Valente et Pneus Côté mécanique |
2008 QCCLP 1089 |
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[1] Le 5 juin 2007, monsieur Allen Valente (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 4 juin 2007 à la suite d'une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision qu'elle a initialement rendue le 13 mars 2007 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement, à titre d’aides techniques, des planches d’équilibre (« balance board ») prescrites par son médecin à la suite de sa lésion professionnelle.
[3] L'audience s'est tenue le 11 décembre 2007, à Montréal, en présence du travailleur. L'employeur, Pneus Côté mécanique, n’est pas représenté.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’accueillir sa requête, d’infirmer la décision de la CSST du 4 juin 2007 et de reconnaître qu’il a droit à ce que la CSST assume le coût d’aides techniques prescrites par son médecin, soit des planches d’équilibres.
LES FAITS
[5] Le 13 octobre 2000, le travailleur, qui est aligneur et mécanicien, est victime d’une lésion professionnelle . En se penchant et en effectuant un mouvement de torsion de la colonne dorsolombaire, il se blesse au dos. Les diagnostics de la lésion sont « débord discal L5-S1 et entorse lombaire ». La lésion est consolidée le 30 octobre 2001.
[6] Il conserve, en conséquence de cette lésion, une atteinte permanente à l’intégrité physique de 2,2% pour entorse dorsolombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées. Il conserve également des limitations fonctionnelles. La CSST conclut qu’il est capable de travailler à compter du 11 février 2002.
[7] Le 26 juin 2006, alors qu’il travaille comme vendeur de pièces automobile pour Ford Chambly Auto (1979) inc., il présente une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle initiale. Les médecins parlent d’une hernie discale L5-S1 avec irradiation au membre inférieur droit.
[8] Le travailleur reçoit les traitements de physiothérapie et d’ergothérapie recommandés par son médecin, le docteur G. Michaels.
[9] Le 22 février 2007, l’ergothérapeute note qu’il y a une bonne progression. Elle suggère de tenter un retour au travail progressif, de diminuer la fréquence des traitements d’ergothérapie. Elle indique que, si tout se passe bien au travail, elle envisage un congé sous peu.
[10] Le 22 février 2007, la physiothérapeute indique qu’il y a une bonne progression de l’endurance. Il en est de même en ce qui concerne les amplitudes articulaires. Elle précise que les modalités de traitement utilisées sont les exercices d’assouplissement, la thérapie manuelle orthopédique, le renforcement musculaire, le programme d’exercices à domicile. Elle recommande de diminuer la fréquence des traitements de physiothérapie. Elle suggère au médecin de prescrire du matériel d’exercice, soit « Fitter, balance boards » pour que le patient puisse continuer son programme d’exercices à la maison.
[11] Le 23 février 2007, le médecin diminue la fréquence des traitements de physiothérapie et d’ergothérapie.
[12] Le 26 février 2007, le travailleur reprend le travail, progressivement, à raison de deux jours/semaine.
[13] Le 27 février 2007, le docteur Michaels recommande l’achat de planches d’exercices, soit « Fitter pro-slalom boards and 2 fitter balance boards ».
[14] Au début mars 2007, le travailleur demande à la CSST d’autoriser le paiement des planches d’équilibre.
[15] Le 13 mars 2007, la CSST rend une décision par laquelle elle refuse d’assumer le coût des planches d’équilibre parce celles-ci ne sont pas couvertes par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1](la Loi) ni le Règlement sur l’assistance médicale[2] (le Règlement).
[16] Le 23 mars 2007, le médecin augmente le travail à 4 jours/semaine et diminue la fréquence des traitements d’ergothérapie et de physiothérapie à 1 jour/semaine.
[17] Le travailleur affirme que, lors de ses traitements de physiothérapie et d’ergothérapie, il utilisait trois planches d’équilibre. Les planches l’ont beaucoup aidé dans son rétablissement. Il est de retour au travail à temps plein. Il veut poursuivre ses exercices à la maison avec ces planches qui lui ont été recommandées par son médecin, sa physiothérapeute et son ergothérapeute. Il souligne qu’il doit maintenir la forme qu’il a acquise lors des traitements pour prévenir une rechute car, sans exercices physiques, son dos s’affaiblit, d’où la rechute du 26 juin 2006.
[18] Le travailleur déclare que les traitements de physiothérapie et d’ergothérapie ont pris fin et qu’il a tenté de trouver un gymnase qui serait équipé de ces planches d’exercice, mais il n’en a trouvé aucun.
[19] Il a fait des recherches pour pouvoir acheter des planches d’équilibre comme celles qu’il utilisait lors de ses traitements ou similaires à celles-ci. Il a trouvé les items suivants; « Wobble board 16 inches » 69,95$; Weeble Boards 59,95$; Pro Fitter-Physio kit 699,95$ » plus taxes.
L’AVIS DES MEMBRES
[20] Conformément aux dispositions de l'article 429.50 de la Loi, la commissaire soussignée a demandé aux membres, qui ont siégé auprès d'elle, leur avis sur la question faisant l'objet de la présente requête, de même que les motifs de cet avis.
[21] Le membre issu des associations d'employeurs et la membre issue des associations syndicales sont d'avis que la requête du travailleur devrait être accueillie et la décision de la CSST infirmée.
[22] Le membre issu des associations d’employeurs souligne que les aides techniques ont été prescrites par son médecin pour le traitement de sa lésion professionnelle et qu’elles sont complémentaires à un programme d’ergothérapie et de physiothérapie active. De plus, l’énumération au Règlement des appareils à exercice n’est pas exhaustive.
[23] La membre issue des associations syndicales souligne que le travailleur a droit à ces aides dans le cadre de la réadaptation, l’article 148 de la Loi devant recevoir une interprétation large et libérale. De plus, l’énumération au Règlement des appareils à exercice n’est pas exhaustive.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[24] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit à ce que la CSST assume le coût des aides techniques suivantes, soit trois planches d’équilibre.
[25] La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles prévoit, à l’article 189, ce qui suit :
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit :
1° les services de professionnels de la santé;
2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
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1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.
[26] Le Règlement sur l’assistance médicale, adopté en vertu de l’alinéa 5 de l’article 189, prévoit ce qui suit :
[…]
SECTION II
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
2. Les soins, les traitements, les aides techniques et les frais prévus au présent règlement font partie de l’assistance médicale à laquelle peut avoir droit un travailleur, lorsque le requiert son état en raison d’une lésion professionnelle.
3. La Commission de la santé et de la sécurité du travail assume le coût des soins, des traitements et des aides techniques reçus au Québec, selon les montants prévus au présent règlement, si ces soins, ces traitements ou ces aides techniques ont été prescrits par le médecin qui a charge du travailleur avant que les soins ou traitements ne soient reçus ou que les dépenses pour ces aides techniques ne soient faites; à moins de disposition contraire, ces montants comprennent les fournitures et les frais accessoires reliés à ces soins, traitements ou aides techniques.
De plus, toute réclamation à la Commission concernant ces soins, traitements ou aides techniques doit être accompagnée d’une copie de la prescription du médecin qui a charge du travailleur, de la recommandation de l’intervenant de la santé le cas échéant, et des pièces justificatives détaillant leur coût.
D. 288-93, a. 3; D.888-2007, a.2
[…]
SECTION IV
AIDES TECHNIQUES ET FRAIS
1. Règles générales
18. La commission assume le coût de location, d’achat et de renouvellement d’une aide technique prévue à l’annexe II, aux conditions et selon les montants prévus à la présente section et à cette annexe, lorsque cette aide technique sert au traitement de la lésion professionnelle ou qu’elle est nécessaire pour compenser les limitations fonctionnelles temporaires découlant ce cette lésion.
La Commission assume également les frais prévus à l’annexe II, aux conditions et selon les montants indiqués à cette annexe sur présentation des pièces justificatives détaillant leur coût.
[…]
ANNEXE II
AIDES TECHNIQUES ET FRAIS
AIDES TECHNIQUES
[…]
3. Aides à la thérapie :
[…]
3° Autres aides à la thérapie :
Le coût d’achat des aides à la thérapie suivantes :
[…]
c) les appareils à exercice suivants utilisés à domicile qui sont complémentaires à un programme d’ergothérapie ou de physiothérapie active tels des balles à exercice, de la plasticine, un système de poulies pour ankylose de l’épaule, des poids pour poignet et cheville, un sac de sable avec attache velcro, une poignée à résistance fixe, un ensemble d’haltères légers inférieurs à 5 kg;
[…]
[27] La Commission des lésions professionnelles retient que les planches d’exercice dont le paiement est réclamé par le travailleur ont été prescrites par le médecin qui a charge (article 3 du Règlement) et que ces aides techniques servent au traitement de sa lésion professionnelle (article 18 du Règlement).
[28] De plus, elles sont complémentaires à un programme d’ergothérapie ou de physiothérapie active (paragraphe c) ci-haut). Le travailleur utilisait déjà ces planches d’exercice dans le cadre de ses traitements de physiothérapie active. La physiothérapeute recommandait au médecin de prescrire ces planches pour que le travailleur puisse continuer son programme à domicile, dans le cadre d’une diminution progressive de ses traitements de physiothérapie jusqu’à l’arrêt de ceux-ci et dans le cadre d’un retour au travail. L’ergothérapeute a aussi recommandé ces planches.
[29] D’autre part, comme l’a reconnu la Commission des lésions professionnelles[3], l’énumération des appareils à exercice au Règlement sur l’assistance médicale (paragraphe c) ci-haut), n’est pas exhaustive, vu l’utilisation de l’expression « tels » avant l’énumération de ceux-ci.
[30] En conséquence, le travailleur a droit à ce que la CSST assume le coût des aides techniques suivantes, soit trois planches d’équilibre.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur Allen Valente, le travailleur;
INFIRME la décision du 4 juin 2007 rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a droit à ce que la CSST assume le coût des aides techniques suivantes : trois planches d’équilibre.
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Me Lucie Landriault |
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Commissaire |
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