Décision

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L'Écuyer et Construction Talbot & Fils

2010 QCCLP 6761

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Lévis

14 septembre 2010

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossier :

385213-03B-0907

 

Dossier CSST :

128311933

 

Commissaire :

Robin Savard, juge administratif

 

Membres :

Alexandre Beaulieu, associations d’employeurs

 

Marc Villeneuve, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Daniel L’Écuyer

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Construction Talbot & fils

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 27 juillet 2009, monsieur Daniel L’Écuyer (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue le 16 juillet 2009, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST se prononce sur deux décisions distinctes dont une seule est contestée par le travailleur. La CSST confirme la décision qu’elle a rendue initialement, le 25 mars 2009 et déclare que le travailleur a droit au remboursement des frais engagés pour ses consultations en psychiatrie, selon les tarifs de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).

[3]           En somme, la CSST confirme que le travailleur a droit à un remboursement de 845,55 $ pour les 9 consultations en psychiatrie qui furent tenues entre juillet 2008 et mars 2009, ce qui représente ce que la CSST rembourse comme coût de consultation en psychiatrie, selon les tarifs prévus à la RAMQ. (CSST R-128311933-009)

 

L’AUDIENCE

[4]           Une audience s’est tenue le 31 mars 2010 au Palais de justice de Thetford Mines. Le travailleur est présent mais non représenté. Construction Talbot & fils (l’employeur) n’est ni présent ni représenté. La CSST - Chaudière-Appalaches est représentée par Me Odile Tessier.

[5]           La CSST a déposé deux pièces, d’abord, sous la cote C-1, un document s’intitulant « Le Blogue Doc Mailloux » qui concerne le docteur Pierre Mailloux, psychiatre, et, sous la cote C-2, la mise à jour et les modifications en vigueur depuis le 4 juillet 2007, concernant la grille tarifaire s’appliquant aux médecins spécialistes, incluant les psychiatres.

 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[6]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’accueillir de sa requête, d’infirmer la décision rendue par la révision administrative de la CSST et de déclarer qu’il a droit à un remboursement supplémentaire de 216 $ pour chacune des 9 consultations tenues auprès du docteur Mailloux (9) entre la période de juillet 2008 et mars 2009. Cet écart de 216 $ représente la différence entre ce qu’il a payé au docteur Mailloux, soit 300 $/consultation, par rapport à ce que la CSST lui rembourse selon le tarif prévu de la RAMQ, soit 84 $, ce qui correspond à 216 $, montant qu’il réclame à la CSST pour chacune des 9 consultations. En somme, le travailleur demande au tribunal de déclarer que la CSST doit lui rembourser la somme de 1 944 $.


LES FAITS ET LA PREUVE

[7]           Le travailleur a subi une lésion professionnelle, le 14 juin 2005, alors qu’il exerçait son emploi de menuisier chez l’employeur. Cette lésion, au niveau de la colonne dorsale, a été reconnue par la CSST et elle fut consolidée avec des limitations fonctionnelles de classe 1 de l’Institut de recherche en santé et sécurité au travail (IRSST). La CSST a alors déterminé un emploi convenable qui a été contesté par le travailleur.

[8]           Dans une décision rendue le 8 avril 2008[1], ce commissaire a accueilli la requête du travailleur et déclaré que l’emploi de superviseur de commerces au détail ne constituait pas un emploi convenable pour le travailleur et qu’il avait toujours droit aux prestations prévues à la loi, jusqu’à ce que la CSST en détermine un nouveau.

[9]           Cependant, dès le 7 janvier 2008, le travailleur est référé en psychologie, sur la base d’un diagnostic probable d’anxiété et de dépression. Le travailleur produit une réclamation à la CSST pour faire reconnaître un état dépressif comme étant en relation avec sa lésion professionnelle initiale survenue le 14 juin 2005. La CSST refuse cette réclamation. Le travailleur a contesté les décisions de la CSST et la Commission des lésions professionnelles a, le 22 décembre 2008[2], accueilli la requête du travailleur, infirmé la décision de la CSST et déclaré que le travailleur présente, depuis le 12 mars 2008, une lésion professionnelle, reconnue à titre de récidive, rechute ou aggravation, qui lui a causé un état dépressif et pour laquelle il a droit aux prestations prévues à la loi.

[10]        Entre-temps, le travailleur fut suivi par madame Vicky Grenier, psychologue, qui le rencontre régulièrement depuis mars 2008. Cependant, cela ne fut pas suffisant, puisque, en date du 15 juillet 2008, le travailleur rencontre le docteur Pierre Mailloux, psychiatre, pour la première fois, qui l’examine et constate que le travailleur présente un état dépressif secondaire à un syndrome douloureux chronique survenu à la suite de son accident du travail du 14 juin 2005. Cet état dépressif nécessite des soins et des traitements immédiats qui ont été prodigués par le docteur Mailloux, au travailleur, dans son cabinet situé à Louiseville.

[11]        Le docteur Mailloux, qui assure le suivi psychiatrique du travailleur, le rencontre à 9 reprises, entre le mois de juillet 2008 et le mois de mars 2009. Pour chacune des consultations psychiatriques, le docteur Mailloux facture 300 $ au travailleur qui le paie, sans avoir, au préalable, vérifié si la CSST accepte de débourser cette somme ou non. Au total, pour les 9 consultations qu’a données le docteur Mailloux au travailleur, celui-ci lui a facturé une somme de 2 700 $ (9 X 300 $ = 2 700 $).

[12]        Le litige survient au moment où le travailleur demande le remboursement, à la CSST, de ces 9 consultations données par le docteur Mailloux qui assure le suivi de même que les soins et les traitements, sur le plan psychiatrique.

[13]        La CSST, par l’entremise de madame Audrey Robitaille-Lapointe, communique alors avec le docteur Mailloux et se questionne directement sur sa méthode de facturation auprès du travailleur. Cela appert des notes évolutives datées du 3 février 2009 qu’a colligées madame Lapointe et dont le tribunal croit nécessaire et utile de retranscrire textuellement. Ces notes se lisent comme suit :

2009-02-03 10:20:14, AUDREY ROBITAILLE-LAPOINTE, NOTE D’INTERVENTION

 

Titre : Appel au Dr Mailloux, facturation

 

ASPECT FINANCIER :

 

Appel à la clinique du Dr Mailloux.

 

Message laissé sur la boîte vocale que j’aimerais avoir un retour d’appel concernant la facturation, dans le dossier du T.

 

A-t-il facturé le T directement lors de ses visites? Si oui, quel était le montant?

 

En vertu de l’article 194 de la LATMP, les médecins sont tenus de réclamer à la CSST les montants fixés par la RAMQ pour les consultations.

 

Les montants fixés sont de 108,80 $ pour l’évaluation lors de la première rencontre et de 21,05 $/15 minutes de traitements, par la suite, ce qui ferait 84,20 $/heure.

 

Dr Mailloux doit donc rembourser le T si c’est lui qui l’a payé directement et facturé directement à la CSST, selon les tarifs de la RAMQ, pour les rencontres qui ont été effectuées jusqu’à ce jour.

 

Par la suite, il doit décider s’il continue de voir le T au tarif accordé par la RAMQ.

 

 

[14]        Toujours le 3 février 2009, madame Robitaille-Lapointe a eu un autre entretien avec le docteur Mailloux qui ne veut pas facturer selon la RAMQ. Cette discussion, dont un résumé fut rapporté par madame Robitaille-Lapointe, se lit comme suit :

2009-02-03 16:25:00, AUDREY ROBITAILLE-LAPOINTE, NOTE D’INTERVENTION

 

Titre : Retour d’appel du Dr Mailloux ne veut pas facturer selon la RAMQ

 

ASPECT FINANCIER :

 

Retour d’appel du Dr Mailloux :

 

Je lui dis que je l’appelais concernant la facturation faite au T. Je lui demande comment il procède. Il me dit que le T le consulte en clinique privée, au montant de 300 $/heure. Je lui explique qu’en vertu de la loi, considérant que le diagnostic psychologique est maintenant accepté, les médecins se doivent de facturer directement à la CSST les séances au tarif fixé par la RAMQ, soit 84,20 $, et ne peuvent demander la différence aux travailleurs. Le Dr Mailloux me dit qu’il s’agit d’un cas complexe et qu’il a aidé énormément le T au niveau psychologique, considérant qu’il tenait beaucoup de propos suicidaires et homicidaires. De plus, il a expertisé le T et l’a aidé à monter son dossier pour sa défense à la Commission des lésions professionnelles et ils ont gagné leur cause. Il me dit que le coût par consultation est bien de 300 $ et il ne remboursera pas le T. Il me dit qu’il pourrait peut-être faire des reçus pour 1 h 30 de consultation au lieu d’une heure et que la différence serait moins grande pour le T. Je lui dis que je ne peux faire cela. Il me dit que je n’a qu’à rembourser le T en vertu du tarif de la RAMQ et que le T pourra continuer de le consulter, en déboursant la différence. Je lui dis qu’en vertu de la loi et de la RAMQ, il ne peut faire cela. Le Dr Mailloux me dit qu’il est au courant et que le syndic de la RAMQ l’a déjà contacté à ce sujet et il lui aurait dit « fuck you », en lui disant que c’était son droit fondamental de charger ce qu’il veut à sa clientèle au privé, car les gens ont besoin de lui et parce qu’il a la compétence pour les aider. Il me dit qu’il y a des gens qui l’appellent de chaque coin de la province pour lui demander ses services. Je lui dis que c’est sa décision s’il ne tient pas compte de l’entente à laquelle il est lié, mais que, de mon côté, je suis liée à la loi. Je lui dis que je contacterai le T et en discuterai avec lui. Je lui demande s’il pourrait me fournir des reçus détaillés, pour les séances de thérapie et pour les consultations en vue de monter le dossier pour la CLP, car ces frais ne sont pas remboursables en vertu de la loi, car cela est comme les honoraires d’avocat et les expertises faites pour la défense à la CLP, qui ne sont pas remboursables. Il me dit d’appeler sa conjointe, qui reviendra de vacances lundi, car c’est elle qui s’occupe de la facturation. Il me dit que je pourrai m’entendre avec elle pour qu’elle me fasse parvenir des reçus. Je lui dis que c’est correct et le salue.

 

 

[15]        En somme, ce que la CSST dit au docteur Mailloux, c’est qu’il doit facturer ses services professionnels selon les tarifs de la RAMQ, soit 21,05 $ par tranche de 15 minutes de consultation, selon le code 08839 de C-2, puisque le patient du docteur Mailloux est âgé entre 18 et 65 ans. Au total, le travailleur consultait le docteur Mailloux, une heure à chaque rencontre, ce qui représente 4 X 21,05 $ = 84,20 $ par heure de consultation psychiatrique.

[16]        De plus, le document C-2 précise que le travailleur a droit à une somme de 108,80 $ pour la première consultation, ce qui inclut la visite principale et le supplément de consultation, selon le code 08780 du document C-2. Ce document démontre, qu’outre la première consultation principale, le taux horaire que charge un psychiatre et facture auprès de la RAMQ, est de 84,20 $ et non un montant de 300 $, tel que facturé par le docteur Mailloux au travailleur et posé par ce dernier directement au docteur Mailloux.

[17]        C’est donc cette différence de 216 $ par heure de consultation qu’il réclame auprès de la CSST. Cela représente donc un montant total de 1 944 $ (216 $ X 9 consultations = 1 944 $). C’est ce montant que réclame le travailleur auprès de la CSST qui a, d’abord, avisé le travailleur, le 4 février 2009, du montant qu’elle lui rembourserait, soit 84,20 $, au lieu des 300 $/heure qu’il a payés au docteur Mailloux directement.

[18]        Il y a lieu de reprendre textuellement les notes évolutives de madame Robitaille-Lapointe de la CSST, soit celles du 4 février 2009, qui se lisent comme suit :

2009-02-04 09:02:59, AUDREY ROBITAILLE-LAPOINTE, NOTE D’INTERVENTION

 

Titre : Appel au T - remboursement de psychiatrie au tarif de la RAMQ

 

ASPECT FINANCIER :

 

Appel au T :

 

Je lui dis que j’ai réussi à parler au Dr Mailloux hier concernant la facturation. Je dis au T que je me suis renseignée et que j’ai expliqué au Dr Mailloux qu’en vertu de la LATMP et de la RAMQ, les médecins sont tenus de facturer à la CSST selon les tarifs de la RAMQ et ne peuvent pas réclamer la différence aux T. Cependant, le Dr Mailloux me dit qu’il ne tient pas compte de cette entente et que c’est de son droit fondamental de réclamer la somme qu’il veut, en consultation privée. Cependant, de mon côté, j’explique au T que je peux seulement rembourser le tarif RAMQ, qui est de 84,20 $. T me dit que c’est correct, que j’ai seulement à lui rembourser la somme que je peux et qu’il paiera la différence au Dr Mailloux. Il me demande aussi de lui faire une lettre de refus, qu’il contestera à la Commission des lésions professionnelles, qui tranchera le tout, car il me dit qu’il doit continuer de consulter le docteur Mailloux pour sa santé et qu’aucun autre psychiatre ne veut être consulté lorsqu’il s’agit de la CSST, car cela est trop compliqué, selon le T. Je dis au T que j’appellerai la secrétaire du Dr Mailloux en début de semaine prochaine pour avoir des reçus et, par la suite, je rembourserai le T et lui ferai une lettre de refus qu’il sera en droit de contester et la Commission des lésions professionnelles tranchera par la suite. Je lui dis qu’il est préférable qu’il continue de voir le Dr Mailloux, si cela est nécessaire pour sa santé et je l’encourage à poursuivre en ce sens. Il me dit que c’est correct, me remercie et me salue.

 

 

[19]        Le 25 mars 2009, la CSST officialise toutes ces discussions tenues auprès du docteur Mailloux et du travailleur en rendant sa décision. Dans celle-ci, la CSST informe le travailleur qu’elle lui rembourse un montant total de 845,55 $ pour les 9 séances de consultation en psychiatrie que lui a données le docteur Mailloux, entre juillet 2008 et mars 2009. La CSST réitère que le taux horaire est de 84,20 $ par consultation, à l’exception de la première, qu’elle évaluait, à ce moment, à 171,95 $, ce qui est supérieur au montant qu’aurait généralement eu droit le travailleur en vertu de la pièce C-2 qui établit les codes et les montants qu’a droit un bénéficiaire pour les soins psychiatriques qu’il reçoit en cabinet privé.

[20]        Cependant, la procureure de la CSST a avisé le tribunal, dès le début de l’audience, qu’elle n’entendait pas réclamer au travailleur la différence entre ce qu’il a reçu lors de la première consultation et ce qu’il aurait dû recevoir.

[21]        Toujours, dans cette décision, la CSST avise le travailleur qu’il n’a donc pas droit au tarif horaire de 300 $ par consultation en psychiatrie auprès du docteur Mailloux, puisque cela excède l’entente prévue entre ces spécialistes et la RAMQ qui les rembourse au lieu et place de la CSST.

[22]        Le 27 mars 2009, le travailleur a contesté cette décision en indiquant qu’il consulte dans une région autre que celle où il habite, soit dans la région de l’Amiante ou de Chaudière-Appalaches, puisqu’il n’a pas le choix, car les soins psychiatriques qu’il a reçus étaient devenus une nécessité et c’est seulement le docteur Mailloux qui acceptait de le rencontrer le plus rapidement possible pour lui administrer des soins ou des traitements sur le plan psychologique.

[23]        La CSST a rendu une décision, le 16 juillet 2009, à la suite d’une révision administrative, qu’a contestée de nouveau le travailleur, le 27 juillet 2009, auprès de la Commission des lésions professionnelles, d’où le présent litige.

[24]        Lors de l’audience, le travailleur témoigne que le docteur Mailloux lui réclamait un montant de 300 $ par heure de consultation, payable par lui-même, puisqu’il considère qu’il le reçoit en cabinet privé ou selon un tarif privé. Le travailleur lui paie alors 300 $ par heure de consultation, puisqu’il ne connaît pas les tarifs d’un psychiatre ni le montant que ce dernier a droit de réclamer auprès de la CSST ou de lui-même, s’il le paie, comme il l’a fait lors des 9 consultations données entre la période de juillet 2008 à mars 2009.

[25]        Le travailleur dit qu’il n’avait pas le choix, car les médecins psychiatres du CLSC de sa région ou d’autres psychiatres à proximité de sa région ne pouvaient prodiguer ces soins ou ces traitements, sur le plan psychiatrique, à l’intérieur d’un délai raisonnable, puisqu’il y avait urgence en la matière.

[26]        Le travailleur ne comprend pas pourquoi la CSST paie un montant élevé à un médecin qui est désengagé du système de santé (RAMQ), lorsqu’elle lui demande de produire une expertise médicale en vertu de l’article 204 de la loi, alors que la durée moyenne est d’environ une heure mais qu’elle refuse de payer un taux horaire de 300 $ l’heure pour une consultation tenue auprès d’un psychiatre. Il considère cela comme étant inéquitable pour les travailleurs accidentés qui ont besoin de ces traitements ou de ces soins.

[27]        Le travailleur ne pouvait pas attendre de rencontrer un psychiatre faisant partie du régime public. C’est la raison pour laquelle il a rencontré immédiatement le docteur Mailloux qui l’a pris en charge pour son suivi psychologique. Le travailleur avait besoin d’aide et le docteur Mailloux lui a donné celle-ci au moment où il en avait besoin. Il considère que le tarif facturé par le docteur Mailloux est raisonnable et ajoute que sa santé mentale s’est améliorée depuis le début des soins et traitements.

[28]        Pour sa part, la procureure de la CSST a fait quelques recherches, dont les données obtenues en date du 18 mars 2010 mentionnent la liste des professionnels de la santé non participants ou désengagés à la RAMQ, avec adresse de pratique au Québec de ces médecins. Dans cette liste, Me Tessier constate que le docteur Pierre Mailloux, psychiatre, n’y apparaît pas comme médecin spécialiste désengagé. Elle présume donc que le docteur Mailloux était toujours un médecin « engagé » auprès de la RAMQ. Elle souligne que les médecins spécialistes, notamment les psychiatres, ont conclu une entente, par l’entremise de la Fédération des médecins spécialistes, avec la RAMQ, pour les tarifs publics qu’ils ont droit pour les consultations tenues avec les patients, lorsque ces médecins ne sont pas désengagés du système d’assurance maladie du Québec. Elle fait état notamment de la pièce C-2 qui est la grille de tarification datant de 2007, mais qui a été refondue depuis mai 2009.

[29]        Elle dépose aussi, sous la cote C-1, le « Blogue Doc Mailloux » qui date du 9 mars 2010. On fait état dans ce « blogue » que le docteur Mailloux considère que c’est son droit le plus fondamental de recevoir, d’évaluer la situation et de fournir son opinion concernant un patient et qu’il juge que cette expertise vaut 300 $ l’heure et que ses clients le savent. Ce « Blogue » est fait dans le contexte d’un litige entre le docteur Mailloux et la RAMQ.

[30]        La procureure de la CSST admet qu’elle ne remet pas en cause le choix du travailleur de son médecin traitant, soit le psychiatre Pierre Mailloux, ni son droit à l’assistance médicale ni au remboursement des frais et/ou des traitements qu’il reçoit pour sa lésion professionnelle reconnue sur le plan psychique, à compter du 12 mars 2008. Ce n’est que le montant réclamé par le travailleur, soit 1 944 $, qu’elle considère comme non dû par la CSST qui lui a remboursé ce à quoi le travailleur a droit, soit un taux horaire de 84,20 $ X 9 consultations + un montant additionnel pour la consultation principale.

[31]        Elle soumet les articles de loi applicables en l’espèce, tant en vertu de la LATMP que sur la Loi sur l’assurance maladie (LAM)[3]. Elle dépose aussi 8 décisions[4] à l’appui des prétentions de la CSST, considère que le travailleur ne s’est pas déchargé de son fardeau de la preuve et que la décision rendue le 16 juillet 2009 par la CSST est bien fondée et doit être maintenue par le tribunal.


L’AVIS DES MEMBRES

[32]        Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis de rejeter la requête du travailleur, même s’ils reconnaissent l’urgence de la situation qui l’a amené à consulter le docteur Pierre Mailloux, psychiatre, pour y recevoir des soins et des traitements sur le plan psychologique et qu’il y avait nécessité de ces traitements.

[33]        Cependant, les membres sont d'avis que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[5] (la LATMP) est d’ordre publique et doit être respectée, notamment par ceux qui y sont visés, entre autres, les médecins spécialistes qui ont pris des ententes avec la RAMQ pour administrer des soins et/ou des traitements à des travailleurs accidentés et indemnisés par la CSST.

[34]        Les membres sont d'avis que la CSST est bien fondée, tant en équité qu’en droit envers les autres travailleurs, à rembourser au travailleur le montant prévu de 84,20 $, pour chacune des 9 consultations données par le docteur Pierre Mailloux, psychiatre, au travailleur, entre la période de juillet 2008 et mars 2009, et ce, selon le tarif de la RAMQ, et la pièce C-2 qui prévoit ces tarifs.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[35]        La Commission des lésions professionnelles doit décider si la CSST était tenue de rembourser au travailleur le montant de 300 $ par séance de consultation psychiatrique donnée par le docteur Pierre Mailloux, psychiatre, qu’il a facturé pour les soins et les traitements qu’il lui a prodigués ou encore le montant que le docteur Mailloux aurait dû recevoir de la RAMQ, c’est-à-dire en moyenne une somme de 84,20 $ l’heure pour chaque consultation.

[36]        Cette question se pose peu importe si le docteur Mailloux a ou non le statut de non participants au régime d’assurance maladie du Québec ou encore exerçait sa pratique en cabinet privé, à Louiseville, au moment de ces 9 consultations.

[37]        En somme, le travailleur réclame à la CSST une somme de 1 854,45 $ qui représente la différence entre le montant que lui a facturé le docteur Mailloux et payé par lui-même, soit 2 700 $, et les sommes que lui a déjà versées la CSST en vertu des tarifs de la RAMQ, soit 845,55 $ pour les 9 séances données par le docteur Mailloux, pendant la période de juillet 2008 jusqu’à mars 2009.

[38]        Dans un premier temps, le tribunal souligne que la preuve n’est pas concluante, à savoir si le docteur Pierre Mailloux, psychiatre, qui a exercé sa profession dans son cabinet privé situé à Louiseville, était alors un médecin spécialiste ayant le statut de non-participant auprès de la RAMQ ou non.

[39]        Le tribunal en arrive à cette conclusion à partir des documents déposés par la CSST et notamment du fait qu’en date du 18 mars 2010, le nom du docteur Pierre Mailloux, psychiatre, n’apparaissait pas comme étant l’un des médecins spécialistes désengagés ou non participants au régime de l’assurance maladie du Québec.

[40]        D’ailleurs, selon son « blogue », déposé sous la cote C-1, il semble que le docteur Mailloux voit alors ses patients à son cabinet de Trois-Rivières qui ont recours à son expertise psychiatrique pour des besoins variés, notamment pour les cas de Société d’assurance automobile du Québec (la SAAQ), de la CSST ou de compagnies d’assurances, etc. Selon ce « blogue », qui n’a pu être vérifié, le docteur Mailloux prétend que son expertise, dans le domaine de sa spécialité, vaut 300 $ l’heure et que ses clients le savent. C’est d’ailleurs ce que le travailleur a mentionné à l’audience.

[41]        Ceci étant dit, et ce, même si le docteur Mailloux n’est pas un médecin désengagé, ou encore non participants du régime d’assurance maladie du Québec, il n’en demeure pas moins que la Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur n’a pas droit au montant qu’il réclame auprès de la CSST, soit 1 854,45 $, et ce, en raison des articles de loi de la LATMP et de la LAM et aussi des motifs suivants :

[42]        D’abord, référons aux articles de la LATMP qui discutent de l’assistance médicale.

[43]        L’article 188 de la LATMP. prévoit que :

188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.

__________

1985, c. 6, a. 188.

 

 

[44]        L’article 189 de la LATMP définit l’assistance médicale de la façon suivante :

189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit:

 

1°   les services de professionnels de la santé;

 

2°   les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);

 

3°   les médicaments et autres produits pharmaceutiques;

 

4°   les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons, les services ambulanciers et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;

 

5°   les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.

__________

1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.

 

 

[45]        L’article 192 de la LATMP prévoit que le travailleur a le libre choix de son médecin. Cet article se lit comme suit :

192. Le travailleur a droit aux soins du professionnel de la santé de son choix.

__________

1985, c. 6, a. 192.

 

 

[46]        Le coût de l’assistance médicale est à la charge de la CSST et le médecin ne peut réclamer ce coût au travailleur en vertu de l’article 194 de la LATMP :

194. Le coût de l'assistance médicale est à la charge de la Commission.

 

Aucun montant ne peut être réclamé au travailleur pour une prestation d'assistance médicale à laquelle il a droit en vertu de la présente loi et aucune action à ce sujet n'est reçue par une cour de justice.

__________

1985, c. 6, a. 194.

 

 

[47]        Le mode de paiement des honoraires d’un médecin pour les soins qu’il prodigue à un travailleur est décrit aux articles 196 , 197 et 198 de la LATMP :

196. Les services rendus par les professionnels de la santé dans le cadre de la présente loi et visés dans le quatorzième alinéa de l'article 3 de la Loi sur l'assurance maladie (chapitre A-29), édicté par l'article 488, y compris ceux d'un membre du Bureau d'évaluation médicale, d'un comité des maladies professionnelles pulmonaires ou d'un comité spécial agissant en vertu du chapitre VI, à l'exception des services rendus par un professionnel de la santé à la demande de l'employeur, sont payés à ces professionnels par la Régie de l'assurance maladie du Québec conformément aux ententes intervenues dans le cadre de l'article 19 de la Loi sur l'assurance maladie.

__________

1985, c. 6, a. 196; 1992, c. 11, a. 10; 1999, c. 89, a. 43, a. 53.

 

 

197. La Commission rembourse à la Régie de l'assurance maladie du Québec le coût des services visés dans l'article 196 et les frais d'administration qui s'y rapportent.

__________

1985, c. 6, a. 197; 1996, c. 70, a. 6; 1999, c. 89, a. 53.

 

 

198. La Commission et la Régie de l'assurance maladie du Québec concluent une entente qui a pour objet les règles régissant le remboursement des sommes que la Régie débourse pour l'application de la présente loi et la détermination des frais d'administration qu'entraîne le paiement des services visés à l'article 196.

__________

1985, c. 6, a. 198; 1996, c. 70, a. 7; 1999, c. 89, a. 53.

 

 

[48]        Or, le quatorzième alinéa de l’article 3 de la Loi sur l’assurance maladie[6] (LAM)[7] auquel fait référence l’article 196 de la LATMP prévoit que :

3.  Le coût des services suivants qui sont rendus par un professionnel de la santé est assumé

par la Régie pour le compte de toute personne assurée, conformément aux dispositions de la présente loi et des règlements:

 

[…]

 

La Régie assume aussi le coût des services qui sont rendus par un professionnel de la santé dans le cadre de la Loi sur les accidents du travail ( chapitre A-3) ou de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ( chapitre A-3.001), y compris ceux d'un membre du Bureau d'évaluation médicale ou d'un membre d'un comité des maladies professionnelles pulmonaires ou d'un comité spécial agissant en vertu du chapitre VI de cette loi, mais à l'exception des services rendus par un professionnel de la santé à la demande de l'employeur.

__________

1970, c. 37, a. 3; 1970, c. 38, a. 2; 1971, c. 47, a. 2; 1971, c. 48, a. 160, a. 161; 1973, c. 30, a. 2; 1973, c. 49, a. 45; 1973, c. 52, a. 31; 1974, c. 40, a. 2; 1975, c. 60, a. 1; 1977, c. 44, a. 2; 1979, c. 1, a. 2; 1979, c. 63, a. 273; 1981, c. 22, a. 1; 1985, c. 6, a. 488; 1986, c. 79, a. 2; 1989, c. 50, a. 2; 1991, c. 42, a. 558; 1992, c. 19, a. 1; 1992, c. 21, a. 101; 1985, c. 23, a. 1; 1992, c. 21, a. 101; 1992, c. 11, a. 77; 1994, c. 8, a. 2; 1994, c. 23, a. 23; 1996, c. 32, a. 89; 1999, c. 24, a. 14; 1999, c. 89, a. 2, a. 42; 2002, c. 69, a. 122; 2002, c. 33, a. 8; 2005, c. 40, a. 32.

 

 

[49]        De plus, les dispositions transitoires de la LATMP prévoient à l’article 586 que :

586. Malgré le quatorzième alinéa de l'article 3 de la Loi sur l'assurance-maladie (chapitre A-29), édicté par l'article 488, la Commission assume le coût d'un service visé dans cet alinéa tant qu'une entente visée dans le deuxième alinéa de l'article 19 de cette loi, édicté par l'article 489, n'est pas en vigueur relativement à ce service.

 

La Commission fixe ce coût d'après ce qu'il serait convenable et raisonnable de réclamer du travailleur pour un service semblable s'il devait le payer lui-même.

__________

1985, c. 6, a. 586; 1999, c. 89, a. 44.

 

 

[50]        Le deuxième alinéa de l’article 19 de la LAM[8] auquel fait référence l’article 586 de la LATMP prévoit que :

19.  Le ministre peut, avec l'approbation du Conseil du trésor, conclure avec les organismes représentatifs de toute catégorie de professionnels de la santé, toute entente pour l'application de la présente loi.

 

Une entente peut prévoir notamment que la rémunération de services assurés varie selon des règles applicables à une activité, un genre d'activité ou l'ensemble des activités d'un professionnel de la santé, ou aux activités d'une catégorie de professionnels ou d'une spécialité à laquelle il appartient. Une telle entente peut aussi prévoir différents modes de rémunération dont les modes de rémunération à l'acte, à honoraires forfaitaires et à salaire. Elle peut en outre prévoir, à titre de compensation ou de remboursement, le versement de divers montants tels des primes, des frais ou des allocations.

­­­­­­­­­­­­­___________

1970, c. 37, a. 15; 1970, c. 42, a. 17; 1973, c. 30, a. 6; 1973, c. 49, a. 45; 1974, c. 40, a. 8; 1979, c. 1, a. 14; 1981, c. 22, a. 4; 1984, c. 47, a. 15; 1985, c. 6, a. 489; 1991, c. 42, a. 564; 1994, c. 23, a. 7; 1998, c. 39, a. 177; 1999, c. 89, a. 24; 2000, c. 8, a. 241; 2002, c. 66, a. 17; 2005, c. 32, a. 308.

 

 

[51]        Ici, il n’est pas clair si le docteur Mailloux est un médecin non participant au régime public de la RAMQ. L’article 1 de la LAM définit le professionnel non participant de la façon suivante :

1.  Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, les expressions et mots suivants signifient ou désignent:

 

[…]

 

e) «professionnel non participant»: un professionnel qui exerce sa profession en dehors des cadres du régime institué par la présente loi mais qui n'accepte pas d'être rémunéré suivant le tarif prévu à une entente ou qui fait l'objet d'une ordonnance émise en vertu de l'article 77, 77.0.1 ou 77.1.1 et dont tous les patients assument seuls le paiement des honoraires qui comprennent le prix des médicaments dans le cas d'un pharmacien;

___________

1970, c. 37, a. 1; 1970, c. 38, a. 1; 1971, c. 47, a. 1; 1973, c. 30, a. 1; 1973, c. 49, a. 45; 1974, c. 40, a. 1; 1977, c. 44, a. 1; 1979, c. 1, a. 1; 1985, c. 23, a. 24; 1986, c. 79, a. 1; 1989, c. 50, a. 1; 1991, c. 42, a. 556; 1992, c. 21, a. 100; 1994, c. 8, a. 1; 1994, c. 23, a. 23; 1996, c. 32, a. 88; 1999, c. 89, a. 1, a. 42; 2001, c. 60, a. 166.

 

 

 

[52]        Le tribunal considère qu’en vertu des articles 188 , 189 et 192 de la LATMP, le travailleur a droit de choisir le docteur Mailloux à titre de médecin traitant, même s’il peut être un professionnel non participant. En somme, la CSST ne peut s’immiscer dans ce choix.

[53]        C’est ce qu’enseigne la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (C.A.L.P.) dans l’affaire Bexel (1979) inc. et Boudreault[9] alors qu’elle s’exprime ainsi :

En l’espèce rien dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ne permet à la Commission de soumettre le libre choix du professionnel de la santé à quelque critère que ce soit. Aussi la Commission d’appel en vient à la conclusion qu’on ne peut soumettre le choix du travailleur à un critère basé sur l’éloignement du médecin choisi.

 

 

[54]        D’ailleurs, ici, la CSST ne conteste pas le droit du travailleur aux soins du docteur Mailloux qui exerce en clinique privée, mais estime qu’elle n’a pas à rembourser la totalité des frais encourus par le travailleur pour consulter ce professionnel de la santé de son choix, surtout s’il facture plus que ce que la LATMP et la RAMQ prévoient.

[55]        Dans le litige actuel, la Commission des lésions professionnelles estime que la CSST doit payer le montant fixé selon le tarif de la RAMQ et, à cet égard, le soussigné fait siens les commentaires de la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Brousseau et Isolation confort ltée[10] lorsqu’elle mentionne en obiter dictum ce qui suit :

[22]      De plus, la soussignée ne croit pas que la loi puisse permettre à un travailleur accidenté de bénéficier d’une médecine plus onéreuse que celle couverte par la Loi sur l’assurance-maladie et à laquelle ne peut prétendre la majorité des citoyens puisqu’il s’agirait d’une injustice et d’une iniquité à l’encontre de l’ensemble des citoyens du Québec.

 

 

[56]        Par ailleurs, le remboursement du coût des soins d’un médecin non participant au régime de la RAMQ, alors que les services rendus font l’objet d’une entente entre les fédérations médicales et le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), n’est pas expressément prévu à la LATMP; il faut donc s’en remettre à l’intention du législateur.

[57]        Or, la LATMP prévoit le mécanisme de paiement des honoraires des médecins pour les soins donnés relativement à une lésion professionnelle. 

[58]        Selon l’article 196 de la LATMP, le médecin doit facturer la RAMQ pour les services fournis au travailleur accidenté conformément aux ententes intervenues dans le cadre de l’article 19 de la LAM. La CSST rembourse alors le coût de ces services à la RAMQ selon l’article 197 de la LATMP.

[59]        En vertu de l’article 586 de la LATMP, ce n’est qu’à défaut d’entente entre les fédérations médicales et le MSSS à ce sujet que la CSST assume le coût du service d’après ce qu’il serait convenable et raisonnable de réclamer du travailleur pour un service semblable si le travailleur devait le payer lui-même.

[60]        Force est de constater, ici, et à la lecture du dossier, qu’il existe une entente entre les fédérations médicales et le MSSS visant les actes professionnels posés par le docteur Mailloux à l’égard du travailleur. Cela appert des discussions tenues entre madame Lapointe, de la CSST, et le docteur Mailloux de même que les documents déposés par la CSST.

[61]        La Commission des lésions professionnelles en infère donc que la volonté du législateur est que les services posés par un médecin dans le cadre de la LATMP et qui font l’objet d’une entente entre les fédérations médicales et le MSSS en vertu des articles 196 de cette loi et 19 de la LAM soient remboursés selon le tarif du régime public de la RAMQ, puisque ce n’est qu’à défaut d’entente que la LATMP prévoit que la CSST rembourse un coût convenable et raisonnable pour ce service.

[62]        Au surplus, l’article 194 de la LATMP prévoit qu’aucun montant ne peut être réclamé au travailleur pour une prestation d’assistance médicale à laquelle elle a droit en vertu de la LATMP et qu’aucune action en justice à ce sujet n’est recevable par une cour de justice.

[63]        Or, si le docteur Mailloux est un professionnel non participant au régime public, il ne pouvait pas plus demander au travailleur le remboursement des coûts du service offert, puisqu’il doit s’adresser à la RAMQ en vertu de la LATMP et de la LAM. C’est à ce moment qu’il se verra rembourser le montant prévu à l’entente. Il faut donc en conclure que ce professionnel, même non participant, ne peut demander un coût supérieur à ce qui est prévu à l’entente, ni au travailleur ni à la CSST. En effet, la loi ne permet pas de faire indirectement ce que l’on ne peut faire directement.

[64]        Étant donné que le docteur Mailloux ne peut réclamer à la CSST un montant supérieur à celui prévu à l’entente, le travailleur, qui a acquitté le coût des services rendus à ce professionnel de la santé, ne peut avoir plus de droit que celui-ci aurait eu s’il avait facturé directement à la CSST.

[65]        En somme, le travailleur a seulement droit au remboursement, par la CSST, des frais de consultation médicale qu’il a payés au docteur Mailloux, selon les tarifs de la RAMQ et non ceux facturés par le docteur Mailloux.

[66]        Ce faisant, pour la différence de tarif, le tribunal estime que ce n’est pas à la CSST à rembourser au travailleur le coût excédentaire chargé par le docteur Mailloux.

[67]        Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur a droit au remboursement partiel des dépenses qu’il a occasionnées à la suite des visites médicales chez le docteur Mailloux, soit l’équivalent du taux horaire autorisé par la RAMQ, soit 84,20 $/heure.

[68]        Bien que le tribunal constate la situation urgente qui a nécessité des soins et des traitements rapides auprès du docteur Mailloux, compte tenu de l’état de santé mentale du travailleur au moment du début des traitements, soit en juillet 2008, il n’en demeure  pas moins que la preuve, ou encore l’absence de preuve, ne démontre pas que le travailleur s’est adressé à la CSST pour obtenir des soins ou des traitements auprès du docteur Mailloux, à un tarif plus élevé que ce qu’accorde la RAMQ et la réglementation applicable, le tout tel qu’il appert de la pièce C-2, soit 84,20 $ par heure de consultation, et ce, même en cabinet privé.

[69]        Or, c’est ce taux horaire qu’a accordé la CSST pour chacune des 9 séances de soins et/ou de traitements reçues par le travailleur auprès du docteur Mailloux, à partir de son cabinet privé situé à Louiseville.

[70]        De plus, le travailleur n’a pu démontrer, par une prépondérance de preuve, qu’il n’existe pas d’entente entre les médecins spécialistes en psychiatrie et la RAMQ, à tout le moins pour ceux qui sont toujours engagés ou participants auprès de la RAMQ, avec adresse de pratique au Québec.

[71]        Le travailleur, pas plus que le docteur Mailloux, n’est au-dessus de la loi et de la réglementation applicable. Par conséquent, le travailleur n’a droit qu’à ce que prévoient les lois et les réglementations applicables pour les soins et/ou les traitements psychiatriques qu’il a reçus auprès du docteur Mailloux, qu’il soit désengagé ou non du système public d’assurance maladie du Québec, soit 84,20 $ par séance d’une heure et non de 300 $/heure, tel que facturé par le docteur Mailloux, au travailleur qui lui a versé cette somme mais sans vérifier auprès de la CSST si ce tarif était justifié, et ce, avant d’en demander le remboursement auprès de la CSST.

[72]        Le tribunal rappelle au travailleur que la LATMP est une loi d’ordre public, le tout tel que le stipule l’article 4 qui se lit comme suit :

 

4. La présente loi est d'ordre public.

 

Dispositions plus avantageuses.

 

Cependant, une convention ou une entente ou un décret qui y donne effet peut prévoir pour un travailleur des dispositions plus avantageuses que celles que prévoit la présente loi.

_____________

1985, c. 6, a. 4.

 

 

[73]        Le tribunal est aussi conscient que le travailleur avait besoin de ces soins immédiatement ou encore le plus tôt possible, et ce, dès juillet 2008, puisqu’aucun médecin psychiatre de sa région ou près de celle-ci ne pouvait lui administrer des soins et des traitements sur le plan psychologique, en raison de cette lésion professionnelle qui ne fut reconnue que lors de la décision rendue le 22 décembre 2008 par la Commission des lésions professionnelles.

[74]        Par contre, le tribunal doit appliquer la loi et sa réglementation et, dans ce cas-ci, il ne peut accorder une somme supérieure à ce que prévoient la loi et la réglementation applicables. Ce n’est pas au tribunal à modifier la loi et la réglementation applicables mais plutôt au législateur ou encore au gouvernement en place.

[75]        C’est donc à bon droit que la CSST a versé un total de 845,55 $ au travailleur pour les 9 séances de consultation psychiatrique tenues auprès du docteur Mailloux, durant la période de juillet 2008 à mars 2009, et non ce qu’il réclamait au total pour ces 9 séances, soit 2 700 $, qui correspond à 300 $ par séance de consultation, au lieu de 84,20 $ que prévoit la LAM, selon le tarif de la RAMQ. Or, c’est ce taux horaire qui était toujours en vigueur au moment de ces consultations et il doit s’appliquer.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête produite par monsieur Daniel L’Écuyer (le travailleur);

CONFIRME la décision rendue, le 16 juillet 2009, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative; et


 

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais engagés pour ses consultations en psychiatrie selon les tarifs de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), soit un total de 845,55 $, pour les 9 séances reçues durant la période de juillet 2008 à mars 2009.

 

 

__________________________________

 

Robin Savard

 

 

 

 

Me Odile Tessier

VIGNEAULT, THIBODEAU, GIARD

Représentant de la partie intervenante

 



[1]           L’Écuyer et Construction Talbot et fils, C.L.P. 326812-03B-0708, M. Racine.

[2]           L’Écuyer et Construction Talbot et fils, C.L.P. 347395-03B-0804, C. Lavigne

[3]           L.R.Q., c. A-29.

[4]           Pearson et Amusements spectaculaires inc., C.L.P. 306256-07-0612, 25 octobre 2007, S. Séguin; Nadeau et C & R Développement inc., C.L.P. 329784-07-0710, 15 août 2008, P. Sincennes; Lauzon et Sécurité des incendies de Montréal, C.L.P. 324259-63-0707, 30 octobre 2008, L. Morissette; Morin et Experts sur roues, C.L.P. 334450-07-0711, 17 novembre 2008, P. Sincennes; Leguerrier et (P.P.) Denis Leguerrier, C.L.P. 341244-64-0802, 26 février 2009, R. Daniel; Gagnon et Service correctionnel du Canada, C.L.P. 327377-63-0709, 16 juillet 2009, L. Morissette; Langlois et Centre de chirurgie Rive-Sud inc., C.L.P. 368601-62-0901, 26 août 2009, R. L. Beaudoin; Bédard et Location A & C inc., C.L.P. 332722-63-0711, 4 mars 2010, D. Besse.

[5]          L.R.Q., c. A-3.001.

[6]           L.R.Q., c. A-29

[7]           Cet alinéa est édicté par l’article 488 de la LATMP et la modification qu’elle apporte y est intégrée.

[8]           Cet alinéa est édicté par l’article 489 de la LATMP et la modification qu’elle y apporte y est intégrée.

[9]           C.A.L.P. 02462-62-8703, 21 septembre 1988, R. Brassard

[10]         C.L.P. 217221-64-0310, 4 février 2005, G. Godin (décision accueillant une requête en révision)

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