Lalande et Centre résidentielle communautaire Joliette-Lanaudière |
2012 QCCLP 8028 |
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[1] Le 26 avril 2012, monsieur Pierre Lalande (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 19 avril 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a rendue le 9 février 2012 sous forme d’avis de paiement et déclare que le travailleur a droit à la somme de 1 807 $ pour le remboursement des frais relatifs à la chirurgie privée qu’il a subie.
[3] Lors de l’audience tenue à Joliette le 17 octobre 2012, le travailleur et l’employeur sont présents et la CSST y est représentée.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur soutient qu’il a droit au remboursement de la totalité de la somme qu’il a déboursée pour subir une intervention chirurgicale dans le secteur privé, soit la somme de 8 500 $.
LA PREUVE
[5] Le travailleur, animateur chez l’employeur, est victime d'un accident du travail le 14 février 2011 lorsqu’il reçoit des coups au visage, sur la tête et sur les épaules par un résident.
[6] Un premier diagnostic de contusion au bras est posé. À la suite d’une imagerie par résonance magnétique, interprétée le 4 mai 2011, le docteur Lacaille-Bélanger, radiologiste, émet l’opinion que l’épaule droite du travailleur présente une déchirure massive de la coiffe des rotateurs impliquant principalement le sus-épineux et le sous-scapulaire, atteignant la marge antérieure du sous-épineux.
[7] Le 20 mai 2011, le docteur Paul Coriaty, chirurgien orthopédiste, évalue le travailleur et inscrit sur une attestation médicale qu’il favorise des traitements conservateurs tels les traitements de physiothérapie et d’ergothérapie.
[8] Le 4 juillet 2011, la CSST reconnait la relation entre ce diagnostic et l'événement du 14 février 2011.
[9] Sur une attestation médicale du 16 août 2011, le docteur Sébastien Guimond-Simard, chirurgien orthopédiste, indique que l’épaule droite du travailleur présente une déchirure massive de la coiffe des rotateurs et qu’elle nécessite une chirurgie dans un court délai, car des atrophies sont déjà documentées. Il recommande la poursuite des traitements.
[10] Le 12 octobre 2011, lors d’un bilan médical téléphonique, le docteur Guimond-Simard indique au docteur Morel de la CSST qu’il est en partie vrai et en partie faux qu’il ne peut opérer le travailleur que durant l’année suivant sa lésion pour pouvoir espérer un résultat acceptable. Il précise que le temps joue contre un résultat optimum et qu’avec un délai prolongé, même si la chirurgie réussit parfaitement, si on rattache le tendon, l’élasticité sera fortement altérée et après trois ans, le muscle attaché au tendon peut ne pas répondre à cause d’une atrophie.
[11] Le docteur Guimond-Simard ajoute que du fait qu’il s’agisse d’une déchirure massive, le résultat attendu est déjà mitigé. Il explique qu’il ne peut recommander que la chirurgie soit considérée semi-urgente, ce qui favoriserait une intervention plus rapide, parce qu’au centre hospitalier où il opère, il n’existe que des cas urgents et des cas électifs. Il n’existe rien entre les deux pôles. Il estime qu’une déchirure tendineuse ne peut être qu’un traitement électif.
[12] Dans un rapport médical rédigé le 28 octobre 2011, le docteur Marc Beauchamp, chirurgien orthopédiste non participant au régime public d’assurance maladie, écrit que le travailleur a une atrophie très avancée au niveau du sous-scapulaire et du sus-scapulaire. Dans ce contexte, il émet l’avis qu’il s’agit d’une urgence médicale puisque, selon la littérature médicale, lorsque des déchirures transfixiantes de cet ordre sont installées depuis plus de 12 mois, les risques de séquelles permanentes et de limitations sévères permanentes montent de façon exponentielle. Il estime donc que le travailleur devrait obtenir une correction chirurgicale le plus tôt possible pour conserver la fonction de son épaule à long terme. Il indique qu’il est disponible pour effectuer une telle intervention.
[13] Le 17 novembre 2011, le docteur Beauchamp effectue une réparation de la coiffe des rotateurs du travailleur. Il semble que le travailleur acquitte une somme de 8 500 $ pour cette intervention chirurgicale et il en demande par la suite le remboursement à la CSST.
[14] Cette dernière lui rembourse la somme de 1 807 $, soit ce qu’elle aurait payé selon les tarifs en vigueur pour une telle intervention au Manuel des médecins spécialistes[1] et à la circulaire concernant la Facturation des services externes pour les responsabilités autres que celles du Ministère[2].
[15] Le travailleur a été entendu à l’audience. Il raconte les circonstances de son accident et il élabore sur les démarches qu’il a effectuées pour rencontrer différents médecins et obtenir des soins, par la suite.
[16] Il explique que le premier médecin qu’il a rencontré, le docteur Coriaty, ne voulait pas l’opérer en raison des délais trop longs dans les centres hospitaliers. Le travailleur affirme que le docteur Coriaty lui a dit qu’au moment où il pourrait être opéré dans le réseau public, il serait trop tard et que son épaule ne pourrait être « sauvée ».
[17] Il a ensuite vu le docteur Guimond-Simard qui lui a dit qu’il était urgent qu’il soit opéré s’il voulait récupérer la fonctionnalité de son épaule. Ce dernier, qui participe au régime public, ne pouvait prioriser son cas dans le centre hospitalier où il opère. Il a cependant mis le nom du travailleur sur une liste d’attente. Le travailleur a indiqué au tribunal qu’il a reçu une lettre de ce centre hospitalier indiquant qu’il serait opéré le 23 octobre 2012.
[18] Devant cet état de fait, le travailleur affirme qu’il n’a pas eu le choix et a dû consulter un médecin non participant au régime public afin de subir une intervention chirurgicale en clinique privée.
[19] Il estime qu’il a très bien récupéré de cette intervention et que son épaule est de plus en plus mobile, ce qui n’aurait pas été le cas s’il avait attendu. D’ailleurs, au moment de l’audience, il n’aurait pas encore été opéré alors que, selon ses prétentions, cette intervention aurait dû avoir lieu de façon urgente.
[20] La représentante de la CSST a déposé lors de l’audience le chapitre G du Manuel des médecins spécialistes. Selon celui-ci, le tarif pour une reconstruction de la coiffe, incluant l’acromioplastie, est de 650 $, et pour la ténodèse du biceps associée, il est prévu un supplément de 50 $.
[21] D’autre part, selon la circulaire de facturation des services externes, le tarif pour une chirurgie d’un jour est de 1 107 $.
[22] Ces sommes correspondent au montant de 1 807 $ que le travailleur a reçu.
L’AVIS DES MEMBRES
[23] La membre issue des associations d’employeurs et celui issu des associations syndicales partagent le même avis et rejetteraient la contestation du travailleur. En effet, ils estiment que le travailleur ne peut obtenir le remboursement de la totalité du coût réclamé par le médecin non participant au régime public d’assurance maladie, en accord avec la jurisprudence unanime du tribunal. De plus, ils estiment que la somme remboursée par la CSST correspond à ce qui aurait été payé si le médecin avait été participant au régime public.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[24] Le tribunal doit déterminer si la CSST devait rembourser au travailleur l’entièreté de la somme qu’il a déboursée pour subir une intervention chirurgicale en clinique privée.
[25] Ce sont les articles 188, 189, 192, 193, 194, 195, 196, 197 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[3] (la loi), qui sont pertinents à la solution du présent litige :
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
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1985, c. 6, a. 188.
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit :
1° les services de professionnels de la santé;
2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
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1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166; 2009, c. 30, a. 58.
192. Le travailleur a droit aux soins du professionnel de la santé de son choix.
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1985, c. 6, a. 192.
193. Le travailleur a droit aux soins de l'établissement de santé de son choix.
Cependant, dans l'intérêt du travailleur, si la Commission estime que les soins requis par l'état de ce dernier ne peuvent être fournis dans un délai raisonnable par l'établissement qu'il a choisi, ce travailleur peut, si le médecin qui en a charge est d'accord, se rendre auprès de l'établissement que lui indique la Commission pour qu'il reçoive plus rapidement les soins requis.
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1985, c. 6, a. 193; 1992, c. 21, a. 81.
194. Le coût de l'assistance médicale est à la charge de la Commission.
Aucun montant ne peut être réclamé au travailleur pour une prestation d'assistance médicale à laquelle il a droit en vertu de la présente loi et aucune action à ce sujet n'est reçue par une cour de justice.
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1985, c. 6, a. 194.
195. La Commission et le ministre de la Santé et des Services sociaux concluent une entente type au sujet de tout ou partie des soins et des traitements fournis par les établissements visés au paragraphe 2° de l'article 189; cette entente a pour objet la dispensation de ces soins et de ces traitements et précise notamment les montants payables par la Commission pour ceux-ci, les délais applicables à leur prestation par les établissements et les rapports qui doivent être produits à la Commission.
La Commission conclut avec chaque agence visée par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) et avec chaque conseil régional institué par la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5) une entente spécifique qui vise à assurer la mise en application de l'entente type sur leur territoire. Cette entente spécifique doit être conforme aux termes et conditions de l'entente type.
Un établissement est réputé accepter de se conformer à l'entente spécifique, à moins de signifier son refus à la Commission et à l'agence ou au conseil régional, selon le cas, dans le délai imparti par cette entente, au moyen d'une résolution de son conseil d'administration; dans ce dernier cas, cet établissement est rémunéré selon ce qui est prévu par l'entente type.
Pour le territoire auquel s'applique la partie IV.2 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, l'entente spécifique est conclue par l'établissement ayant son siège sur ce territoire.
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1985, c. 6, a. 195; 1992, c. 11, a. 9; 1994, c. 23, a. 23; 1998, c. 39, a. 174; 1999, c. 40, a. 4; 2005, c. 32, a. 308.
196. Les services rendus par les professionnels de la santé dans le cadre de la présente loi et visés dans le quatorzième alinéa de l'article 3 de la Loi sur l'assurance maladie (chapitre A-29), édicté par l'article 488, y compris ceux d'un membre du Bureau d'évaluation médicale, d'un comité des maladies professionnelles pulmonaires ou d'un comité spécial agissant en vertu du chapitre VI, à l'exception des services rendus par un professionnel de la santé à la demande de l'employeur, sont payés à ces professionnels par la Régie de l'assurance maladie du Québec conformément aux ententes intervenues dans le cadre de l'article 19 de la Loi sur l'assurance maladie.
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1985, c. 6, a. 196; 1992, c. 11, a. 10; 1999, c. 89, a. 43, a. 53.
197. La Commission rembourse à la Régie de l'assurance maladie du Québec le coût des services visés dans l'article 196 et les frais d'administration qui s'y rapportent.
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1985, c. 6, a. 197; 1996, c. 70, a. 6; 1999, c. 89, a. 53.
198. La Commission et la Régie de l'assurance maladie du Québec concluent une entente qui a pour objet les règles régissant le remboursement des sommes que la Régie débourse pour l'application de la présente loi et la détermination des frais d'administration qu'entraîne le paiement des services visés à l'article 196 .
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1985, c. 6, a. 198; 1996, c. 70, a. 7; 1999, c. 89, a. 53.
[26] Selon ces dispositions, le travailleur a droit à l’assistance médicale que requiert son état et celle-ci est défrayée par la CSST.
[27] De plus, l’article 196 de la loi prévoit que les services rendus par un professionnel de la santé dans le cadre de l’application de la loi et qui sont visés par le 14e alinéa de l’article 3 de la Loi sur l’assurance maladie[4] sont payés à ces professionnels conformément aux ententes intervenues dans le cadre de l’article 19 de cette loi :
3. Le coût des services suivants qui sont rendus par un professionnel de la santé est assumé par la Régie pour le compte de toute personne assurée, conformément aux dispositions de la présente loi et des règlements :
[…]
La Régie assume aussi le coût des services qui sont rendus par un professionnel de la santé dans le cadre de la Loi sur les accidents du travail (chapitre A-3) ou de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (chapitre A-3.001), y compris ceux d'un membre du Bureau d'évaluation médicale ou d'un membre d'un comité des maladies professionnelles pulmonaires ou d'un comité spécial agissant en vertu du chapitre VI de cette loi, mais à l'exception des services rendus par un professionnel de la santé à la demande de l'employeur.
[…]
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1970, c. 37, a. 3; 1970, c. 38, a. 2; 1971, c. 47, a. 2; 1971, c. 48, a. 160, a. 161; 1973, c. 30, a. 2; 1973, c. 49, a. 45; 1973, c. 52, a. 31; 1974, c. 40, a. 2; 1975, c. 60, a. 1; 1977, c. 44, a. 2; 1979, c. 1, a. 2; 1979, c. 63, a. 273; 1981, c. 22, a. 1; 1985, c. 6, a. 488; 1986, c. 79, a. 2; 1989, c. 50, a. 2; 1991, c. 42, a. 558; 1992, c. 19, a. 1; 1992, c. 21, a. 101; 1985, c. 23, a. 1; 1992, c. 21, a. 101; 1992, c. 11, a. 77; 1994, c. 8, a. 2; 1994, c. 23, a. 23; 1996, c. 32, a. 89; 1999, c. 24, a. 14; 1999, c. 89, a. 2, a. 42; 2002, c. 69, a. 122; 2002, c. 33, a. 8; 2005, c. 40, a. 32; 2009, c. 45, a. 1; 2009, c. 30, a. 46.
19. Le ministre peut, avec l'approbation du Conseil du trésor, conclure avec les organismes représentatifs de toute catégorie de professionnels de la santé, toute entente pour l'application de la présente loi.
Une entente peut prévoir notamment que la rémunération de services assurés varie selon des règles applicables à une activité, un genre d'activité ou l'ensemble des activités d'un professionnel de la santé, ou aux activités d'une catégorie de professionnels ou d'une spécialité à laquelle il appartient. Une telle entente peut aussi prévoir différents modes de rémunération dont les modes de rémunération à l'acte, à honoraires forfaitaires et à salaire. Elle peut en outre prévoir, à titre de compensation ou de remboursement, le versement de divers montants tels des primes, des frais ou des allocations.
[…]
La Commission de la santé et de la sécurité du travail collabore à l'élaboration de la partie de telle entente qui traite des services visés dans le quatorzième alinéa de l'article 3.
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1970, c. 37, a. 15; 1970, c. 42, a. 17; 1973, c. 30, a. 6; 1973, c. 49, a. 45; 1974, c. 40, a. 8; 1979, c. 1, a. 14; 1981, c. 22, a. 4; 1984, c. 47, a. 15; 1985, c. 6, a. 489; 1991, c. 42, a. 564; 1994, c. 23, a. 7; 1998, c. 39, a. 177; 1999, c. 89, a. 24; 2000, c. 8, a. 241; 2002, c. 66, a. 17; 2005, c. 32, a. 308.
[28] Ainsi, bien que le travailleur ait droit au professionnel de la santé de son choix, s’il choisit de recevoir des soins dans une clinique privée, la CSST ne remboursera ces soins que jusqu’à concurrence des tarifs prévus au régime public d’assurance.
[29] En effet, même s’il est arrivé dans le passé que le tribunal accorde le remboursement de la totalité des sommes encourues, c’était avant qu’une entente n’intervienne conformément à l’article 198 de la loi[5].
[30] Or, depuis qu’une entente est intervenue, le remboursement ne peut être autorisé que jusqu’à concurrence des tarifs prévus par le régime de l’assurance maladie du Québec.
[31] Dans une décision rendue en 2011[6], le tribunal résume bien les principes qui guident une telle interprétation. On y exprime également que celle-ci est conforme à l’intention du législateur qui prévoit des mécanismes de paiement selon les tarifs du régime public d’assurance maladie et qu’il s’agit de la position qui est la plus équitable puisqu’elle permet d’offrir les mêmes services à tous les travailleurs. Le tribunal s’exprime comme suit :
[46] Ainsi, il appert de la jurisprudence et particulièrement des décisions rendues dans les affaires Pearson et Amusements spectaculaires inc. et CSST3, Nadeau et C & R Développement inc.4, Gagnon et Service correctionnel du Canada5, et dans l’affaire Leguerrier6 précitée, que le remboursement des frais pour des soins reçus en clinique privé est autorisé jusqu’à concurrence des tarifs prévus à la Régie de l’assurance maladie du Québec.
[47] Dans l’affaire Pearson7, il est mentionné que le remboursement du coût des soins reçus d’un médecin non participant au régime de la Régie de l’assurance maladie du Québec n’est pas expressément prévu à la loi et que l’on doit s’en remettre à l’intention du législateur :
[77] La Commission des lésions professionnelles en infère donc que la volonté du législateur est que les services posés par un médecin dans le cadre de la L.a.t.m.p. qui font l’objet d’une entente entre les fédérations médicales et le MSSS en vertu des articles 196 de cette loi et 19 de la L.a.m. soient remboursés selon le tarif du régime public de la RAMQ puisque ce n’est qu’à défaut d’entente que la L.a.t.m.p. prévoit que la CSST rembourse un coût convenable et raisonnable pour ce service.
[48] Suivant l’approche développée par la jurisprudence, en raison des articles 196 et 197 de la loi qui prévoient un mécanisme de paiement des honoraires des médecins et du fait que les soins reçus font l’objet d’une entente visée par l’article 198 de la loi, la CSST doit rembourser le coût des services selon les tarifs prévus par la Régie de l’assurance maladie du Québec.
[49] Dans l’affaire Morin et L.A. Hébert ltée et CSST8, la Commission des lésions professionnelles a bien résumé l’orientation de la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles. Ainsi, le travailleur a le droit de choisir le médecin qui lui dispensera des soins, mais le remboursement des frais pour les soins reçus se fera seulement jusqu’à concurrence des sommes prévues à l’entente en vertu de l’article 198 de la loi :
[45] La soussignée constate donc, à l’instar de la procureure de la CSST, que la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles s’est orientée récemment vers une même conclusion, soit que le travailleur a droit de recevoir les soins du professionnel de la santé de son choix ou de l’établissement de son choix. La jurisprudence dans ces cas vise l’assistance médicale prévue aux paragraphes 1 et 2 de l’article 189 de la loi. Tout en reconnaissant que le professionnel de la santé ne peut réclamer au travailleur, en vertu de l’article 194 de la loi, le coût de l’assistance médicale, la CSST est néanmoins bien fondée de ne rembourser au travailleur que les sommes que la RAMQ rembourse dans un tel cas selon l’entente conclue en vertu de l’article 198 de la loi.
[50] Tel que la jurisprudence l’a retenu à de nombreuses reprises, l’entente prévue à l’article 198 de la loi existe entre la CSST et le ministère de la Santé et des Services sociaux et les fédérations médicales et, de la sorte, en l’espèce, le travailleur a droit au remboursement des frais engagés pour une chirurgie à la cheville suivant les tarifs prévus par la Régie de l’assurance maladie du Québec pour une telle chirurgie, comme si elle avait lieu dans un établissement public de santé.
[51] En l’instance, la Commission des lésions professionnelles estime que l’approche développée par la jurisprudence est équitable puisqu’elle permet d’offrir les mêmes services à tous les travailleurs, tel que la CSST le souligne dans la décision rendue le 24 novembre 2010 à la suite de la révision administrative, indiquant que la CSST, à titre d’assureur public, offre une couverture d’assurance en conformité avec la loi et dans le respect de la Loi sur l’assurance maladie du Québec9 et des ententes conclues avec les fédérations médicales et le ministère de la Santé et des Services sociaux. Cette approche permet d’accorder la même accessibilité aux soins de santé à tous les travailleurs.
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3 C.L.P. 306256-07-0612, 25 octobre 2007, S. Séguin.
4 C.L.P. 329784-07-0710, 15 août 2008, P. Sincennes.
5 C.L.P. 327377-63-0709, 16 juillet 2009, L. Morissette.
6 Précitée, note 2.
7 Précitée, note 3.
8 C.L.P. 390766-64-0910, 5 mai 2011, A. Vaillancourt.
9 L.R.Q., c. A-29.
[32] La soussignée partage le même avis et estime que le travailleur n’a droit qu’au remboursement de 1 807 $, soit conformément aux tarifs prévus au Manuel des médecins spécialistes pour une reconstruction de la coiffe incluant une acromioplastie et la ténodèse du biceps ainsi qu’à la circulaire de Facturation des services externes pour une chirurgie externe.
[33] Tout comme dans la décision précitée, le tribunal estime que cette interprétation est conforme à l’esprit de la loi et qu’elle crée une équité entre tous les travailleurs.
[34] Le travailleur a fait grand cas du fait qu’il n’avait pas eu le choix puisque l’intervention pratiquée en clinique privée n’était pas offerte dans un délai acceptable dans le réseau public.
[35] Or, le tribunal n’interprète pas l’opinion du docteur Guimond-Simard de la même façon que le fait le travailleur et ne croit pas que l’intervention n’avait aucune chance de succès si elle n’était pas tentée durant l’année suivant la lésion professionnelle. D’ailleurs, ce médecin ne considère pas cette chirurgie comme étant urgente puisqu’il place le nom du travailleur sur la liste des chirurgies électives. À tout le moins l’aurait-il placé sur la liste des chirurgies semi-urgentes si une telle liste avait existé dans le centre hospitalier où il opère. Ceci ne reflète donc pas la très grande urgence décrite par le travailleur.
[36] Au surplus, le tribunal comprend que le travailleur puisse éprouver une certaine frustration envers les délais dans lesquels les services de santé lui ont été offerts. Cependant, ce sont les mêmes que ceux avec lesquels tous les autres travailleurs doivent composer. Le travailleur pouvait attendre et même si les pronostics de récupération étaient plus mitigés, il n’est pas certain que son épaule n’aurait pas récupéré. Il a préféré ne pas attendre et défrayer lui-même le coût d’une intervention chirurgicale au privé. Il s’agit du choix qu’il a fait et ce choix ne crée pas de droit pour le travailleur de se voir rembourser l’entièreté du coût de l’intervention chirurgicale qu’il a subie.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de monsieur Pierre Lalande, le travailleur;
CONFIRME la décision rendue le 19 avril 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement de la somme de 1 807 $ pour les frais relatifs à la chirurgie en clinique privée qu’il a subie.
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Guylaine Moffet |
Me Marie-Anne Lecavalier |
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Vigneault Thibodeau Bergeron |
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Représentante de la partie intervenante |
[1] « G - Musculo-squelettique : extrémités membres supérieurs : épaule » (MAJ 78 / octobre 2010 / 54 et MAJ 80 / octobre 2011 / 99) », dans RÉGIE DE L’ASSURANCE-MALADIE DU QUÉBEC, Manuel des médecins spécialistes (no 150), [S.l.], RAMQ, 2006, pp. G-16 - G19, [En ligne],
[2] « Facturation des services externes pour les responsabilités autres que celles du Ministère : centres hospitaliers (CH), centres locaux de services communautaires (CLSC), centres de santé et de services sociaux (CSSS) et centres de réadaptation (CR) », dans QUÉBEC (PROVINCE), MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX, Normes et pratiques de gestion : tome II : répertoire : annexe à la circulaire 2011-016 (03.01.42.19), 1er mai 2011, [En ligne],
[3] L.R.Q., c. A-3.001.
[4] L.R.Q., c. A-29.
[5] Leguerrier et (P.P.) Denis Leguerrier, [2008] C.L.P. 1264 .
[6] Péloquin et Imperco CSM inc., 2011 QCCLP 5976 .
AVIS :
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