DÉCISION
DOSSIER 142213-03B-0007
[1] Le 10 juillet 2000, monsieur Marcel Paquet (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste la décision rendue le 8 juin 2000 par la révision administrative de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST).
[2] Par cette décision, la révision administrative confirme la décision rendue le 27 juillet 1999 par la CSST qui refuse de lui rembourser les frais concernant des travaux d’entretien courant du domicile pour les années 1996-1997 et 1997-1998, parce que le travailleur n’aurait pas produit de pièces justificatives démontrant qu’ils ont été déboursés par ce dernier.
DOSSIER 142214-03B-0007
[3] Le 10 juillet 2000, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste la décision rendue le 8 juin 2000 par la révision administrative de la CSST.
[4] Par cette décision, la révision administrative confirme la décision rendue le 9 septembre 1999 par la CSST, laquelle conclut que le travailleur a droit à des intérêts calculés sur la différence entre l’indemnité de remplacement du revenu que doit lui verser la CSST, par rapport aux sommes d’argent qu’il a déjà reçues en assurance-salaire, pour la période du 25 juin 1996 au 15 décembre 1998. Ce montant représente une somme de 1 296,44 $.
DOSSIER 142215-03B-0007
[5] Le 10 juillet 2000, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste la décision rendue le 8 juin 2000 par la révision administrative de la CSST.
[6] Par cette décision, la révision administrative confirme la décision rendue le 16 février 2000 par la CSST qui refuse de lui rembourser la somme de 542,09 $, soit les frais d’une expertise médicale produite à la Commission des lésions professionnelles pour appuyer ses prétentions devant celle-ci.
[7] À l’audience, seul le travailleur est présent et représenté. Madame Chantal Duquette a témoigné pour lui.
L'OBJET DES CONTESTATIONS
DOSSIER 142213-03B-0007
[8] Le travailleur demande le remboursement des frais déboursés pour les années 1996-1997, 1997-1998 et 1998-1999 pour l’ensemble des travaux d’entretien de son domicile pour chacune des trois périodes correspondantes.
DOSSIER 142214-03B-0007
[9] Le travailleur demande de déclarer qu’il a droit au paiement d’intérêts sur le montant total de son indemnité de remplacement du revenu depuis le 13 mars 1996, date de sa réclamation.
DOSSIER 142215-03B-0007
[10] Le travailleur demande de déclarer qu’il a droit à une somme de 542,09 $ qui correspond aux frais déboursés pour produire une expertise médicale du docteur Jean-François Fradet, à la Commission des lésions professionnelles, afin de soutenir sa requête concernant sa réclamation du 13 mars 1996, sur laquelle s’est fondée ce tribunal pour évaluer et retenir son pourcentage d’atteinte permanente et ses limitations fonctionnelles.
LES FAITS
[11] Le 13 mars 1996, le travailleur a subi un accident du travail alors qu’il occupait son emploi de préposé à l’entretien ménager lourd au Pavillon de l’Hospitalité de St-Prosper de Beauce (l’employeur). Il occupe cet emploi depuis 13½ ans, sur une base à temps plein et permanente. Il est âgé de 35 ans au moment de son accident du travail.
[12] Initialement, la CSST a reconnu une entorse lombaire comme étant la blessure que s’est occasionnée le travailleur le 13 mars 1996, ce qui fut confirmé par le Bureau d’évaluation médicale, lors de son avis rendu le 21 juin 1996, lequel a donné suite à la décision rendue le 29 juillet 1996 par la CSST. Cette décision fut contestée par le travailleur au bureau de révision et ensuite à la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) qui est devenue la Commission des lésions professionnelles depuis le 1er avril 1998, laquelle a entendu cette contestation le 27 août 1998.
[13] Le 2 mars 1999, le commissaire Michel Renaud accueille la déclaration d’appel logée par le travailleur le 13 novembre 1997, concernant la décision rendue par le Bureau de révision le 20 octobre 1997 qui maintenait les conclusions du Bureau d’évaluation médicale et les décisions rendues par la CSST les 29 juillet et 26 septembre 1996.
[14] Le commissaire Renaud déclare que le travailleur fut victime d’une lésion professionnelle le 13 mars 1996 et que le diagnostic à retenir est celui de hernies discales L4-L5 et L5-S1 qui n’étaient pas consolidées le 2 mai 1996, puisque le travailleur était en assignation temporaire et que les conséquences résultant de sa lésion professionnelle l’empêchaient d’occuper son emploi de préposé à l’entretien ménager qu’il occupait le 13 mars 1996.
[15] En outre, le commissaire retient que le déficit anatomo-physiologique (DAP) du travailleur doit être établi à 18 % qui se répartit comme suit : un DAP de 6 % pour une discoïdectomie à 2 espaces, selon le code 204228, suite aux opérations qu’il a subies les 21 avril et 23 juin 1997 qui ont permis au docteur Cloutier de retirer de nombreux séquestres d’un disque proéminent entre les espaces L4-L5 et L5-S1. Un DAP additionnel de 6 % fut accordé au travailleur pour une greffe de L4 jusqu’à S1, soit 2 espaces, selon le code 204521. Un DAP de 3 % pour une flexion antérieure limitée à 70°; un DAP de 1 % pour une flexion latérale droite à 20° et 1 % pour celle de gauche limitée aussi à 20° et finalement un DAP de 1 % pour une extension lombaire limitée à 20°.
[16] Concernant les limitations fonctionnelles retenues par le commissaire Renaud, suite à l’expertise du docteur Fradet, il retient les suivantes :
« 1. Ne devrait pas soulever, porter, pousser ou tirer des charges de plus de 15 kilos;
2. Ni travailler en position accroupie;
3. Ni ramper et grimper;
4. Ni effectuer des mouvements impulsifs ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire même de faible amplitude;
5. Ne devrait pas subir de vibrations de basse fréquence ou de contrecoups à la colonne vertébrale;
6. Ni marcher en terrain accidenté ou glissant. »
[17] Le 7 avril 1999, la CSST avise le travailleur qu’il a droit à un pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique (APIPP) de 21.60 %, des suites de sa lésion professionnelle du 13 mars 1996. Cette décision fait suite à celle du 2 mars 1999 de la Commission des lésions professionnelles.
[18] Par la suite, le travailleur a acheminé trois requêtes spécifiques à la CSST et lui demande de se prononcer sur celles-ci.
[19] La première concerne le remboursement des frais d’entretien courant de son domicile pour les années 1996-1997 et 1997-1998, pour laquelle la CSST s’est prononcée le 27 juillet 1999 en refusant de lui rembourser ses frais, puisqu’il n’avait pas produit de pièces justificatives.
[20] La deuxième a fait l’objet d’une décision rendue le 9 septembre 1999 par la CSST. Elle porte sur le montant des intérêts dus à ce dernier depuis sa réclamation logée pour sa lésion professionnelle du 13 mars 1996, alors que le diagnostic finalement reconnu par la Commission des lésions professionnelles le 2 mars 1999 fut celui d’une hernie discale L4-L5 et L5-S1 au lieu d’une entorse lombaire, ce qui lui conférait le droit à des indemnités de remplacement du revenu rétroactives.
[21] La troisième a fait l’objet d’une décision rendue le 16 février 2000 par la CSST qui conclut que les frais d’expertise engagés par le travailleur, lors de son appel à la Commission d’appel, ne sont pas remboursables en vertu de la LATMP.
[22] Concernant la première demande du travailleur, le soussigné retient les faits et les témoignages pertinents suivants.
[23] D’abord, la preuve médicale prépondérante démontre que, dès l’automne 1996, le travailleur recevait des traitements, prenait de la médication et était en investigation en raison de ses deux hernies discales aux espaces L4-L5 et L5-S1 qui furent reconnues par la Commission des lésions professionnelles le 2 mars 1999 et pour lesquelles il a subi des opérations distinctes, en date des 21 avril 1997 et 23 juin 1997. Dès le 16 juillet 1997, le docteur Marcel Cloutier, chirurgien orthopédiste, affirme dans son rapport médical que des limitations fonctionnelles sont à prévoir chez le travailleur.
[24] Or, les témoignages rendus par le travailleur et sa conjointe (Mme Chantal Duquette) sont à l’effet qu’en raison de sa lésion professionnelle, le travailleur ne pouvait plus vaquer lui-même aux travaux d’entretien courant de son domicile depuis 1996 à aujourd’hui, alors qu’il avait toujours fait ses travaux avant sa lésion professionnelle du 13 mars 1996.
[25] Ces travaux ont été faits par des voisins, amis ou membres de la famille du travailleur ou de sa conjointe, madame Chantal Duquette. Ils sont énumérées dans une annexe jointe à un affidavit assermenté du 12 avril 2000. Ces travaux leur ont occasionné des déboursés en argent qui ont été versés à des personnes qui sont les suivantes.
[26] 1. Le déneigement de son aire de stationnement et de son entrée de domicile ont été faits par messieurs Gaston Larivière, Donald Mongeau ainsi que les 3 fils de la famille Bernard, soit Benoit, André et Alain, lequel est décédé depuis quelques années. Ils sont tous des voisins du travailleur. Le travailleur et sa conjointe estiment avoir payé à l’ensemble de ces personnes au moins 300 $ par hiver, ce qui représente 20 fois la somme de 15 $ par déneigement effectué par l’une de celles-ci. Madame Duquette ajoute que c’est probablement un minimum qu’elle a déboursé à ces personnes. Son stationnement mesure environ 75 pieds de long par 26 pieds de façade.
[27] Le travailleur ajoute qu’il est propriétaire de cette résidence depuis 1992 et habite dans un quartier résidentiel où demeurent ces personnes.
[28] 2. Le déneigement du toit de sa résidence; de sa roulotte mobile et de sa serre qu’il utilise pour jardiner lui coûte approximativement 100 $ par an. Il peut être fait environ 3 fois par année, selon les précipitations de neige. Les fils de la famille Bernard faisaient ces travaux et étaient payés en argent, tout comme l’ensemble des autres travaux énumérés par le travailleur dans l’annexe I.
[29] 3. La tonte de la pelouse était faite par Alain et André Bernard qui ont reçu 225 $ par an, soit 15 fois la somme de 15 $ par tonte. Son terrain a des pentes abruptes et gazonnées qui sont situées à l’avant et sur les côtés de celui-ci. Il mesure environ 173 pieds de profondeur par 100 pieds de façade, moins les dépendances sur celui-ci, incluant sa maison qui mesure environ 26 pieds de façade, par 40 pieds de profond; une roulotte mobile de 16½ pieds, une serre de 10 pieds par 27 pieds de long et finalement son jardin qui est situé à l’extérieur de sa serre. La durée pour chaque tonte est d’environ 1½ à 2 heures.
[30] 4. Le bois de chauffage est vendu et livré à son domicile. Il achète une moyenne de 15 à 17 cordes par an et se chauffe principalement au bois, même s’il reconnaît qu’ils ont des plinthes électriques dans toutes les pièces du rez-de-chaussée mais celles-ci servent de chauffage d’appoint. Le bois est cordé d’abord à l’extérieur du domicile, afin qu’il sèche et ensuite, il est entré dans le sous-sol à l’automne. Ces travaux sont faits par la famille Bernard et son épouse qui ne participe plus depuis peu à ces travaux. Le travailleur réclame 150 $ par an pour le cordage du bois qui est manipulé à 2 reprises.
[31] 5. Le raclage du terrain est fait par la famille Bernard et monsieur Larivière. Son terrain est entouré d’une forêt de feuillus et il possède aussi des peupliers Lombardie et des conifères. Il estime le coût de cette opération à 25 $ par an et versait 5 $ de l’heure à ces personnes.
[32] 6. Le grand ménage du domicile se fait au printemps de chaque année et lui coûtait 300 $ par jour. Trois (3) personnes s’y affairent en même temps, soit les sœurs du travailleur qui sont Lise, Ghislaine, Linda et/ou Lily Paquet qui reçoivent 10 $ de l’heure chacune et travaillent pendant 10 heures. Le deuxième grand ménage de son domicile se fait à l’automne de chaque année et lui coûterait 100 $, soit une personne à 10 $ de l’heure, pendant 10 heures. Au total, une somme de 500 $ serait allouée pour le grand ménage qui n’incluerait pas celui de son sous-sol non fini, sauf pour une pièce qui est un petit salon. La somme payée à l’une de ses sœurs pour ce ménage est de 50 $, soit 5 heures à 10 $ de l’heure.
[33] 7. Ce grand ménage exclut aussi le lavage des fenêtres et des portes à l’automne de chaque année qui est fait par ses soeurs pour une somme de 50 $ par an, soit 5 heures à 10 $ de l’heure. À cet effet, le travailleur a été contredit par son épouse qui a témoigné que cette tâche est incluse dans le grand ménage du printemps et de l’automne. Le travailleur a rétorqué qu’à l’automne, il lavait les vitres à 2 reprises et les coulisses à l’intérieur des cadres de fenêtres car ils vivent dans un milieu poussiéreux.
[34] 8. Le grand ménage de sa roulotte de plaisance est fait par sa sœur Linda qui travaille environ 10 heures à 10 $ de l'heure, pour une somme de 100 $ annuellement.
[35] 9. La teinture de sa galerie en bois, située à l’avant de son domicile, exige un entretien annuel à cause de l’eau qui s’égoutte sur celle-ci. Les travaux, incluant le sablage et la peinture des poteaux de galerie représentent une somme de 15 $ par an qui était versée à l’un des fils Bernard pour l’ensemble de ces travaux.
[36] 10. Le ramonage de sa cheminée est fait 3 fois l’an, soit à l’automne, en janvier de l’année suivante et au printemps de la même année. Ces ramonages sont faits par une personne dont il ne se rappelle plus du nom qui lui demandait 25 $ par ramonage. La durée de cette opération est d’environ 10 à 15 minutes.
[37] 11. Le bêchage de son jardin, qu’il possède depuis 1992, est fait par monsieur Larivière. Il lui donnait 25 $ par an.
[38] 12. Les travaux divers tels que la coupe d’arbres, de branches et les réparations de portes, gouttières, etc. à cause de la pluie et/ou du verglas, sont faits par son beau-frère, monsieur Denis Morin. Une somme de 100 $ par an est payée par le travailleur pour ces travaux.
[39] Toutes les tâches ci-haut énumérées étaient faites par le travailleur avant sa lésion professionnelle du 13 mars 1996, ce qui fut confirmé par sa conjointe qui ajoute qu’elle n’est pas « une femme de maison ni de ménage », ce qui fut corroboré par le travailleur. Ce dernier ajoute qu’il oeuvrait dans ce métier chez son employeur et qu’il faisait le grand ménage de sa patronne, madame Marie-Claude Lanteigne.
[40] Depuis l’automne 1996, le travailleur n’a plus fait aucun des travaux ci-haut énumérés en raison de ses limitations fonctionnelles qui, dit-il, n’étaient pas connues alors mais qui l’empêchait d’occuper son emploi physique de préposé à l’entretien ménager chez son employeur et par le fait même chez lui.
[41] En outre, la conjointe du travailleur confirme les dires de son époux, à l’effet que c’est grâce à son salaire de travailleuse sociale qu’elle occupe au CLSC de la Guadeloupe qui leur ont permis de défrayer les coûts minimums pour les travaux ci-haut mentionnés. Elle ne croit pas avoir abusé dans la réclamation des frais et donne comme exemple que la CSST va défrayer plus en exigeant des reçus car elle oblige son époux à contracter avec des entrepreneurs pour effectuer ses travaux.
[42] Le travailleur et sa conjointe confirment qu’ils ont, dès 1996 et surtout en juin 1998, demander à la CSST de défrayer ces frais. La réponse à cette époque fut que sa réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation fut refusée et qu’il n’a pas droit à ces frais. Jamais, dit-il, un agent de la CSST ne leur a mentionné d’obtenir et de conserver des reçus au cas où sa déclaration d’appel serait accueillie. Ce n’est que le 5 octobre 1999 que le travailleur fut au courant de toute la politique de la CSST concernant le remboursement des frais occasionnés pour les travaux d’entretien courant du domicile d’un travailleur ayant subi une lésion professionnelle. Au total, le travailleur réclame pour chacune des trois périodes concernées, incluant l’année 1998-1999, une somme totale de 1 715 $ et non de 1 615 $, comme il l’affirme dans son affidavit.
[43] La deuxième demande du travailleur repose sur l’interprétation de l’article 364 de la LATMP, puisque le travailleur et sa représentante plaident que la CSST aurait dû lui payer des intérêts sur la totalité du montant d’indemnité de remplacement du revenu (I.R.R.) qu’elle devait lui verser, des suites de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 2 mars 1999 qui a reconnu ses hernies discales comme étant une lésion professionnelle survenue le 13 mars 1996. Cependant, le travailleur reconnaît que la CSST est bien fondée de ne pas lui payer d’intérêts sur la totalité des sommes qu’il a déjà reçues de son employeur, soit les 14 premiers jours, ou lorsqu’il était en assignation temporaire ou déjà payé en I.R.R.
[44] Le travailleur ne conteste pas les périodes; les montants d’indemnité de remplacement du revenu ni les sommes qu’il a reçues de son employeur et/ou de son assurance-salaire ou invalidité qui sont mentionnées dans les notes évolutives du 30 juillet 1999, manuscrites par Chantal Prévost de la CSST, afin d’établir le calcul du montant des intérêts à lui payer. C’est la façon de calculer les intérêts qu’il conteste puisque la CSST a soustrait des montants qu'il a droit depuis le ou vers le 25 juin 1996, toutes les sommes qu’il a reçues de son employeur, de son assurance-salaire et/ou de son assurance-invalidité, ce qui représenterait un montant total d’intérêts de 1 296,44 $ pour toutes ces périodes jusqu’au moment du calcul. Le travailleur ajoute que les taux d’intérêt utilisés par la CSST sont conformes au règlement applicable en l’espèce.
[45] Par ailleurs, il soumet qu’en ayant pas reçu immédiatement les sommes d’indemnité de remplacement du revenu lors des périodes concernées, il y a eu un manque à gagner entre ce qu’il devait recevoir de la CSST, qui sont des montants non imposables et ce qu’il a reçu de son employeur et/ou de ses assureurs qui sont des sommes imposables. Or, il a dû refaire ses rapports d’impôts, rétroactifs à ces années fiscales depuis 1996 et il n’a reçu qu’une somme d’environ 20 $ d’intérêts des deux ministères du Revenu, puisque ceux-ci calculent les intérêts à partir de la demande et non des années fiscales concernées. Selon lui, il n’y a pas eu enrichissement sans cause durant toutes ces périodes de 1996 à 1998.
[46] Il demande à la Commission des lésions professionnelles de renvoyer son dossier à la CSST afin de calculer le montant des intérêts correctement; d’établir le montant de ceux-ci et de lui verser la différence entre ce qu’il a déjà reçu de la CSST et ce qu’elle lui doit, selon la méthode utilisée par la jurisprudence majoritaire qu’il cite à l’appui de ses prétentions.
[47] Sa troisième demande porte sur les frais d’expertise qu’il a engagés pour appuyer sa déclaration d’appel à la Commission d’appel, afin de faire reconnaître le diagnostic de hernies discales; la date de consolidation; la nature des traitements administrés ou prescrits; le pourcentage d’atteinte permanente et ses limitations fonctionnelles résultant de sa lésion professionnelle du 13 mars 1996 qui furent tous reconnus par la Commission des lésions professionnelles dans son jugement rendu le 2 mars 1999.
[48] Il soumet que la CSST doit lui rembourser ses frais d’expertise en se basant sur l’équité de son cas car cet organisme n’a pas eu à défrayer des frais d’expertise et/ou de rapport d’évaluation médicale, suite aux conclusions retenues par la Commission des lésions professionnelles qui s’est appuyée de l’expertise du docteur Jean-François Fradet qui lui a coûté la somme de 542,09 $.
L'AVIS DES MEMBRES
[49] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que le travailleur a droit au remboursement de certains frais d’entretien courant de son domicile, compte tenu de son pourcentage d’atteinte permanente mais surtout de ses limitations fonctionnelles qui l’empêchent d’exercer ces travaux qui étaient faits par lui avant sa lésion professionnelle du 13 mars 1996.
[50] De plus, compte tenu des explications fournies par le travailleur et sa conjointe à l’audience, les membres sont d’avis que le travailleur ne pouvait fournir pendant les périodes concernées de reçus ni de pièces justificatives corroborant ses dires. Ils sont d’avis que la preuve prépondérante démontre que le travailleur n’a pas effectué ses travaux et qu’il a déboursé des sommes d’argent pour ceux-ci. Il a donc droit aux remboursements de certains frais raisonnables.
[51] Les membres sont aussi d’avis que le travailleur a droit à des intérêts, payables par la CSST, sur le montant total de son indemnité de remplacement du revenu qu’elle doit lui verser rétroactivement depuis l’application de la décision du 2 mars 1999 de la Commission des lésions professionnelles qui a rétabli son droit à l’indemnité de remplacement du revenu et qu’elle ne peut soustraire de ces sommes les montants versés par son employeur; son assurance-salaire et/ou son assurance invalidité qui ne correspondent pas à des heures travaillées ou des indemnités de remplacement du revenu qu’il avait déjà reçues de la CSST et/ou de son employeur (14 premiers jours).
[52] Finalement, les membres sont d’avis que le travailleur n’a pas droit au remboursement de ses frais d’expertise, puisque la loi ne prévoit pas le remboursement de ceux-ci.
LES MOTIFS DES DÉCISIONS
[53] Dans le dossier 142213-03B-0007, la Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit d’être remboursé des frais qu’il a engagés pour l’exécution des travaux d’entretien courant de son domicile durant les années 1996-1997 et 1997-1998.
[54] C’est l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la LATMP) qui définit les conditions d’exercice et d’application de ses travaux d’entretien courant de son domicile. Cet article se lit comme suit :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui - même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
________
1985, c. 6, a. 165.
[55] Il ressort de cet article que le travailleur doit d’abord avoir subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison de sa lésion professionnelle. La jurisprudence majoritaire de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) et la Commission des lésions professionnelles ont décidé que l’article 165 de la loi doit être lu dans son ensemble, c’est-à-dire selon l’objet de la loi (article 1 de la LATMP) et le but recherché par la réadaptation sociale (article 151 de la LATMP) qui se lisent comme suit :
1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.
Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour dommages corporels et, le cas échéant, d'indemnités de décès.
La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.
________
1985, c. 6, a. 1.
151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
________
1985, c. 6, a. 151.
[56] Or, il fut décidé qu’un travailleur qui présente des limitations fonctionnelles suite à sa lésion professionnelle, lesquelles l’empêchent d’effectuer lui-même ses travaux d’entretien de son domicile, que cela constitue une atteinte permanente grave à son intégrité physique. (Bouthillier et Pratt & Whitney Canada inc. (1992), C.A.L.P., page 605).
[57] En somme, c’est surtout la capacité résiduelle d’un travailleur à effectuer les activités visées à l’article 165 de la loi qui doit être prise en compte pour qualifier s’il s’agit ou non d’une atteinte permanente grave. Seul le pourcentage de déficit anatomo-physiologique n’est pas suffisant pour donner droit à ce programme de réadaptation sociale, s’il n’y a pas de limitations fonctionnelles l’empêchant de vaquer à ses travaux d’entretien courant du domicile.
[58] Dans le cas présent, le travailleur est porteur de deux hernies discales qui ont été opérées en 1997 et greffées en septembre 1999. Son pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique est de 21.60 %, dont le taux de déficit anatomo-physiologique fut établi à 18 % par la Commission des lésions professionnelles le 2 mars 1999, des suites de sa lésion professionnelle du 13 mars 1996.
[59] En outre, le travailleur s’est vu accorder de sévères limitations fonctionnelles énumérées dans la présente décision qui l’empêchent d’effectuer l’ensemble des travaux décrits par ce dernier dans son affidavit du 12 avril 2000, notamment les limitations 1, 2, 3, 4 et 6.
[60] En conséquence, la première condition d’admissibilité est respectée par le travailleur. Les autres conditions sont :
« - que le travailleur devait faire lui-même les travaux d’entretien courant de son domicile avant sa lésion professionnelle du 13 mars 1999;
- qu’il est devenu incapable de les faire en raison de sa lésion professionnelle;
- qu’il a engagé des frais pour les faire exécuter par des personnes morales ou physiques jusqu’à concurrence d’un montant annuel de 1 500 $ qui fut indexé ou revalorisé depuis 1987 à aujourd’hui. »
[61] Or, toutes les autres conditions ci-haut mentionnées sont aussi respectées par le travailleur, le tout tel qu’il appert de son témoignage rendu à l’audience, lequel est crédible, vraisemblable et corroboré par sa conjointe sur plusieurs aspects de sa réclamation pour les frais mentionnés dans une annexe jointe à son affidavit assermenté du 12 avril 2000.
[62] Par ailleurs, il est compréhensible dans ce cas que le travailleur n’ait pu produire des reçus ou des factures pour les travaux qu’il réclame, du fait qu’il ne connaissait pas la politique de frais de la CSST, au moment où il a défrayé ces sommes en argent aux personnes concernées et surtout que cet organisme lui a fait savoir, dès 1996, qu’il n’avait pas droit à ces frais, étant donné que sa réclamation avait été refusée par la CSST et ensuite par le Bureau de révision.
[63] Or, les explications fournies par le travailleur et sa conjointe, laquelle défrayait la majorité des frais engagés, compte tenu que son salaire était beaucoup plus élevé que celui de son mari, explique pourquoi ils ont fait exécuter ces travaux sans aucun reçu, en raison des coûts moindres que ce qu’ils auraient dû débourser à des entreprises, notamment.
[64] En conséquence, il ne faut donc pas tenir rigueur au travailleur et à sa conjointe de ne pas avoir fourni de pièces justificatives à la CSST pour appuyer leurs dires et leur réclamation de frais qui, dans l’ensemble, sont justifiés et raisonnables.
[65] Quels sont donc ces frais d’entretien courant du domicile du travailleur qui sont remboursables par la CSST ?
[66] À ce sujet, la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) a dû définir l’expression « entretien courant » du domicile en retenant qu’il s’agit de travaux d’entretien habituels et ordinaires d’un domicile par opposition à des travaux d’entretien inhabituels ou extraordinaires « Lévesque et Mines Northgate inc. 1990, C.A.L.P. 683 . »
[67] En outre, ces frais doivent avoir été encourus pour faire exécuter des travaux d’entretien courant du domicile, ce qui exclut toutes les dépenses afférentes à l’achat des matériaux, peu importe si cet achat sert ou non à l’entretien courant du domicile. De plus, ces frais doivent être déboursés uniquement pour l’entretien courant du domicile, ce qui exclut toute résidence secondaire; roulotte mobile ou autre lieu non connexe au domicile, sauf le terrain sur lequel est situé la résidence principale ou le domicile.
[68] Or, il fut établi par la jurisprudence que les travaux suivants sont des travaux d’entretien courant du domicile et qu’ils doivent être remboursés, tels que :
- tondre le gazon;
- laver les vitres du domicile;
- faire le grand ménage annuel tel que laver les murs, plafond, armoire, tapis, plancher et vitres du domicile;
- certains travaux visant à la conservation d’un terrain et du domicile d’un travailleur tels qu’ébrancher des arbres et arbustes et les couper si nécessaire, ainsi que ramasser des feuilles dans les gouttières et sur le terrain;
- l’achat et le transport de bois de chauffage au domicile d’un travailleur, si ce dernier coupait et transportait lui-même son bois de chauffage de sa terre à bois à son domicile et ce, avant sa lésion professionnelle et qu’il utilisait ce bois comme source principale de chauffage;
- le ramonage d’une cheminée si celle-ci sert comme principale source de chauffage du domicile du travailleur;
- les travaux de peinture et/ou de teinture, s’il vise à la conservation du domicile et de ses dépendances, telles qu’une galerie, un patio, des châssis extérieurs et intérieurs ainsi que les murs et les plafonds du domicile;
- le sablage et le vernissage d’un plancher de bois franc qui vise à le restaurer et à le conserver, c’est-à-dire à l’entretenir;
- le déneigement et le déglaçage d’une aire de stationnement du domicile et de ses dépendances immobiles, telles qu’un balcon, patio, galerie, toiture qui doivent être nettoyés pour conserver et utiliser ces espaces nécessaires à l’entretien courant du domicile. »
[69] En l’occurrence, le travailleur a droit aux remboursements des frais suivants pour les années 1996-1997 et 1997-1998 :
« 1. Le déneigement de son aire de stationnement de son domicile, ce qui pourrait inclure sa galerie avant : 300 $ par an;
2. Le déneigement du toit de son domicile : 35 $ par an;
3. Tondre le gazon du terrain où est situé son domicile : 225 $ par an;
4. Le raclage ou le râtelage de son terrain où il réside, incluant le ramassage des feuilles et des branches d’arbres : 25 $ par an;
5. Le grand ménage de son domicile : 300 $ par an;
6. Laver les fenêtres de son domicile à l’automne : 50 $ par an;
7. Teindre la galerie en bois de son domicile : 15 $ par an;
8. Ramoner sa cheminée deux fois par an : 50 $ par an;
9. Nettoyer, ébrancher et couper des arbres sur le terrain de son domicile, si nécessaire : 50 $ par an.
Au total, le travailleur a droit à la somme de 1 050 $ par an, qui pourrait être remboursée aussi pour l’année 1998-1999. »
[70] Or, tous ses frais sont raisonnables et justifiés par le travailleur, compte tenu des faits en l’espèce. Quant aux autres frais réclamés par le travailleur, ceux-ci ne sont pas remboursables par la CSST, puisqu’il ne s’agit pas de travaux d’entretien courant du domicile tels que la livraison et le transport du bois de chauffage qui sont des frais d’exploitation du domicile, des travaux de réfection, de réparation ou d’entretien de biens meubles ou immeubles qui ne font pas partie de son domicile où il réside, ou encore des travaux qui sont jugés déraisonnables quant aux coûts et au nombre de fois où ils sont réclamés.
[71] En conséquence, le travailleur a droit à une somme de 1 050 $ par an pour les périodes 1996-1997 et 1997-1998, où il a dû faire exécuter des travaux d’entretien de son domicile par d’autres personnes que lui. Par ailleurs, la CSST devrait donner suite à la réclamation du travailleur pour les frais correspondant à la période 1998-1999, dont ce dernier attend toujours une décision de celle-ci.
[72] Quant au dossier no 142214-03B-0007, la Commission des lésions professionnelles doit décider si la méthode de calcul utilisée par la CSST pour déterminer le montant des intérêts qu’a droit le travailleur depuis sa lésion professionnelle du 13 mars 1996, est conforme ou non à l’article 364 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la LATMP) qui se lit comme suit :
364. Si une décision rendue par la Commission, à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 358, ou par la Commission des lésions professionnelles reconnaît à un bénéficiaire le droit à une indemnité qui lui avait d'abord été refusée, ou augmente le montant d'une indemnité, la Commission lui paie des intérêts à compter de la date de la réclamation.
Le taux de ces intérêts est déterminé suivant les règles établies par règlement. Ces intérêts se capitalisent quotidiennement et font partie de l'indemnité.
________
1985, c. 6, a. 364; 1993, c. 5, a. 20; 1997, c. 27, a. 20; 1996, c. 70, a. 42.
[73] En somme, le litige porte essentiellement sur l’interprétation que retient le soussigné de l’article 364 de la loi, lorsqu’un travailleur, en raison d’une décision de la Commission des lésions professionnelles (2 mars 1999) a droit à une indemnité rétroactive, dont la CSST doit lui payer des intérêts à compter de la date de sa réclamation.
[74] Ici, le travailleur ne conteste pas la période ni les montants d’indemnité ni les taux d’intérêts applicables sur ces montants car seul le mode de calcul utilisé par la CSST est mis en cause par ce dernier qui veut que le soussigné retienne l’interprétation retenue par des commissaires, notamment dans les causes suivantes : « Binette et Hôpital Royal Victoria et la CSST »[1]; « CSST et Boucher et Minéraux Noranda inc. »[2] et « Paolo Tammaro et Centre hospitalier Notre-Dame de la Merci »[3], où la commissaire Me Carmen Racine reprend les deux courants jurisprudentiels dégagés par la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) et la Commission des lésions professionnelles sur l’interprétation de cet article.
[75] Elle dispose de cette question en décidant que l’intérêt prévu à l’article 364 de la loi soit calculé sur la totalité de l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur, sans égard aux prestations d’autres sources, telles que l’assurance-salaire et/ou l’assurance-invalidité ou autres sommes d’argent que reçoit un travailleur de son employeur ou de sa compagnie d’assurance pendant cette période visée par la décision qui donne droit à ces montants rétroactifs.
[76] Or, dans le cas qui nous occupe, le travailleur a droit à une indemnité de remplacement du revenu, rétroactive à l’année 1996 et ce, depuis que la Commission des lésions professionnelles a rendu sa décision le 2 mars 1999, en reconnaissant les hernies discales et les conséquences qu’elles entraînent chez le travailleur.
[77] C’est dû à cette décision du 2 mars 1999 que la CSST doit verser des intérêts au travailleur car celui-ci est un « bénéficiaire » au sens de l’article 364 de la loi, le tout tel qu’il appert de la définition donnée à ce terme et au mot « prestation » définis tous deux à l’article 2 de la loi comme suit :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par
«bénéficiaire» : une personne qui a droit à une prestation en vertu de la présente loi;
«prestation»: une indemnité versée en argent, une assistance financière ou un service fourni en vertu de la présente loi;
________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1.
[78] La position préconisée par la CSST est qu’un paiement d’intérêt ne peut courir que sur des sommes dues et non versées au travailleur, peu importe d’où origine les sommes qu’il a reçues, que ce soit son employeur, l’assurance-salaire ou invalidité, etc. et ce, tant que dure son incapacité. À ce moment, la CSST devrait lui payer des intérêts seulement sur la différence entre les sommes dues et celles reçues par ces personnes morales et non sur les sommes à verser par la CSST.
[79] Avec respect pour l’opinion contraire, le soussigné retient le courant dégagé et énoncé dans les affaires Binet (1), Boucher (2) et Tammaro (3), où les commissaires Demers, Zigby et Racine retiennent la position du travailleur et s’exprime à ce sujet comme suit :
« Selon la Commission d’appel, en décidant comme il l’a fait, le Bureau de révision ajoute à ce que le législateur a prévu à l’article 364 en imposant à la travailleuse l’obligation non prévue de tenir compte, aux fins du calcul des intérêts, de sommes reçues en provenance d’autres sources.
La Commission d’appel considère que le législateur n’a pas imposé une telle obligation et qu’aucun texte de loi n’y supplée dans les cas de silence du législateur.
Décider autrement équivaudrait à ajouter au texte de loi, ce qui dans un cas comme celui sous étude, constituerait un excès de compétence, l’article 364 étant claire et précis et n’exigeant aucune interprétation à ce sujet.
La soussignée partage l’opinion exprimée par ses collègues dans les deux affaires précitées. Si le législateur avait voulu qu’il soit tenu compte des sommes reçues en provenance d’autres sources dans le calcul des intérêts, il l’aurait prévu spécifiquement.
Il existe un principe général en matière d’interprétation de lois qui veut que le juge doive écarter une interprétation qui amènerait à ajouter des termes à la loi, celle-ci étant censée être bien rédigée et exprimer complètement ce que le législateur entendait dire. Ce principe doit s’appliquer dans le cas présent.
Le courant jurisprudentiel contraire, dont fait état le procureur de la Commission, assujettit le droit au travailleur de recevoir des intérêts sur le montant des indemnités qui lui sont dues au préjudice subi. Avec respect, la soussignée ne partage pas cette opinion. Une telle interprétation a manifestement pour effet d’ajouter au texte de loi, pourtant clair, lui imposant une obligation non prévue par le législateur à l’article 364 de la loi, soit celle de tenir compte des sommes reçues en provenance d’autres sources dans le calcul des intérêts payables au travailleur. Or, les intérêts payables ne sont pas tributaires du préjudice subi. Ils constituent un droit per se pour le travailleur au même titre que le droit à l’indemnité et font partie de cette indemnité comme le stipule le second alinéa de l’article 364 de la loi. Ainsi, de la même façon que le travailleur a droit à la totalité de l’indemnité de remplacement du revenu qui lui est reconnue par la loi même s’il a reçu des sommes provenant d’autres sources durant la période de son incapacité, de la même façon a-t-il le droit aux intérêts sur le plein montant de cette indemnité. »
[80] En somme et malgré les prétentions contraires alléguées par la représentante de la CSST dans son argumentation écrite du 6 octobre 2000, le soussigné préfère retenir l’interprétation ci-haut mentionnée, du fait qu’elle n’ajoute pas au texte de l’article 364 de la loi et qu’elle est plus équitable, surtout lorsqu’un travailleur ne reçoit aucun intérêt durant toutes ces années et qu’il a dû payer de l’impôt sur les montants reçus de son assurance-salaire et/ou invalidité. Par ailleurs, la preuve établit aussi que le travailleur n’a reçu que 20 $ d’intérêts, lorsqu’il a refait ses déclarations d’impôts pour ces années fiscales concernées.
[81] En outre, ces sommes sont payables à un bénéficiaire, en l’occurrence, le travailleur et ce n’est pas le rôle de la CSST de lui enlever de l’intérêt sur la totalité de la somme d’indemnité de remplacement du revenu qu’il a droit rétroactivement, lorsqu’elle doit lui payer celle-ci depuis la date de sa réclamation.
[82] En conséquence, le soussigné modifie la décision rendue par la CSST et renvoie le présent dossier à celle-ci, afin qu’elle recalcule le montant des intérêts payables au travailleur sur la totalité des sommes qu’elle doit lui verser depuis l’application de la décision du 2 mars 1999, en soustrayant toutefois les sommes qu’elle lui a déjà versées, soit un montant de 1 296,44 $.
[83] Dans le dossier 142215-03B-0007, la Commission des lésions professionnelles doit décider si la CSST doit rembourser la somme de 542,09 $ au travailleur, montant qui représente les frais d’expertise qu’il a déboursés pour appuyer sa déclaration d’appel devant la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) qui est devenue la Commission des lésions professionnelles depuis le 1er avril 1998.
[84] Le travailleur appuie sa requête en établissant que la CSST n’a pas eu à défrayer des frais d’expertise ou de rapport d’évaluation médicale pour statuer sur les cinq sujets de l’article 212 de la loi, notamment le pourcentage d’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles.
[85] Le travailleur considère qu’il serait équitable pour la CSST de lui rembourser ses frais d’expertise.
[86] Avec respect pour l’opinion du travailleur et de sa représentante, la Commission des lésions professionnelles considère qu’elle ne peut faire droit à sa demande ou à sa requête pour les raisons suivantes.
[87] D’une part, parce qu’en agissant ainsi, elle excéderait sa compétence car il n’y a aucun article de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la LATMP) ou d’un règlement applicable à cette loi qui oblige la CSST à rembourser à un travailleur ses frais d’expertise, même si celle-ci a servi à la finalisation des sujets de l’article 212 de la loi.
[88] D’autre part, la seule disposition qui aurait pu donner raison au travailleur est l’article 351 de la LATMP qui se lit comme suit :
351. La Commission rend ses décisions suivant l'équité, d'après le mérite réel et la justice du cas.
Elle peut, par tous les moyens légaux qu'elle juge les meilleurs, s'enquérir des matières qui lui sont attribuées.
________
1985, c. 6, a. 351; 1997, c. 27, a. 13.
[89] Cependant, compte tenu que la CSST tire sa compétence exclusive de l’article 349 de la loi, elle doit donc s’astreindre à cet article de loi, où on lui attribue une compétence pour examiner et décider de toute question visée dans la LATMP, à moins qu’une disposition particulière ne donne compétence à une autre personne ou à un autre organisme, ce qui n’est pas le cas dans le présent litige. De plus, la CSST ne jouit d’aucun pouvoir discrétionnaire concernant ce sujet.
[90] Par ailleurs, et depuis l’avènement de la LATMP (19 août 1985), le législateur n’a pas prévu de règlement sur le remboursement de frais d’expertise d’un travailleur ou d’une travailleuse, lorsque ceux-ci ont gain de cause devant une instance ou un tribunal.
[91] En conséquence, le travailleur n’a pas droit au remboursement de ses frais d’expertise.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
DOSSIER 142213-03B-0007
ACCUEILLE la requête logée par monsieur Marcel Paquet (le travailleur);
INFIRME la décision rendue le 8 juin 2000 par la révision administrative de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST);
DÉCLARE que le travailleur a droit à une somme de 1 050 $ par an pour les périodes 1996-1997 et 1997-1998 concernant les travaux d’entretien courant de son domicile qui sont énumérés aux paragraphes 68 et 69 des pages 13 et 14 de la présente décision; et
RENVOIE le présent dossier à la CSST afin de donner suite à la présente décision et de rendre sa décision concernant la période 1998-1999, dont le travailleur réclame aussi des frais pour cette période.
DOSSIER 142214-03B-0007
ACCUEILLE la requête logée par le travailleur;
MODIFIE la décision rendue le 8 juin 2000 par la révision administrative de la CSST;
DÉCLARE que le travailleur a droit aux intérêts calculés sur la totalité de l’indemnité de remplacement du revenu payable et/ou payée par la CSST, suite à la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 2 mars 1999, dont elle devra soustraire la somme de 1 296,44 $ qu’a déjà reçue le travailleur à titre d’intérêts payables par la CSST; et
RENVOIE le présent dossier à la CSST afin qu’elle refasse les calculs d’intérêts payables au travailleur et de lui payer cette somme conformément au présent jugement.
DOSSIER 142215-03B-0007
REJETTE la requête logée par le travailleur; et
CONFIRME la décision rendue le 8 juin 2000 par la révision administrative de la CSST, à l’effet que le travailleur n’a pas droit au remboursement de ses frais d’expertise médicale au montant de 542,09 $.
|
|
|
ME ROBIN SAVARD |
|
Commissaire |
|
|
|
|
PARENT,
DOYON, RANCOURT (SENC) (Me
Marie-Josée Parent) 11660,
1re Avenue Est Saint-Georges
(Québec) G5Y
2C8 |
|
|
|
Représentante de la partie requérante |
|
|
|
|
|
PANNETON
LESSARD (Me
Odile Tessier) 777,
rue des Promenades Saint-Romuald
(Québec) G6W
7P7 |
|
|
|
Représentante de la partie intéressée |
|
|
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.