Côté et Lévy Transport ltée (Fermé) |
2008 QCCLP 344 |
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[1] Le 11 juin 2007, monsieur Paulin Côté (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 31 mai 2007 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 5 mars 2007 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement de l’aide technique consistant en une barre d’appui ni à l’aide personnelle à domicile.
[3] Lors de l’audience tenue à Gaspé le 17 janvier 2008, seuls le travailleur et son représentant sont présents. Lévy Transport ltée n’est plus en opération et la procureure de la CSST a préalablement avisé le tribunal que personne ne serait présent pour sa cliente.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande de reconnaître qu’il a droit au remboursement d’une aide technique consistant en une barre d’appui, ainsi qu’à l’aide personnelle à domicile à compter du 5 avril 2006.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont tous deux d’avis que la requête du travailleur devrait être accueillie en partie. Ils considèrent plus particulièrement le fait que la lésion professionnelle du travailleur a entraîné une atteinte permanente de 42,9 % sur le plan physique et de 21,3 % sur le plan psychique, que ses limitations fonctionnelles sont importantes, que la CSST a reconnu que le travailleur ne pourrait pas réintégrer le marché du travail et que ce dernier déclare, de façon probante, que son état était similaire en avril 2006 et au cours des mois qui ont suivi à celui qui prévalait lors de l’évaluation positive par la CSST de ses besoins en aide à domicile en octobre et décembre 2007. Une telle évaluation n’avait vraisemblablement pas été faite en avril 2006, ni au cours des mois qui ont suivi. Ils constatent par ailleurs que la CSST n’est jamais allée sur les lieux du domicile du travailleur pour évaluer ses besoins de façon contemporaine et, notamment, voir les adaptations qui auraient pu être apportées au domicile de façon à favoriser son autonomie. Finalement, pour l’établissement du montant d’aide personnelle à domicile, ils s’en remettraient à la grille de la CSST telle que complétée en décembre 2007, outre le fait qu’ils reconnaîtraient un besoin d’assistance complet et non partiel pour le ménage lourd.
[6] En ce qui concerne la barre d’appui, ils constatent que le travailleur et le procureur, ce dernier ayant cependant indiqué maintenir la demande, n’en ont fait aucune mention particulière et qu’il s’agissait plutôt d’une suggestion d’une agente d’indemnisation de la CSST en remplacement de l’aide personnelle à domicile. Ils n’accorderaient pas le remboursement parce que cette aide n’a pas été prescrite par un professionnel de la santé et que le travailleur n’a pas expliqué en quoi cela pourrait l’aider.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[7] Le travailleur, actuellement âgé de 49 ans, est victime d’un accident du travail le 6 août 1998. Un diagnostic de hernie discale centrale au niveau L5-S1 est reconnu en regard de la lésion professionnelle qui en a découlé.
[8] En 1999, une discoïdectomie radicale aux niveaux L4-L5 et L5-S1 est pratiquée. La lésion professionnelle est déclarée consolidée en mars 2000 et est reconnue avoir entraîné une atteinte permanente de 18 % et des limitations fonctionnelles.
[9] Le 12 novembre 2000, le travailleur est victime d’une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion, laquelle sera déclarée consolidée le 27 mars 2003 avec une atteinte permanente additionnelle de 3,6 % et des limitations fonctionnelles plus sévères.
[10] Un diagnostic de trouble d’adaptation est posé à compter de 2003 et reconnu en relation avec la lésion professionnelle du travailleur.
[11] Le 21 décembre 2004, le travailleur est victime d’une autre récidive, rechute ou aggravation de sa lésion. Celle-ci est déclarée consolidée le 30 août 2005 et est reconnue avoir entraîné une atteinte permanente supplémentaire de 21,3 % à son intégrité physique (pour un total cumulatif de 42,9 %) ainsi que les limitations fonctionnelles suivantes :
« Il s’agit bien sûr, de restrictions très sévères avec Classe IV.
- il doit donc éviter tout travail qui implique des gestes répétés de flexion, extension ou rotation du tronc,
- il doit éviter de faire un travail qui implique de longues périodes en position debout ou assise, soit dépassant une période de 1 heure,
- il doit éviter de soulever ou transporter des objets lourds dépassant 10 kgs,
- il doit éviter de faire un travail qui implique les montées et descentes fréquentes des escaliers au cours de la journée ou encore de marcher sur terrain accidenté,
- il doit éviter de faire un travail qui implique l’usage d’outils vibrateurs. »
[12] La lésion psychique du travailleur est déclarée consolidée le 21 octobre 2005 et est reconnue avoir entraîné une atteinte permanente de 21,3 % ainsi que des limitations fonctionnelles. Ces dernières ne sont pas clairement déterminées dans le rapport d’évaluation médicale, mais les extraits suivants en situent l’essentiel de la nature :
« […]
Au niveau cognitions : sa concentration est très affaiblie et sa mémoire récente montre beaucoup de lacunes au point où il fait des oublis fréquents et qu’il doive tout marquer pour ne pas oublier. Il montre aussi une grande difficulté à pouvoir emmagasiner de nouvelles données.
[…]
LIMITATIONS FONCTIONNELLES RÉSULTANT DE LA LÉSION PROFESSIONNELLE
M. Paulin Côté présente actuellement des limitations psychologiques permanentes en raison surtout des facteurs de stress psychologiques variés mentionnés dans le diagnostic.
Ce qui est le plus invalidant pour M. Côté m’apparaît la difficulté au niveau de ses fonctions intellectuelles et la difficulté au niveau de sa capacité d’emmagasiner de nouvelles données, ce qui le limite beaucoup eu égard aux possibilités de travail.
[…]
CONCLUSION
En fait, à la suite de son accident du travail malheureux et très invalidant, M. Côté a perdu son goût de vivre et aussi sa capacité de performer dans presque toutes les sphères de sa vie. […] Actuellement, sa condition psychologique demeure fragile et il doit recevoir encore des soins professionnels et prendre une médication de façon continue.
Sa condition psychologique actuelle le rend inapte à faire un travail qui demande une certaine capacité intellectuelle en raison de ses manques et de sa mémoire qui demeure très lacunaire.
[…]
BILAN DES SÉQUELLES
Tel que mentionné ci-haut, M. Paulin Côté présente des déficits psychiques sérieux au niveau de son fonctionnement général et de son fonctionnement social où il évite régulièrement les sorties.
Il a également des déficits sérieux au niveau cognitif qui le privent de pouvoir performer intellectuellement.
Voilà pourquoi j’établis les séquelles au niveau névrose, du groupe 2 […]. »
(Soulignements ajoutés)
[13] Selon le Règlement sur le barème des dommages corporels[1], les séquelles de névrose du groupe 2 se définissent comme suit, ce qui est également indicatif de l’état psychique du travailleur :
« Groupe 2 (modéré)
L'intensité symptomatique de la névrose, quoi que
d'ordinaire variable, oblige le sujet à un recours
constant à des mesures thérapeutiques soulageantes,
à une modification de ses activités quotidiennes
conduisant à une réduction plus ou moins marquée
de son rendement social et personnel. Le syndrome
peut s'accompagner de désordres psycho-physiologiques
fonctionnels nécessitant un traitement symptomatique
et occasionnant un arrêt intermittent des activités
régulières. »
[14] Le tribunal souligne que selon le règlement, les névroses de groupe 3, ou graves, nécessitent une surveillance ou une assistance de l’entourage, ce qui n’est pas le cas des névroses du groupe 2.
[15] Le 17 janvier 2006, la CSST rend une décision selon laquelle elle détermine qu’il est impossible de déterminer pour le travailleur un emploi qu’il serait capable d’exercer à temps plein et qu’elle lui versera donc l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’il ait 68 ans.
[16] Le 5 avril 2006, le procureur du travailleur demande à la CSST de reconnaître que ce dernier a besoin d’aide personnelle à domicile.
[17] Lors d’un entretien entre le procureur du travailleur et une agente de la CSST le 10 mai 2006, il est notamment question d’adaptation du domicile et d’aide technique pour favoriser l’autonomie du travailleur. Il est convenu qu’un conseiller en réadaptation de la CSST communiquera avec le travailleur.
[18] Finalement, une conseillère en réadaptation communique avec le travailleur le 5 octobre 2006. Après discussion avec le travailleur lors de laquelle il y a un certain échange d’informations, la conseillère écrit qu’elle mentionne au travailleur qu’il est probable qu’une ergothérapeute se rende chez-lui pour vérifier ses besoins. Cela ne se fera finalement jamais. Il semble y avoir un autre entretien entre la même conseillère et le travailleur le 10 janvier 2007 et un début d’analyse de la demande, mais le dossier de la CSST est mélangé et dédoublé dans cette période et il est impossible de comprendre ce qui s’est véritablement passé à quel moment.
[19] Toujours selon les notes évolutives contemporaines, une autre conseillère en réadaptation analyse finalement le dossier et rend une décision quant à la demande du travailleur le 2 mars 2007, soit près d’un an après sa demande. Personne ne s’est jamais rendu chez le travailleur entre-temps. La demande d’aide personnelle à domicile du travailleur est refusée, tout comme celle pour des barres d’appui qui résultait d’une suggestion d’un agent d’indemnisation, le tout pour les considérations suivantes :
« Décision
Aide personnelle
Article 158 LATMP
Aide à domicile
[…]
· Considérant les limitations fonctionnelles découlant de la lésion physique
· Considérant les limitations fonctionnelles découlant de son trouble dépressif majeur en rémission partielle
· Considérant que T allègue des difficultés à prendre son bain et à sortir du lit;
· Considérant que malgré les difficultés mentionné par T, T à la capacité de réaliser ces activités en regard des limitations fonctionnelles
· Considérant que T est capable de prendre soins de lui-même (lever, coucher, hygiène, habillage, déshabillage, soins vésicaux, soins intestinaux, alimentation) en regard des limitations fonctionnelles
· Considérant que le maintient à domicile de T n’est pas compromis.
Pour ces raisons la demande d’aide personnelle est refusée
[…]
Aides techniques: barres d’appuis
· Considérant les positions et exigences pour se lever du lit
· Considérant les positions et exigences dans l’exécution de se laver soit de rentrer dans le bain, se laver et sortir du bain
· Considérant les limitations fonctionnelles découlant de la lésion physique
· Considérant que les limitations fonctionnelles sont respectées dans l’exécution des mouvements pour sortir du lit et prendre son bain
· Considérant que des barres d’appuie ne sont pas nécessaires à la réalisation de ces deux activités en regard des limitation fonctionnelles
Pour ces raisons cette aide technique n’est pas rembousable. » (sic)
[20] Rien ne permet de croire que l’une ou l’autre des conseillères en réadaptation a dûment complété la grille d’évaluation prévue en telle situation, bien que la réviseure de la CSST le laisse par la suite entendre dans sa décision. Dans le doute, la commissaire soussignée a demandé, préalablement à l’audience, à la CSST d’effectuer la vérification et de lui transmettre la grille d’évaluation qui aurait été remplie à l’époque. Le tribunal n’a reçu qu’une mise à jour du dossier, ne contenant aucune grille d’évaluation contemporaine à cette époque.
[21] En outre, le tribunal constate à la lecture de la motivation de ces décisions que seule la lecture des limitations fonctionnelles, physiques de surcroît, a servi à asseoir la décision alors rendue, rien d’autre n’ayant été considéré.
[22] Le 29 août 2007, le travailleur est l’objet d’une autre intervention chirurgicale en relation avec sa lésion professionnelle. Une récidive, rechute ou aggravation à cette date devrait normalement être reconnue (ce qui n’est pas clairement le cas à la lecture du dossier transmis par la CSST), même si le travailleur reçoit déjà une indemnité de remplacement du revenu, afin qu’une date de consolidation soit éventuellement déterminée et que l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles en découlant soient également déterminées, ce qui est important pour le travailleur même s’il ne retournera pas sur le marché du travail.
[23] Le 24 septembre 2007, une agente d’indemnisation de la CSST procède à l’analyse d’une demande d’aide personnelle à domicile post-opératoire du travailleur. Elle complète alors la grille d’évaluation prévue en pareil cas et conclut que le travailleur a droit à une aide personnelle à domicile calculée sur la base de 20.5 sur 48 points. L’aide est apportée par la conjointe du travailleur.
[24] Une réévaluation des besoins du travailleur est effectuée le 29 octobre 2007. L’aide personnelle est dès lors diminuée, étant dorénavant calculée sur la base de 15 points sur 48. Il est ainsi déterminé que le travailleur a besoin d’une assistance partielle pour le lever, l’hygiène corporelle, l’habillage, le déshabillage, la préparation des trois repas, le ménage léger, le ménage lourd, le lavage du linge et l’approvisionnement. Aucun besoin de surveillance n’est reconnu. Le 5 décembre 2007, une réévaluation entraîne la prolongation du même montant d’aide personnelle à domicile.
L’aide personnelle à domicile
[25] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit à l’aide personnelle à domicile à compter du 5 avril 2006, et ce, jusqu’au 31 août 2007, la CSST lui ayant reconnu ce droit à compter du 1er septembre 2007. Cette aide est prévue à l’article 158 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) :
158. L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.
__________
1985, c. 6, a. 158.
[26] Cette disposition faisant partie de la section de la loi portant sur la réadaptation, il est établi qu’un travailleur, pour avoir droit à l’aide personnelle à domicile, doit par conséquent démontrer :
1o Que sa lésion professionnelle a entraîné une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique;
2o Qu’il est incapable de prendre soin de lui-même;
3o Qu’il est incapable d’effectuer sans aide les tâches domestiques qu’il effectuerait normalement;
4o Que cette aide s’avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.
[27] En outre, les articles 159 et 160 de la loi précisent la nature de l’aide personnelle pouvant être accordée :
159. L'aide personnelle à domicile comprend les frais d'engagement d'une personne pour aider le travailleur à prendre soin de lui-même et pour effectuer les tâches domestiques que le travailleur effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion.
Cette personne peut être le conjoint du travailleur.
__________
1985, c. 6, a. 159.
160. Le montant de l'aide personnelle à domicile est déterminé selon les normes et barèmes que la Commission adopte par règlement et ne peut excéder 800 $ par mois.
__________
1985, c. 6, a. 160; 1996, c. 70, a. 5.
[28] Finalement, le Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile[3] prévoit plus particulièrement l’évaluation des besoins d’aide personnelle à domicile :
5. Les besoins d’aide personnelle à domicile sont évalués par la Commission de la santé et de la sécurité du travail en tenant compte de la situation du travailleur avant la lésion professionnelle, des changements qui en découlent et des conséquences de celle-ci sur l’autonomie du travailleur.
Ces besoins peuvent être évalués à l’aide de consultations auprès de la famille immédiate du travailleur, du médecin qui en a charge et d’autres personnes-ressources.
Cette évaluation se fait selon les normes prévues au présent règlement et en remplissant la grille d’évaluation prévue à l’annexe 1.
(Soulignements ajoutés)
[29] La grille d’évaluation à laquelle fait référence l’article 5 du Règlement énonce 16 activités ou tâches différentes pour lesquelles il faut déterminer si le travailleur présente un besoin d’assistance et, le cas échéant, si cette assistance doit être complète ou partielle. Un pointage est attribué en conséquence par rapport au total de 48 points et le montant de l’aide est calculé en proportion de ce pointage. Cette grille est construite comme suit :
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Besoin d’assistance complète |
Besoin d’assistance partielle |
Aucun besoin d’assistance
|
|
|
|
|
|
|
Le lever |
3 |
1.5 |
0 |
|
Le coucher |
3 |
1.5 |
0 |
|
Hygiène corporelle |
5 |
2.5 |
0 |
|
Habillage |
3 |
1.5 |
0 |
|
Déshabillage |
3 |
1.5 |
0 |
|
Soins vésicaux |
3 |
1.5 |
0 |
|
Soins intestinaux |
3 |
1.5 |
0 |
|
Alimentation |
5 |
2.5 |
0 |
|
Utilisation des commodités du domicile |
4 |
2 |
0 |
|
Préparation du déjeuner |
2 |
1 |
0 |
|
Préparation du dîner |
4 |
2 |
0 |
|
Préparation du souper |
4 |
2 |
0 |
|
Ménage léger |
1 |
0.5 |
0 |
|
Ménage lourd |
1 |
0.5 |
0 |
|
Lavage du linge |
1 |
0.5 |
0 |
|
Approvisionnement |
3 |
1.5 |
0 |
|
Total |
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/48 points |
[30] Il va de soi en l’occurrence que la première condition d’éligibilité à l’aide personnelle est rencontrée, le travailleur ayant subi une grave lésion professionnelle ayant déjà, avant la dernière récidive, rechute ou aggravation du 29 août 2007, entraîné une atteinte permanente de 49,2 % sur le plan physique et de 21,3 % sur le plan psychique.
[31] En ce qui concerne la capacité du travailleur à prendre soin de lui-même, ainsi que sa capacité à effectuer les tâches domestiques qu’il effectuerait normalement lui-même, le tribunal conclut que la preuve est prépondérante quant à un besoin d’assistance.
[32] Le tribunal souligne d’entrée de jeu que le travailleur, en plus d’être atteint et limité physiquement, est également atteint au niveau psychique, l’état de son moral étant fragile, et qu’il doit également composer avec la présence régulière de douleur et de faiblesse des membres inférieurs. L’impact de la douleur, bien que ne donnant pas lieu à la reconnaissance de limitations fonctionnelles, doit évidemment être pris en considération dans l’appréciation de la capacité du travailleur à prendre soin de lui-même et à effectuer les tâches domestiques. Il en va de même de l’état psychique du travailleur qui semble le prédisposer au découragement et n’aide certainement pas à sa propre prise en charge.
[33] Le travailleur et sa conjointe ont témoigné de façon probante du fait que l’état du travailleur n’était pas mieux au printemps 2006 et au cours des mois qui ont suivi qu’une fois passés le premier mois suivant sa chirurgie du 29 août 2007. Ils expliquent que cette chirurgie a précisément été jugée nécessaire pour tenter d’améliorer l’état du travailleur.
[34] En outre, les besoins exprimés correspondent essentiellement à ceux qui sont colligés par la conseillère en réadaptation lorsqu’elle complète la grille d’évaluation le 5 décembre 2007, ce qui vient confirmer leurs témoignages quant à la nature des besoins du travailleur
[35] Il n’y a, en fait, que le ménage lourd qui commanderait, selon la preuve, une aide complète plutôt que partielle. On conçoit en effet difficilement que le travailleur puisse effectuer le nettoyage du four et du réfrigérateur, laver les planchers et les fenêtres et effectuer le grand ménage, considérant ses limitations, le fait qu’il circule avec une canne et la douleur qui l’accompagne. La CSST a d’ailleurs déjà accordé au travailleur le remboursement du coût de son grand ménage annuel dans le cadre d’une autre disposition de la loi.
[36] Il est possible que les besoins d’aide personnelle à domicile du travailleur diminuent si une évaluation de son domicile et des adaptations et aides techniques pouvant favoriser son autonomie est finalement effectuée. Mais cela n’était pas le cas à l’époque et le tribunal doit décider en fonction de la situation telle qu’elle se présentait alors.
[37] Le tribunal souligne également que le travailleur vit avec sa conjointe. Celle-ci déclare au tribunal, comme elle l’a toujours dit à la CSST, qu’elle avait cessé de travailler il y a quelques années pour s’occuper de son conjoint et, à l’époque, de leur fils qui habitait alors avec eux. Bien que cette décision puisse sembler excessive eu égard aux limitations fonctionnelles du travailleur, il ne faut pas omettre de considérer l’état psychique du travailleur qui a déjà entraîné son hospitalisation dans des moments plus sombres, ni les douleurs qui l’affectent tant moralement que physiquement, ni la faiblesse au niveau de ses membres inférieurs, particulièrement au lever et dans l’heure qui suit, ni, finalement, les problèmes de concentration et de mémoire qui peuvent être plus délicats avec l’utilisation d’appareils électriques ou de cuisson.
[38] La CSST ne peut demander à la conjointe du travailleur de pallier entièrement aux limitations du travailleur qui découlent de sa lésion professionnelle en s’acquittant seule de l’essentiel, voire de la quasi-totalité des tâches domestiques, en plus d’aider le travailleur à prendre soin de lui-même.
[39] Il est d’ailleurs établi dans la jurisprudence de ce tribunal[4] qu’il est normal de compter sur la collaboration et même une certaine aide de la part des membres de la famille du travailleur, mais que cela ne doit pas excéder une mesure raisonnable. La loi, à l’article 159 précité, prévoit d’ailleurs que la personne rémunérée pour aider le travailleur à prendre soin de lui-même et à effectuer les tâches domestiques peut être le conjoint du travailleur.
[40] En l’instance, l’aide demandée à la conjointe du travailleur apparaît excessive. Il en découle donc que la quatrième condition d’admissibilité à l’aide personnelle à domicile est satisfaite, cette aide étant nécessaire au maintien du travailleur à son domicile (si l’on exclut l’aide excessive actuellement demandée de la conjointe).
[41] Le tribunal souligne par contre que le travailleur serait en mesure d’aider un peu plus sa conjointe afin de ne pas la surcharger inutilement, mais une démarche devra sans doute être entreprise afin de le rassurer quant aux capacités qu’il a toujours et à l’aspect bénéfique du maintien d’activités et de lui faire réaliser que sa conjointe mériterait d’être un peu déchargée. Cette dernière devra également être rassurée quant aux capacités du travailleur.
La barre d’appui
[42] En ce qui concerne l’aide technique consistant en une barre d’appui, le travailleur et sa conjointe n’en ont jamais fait mention dans leur témoignage. Leur procureur a indiqué maintenir la demande, mais n’a apporté aucun autre commentaire à ce sujet.
[43] Le tribunal souligne que le droit d’un travailleur à une aide technique requise par son état relève de l’article 188 de la loi qui prévoit le droit à l’assistance médicale :
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
__________
1985, c. 6, a. 188.
[44] Le Règlement sur l'assistance médicale[5] prévoit plus précisément les aides techniques auxquelles peut avoir droit un travailleur lorsque son état le requiert en raison d’une lésion professionnelle, et les conditions qui doivent être respectées dans l’exercice de ce droit.
[45] Ainsi, les articles 3 et 19 de ce règlement précisent que pour qu’elle soit assumée par la CSST, une aide technique doit avoir été prescrite par le médecin du travailleur ou recommandée par un intervenant de la santé vers lequel le médecin a dirigé le travailleur :
3. La Commission de la santé et de la sécurité du travail assume le coût des soins, des traitements et des aides techniques reçus au Québec, selon les montants prévus au présent règlement, si ces soins, ces traitements ou ces aides techniques ont été prescrits par le médecin qui a charge du travailleur avant que les soins ou traitements ne soient reçus ou que les dépenses pour ces aides techniques ne soient faites; à moins de disposition contraire, ces montants comprennent les fournitures et les frais accessoires reliés à ces soins, traitements ou aides techniques.
De plus, toute réclamation à la Commission concernant ces soins, traitements ou aides techniques doit être accompagnée d'une copie de la prescription du médecin qui a charge du travailleur, de la recommandation de l'intervenant de la santé le cas échéant, et des pièces justificatives détaillant leur coût.
D. 288-93, a. 3; D. 888-2007, a. 2.
19. La Commission assume le coût d'une aide technique recommandée par un intervenant de la santé auquel a été référé le travailleur par le médecin qui a charge de ce dernier, dans les cas prévus à l'annexe II.
[46] En l’occurrence, le travailleur n’a produit aucune prescription de son médecin, ni recommandation d’un intervenant de la santé vers lequel son médecin l’aurait dirigé. Les conditions du règlement n’étant pas rencontrées, le tribunal ne peut ordonner le remboursement de la barre d’appui évoquée.
[47] Tel que mentionné précédemment, cette idée de barre d’appui semble provenir d’une agente d’indemnisation de la CSST qui voyait là la possibilité de limiter, voire d’exclure le recours à l’aide personnelle à domicile. La lecture de l’annexe 2 du règlement permet en effet de noter différents articles qui aideraient certainement le travailleur à être autonome en regard des difficultés identifiées, dont, notamment, un enfile-bas, un fauteuil et une barre de sécurité pour la douche ou le bain. Il faudra cependant que le médecin du travailleur ou un intervenant de la santé vers lequel il aura dirigé le travailleur en fasse la recommandation ou que cela fasse partie de l’adaptation du domicile du travailleur dans le cadre d’un plan de réadaptation.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE EN PARTIE la requête du travailleur, monsieur Paulin Côté;
MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 31 mai 2007 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a droit à l’aide à domicile du 5 avril 2006 au 31 août 2007;
DÉCLARE que l’aide personnelle à domicile du travailleur doit être établie sur la base de 15,5 points sur 48 dans la grille d’évaluation prévue à l’Annexe 1 du Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile.
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement de l’aide technique consistant en une barre d’appui.
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Louise Desbois |
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Commissaire |
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Me Francis Bernatchez |
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FRANCIS BERNATCHEZ, AVOCAT |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Sonia Dumaresq |
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PANNETON LESSARD, AVOCATS |
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Représentante de la partie intéressée |
[1] (1987) 119 G.O. II, 5576
[2] L.R.Q., c. A-3.001
[3] Règlement sur les normes et barèmes de l'aide personnelle à domicile (1997) 129 G.O. II, 7365.
[4] Savoie et Hydro-Québec, [1993] C.A.L.P. 980 ; Palumbo et Bedarco McGruer inc., C.A.L.P. 64519-60-9411, 20 novembre 1996, B. Roy; Beauregard c. CALP, [2000] C.L.P. 55 (C.A.); Guy et D.R.H.C. Direction travail, C.L.P. 130835-72-0001, 18 août 2000, M. Bélanger; Lebel et Municipalité Paroisse de Saint-Éloi, C.L.P. 124846-01A-9910, 29 juin 2000, L. Boudreault; Jallal et Compagnie d’assurance Allstate du Canada, C.L.P. 178570-72-0202, 8 mai 2002, S. Lemire; Nicolas et Centre d’hébergement de soins de longue durée de Cap-Chat, C.L.P. 157485-01C-0103, 10 janvier 2003, R. Arseneau, révision rejetée, 14 août 2003, M. Carignan.
[5] (1993) 125 G.O. II, 1331
AVIS :
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