Péloquin et Peloverre inc. |
2012 QCCLP 6632 |
______________________________________________________________________
DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
______________________________________________________________________
[1] Le 8 juin 2012, monsieur Jean Péloquin (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision ou en révocation d’une décision rendue le 24 septembre 2003 (dossier 189447-62B-0208) et d’une décision rendue le 10 janvier 2005 (dossier 235580-62B-0405) par la Commission des lésions professionnelles.
[2] Par la décision du 24 septembre 2003 dans le dossier 189447-62B-0208, la Commission des lésions professionnelles rejette la requête du travailleur, confirme la décision rendue par la CSST le 15 août 2002 et déclare que le travailleur n’a pas subi une lésion professionnelle le 2 novembre 2001.
[3] Par la décision du 10 janvier 2005 dans le dossier 235580-62B-0405, la Commission des lésions professionnelles rejette la requête du travailleur, confirme la décision rendue par la CSST le 14 avril 2004 et déclare que le travailleur n’a pas subi une lésion professionnelle.
[4] Cette dernière décision a fait l’objet d’une requête en révision ou en révocation qui fut rejetée le 14 mars 2006.
[5] L’audience sur la présente requête s’est tenue le 17 septembre 2012 à Saint-Hyacinthe en présence du travailleur qui n’est pas représenté. Les entreprises de Peloverre inc. et Robert Péloquin & Fils (les employeurs) sont fermées, ils ne sont donc pas représentés à l’audience. Quant à la CSST, elle y est représentée par procureur. La cause est mise en délibéré à la date de l’audience, soit le 17 septembre 2012.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[6] Le travailleur demande de réviser ou de révoquer les décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles le 24 septembre 2003 et le 10 janvier 2005 en invoquant la découverte de faits nouveaux qui peuvent justifier des décisions différentes.
L’AVIS DES MEMBRES
[7] Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales rejetteraient la requête du travailleur puisque, selon eux, cette requête ne respecte pas le délai raisonnable de 45 jours de la découverte d’un fait nouveau et que le travailleur n’a fait valoir aucun motif permettant de le relever de son défaut. De plus, il ne s’agit pas d’un fait nouveau, mais d’une nouvelle opinion médicale; il s’agit d’un appel déguisé.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[8] Dans les dossiers portant les numéros 189447-62B-0208 et 235580-62B-0405, le travailleur demandait à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître que les maladies dont il souffrait étaient reliées aux emplois qu’il avait exercés et qui sont décrits de la façon suivante dans la décision rendue dans le dossier 235580-62B-0405 :
[5] De 1975 à 1986 le travailleur a travaillé comme journalier pour l’entreprise familiale, une compagnie spécialisée dans le recyclage. Lorsque l’entreprise familiale a fermé ses portes en 1986 le travailleur a opéré une concession Duro de 1987 à 1989 et il a ensuite travaillé quatre mois dans une maison de transition. Il a par la suite cessé de travailler pendant deux ans avant de travailler quelques mois comme chauffeur de camion ce qui lui causait des malaises dorsolombaires. Il a alors cessé de nouveau de travailler pendant deux ans en 1992 et 1993. De 1994 à 2001, il aurait occupé plusieurs emplois différents comme chauffeur de camion ou opérateur de chariot élévateur.
[9] Dans le dossier portant le numéro 189447-62B-0208, la première juge administrative devait déterminer si le travailleur avait subi une lésion professionnelle le 2 novembre 2001 en raison de la synovite au genou gauche dont il souffrait.
[10] Dans sa décision, la première juge administrative conclut que le travailleur n’a présenté aucune preuve permettant de relier cette synovite à l’exécution de son travail de camionneur et que, bien au contraire, dans le rapport d’expertise médicale que sa représentante a déposé, l’ensemble des symptômes du travailleur lui apparaît possiblement relié à une maladie du collagène qui est une condition personnelle au travailleur. Elle déclare donc que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle.
[11] Dans le dossier portant le numéro 235580-62B-0405, le premier juge administratif estimait qu’il devait décider de l’admissibilité des conditions suivantes : une arthrite psoriasique avec synovite au genou gauche et autres manifestations auto-immunes (connectivite et vasculite), une dégénérescence lombaire avec sténose foraminale et une stéatose hépatique. Le travailleur attribuait sa condition, entre autres, à une électrocution survenue au travail en 1981 et à son exposition à des contaminants en milieu de travail dont des furanes, dioxines et fumées de combustion.
[12] Dans sa décision, le premier juge administratif conclut qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur la synovite au genou gauche qui a fait l’objet d’une décision de la Commission des lésions professionnelles le 24 septembre 2003. Il ajoute tout de même que la preuve soumise révèle que cette synovite est attribuable à l’arthrite psoriasique qui n’est pas d’origine professionnelle de sorte qu’il aurait également refusé la condition au genou du travailleur.
[13] Quant à la dégénérescence discale, le premier juge administratif estime qu’il ne peut conclure que cette condition a été causée ou a été aggravée par le travail que le travailleur a effectué de 1975 à 1986 notamment. Il constate qu’aucun des médecins ne s’est prononcé de façon positive sur la relation entre la condition lombaire et son travail.
[14] Quant à la condition d’arthrite psoriasique avec vasculite, le premier juge administratif considère que la preuve prépondérante ne permet pas de relier cette condition à l’exposition du travailleur aux produits de combustion et aux contaminants ou produits chimiques auxquels il aurait été exposé dans son travail chez Peloverre.
[15] Quant à la stéatose hépatique que le travailleur attribue à son exposition à des produits toxiques, le premier juge administratif estime que le travailleur n’a pas démontré d’une part qu’il avait été intoxiqué et d’autre part, que son exposition à des produits toxiques était la cause probable de sa maladie.
[16] Donc, le premier juge administratif conclut que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle et la requête du travailleur en révision au motif de vices de fond a été rejetée, la deuxième juge administrative considérant qu’aucune erreur manifeste sur le degré de preuve requis ni sur l’appréciation de cette preuve n’avait été démontrée par le travailleur.
[17] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il y a lieu de réviser ou de révoquer la décision rendue le 24 septembre 2003 et la décision rendue le 10 janvier 2005 en raison de la découverte de faits nouveaux.
[18] L’article 429.49 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoit qu’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel :
429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
__________
1997, c. 27, a. 24.
[19] Par ailleurs, une décision de la Commission des lésions professionnelles pourra être révisée ou révoquée selon les conditions strictes de l’article 429.56 de la loi :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
__________
1997, c. 27, a. 24.
[20] Cet article permettant la révision ou la révocation d’une décision a une portée restreinte et doit être interprété restrictivement en tenant compte des objectifs visés à l’article 429.49 de la loi afin d’assurer la stabilité juridique des décisions rendues par le tribunal[2].
[21] Donc, afin de réussir dans son recours en révision ou en révocation, la partie devra démontrer, par une preuve prépondérante dont le fardeau lui incombe, l’un des motifs énumérés à l’article 429.56 de la loi.
[22] Dans la présente affaire, le travailleur invoque le premier paragraphe de l’article 429.56, soit la découverte d’un fait nouveau.
[23] Selon la jurisprudence, la partie, qui présente une requête en révision ou en révocation d’une décision pour ce motif, devra démontrer les trois éléments suivants afin de réussir dans sa demande[3] :
1. La découverte postérieure d’un fait nouveau;
2. La non-disponibilité de cet élément de preuve au moment où s’est tenue l’audience initiale;
3. Le caractère déterminant qu’aurait eu cet élément sur le sort du litige, s’il eut été connu en temps utile.
[24] Par ailleurs, la requête en révision ou en révocation doit être déposée à la Commission des lésions professionnelles dans un délai raisonnable comme le prévoit l’article 429.57 de la loi :
429.57. Le recours en révision ou en révocation est formé par requête déposée à la Commission des lésions professionnelles, dans un délai raisonnable à partir de la décision visée ou de la connaissance du fait nouveau susceptible de justifier une décision différente. La requête indique la décision visée et les motifs invoqués à son soutien. Elle contient tout autre renseignement exigé par les règles de preuve, de procédure et de pratique.
La Commission des lésions professionnelles transmet copie de la requête aux autres parties qui peuvent y répondre, par écrit, dans un délai de 30 jours de sa réception.
La Commission des lésions professionnelles procède sur dossier, sauf si l'une des parties demande d'être entendue ou si, de sa propre initiative, elle le juge approprié.
__________
1997, c. 27, a. 24.
[25] Le délai raisonnable reconnu par la jurisprudence est un délai de 45 jours de la notification[4] de la décision dont la partie demande la révision ou la révocation.
[26] Dans le cas où la partie invoque un fait nouveau, ce délai est de 45 jours de la connaissance, par la partie qui l’allègue, du fait nouveau ainsi découvert[5].
[27] Devant le présent tribunal siégeant en révision, le travailleur écrit dans sa requête en révision ou en révocation du 8 juin 2012 ce qui suit :
1. Des éléments nouveaux et majeurs ont été découverts sur les problèmes de santés, ces éléments étant inconnus lors des auditions, si ces faits nouveaux avaient été connu en temps utile, ils auraient pu justifier une décision différente.
2. En l’absence de ces éléments nouveaux, il m’était impossible de présenter une défense pleine et entière, je n’ai donc pu me faire entendre.
3. Plusieurs informations qui ont servi de base à l’évaluation de ma condition de santés s’avères être faussés pour diverses raisons, plusieurs s’en trouve aussi faussées, un vide de fond n’est pas exclu.
[sic]
[28] À l’audience, le travailleur est invité par la soussignée à préciser le motif de sa requête en révision ou en révocation. Le travailleur déclare qu’il s’agit de la découverte d’un fait nouveau, ce fait nouveau étant l’opinion médicale émise par le docteur François Perreault, spécialiste en médecin interne et en hématologie, ayant fait l’objet d’une Déclaration d’une maladie - infection - intoxication - à déclaration obligatoire (MADO) qui était identifiée comme étant : Exposition aux hydrocarbures et autres composés volatils. Cette déclaration est rédigée le 12 décembre 2011.
[29] Cette opinion médicale apparaît aussi au Rapport médical du 27 janvier 2012 alors que le docteur Perreault écrit que :
Exposition aux hydrocarbures et autres composés volatiles [sic] à partir du 1982-09-13 avec possibilité d’atteinte hépatique, pulmonaire, cutanée, immunitaire à évaluer, cf dossier détaillé en possession du patient. Demande de consultation.
[30] Le procureur de la CSST soulève que la requête en révision ou en révocation du travailleur déposée le 8 juin 2012 n’est pas produite dans un délai raisonnable, soit dans le délai de 45 jours de la découverte du fait nouveau allégué.
[31] Il ressort de la preuve documentaire que le travailleur produit des réclamations à la CSST le 27 février 2012 accompagnée du Rapport médical du docteur Perreault.
[32] Le 21 mars 2012, la CSST refuse les réclamations pour une récidive, une rechute ou une aggravation de la lésion du 2 novembre 2001 et du 22 août 2003 dans les dossiers CSST portant le numéro 121630743 et 125386821 au motif que la reconnaissance d’une récidive, une rechute ou une aggravation nécessite la reconnaissance d’une lésion initiale à titre de lésion professionnelle. Ces décisions sont maintenues à la suite d’une révision administrative. Le travailleur dépose copie de la décision du 17 mai 2012 dans le dossier CSST portant le numéro 121630743.
[33] Le 13 juillet 2012, le docteur Perreault termine un rapport d’opinion médicale dont l’impression est la suivante :
Tableau multisystémique caractérisé par des infections [illisible] multiples avec vasculite septique (accompagnées de baisse transitoire des immunoglobines), une atteinte inflammatoire incluant une arthrite du genou gauche, inflammation pulmonaire, hépatite, des épisodes de thromboses veineuses malgré un bilan thrombotique négatif, sur fond de fatigue chronique et faiblesse musculaire généralisée (intolérance à l’effort physique).
Il est probable que l’exposition professionnelle de ce patient à de multiples substances chimiques toxiques ait contribué au développement de ces manifestations témoignant d’un désordre immunitaire. Ainsi, il serait souhaitable que ce patient soit bien évalué, en toute objectivité, par un spécialiste de la médecine du travail et de la toxicologie qui pourra mieux évaluer la chronologie et le degré d’exposition aux divers agents toxiques et les preuves circonstancielles des conséquences sur la santé du patient.
[34] Le 13 juillet 2012, le docteur Perreault répond aussi à des questions posées par le travailleur, entre autres, aux questions suivantes :
Vous êtes médecin consultant pour moi depuis 2007 afin de tenter d’élucider une pathologie complexe de longue date et multiples complication ajouté depuis 2001? Oui
Est-il exact que dans les révisions antérieure et même après découverte des éléments nouveaux en 2011 (problème vasculaire récurrent), vous n’étiez pas en mesure de cerner les problèmes en raison d’un dossier trop volumineux et des problèmes de santé qui sont très silencieux? Oui
Est-il exact que la reconsidération des problèmes de santé est devenue possible uniquement pour la reconstitution de l’historique après que j’ai réalisé le travail de recherche que je vous ai produit en novembre 2011, c’est sur la base des éléments nouveaux, versus les précisions factuelles et circonstancielles et sur la relecture des dossiers antérieurs, ainsi qu’avec les observations de la littérature médicale que vous en êtes venus à des motifs sérieux de croire que les problèmes de santés étaient liés aux expositions à des produits chimiques, et fait la déclaration à la DSP 12/12/11? Oui
[sic]
[Les soulignements sont les réponses du docteur Perreault]
[35] Le 25 juillet 2012, le docteur Perreault précise son diagnostic dans sa note clinique. Il écrit que :
Précision diagnostic :
Déficit immunitaire acquis probablement secondaire à l’exposition professionnelle du patient aux multiples substances chimiques toxiques (cf dossier).
Ce désordre immunitaire entraîne des complications multisystémiques (pulmonaire, arthrite et connectivite, dermatologique, etc.)
Conduite à tenir :
Je réfère le patient à la Clinique de santé au travail et environnementale pour une investigation objective en regard des antécédents professionnels.
[36] Dans un premier temps, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la requête respecte le délai raisonnable de 45 jours de la découverte d’un fait nouveau.
[37] Le travailleur prétend que le fait nouveau est l’opinion médicale du docteur Perreault qu’il exprime dans la déclaration qu’il signe le 12 décembre 2011. La requête en révision ou en révocation déposée par le travailleur le 8 juin 2012 dépasse largement le délai de 45 jours de la découverte du fait nouveau allégué.
[38] Selon l’article 429.19 de la loi, le travailleur peut être relevé de son défaut s’il fait valoir un motif raisonnable pour justifier son retard. Cet article se lit ainsi :
429.19. La Commission des lésions professionnelles peut prolonger un délai ou relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter, s'il est démontré que celle-ci n'a pu respecter le délai prescrit pour un motif raisonnable et si, à son avis, aucune autre partie n'en subit de préjudice grave.
__________
1997, c. 27, a. 24.
[39] Le travailleur témoigne qu’il a cru qu’il devait déposer de nouvelles réclamations à la CSST étant donné la présence de faits nouveaux, qu’il a contesté les décisions du 21 mars 2012 devant la Direction de la révision administrative et qu’après avoir reçu la décision du 17 mai 2012, il consulte un avocat. Il ne peut préciser la date de cette rencontre, mais croit qu’elle aurait eu lieu deux semaines après la réception de la décision de la CSST à la suite d’une révision administrative.
[40] Cet avocat lui mentionne qu’il peut produire une réclamation dans les six mois d’un fait nouveau. Il produit une nouvelle réclamation à la CSST le 8 juin 2012 ainsi que la requête en révision ou en révocation devant la Commission des lésions professionnelles.
[41] Il appert donc que c’est devant le refus de ses réclamations que le travailleur s’adresse à la Commission des lésions professionnelles afin de faire réviser ou révoquer les décisions du 24 septembre 2003 et du 10 janvier 2005 en alléguant la découverte d’un fait nouveau. Cela constitue-t-il un motif raisonnable?
[42] Comme le mentionne la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Lavergne et Sûreté du Québec[6], « la notion de motif raisonnable a été définie par la jurisprudence comme étant un ensemble de facteurs susceptibles d’indiquer à partir des faits, des démarches, des comportements, de la conjoncture et des circonstances, si une personne a un motif non farfelu, crédible et qui fait preuve de bon sens, de mesure et de réflexion ».
[43] Le choix du travailleur de s’adresser à la CSST afin de faire reconnaître une lésion professionnelle, sous la forme d’une récidive, une rechute ou une aggravation ou autrement, constitue un choix stratégique et comme le mentionne la juge administrative Louise Desbois, dans l’affaire Talbot et Constructions Bissonnette MRGC inc.[7] alors que le travailleur s’était adressé à la Commission des lésions professionnelles après que la Cour supérieure eut rejeté son recours, ce choix ne peut constituer un motif raisonnable. Elle s’exprime ainsi :
[47] Il va de soi que le travailleur ne s’en plaindrait pas s’il avait obtenu gain de cause en Cour supérieure. Il ne peut maintenant, du fait qu’il n’a pas obtenu gain de cause devant cet autre tribunal, ce, un an et demi après l’expiration du délai accordé pour ce faire, tenter d’introduire un recours en révision à la Commission des lésions professionnelles.
[48] Le tribunal ne peut dans ce contexte conclure que le travailleur a fait la preuve d’un motif raisonnable de ne pas avoir déposé sa requête en révision de la décision du 10 mars 2010 avant le 25 octobre 2011.
[49] Une personne ne peut indéfiniment attendre, espérer obtenir justice d’une autre façon, entreprendre un autre recours, puis, finalement, confrontée à l’échec de celui-ci, finalement décider que le moment est venu ou qu’il serait finalement plus opportun de demander la révision d’une décision finale et sans appel rendue un an et demi plus tôt. Il en va de la stabilité des décisions et de l’ensemble du système administratif et judiciaire. En d’autres termes, l’échec d’un autre recours privilégié à l’époque ne constitue pas un motif raisonnable de retard à déposer une requête en révision devant la Commission des lésions professionnelles.
[50] Comme mentionné précédemment lors de la revue de la jurisprudence du tribunal en la matière, il doit y avoir motif raisonnable et le tribunal ne saurait sanctionner la négligence ou l’erreur prolongée d’une partie ou pallier un choix stratégique fait à l’époque et n’étant plus considéré le bon du seul fait de l’échec du recours alors choisi. Le tribunal n’a donc d’autre choix que de déclarer irrecevable la requête en révision du travailleur.
[44] En l’espèce, plutôt que de s’adresser à la Commission des lésions professionnelles dès la connaissance des faits nouveaux qu’il allègue, le travailleur choisi de faire des réclamations à la CSST le 27 février 2012, il est informé le 21 mars 2012 que ses réclamations sont refusées et demande la révision de ces décisions devant la révision administrative qui maintient une de ces décisions le 17 mai 2012. Ce n’est que le 8 juin 2012 qu’il produit la présente requête en révision ou en révocation.
[45] Le travailleur mentionne aussi devant le présent tribunal qu’il a consulté un avocat deux semaines après la décision de la CSST du 17 mai 2012, mais cette consultation a lieu après qu’il a produit la présente requête en révision ou en révocation; cela ne peut donc constituer un motif raisonnable.
[46] Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles estime que la requête en révision ou en révocation des décisions rendues le 24 septembre 2003 et le 10 janvier 2005 est irrecevable.
[47] N’eût été cette conclusion, le tribunal aurait tout de même rejeté la requête du travailleur, car la soussignée estime que le fait invoqué par le travailleur ne constitue pas un fait nouveau.
[48] En effet, il est de jurisprudence constante qu’une opinion médicale ne constitue pas un fait nouveau. C’est ce qu’énonce la juge administrative Lucie Nadeau dans l’affaire Bouchard (Succession de) et Construction Norascon inc.[8] alors qu’elle écrit que :
[22] Une première distinction doit être faite, soit celle entre une opinion et un fait. Le commentaire du Dr Tétreault au premier paragraphe constitue une opinion sur la relation entre la condition médicale du travailleur et son travail de foreur. Cette opinion ne peut constituer un fait nouveau.
[23] Soulignons que le travailleur a déjà produit une expertise à ce sujet, celle du Dr Bellemare, qui a également témoigné. Il ne peut se servir du recours en révision pour en obtenir une autre parce qu’il a perdu sa cause.
[24] Comme l’a déjà signalé la Commission des lésions professionnelles dans Montpetit et Purolator4, une expertise médicale ne peut être acceptée dans le cadre d’une requête en révision5 :
[14.] Le dépôt d'une nouvelle expertise médicale ne constituant pas en soi un fait nouveau. Cette expertise aurait pu être préparée et déposée lors de l'audition devant la Commission d'appel, ce qui n'a pas été fait, et l'on ne peut de cette façon tenter de rouvrir un débat qui est déjà clos. La Commission d'appel a énoncé à de multiples reprises, ainsi que la Commission des lésions professionnelles, que cet article 406 ne permet pas de rouvrir le débat et de substituer une nouvelle appréciation de la preuve. Il n'autorise pas une partie à venir compléter les lacunes de la preuve qu'elle a eu l'occasion de faire valoir en premier lieu.
__________
4 C.L.P. 82386-6409608, 22 mars 1999, N. Lacroix
5 L’ancien article 406 auquel il fait référence a été remplacé par l’article 429.56
[49] Dans la présente affaire, il appert de la production par le travailleur de la déclaration de la maladie à déclaration obligatoire et du rapport médical du 27 janvier 2012 du docteur Perreault ainsi que de son rapport d’opinion médicale finalisé le 13 juillet 2012 que celui-ci veut compléter ou bonifier sa preuve, ce que le recours en révision ou en révocation ne permet pas.
[50] Dans les questions posées par le travailleur au docteur Perreault, questions auxquelles ce dernier répond de façon succincte, il ressort une difficulté à obtenir une opinion médicale et des problèmes de santé nouveaux, entre autres, un problème vasculaire récurrent.
[51] D’une part, le tribunal estime que l’obtention tardive d’une opinion médicale, compte tenu de la complexité du cas, ne peut constituer un fait nouveau; il en va de la stabilité des décisions.
[52] D’autre part, la preuve ne permet pas de conclure que les nouveaux problèmes de santé du travailleur, entre autres, un problème vasculaire récurrent, aurait existé à l’époque, mais n’aurait été découvert que par la suite; il ne s’agit donc pas d’un fait nouveau au sens de l’article 429.56 de la loi.
[53] Donc, le tribunal estime que la requête du travailleur est irrecevable parce qu’elle est logée hors délai et qu’il n’a pas démontré qu’il n’a pu respecter le délai prescrit pour un motif raisonnable.
[54] Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles conclut que la requête en révision ou en révocation logée par le travailleur est irrecevable.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
DÉCLARE que la requête en révision ou en révocation de monsieur Jean Péloquin, le travailleur, est irrecevable.
|
__________________________________ |
|
Suzanne Séguin |
|
|
|
|
Me Hugues Magnan |
|
Vigneault Thibodeau Bergeron |
|
Représentant de la partie intervenante |
|
|
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783 .
[3] Bourdon c. Commission des lésions professionnelles, [1999] C.L.P. 1096 (C.S.); Pietrangelo et Construction NCL, C.L.P. 107558-73-9811, 17 mars 2000, Anne Vaillancourt; Nadeau et Framatome Connectors Canada inc., C.L.P. 110308-62C-9902, 8 janvier 2001, D. Rivard, (00LP-165), révision rejetée, 14 décembre 2001, N. Lacroix; Soucy et Groupe RCM inc., C.L.P. 143721-04-0007, 22 juin 2001, M. Allard, (01LP-64); Provigo Dist. (Maxi Cie) et Briand, C.L.P. 201883-09-0303, 1er février 2005, M. Carignan; Lévesque et Vitrerie Ste-Julie, C.L.P. 200619-62-0302, 4 mars 2005, D. Lévesque; Toitures P.L.M. et Carrier, C.L.P. 331688-64-0711, 15 juillet 2009, P. Perron; Succession Marius Deschamps et Unimin Canada ltée, C.L.P. 170843-6401001, 15 septembre 2009, Alain Vaillancourt, (09LP-116); Jacques et CSSS de Bécancour-Nicolet-Yamaska, C.L.P. 338991-04-0801, 5 janvier 2010, L. Boudreault.
[4] Voir notamment : Adam et Réal Locas & Fils inc., C.L.P. 92669-63-9711, 14 avril 1999, J.-L. Rivard; Claudel Desbiens Construction inc. et Bodart, C.L.P. 294305-71-0607, 9 juin 2008, S. Sénéchal; Bich Do et Café Romy, C.L.P. 301489-71-0610, 26 juin 2008, J.-F. Clément; Gnonthaboun et Bombardier Aéronautique inc., [2008] C.L.P. 983 ; St-Laurent et Home Dépôt, [2008] C.L.P. 1416 .
[5] Arbour et Banque nationale du Canada, C.L.P. 104372-63-9808, 27 septembre 1999, C. Bérubé; Desmarais et Les aliments Carrières inc., C.L.P. 144661-62B-0008, 21 août 2002, L. Boucher.
[6] C.L.P. 240577-04-0407, 17 février 2005, J.-F. Clément.
[7] 2012 QCCLP 3773 .
[8] C.L.P. 210650-08-0306, 18 janvier 2008, L. Nadeau (07LP-259), révision rejetée, 18 juin 2009, Anne Vaillancourt.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.