur le droit aux soins du professionnel de la santé de son choix.
[22] Convenant que le remboursement des frais des traitements de kinésithérapie n’est pas prévu par le Règlement sur l’assistance médicale, il demande au tribunal d’adopter l’approche suivie par la jurisprudence en matière de prothèses auditives numériques, laquelle reconnaît aux travailleurs le droit au remboursement des frais d’acquisition de telles prothèses même si cela n’est pas prévu par le règlement.
[23] Enfin, il invoque l’article 184 paragraphe 5 de la loi, lequel autorise la CSST à prendre toute mesure qu’elle estime utile pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d’une lésion professionnelle. Il soumet que les traitements de kinésithérapie que reçoit monsieur Chevalier sont nécessaires pour maintenir son état de santé et son employabilité.
[24] Le droit à l’assistance médicale dont bénéficie un travailleur victime d’une lésion professionnelle est prévu par l’article 188 de la loi, lequel se lit comme suit :
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
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1985, c. 6, a. 188.
[25] Cet article doit être lu en conjonction avec l’article 189 de la loi qui précise ce que comporte l’assistance médicale à laquelle a droit le travailleur.
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit:
1° les services de professionnels de la santé;
2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons, les services ambulanciers et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
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1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.
[26] Les traitements de kinésithérapie font partie de ceux visés par le cinquième paragraphe. Tel que prévu à ce paragraphe, la CSST a adopté le Règlement sur l’assistance médicale pour déterminer quels traitements étaient remboursés et à quelles conditions.
[27] Compte tenu que ce règlement ne prévoit pas le remboursement des frais de traitements de kinésithérapie, monsieur Chevalier n’y a pas droit.
[28] Les arguments invoqués par son représentant pour contourner le règlement ne peuvent être retenus.
[29] Premièrement, l’article 192 n’a pas d’application en l’espèce puisque ce n’est pas cet article qui précise ce que comporte l’assistance médicale à laquelle a droit un travailleur. Au surplus, une naturopathe n’est pas une professionnelle de la santé au sens de la loi.
[30] Deuxièmement, la jurisprudence concernant le remboursement des frais d’acquisition de prothèses auditives numériques s’inscrit dans un contexte légal bien différent puisque le droit au remboursement de prothèses relève du quatrième paragraphe de l’article 189 et non du cinquième paragraphe et que la CSST n’a pas adopté un règlement pour en déterminer les balises, comme le prévoit l’article suivant de la loi :
198.1. La Commission acquitte le coût de l'achat, de l'ajustement, de la réparation et du remplacement d'une prothèse ou d'une orthèse visée au paragraphe 4° de l'article 189 selon ce qu'elle détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
Dans le cas où une orthèse ou une prothèse possède des caractéristiques identiques à celles d'une orthèse ou d'une prothèse apparaissant à un programme administré par la Régie de l'assurance maladie du Québec en vertu de la Loi sur l'assurance maladie (chapitre A-29) ou la Loi sur la Régie de l'assurance maladie du Québec (chapitre R-5), le montant payable par la Commission est celui qui est déterminé dans ce programme.
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1992, c. 11, a. 11; 1999, c. 89, a. 53.
[31] Enfin, l’argument fondé sur l’article 184 paragraphe 5 de la loi ne peut davantage être retenu puisque cette disposition confère à la CSST un pouvoir discrétionnaire dont l’exercice ne relève que de cet organisme. Cet article se lit comme suit :
184. La Commission peut:
1° développer et soutenir les activités des personnes et des organismes qui s'occupent de réadaptation et coopérer avec eux;
2° évaluer l'efficacité des politiques, des programmes et des services de réadaptation disponibles;
3° effectuer ou faire effectuer des études et des recherches sur la réadaptation;
4° prendre toute mesure qu'elle estime utile pour favoriser la réinsertion professionnelle du conjoint d'un travailleur décédé en raison d'une lésion professionnelle;
5° prendre toute mesure qu'elle estime utile pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d'une lésion professionnelle.
Aux fins des paragraphes 1°, 2° et 3°, la Commission forme un comité multidisciplinaire.
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1985, c. 6, a. 184.
[32] La jurisprudence comporte peu de décisions portant sur les traitements de kinésithérapie. Trois décisions ont pu être retracées[3] et dans les trois cas, le droit au remboursement des frais de tels traitements n’a pas été reconnu.
[33] Après considération des arguments soumis par les représentants des parties, la Commission des lésions professionnelles en vient donc à la conclusion que monsieur Chevalier n’a pas droit au remboursement des frais de traitements de kinésithérapie réclamé ni, en conséquence, au remboursement des frais de déplacements afférents.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de monsieur Jacques Chevalier;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 20 octobre 2004 à la suite d'une révision administrative;
DÉCLARE que monsieur Chevalier n’a pas droit au remboursement des frais de kinésithérapie ni des frais de déplacements afférents encourus après le 25 mars 2002.
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Claude-André Ducharme |
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Commissaire |
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Me Sylvain B. Gingras |
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GINGRAS AVOCATS |
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Représentant de la partie requérante |
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Monsieur Bernard F. Morin |
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GR. SANTÉ WESTMOUNT SQUARE ONCIDIUM |
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Représentant de la partie intéressée |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] (1993) 125 G.Q. II, 1331
[3] Bouchard et Ministère de la sécurité publique, C.A.L.P., 03854-63-8707, 9 janvier 1990, G. Godin, révision rejetée, 24 septembre 1990, É. Harvey; Tremblay et Entr. Roger Chamberland inc., C.L.P., 150006-72-0011, 27 juin 2001, C.-A. Ducharme, révision rejetée, 23 décembre 2002, M. Bélanger; Centre de données maritimes et Gareau, C.L.P., 164501-64-0106, 25 mars 2002, J.-C. Danis.
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