Piché et Goodyear Canada inc. |
2007 QCCLP 6075 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Montréal |
26 octobre 2007 |
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Région : |
Richelieu-Salaberry |
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Dossier CSST : |
125119545 128353513 |
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Commissaire : |
Bertrand Roy |
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Membres : |
Ronald G. Hébert, associations d’employeurs |
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Osane Bernard, associations syndicales |
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282994-62C-0602 |
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Denis Piché |
Goodyear Canada inc. |
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Partie requérante |
Partie requérante |
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et |
et |
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Goodyear Canada inc. |
Denis Piché |
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Partie intéressée |
Partie intéressée |
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et |
et |
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Commission de la santé et de la sécurité du travail - Salaberry |
Commission de la santé et de la sécurité du travail - Salaberry |
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Partie intervenante |
Partie intervenante |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU RÉVOCATION
[1] Le 31 août 2006 et le 1er septembre 2006, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) et la compagnie Goodyear Canada inc. (l’employeur) respectivement, déposent à la Commission des lésions professionnelles une requête en vertu de l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) par laquelle ils demandent la révocation de la décision du 11 juillet 2006.
Dossier 277840-62C-0512
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles déclare que monsieur Denis Piché (le travailleur) n’était pas capable d’exercer son emploi le 20 juin 2005.
Dossier 280488-62C-0601
[3] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles déclare que l’indemnité de remplacement du revenu à verser à monsieur Piché, à compter du 20 juin 2005, doit être équivalente au montant versé le 19 juin 2005.
Dossier 282994-62C-0601
[4] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles déclare que, le 20 juin 2005, monsieur Piché n’a pas subi d’accident du travail et qu’il a néanmoins droit de continuer de recevoir l’indemnité de remplacement du revenu en vertu de l’article 128 de la loi.
[5] À l’audience sur les requêtes en révocation a eu lieu à Salaberry-de-Valleyfield le 22 mai 2007. Le travailleur était présent et il était représenté par monsieur Éric Lemay. L’employeur était représenté par Me Sylvie Desrosiers et la CSST, par Me Sonia Sylvestre.
[6] À la demande des parties qui cherchaient à trouver un terrain d’entente pour plusieurs différends qui les opposent, les présents dossiers n’ont été mis en délibéré que le 24 septembre 2007.
L’OBJET DES REQUÊTES EN RÉVOCATION
[7] La CSST et l’employeur, respectivement, demandent de révoquer la décision du 11 juillet 2006 pour le motif que celle-ci comporte des vices de fond de nature à l’invalider et pour le motif que la Commission des lésions professionnelles n’a pas respecté le droit de l’employeur d’être entendu.
L’AVIS DES MEMBRES
[8] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que le première décision doit être révisée notamment parce que l’employeur n’a pas eu l’occasion d’être entendu, particulièrement en ce qui concerne la capacité du travailleur d’exercer son emploi. Il y aurait donc lieu d’accueillir les requêtes en révocation de la CSST et de l’employeur.
LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[9] En l’espèce, le 9 décembre 2003, alors qu’il exerçait l’emploi de coupeur de lanières, monsieur Piché fut victime d’une lésion professionnelle, soit une entorse cervicale et une tendinite traumatique du biceps droit.
[10] Le 21 avril 2004, cette lésion professionnelle était consolidée avec une atteinte permanente évaluée à 2,20 % et des limitations fonctionnelles.
[11] À la demande de la CSST, une ergothérapeute a procédé à une analyse du poste de travail du travailleur et, à la suite de cette analyse, la CSST a déterminé que monsieur Piché avait la capacité d’exercer son emploi prélésionnel en date du 20 juin 2005.
[12] Cette dernière décision de la CSST, en date du 20 juin 2005, a été contestée devant la Commission des lésions professionnelles (dossier 277840) qui, par la décision attaquée, a déclaré que le travailleur n’était pas capable d’exercer son travail le 20 juin 2005.
[13] Le 13 juillet 2005, le travailleur a produit une réclamation alléguant que le jour de son retour au travail, soit le 20 juin 2005, il s’est produit un accident du travail (il a ressenti une douleur au cou en tirant sur un rouleau). Il parle également du fait qu’il s’agirait d’une « rechute » de sa lésion de 2003.
[14] La CSST a accepté la réclamation du travailleur à titre d’accident du travail. Toutefois, l’employeur (mais pas le travailleur) a contesté cette décision devant la Commission des lésions professionnelles (dossier 282994) et, par la décision attaquée, le tribunal a modifié la décision de la CSST et a déclaré que le travailleur n’a pas subi d’accident du travail le 20 juin 2005, et qu’il a cependant droit à l’indemnité de remplacement du revenu en vertu de l’article 128 de la loi[2].
[15] Le 30 septembre 2005, la CSST remet un avis de paiement au travailleur qui indique que son revenu annuel brut assurable est de 45 323,20 $. Le travailleur a contesté devant la Commission des lésions professionnelles cet avis de paiement (dossier 280488). Par la décision attaquée, le tribunal infirme la décision de la CSST et déclare que l’indemnité de remplacement du revenu à verser à monsieur Piché à compter du 20 juin 2005 doit être équivalente au montant versé le 19 juin 2005.
[16] À la première audience, tel que l’indique le paragraphe 8, « avant de procéder au mérite de chacune des requêtes déposées, la Commission des lésions professionnelles demande aux parties de faire valoir leurs arguments quant à l’application de l’article 128 de la loi, la CSST ayant soumis ses prétentions sur cette question ».
[17] Sans entendre les parties sur cette question, la Commission des lésions professionnelles décide que le travailleur était capable d’exercer son travail le 20 juin 2005, tel que déjà indiqué, et qu’il avait le droit de continuer de recevoir l’indemnité de remplacement du revenu. Selon le premier commissaire, l’arrêt de travail du 20 juin 2005, crée une « certaine présomption qu’il y avait continuation de la lésion initiale et il a conclu que les dispositions de l’article 128 trouvait alors application ».
[18] La CSST et l’employeur ont fait valoir qu’une preuve aurait dû être entendue notamment sur la capacité du travailleur. Or, malgré la demande de l’employeur à ce sujet lors de la première audience, aucune preuve n’a pu être administrée par lui.
[19] La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a lieu de révoquer la décision du 11 juillet 2006.
[20] L’article 429.56 de la loi permet à la Commission des lésions professionnelles de révoquer une de ses décisions. Cet article se lit comme suit :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[21] Le défaut de permettre à l’employeur d’être entendu constitue un vice de fond de nature à invalider la première décision et la Commission des lésions professionnelles doit procéder à la révocation de celle-ci. Il s’agit d’un manquement aux règles de justice naturelle et le troisième alinéa de l’article 429.56 de la loi trouve application[3].
[22] Quant à l’argumentation du travailleur selon lequel il y avait suffisamment de preuve au dossier pour justifier la décision, le tribunal estime que le manquement aux règles de justice naturelle doit nécessairement entraîner la révocation de la décision.
[23] Les parties doivent être convoquées pour être entendues à nouveau.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE les requêtes en révocation de la Commission de la santé et de la sécurité du travail et de la compagnie Goodyear Canada inc., l’employeur;
RÉVOQUE la décision rendue le 11 juillet 2006 par la Commission des lésions professionnelles;
CONVOQUERA à nouveau les parties à une audience sur le fond des contestations déposées par celles-ci dans tous les dossiers dont il s’agit.
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Bertrand Roy |
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Commissaire |
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Monsieur Éric Lemay |
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Conseil santé sécurité |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Sylvie Desrosiers |
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GARCEAUJ LACROIX CABINET-CONSEIL |
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Représentante de la partie intéressée |
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Me Sonia Sylvestre |
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PANNETON LESSARD |
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Représentante de la partie intervenante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001
[2] L’article 128 de la loi se lit comme suit :
128. Le retour au travail d'un travailleur à la suite d'un avis médical n'interrompt pas le versement de l'indemnité de remplacement du revenu si son état de santé relatif à sa lésion l'oblige à abandonner son travail dans la journée du retour.
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1985, c. 6, a. 128.
[3] Voir à ce sujet la décision dans l’affaire suivante : Le Brasseur et Société d’assurance automobile du Québec, CLP 208251-09-0305, 15 décembre 2004, D. Beauregard.
AVIS :
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