Aris-Jaboin et Hôpital Louis-H. Lafontaine |
2008 QCCLP 27 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 23 septembre 2005, madame Serette Aris-Jaboin (la travailleuse) dépose une requête en révision à l’encontre de la décision rendue le 12 août 2005 par la Commission des lésions professionnelles.
[2] Cette décision confirme les décisions rendues par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) les 18 septembre 2003 et 8 janvier 2004, et déclare que la travailleuse est capable d’exercer l’emploi convenable d’infirmière ailleurs que dans un hôpital, à compter du 17 septembre 2003.
[3] À l’audience tenue le 13 décembre 2007, la travailleuse, l’Hôpital Louis-H. Lafontaine (l’employeur) et la CSST étaient présents et représentés par procureures.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] La travailleuse demande de réviser la décision rendue le 12 août 2005 et de déclarer que l’emploi d’infirmière hors du milieu hospitalier, ne constitue pas un emploi convenable au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Les deux membres, issus respectivement des associations d’employeurs et syndicales, sont d’avis que la requête devrait être rejetée et ce, pour les mêmes motifs que ceux ci-après élaborés par le commissaire soussigné.
LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[6] Le tribunal doit décider s’il y a lieu de réviser la décision rendue le 12 août 2005.
[7] C’est l’article 429.56 de la loi qui permet à la Commission des lésions professionnelles de réviser ou de révoquer une décision qu’elle a rendue. Cette disposition définit les critères qui donnent ouverture à la révision ou la révocation d’une décision.
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[8] Cette disposition doit cependant être lue en conjugaison avec l’alinéa troisième de l’article 429.49 de la loi, qui indique le caractère final et sans appel des décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles.
429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
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1997, c. 27, a. 24.
[9] Le tribunal est d’avis que le législateur a voulu ainsi s’assurer de la stabilité juridique des décisions rendues. Il y a donc lieu de tenir compte de ces objectifs, aux fins d’interpréter ces deux dispositions législatives.
[10] Dans le présent dossier, c’est le motif d’un « vice de fond » qui est invoqué pour invalider la décision rendue. La Commission des lésions professionnelles de même que les tribunaux judiciaires se sont prononcés à plusieurs occasions sur la portée du paragraphe troisième de l’article 429.56[2]. La lecture de ces décisions indique qu’une erreur de faits ou de droit peut constituer un « vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision », si le requérant démontre que cette erreur est manifeste et déterminante eu égard à l’objet de sa contestation.
[11] Au même effet la Cour d’appel dans l’affaire Fontaine[3], rappelle les propos du juge Fish dans l’affaire Godin[4] qui précisait que pour qu’une irrégularité soit susceptible de constituer un vice de fond, il doit s’agir d’un « defect so fundamental as to render (the decision) invalid (…), a fatal error ». De même dans l’arrêt Bourassa[5], la Cour d’appel avait précisé qu’une décision pouvant donner ouverture à la procédure prévue à l’article 429.56, devait être « entachée d’une erreur manifeste de droit ou de faits qui a un effet déterminant sur le litige ».
[12] Dans le présent dossier, la travailleuse qui était alors âgée de 48 ans et qui occupait la fonction d’infirmière adjointe, a été victime d’un accident du travail le 27 février 2001.
[13] Lorsqu’elle s’est assise sur une chaise à roulettes, la travailleuse a reculé et elle est tombée par terre. Un diagnostic préliminaire d’entorse dorsolombaire et à l’épaule droite a été posé. De plus, une échographie a confirmé la rupture complète du sus-épineux de l’épaule droite. En relation avec l’épaule et le dos, un déficit anatomo-physiologique de 12% a été reconnu de même que les limitations fonctionnelles qui en résultent.
[14] Au mois de mai 2002, la travailleuse a été référée en réadaptation.
[15] Après une étude effectuée par un ergonome, il a été convenu que la travailleuse ne pouvait refaire son travail d’infirmière chez l’employeur, compte tenu des limitations fonctionnelles résultant de sa lésion professionnelle et des exigences de cette fonction.
[16] Une conseillère en réadaptation, madame Bachand, a retenu les services de madame Hodge, conseillère en placement, qui a rencontré la travailleuse aux fins de déterminer avec elle le type de travail qu’elle pourrait faire, les différents employeurs à cibler et les démarches à effectuer.
[17] Dans le cadre de son témoignage, madame Hodge a déclaré « qu’elle avait comme tâche de regarder des emplois dans le domaine de la santé ». Elle a ainsi fait des approches auprès de CLSC, à Info-Santé, elle a regardé des postes d’infirmière visiteuse de même que ceux d’infirmière en foyer privé ou pour des compagnies d’assurance.
[18] Lors d’une seconde rencontre avec la travailleuse le 18 janvier 2003, elle lui a remis son curriculum vitae de même qu’une lettre de présentation. Elle a également expliqué à la travailleuse comment effectuer ses démarches.
[19] Quant à elle, madame Hodge a continué ses recherches auprès de laboratoires pharmaceutiques, auprès d’Héma-Québec, de même que dans le domaine de l’enseignement pour infirmière ou pour être accompagnatrice de stage. Elle a aussi pensé à un poste d’infirmière dans le milieu scolaire, dans le milieu privé, en enseignement et en soins prénataux.
[20] À la suite d’une troisième rencontre, elle a fait un rapport à madame Bachand de la CSST, eu égard entre autres à la motivation de la travailleuse. Un nouveau mandat lui aurait alors été confié, « soit celui de mener une nouvelle recherche d’emploi et d’accompagner la travailleuse dans ses démarches et même de faire des démarches à sa place ». C’est alors qu’elle « a constaté que la travailleuse avait beaucoup de réticence à l’idée de rejoindre le marché du travail ». Pourtant, « les postes qu’elle a discuté avec la travailleuse étaient très disponibles sur le marché du travail et les possibilités d’embauche dans le domaine de la santé sont très bonnes ». À titre d’exemple, un poste d’infirmière était ouvert à la travailleuse « à la Villa Val des Arbres, mais cette dernière l’a refusé sous prétexte qu’elle aurait à pousser un chariot de médicaments et qu’elle ne serait pas capable de le faire ». Madame Hodge termine son témoignage en précisant que « la travailleuse exprimait toujours des craintes et des empêchements et son conjoint était souvent là pour lui rappeler ses incapacités ». De même, « la travailleuse insistait toujours auprès d’employeurs possibles sur ses restrictions et incapacités, ce qui n’aidait pas à ses démarches ».
[21] Dans le cadre de son témoignage, madame Bachand de la CSST rappelle d’abord que « la recherche d’un emploi chez l’employeur avait été négative et la travailleuse le reconnaissait et l’acceptait ». Il fallait donc faire une recherche hors du milieu hospitalier.
[22] Madame Bachand précise que « la travailleuse exprimait des craintes de ne rien trouver, voulait de la sécurité d’emploi et que les démarches soient faites par d’autres ». En somme, « elle estimait qu’il revenait à la CSST de lui trouver un emploi qui répondait à toutes ses exigences ».
[23] Madame Bachand « a longuement parlé à la travailleuse et s’est bien rendue compte qu’elle avait toujours des motifs de refuser tout ce qui pouvait lui être présenté ». Ainsi, après avoir reçu les rapports de madame Hodge, elle a rendu la décision concernant l’emploi convenable et la capacité de la travailleuse à l’exercer. Madame Bachand indique que « la travailleuse a immédiatement fait connaître son désaccord et a insisté sur son incapacité de travailler ».
[24] La décision de la Commission des lésions professionnelles indique aussi qu’en contre-interrogatoire, « madame Bachand explique que c’est la travailleuse elle-même qui avait demandé d’exclure tout emploi en milieu hospitalier ».
[25] Elle termine son témoignage en précisant « qu’elle a travaillé de concert avec madame Hodge et a constaté que les emplois étaient nombreux dans le milieu de la santé ».
[26] Plus précisément au titre des motifs de la décision, il est précisé que « l’employeur n’ayant pas de poste de travail à offrir à la travailleuse, telle que restreinte et limitée dans ses capacités physiques, il revenait alors à la CSST par son service de réadaptation, de trouver un emploi pour la travailleuse ».
[27] Après avoir rappelé la définition de l’emploi convenable retenu dans l’affaire Labonté[6], la décision s’interroge à savoir ce « qu’a fait la CSST dans les circonstances ? ».
[28] La décision rappelle que la CSST a d’abord retenu les services d’une conseillère en emploi, madame Hodge, pour explorer le milieu de travail.
[29] Le commissaire souligne que « les documents au dossier permettent de constater que madame Hodge n’a pas pris son mandat à la légère ». À cet effet, la décision rappelle les démarches de madame Hodge et conclut « qu’il n’y a aucune raison de mettre en doute le témoignage de madame Hodge et la qualité de son travail afin de bien servir les intérêts de la travailleuse ». Madame Hodge a cru en la travailleuse et n’a pas hésité à lui souligner son potentiel et ses qualités professionnelles.
[30] La décision ajoute que « le professionnalisme de son travail a toujours été mené de concert avec le travail de l’agente en réadaptation de la CSST, madame Bachand ».
[31] À cet effet, la décision précise que « très souvent et trop facilement, le travail des gens qui s’occupent de réadaptation à la CSST est dénigré ». Et la décision d’ajouter que « dans le présent dossier, le travail fait, mérite d’être souligné ». La CSST a vraiment cherché à favoriser pour la travailleuse un retour sur le marché du travail. Elle a bien été informée des ouvertures qui s’offraient à elle dans le domaine de la santé, hors du milieu hospitalier. La CSST s’est même déclarée « prête à favoriser la travailleuse le plus possible par des cours de formation qui lui permettraient de limiter certains empêchements ».
[32] Par contre, la Commission des lésions professionnelles estime, « que la travailleuse n’a pas réellement collaboré avec les services qui lui étaient offerts en réadaptation ». La décision retient que les témoins ont fait état d’une attitude « qui faisait beaucoup plus de l’obstruction que de la collaboration ». Et le tribunal d’ajouter que « la travailleuse semblait plutôt s’être installée en réadaptation avec l’idée de faire valoir le maximum d’exigences avant de penser accepter quoi que ce soit ». Le tribunal conclut que « c’est avec raison que les personnes impliquées en sont venues à reconnaître que la travailleuse ne voulait pas vraiment travailler ». À titre d’exemple, la décision réfère au travail d’infirmière dans une résidence pour personnes âgées où la travailleuse s’est déclarée incapable parce que « pour gérer la distribution des médicaments, elle avait à utiliser un chariot sur roues pour cette distribution ».
[33] La décision indique « qu’en déterminant comme emploi convenable le travail d’infirmière hors du milieu hospitalier, la CSST a répondu à la mission qui lui revenait de par la loi d’aider à la réadaptation de la travailleuse ». La décision ajoute qu’au surplus, « ce qui est important de retenir dans la décision rendue par la CSST, c’est que c’est l’emploi d’infirmière qui était retenu comme emploi convenable, un emploi hors du milieu hospitalier, qui permettait à la travailleuse de poursuivre sa profession d’infirmière, mais ailleurs qu’en milieu hospitalier ».
[34] Enfin, la décision indique que « la preuve a révélé que la travailleuse s’est vue offrir des possibilités de travail où elle pouvait utiliser ses capacités résiduelles, ses qualifications professionnelles, où il y avait certainement des possibilités raisonnables d’embauche et où il n’y avait pas de danger pour sa santé et sa sécurité compte tenu de la lésion qu’elle avait subie ». Et la décision d’ajouter que « c’est ce que la loi prévoit quand vient le temps de déterminer un emploi convenable ».
[35] Dans sa requête écrite de même que dans son argumentation à l’audience, la procureure de la travailleuse soumet que la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 12 août 2005, comporte essentiellement trois erreurs manifestes et déterminantes.
[36] La première et la plus importante, concerne la détermination de l’emploi convenable. La procureure reproche à la décision de ne pas avoir fourni les motifs pour lesquels elle en arrive à retenir l’emploi « d’infirmière ailleurs que dans un hôpital ». Bien que la décision fasse état de l’article de la loi de même que de la jurisprudence concernant la définition d’emploi convenable, en aucune façon la décision rendue le 12 août 2005 ne fait état de la relation entre la preuve dans le présent dossier et les critères qui doivent être rencontrés pour décider qu’un emploi constitue un emploi convenable. Selon la procureure de la travailleuse, la décision rendue le 12 août 2005 ne comporte pas cet exercice.
[37] Eu égard à ce premier argument, la procureure de l’employeur soumet que tant la décision que le dossier lui-même, indiquent clairement les nombreuses démarches qui ont été effectuées pour en arriver à conclure à cet emploi convenable. Elle réfère au surplus à certains passages des transcriptions de l’audience qui est à l’origine de la décision rendue le 12 août 2005. L’ensemble de la preuve démontre donc que plusieurs types d’emploi ont été analysés et que malgré le manque d’intérêt de la travailleuse à retourner au travail, l’emploi retenu constitue un emploi véritablement convenable.
[38] Après avoir rappelé les critères qui donnent ouverture à la procédure de révision, la procureure de la CSST soumet que même si la décision rendue le 12 août 2005 « peut paraître laconique, celle-ci a repris tous les éléments pertinents » qui font en sorte que la lecture de l’ensemble de la décision, permet de comprendre clairement les motifs pour lesquels la Commission des lésions professionnelles a ainsi conclu.
[39] Le tribunal se doit d’écarter ce premier argument de la travailleuse.
[40] Comme le soulignait le présent tribunal dans l’affaire Fortier[7] , « pour conclure à une absence de motivation, il doit être impossible, à la lecture de la décision, de connaître les raisons qui ont amené le commissaire à retenir la conclusion à laquelle il en est venu ».
[41] De la même façon, la Cour supérieure, dans le cadre d’une requête en révision judiciaire, a précisé qu’il y avait lieu de distinguer entre une absence totale de motivation et une motivation succincte ou abrégée d’une décision. Ainsi dans l’affaire Mitchell[8], la Cour supérieure indique que « c’est la décision dans son intégralité et pas seulement la section intitulée « Motifs de la décision » qu’il faut examiner pour vérifier si l’ensemble de la preuve a été tenu pour compte dans l’appréciation des faits ». Au même effet, dans l’affaire Manufacture Lingerie Château inc.[9], le tribunal indique que « une décision d’un tribunal administratif doit être lue dans son ensemble et dans son intégralité plutôt que de façon cloisonnée ». Enfin, dans l’affaire Cité de la Santé de Laval[10], le présent tribunal souligne que « le caractère bref d’une décision n’est pas nécessairement un défaut si toutes les questions en litige ont été décidées et qu’il n’y a pas d’erreur de faits ou de droit ». Enfin comme le souligne la Cour supérieure dans l’affaire Boulanger[11], « il suffit qu’une décision soit suffisamment détaillée pour que le justiciable comprenne les raisons qui ont motivé les conclusions ». Et le tribunal d’ajouter que « il faut aussi prendre en compte les motifs implicites d’une décision et les déductions qu’on doit tirer de l’examen du libellé ».
[42] Ainsi dans le présent cas, la section « Les faits » de la décision rendue le 12 août 2005, fait état de façon très explicite, de l’ensemble des démarches qui ont été effectuées pour trouver à la travailleuse un emploi convenable.
[43] Plus particulièrement à compter du paragraphe [57] jusqu’au paragraphe [68], la décision fait état de l’ensemble des démarches effectuées par madame Hodge. Il en est de même des paragraphes [69] à [78] qui rappellent l’ensemble des démarches et la supervision effectuée par madame Bachand de la CSST.
[44] Après avoir rappelé au paragraphe [82] quel était l’objet de la contestation, la décision, au titre des « Motifs de la décision », indique de façon précise, aux paragraphes [109] à [128], les raisons pour lesquelles l’emploi d’infirmière hors du milieu hospitalier a été retenu à titre d’emploi convenable.
[45] L’ensemble des critères devant être respecté pour établir un emploi convenable, tel qu’indiqué à l’article 2 de la loi et rapporté au paragraphe [90] de la décision de même que conformément à la définition retenue par la jurisprudence et rapportée au paragraphe [110], ont donc été respectés. Telle est d’ailleurs la conclusion à laquelle en arrive la décision au paragraphe [127]. En effet, les paragraphes rapportés ci-avant, font état à la fois de la capacité résiduelle et des qualifications professionnelles de la travailleuse, la possibilité raisonnable d’embauche et enfin les conditions d’exercice ne comportant pas de danger pour la travailleuse en tenant compte des limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle.
[46] Le tribunal est donc d’avis qu’aucune erreur de droit ou de faits concernant la détermination de l’emploi convenable, n’a été démontrée par la travailleuse.
[47] Le second argument de la travailleuse, concerne le choix lui-même du titre de l’emploi convenable, soit celui de « infirmière hors du milieu hospitalier ». À cet effet, la travailleuse soumet que ce choix ne respecte pas les critères de la définition prévue à l’article 2 de la loi et qu’il s’agit ainsi d’un « non-emploi ». Bien que soulevée à l’audience, la décision rendue le 12 août 2005 n’en dispose pas. Il s’agit donc d’une erreur manifeste et déterminante.
[48] Le tribunal est d’avis qu’il y a lieu d’écarter ce second argument de la travailleuse.
[49] Comme le souligne la Cour supérieure dans l’affaire Mitchell[12], « la Commission des lésions professionnelles n’a pas besoin de commenter tous les faits ni de trancher tous les arguments, pourvu que l’on comprenne son raisonnement ». De même dans l’affaire Duguay[13], le présent tribunal précisait que « pour que l’erreur soit déterminante, (il faut) que l’élément qui n’a pas été traité en porte le sort du litige … ».
[50] D’abord le soussigné est d’avis que l’emploi de « infirmière hors du milieu hospitalier », ne constitue pas un « non-emploi ». La preuve a clairement démontré qu’en raison de ses limitations fonctionnelles, la travailleuse ne pouvait plus occuper d’emploi d’infirmière dans un milieu hospitalier. La CSST était donc tout à fait justifiée d’exclure ce milieu hospitalier et tenant compte de la formation professionnelle et de la volonté de la travailleuse, de la maintenir dans sa fonction d’infirmière.
[51] Ainsi l’emploi de « infirmière hors du milieu hospitalier » constitue un genre d’emploi et si la CSST avait été plus précise, cela aurait de beaucoup limité « la possibilité raisonnable d’embauche » pour la travailleuse.
[52] Le tribunal est donc d’avis que le fait pour la Commission des lésions professionnelles de ne pas avoir répondu à cet argument de la travailleuse, ne constitue pas une erreur déterminante. D’autant que le soussigné est d’avis que cet argument aurait dû être écarté.
[53] Le dernier argument de la travailleuse concerne l’exercice des pouvoirs de la Commission des lésions professionnelles. À cet effet, la travailleuse reproche à la décision rendue le 12 août 2005, plus particulièrement au paragraphe [108], d’avoir indiqué « que l’employeur a eu raison de ne pas reprendre la travailleuse à son emploi vu ses restrictions et limitations fonctionnelles ». Pour elle, « le litige que devait trancher le commissaire concernait uniquement la décision de la CSST contestée devant lui, soit celle du 18 septembre 2003 », qui indique que la travailleuse est capable d’exercer l’emploi convenable d’infirmière ailleurs que dans un hôpital.
[54] Le soussigné est d’avis qu’effectivement, la Commission des lésions professionnelles n’avait pas nécessairement à discuter de cet aspect du dossier. Cependant, comme l’a souligné la procureure de l’employeur, il s’agit tout au plus d’un « obiter dictum », ce qui est donc sans conséquence sur le sort du litige.
[55] Le tribunal se doit cependant de corriger le dispositif de la décision rendue le 12 août 2005. En effet, l’emploi convenable est celui « d’infirmière ailleurs que dans un hôpital ». Les emplois d’infirmière auprès d’Héma-Québec ou pour une compagnie d’assurance, ne constituent que des exemples d’emplois « d’infirmière ailleurs que dans un hôpital ». Comme le soumettait à cet effet la procureure de l’employeur, il s’agit avant tout d’une erreur « d’écriture ». Au surplus, le soussigné est d’avis que la lecture de l’ensemble de la décision amène raisonnablement à conclure que telle était la volonté du commissaire. Tel est d’ailleurs le sens très précis du paragraphe [125] de la décision.
[56] Le tribunal est ainsi d’avis que dans le présent dossier, la travailleuse n’a pas démontré que la décision rendue le 12 août 2005, comporte une erreur manifeste et déterminante. Le tribunal conclut donc que la décision ne comporte pas d’erreur de droit ou de faits et qu’elle n’est donc entachée d’aucun vice de fond ou de procédure ne nature à l’invalider.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de la travailleuse, madame Serette Aris-Jaboin;
CORRIGE le dispositif de la décision rendue le 12 août 2005 par la Commission des lésions professionnelles;
DÉCLARE que l’emploi « d’infirmière ailleurs que dans un hôpital » est un emploi convenable au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
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Me Alain Suicco |
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Commissaire |
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Me Josée Lavallée |
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MELANÇON, MARCEAU, GRENIER ET ASS. |
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Procureure de la partie requérante |
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Me Isabelle Auclair |
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MONETTE, BAARKETT, ASS. |
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Procureure de la partie intéressée |
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Me Martine St-Jacques |
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PANNETON LESSARD |
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Procureure de la partie intervenante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] TAQ c. Godin, C.A. Montréal, 500-09-009744-004, 18 août 2003, jj. Fish, Rousseau-Houle, Chamberland; Amar c. Commission de la santé et sécurité du travail, C.A. Montréal, 500-09-011643-012, 28 août 2003, jj. Mailhot, Rousseau-Houle, Rayle; Bourassa c. Commission des lésions professionnelles, C.A. Montréal, 500-09-011014-016, 28 août 2003, jj. Mailhot, Rousseau-Houle, Rayle; CSST c Fontaine c. CLP, C.A. Montréal, 500-09-014608-046, 7 septembre 2005; Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733 ; Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783 ; Hôpital Sacré-Coeur de Montréal et Gagné, C.L.P. 89669-61-9707, 12 janvier 1998, C.-A. Ducharme.
[3] Précitée, note 2.
[4] Précitée, note 2.
[5] Précitée, note 2.
[6] C.L.P. 117062-61-9905, 15 octobre 1999, G. Morin; Voir aussi : Pisani et Marché d’alimentation Régal inc., C.L.P. 134973-71-0003, 15 août 2000, B. Lemay.
[7] Fortier et Hydro-Québec, C.L.P. 189935-71-0208, 13 juillet 2004, C.-A. Ducharme.
[8] Mitchell inc. et C.L.P., C.S. Montréal, 500-05-046143-986, 21 juin 1999, j. Courville; Voir aussi Beaudin et Automobile J.P.L. Fortier inc., [1999] C.L.P. 1065 .
[9] C.S. Montréal 500-05-065039-016, 1er octobre 2001, j. Poulin.
[10] C.L.P. 69547-64-9505, 26 octobre 1999, A. Vaillancourt.
[11] C.S. Québec, 200-05-002317-902, 11 octobre 1990, j. Moisan; Voir aussi Durand et Couvoir Scott ltée, C.L.P. 94101-03-9802, 9 mars 1999, M. Beaudoin.
[12] Déjà citée, note 8.
[13] Duguay et Boîte Major inc., C.L.P. 133845-71-0003, 19 juillet 2002, C.-A. Ducharme.
AVIS :
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