Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

11 mai 2004

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

209450-72-0306

 

Dossier CSST :

119143246

 

Commissaire :

Claude-André Ducharme

 

Membres :

Jean-Marie Trudel, associations d’employeurs

 

Jacqueline Dath, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Michel Larose

______________________________________________________________________

 

 

 

Jack Victor ltée

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Felicita Altagracia Perez Cuevas

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 5 juin 2003, la compagnie Jack Victor ltée, l'employeur, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 21 mai 2003 à la suite d'une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu'elle a initialement rendue le 12 mars 2003 pour donner suite à l'avis du membre du Bureau d'évaluation médicale du 3 mars 2003.

[3]                Dans son avis, le membre du Bureau d'évaluation médicale retient comme diagnostics une contusion à la main gauche et un syndrome de dystrophie réflexe sympathique du membre supérieur gauche. Il estime que la contusion est consolidée le 26 novembre 2002 et que le syndrome de dystrophie réflexe n'est pas consolidé et requiert la poursuite des traitements. Enfin, il considère qu'il est trop tôt pour se prononcer sur l'atteinte permanente à l'intégrité physique et les limitations fonctionnelles.

[4]                La CSST décide qu'il y a une relation entre les diagnostics retenus et l'événement survenu le 13 décembre 2000.

[5]                La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience à Montréal le 27 avril 2004. L'employeur était représenté à l'audience. La travailleuse, madame Felicita Altagracia Perez Cuevas (madame Perez), était présente et elle était représentée. La CSST n'était pas représentée.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[6]                L'employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de modifier la décision de la CSST et de déclarer que le syndrome de dystrophie réflexe sympathique du membre supérieur constitue une lésion professionnelle visée dans l'article 31 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[7]                Il demande également d'établir la date de consolidation de la contusion à la main au 30 janvier 2001 et de déclarer que cette lésion n'a pas entraîné d'atteinte permanente à l'intégrité physique ni de limitations fonctionnelles.

LES FAITS

[8]                Le tribunal retient les éléments suivants des documents du dossier et des témoignages des docteurs Pierre Major et Jean-Paul Bossé.

[9]                Le 13 décembre 2000, madame Perez subit une lésion professionnelle à la main gauche dans l'exercice de son emploi de journalière chez l'employeur. Alors qu'elle circule avec une boîte qu'elle tient par le dessus, elle passe sous un « rack » métallique. La tige métallique sur laquelle sont suspendus des pantalons tombe d'une hauteur d'environ sept pieds et frappe le dos de sa main.

[10]           Elle se rend le même jour à l'Hôpital St-Luc où elle est examinée par la docteure Anne Bruneau. Ce médecin rapporte une ecchymose et de l'œdème à la face dorsale de la main gauche. Une radiographie révèle, selon le radiologiste, un gonflement des tissus mous mais pas de fracture. La docteure Bruneau diagnostique une contusion de la main gauche et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 18 décembre.

[11]           Le médecin qui voit madame Perez en relance le 18 décembre rapporte également une ecchymose et de l'œdème ainsi que de la douleur. Il recommande l'application de glace, l'élévation du bras et le port d'un bandage élastique et prescrit un médicament anti - inflammatoire.

[12]           Le 27 décembre 2000, le docteur Jacques W. Vézina note que l'œdème est toujours présent. Il diagnostique une contusion persistante et dirige madame Perez au docteur O.T. Nguyen, physiatre, pour des traitements de physiothérapie.

[13]           Le 10 janvier 2001, madame Perez est revue par la docteure Bruneau. La douleur a alors diminué un peu. Il n'est pas fait mention d'une enflure dans les notes du médecin mais d'une faiblesse au niveau des extenseurs des doigts. Elle prévoit une consultation en plastie s'il n'y a pas d'amélioration.

[14]           Le 12 janvier 2001, le docteur Nguyen retient le diagnostic de contusion de la main gauche. Madame Perez débute le jour même des traitements de physiothérapie. Dans son premier rapport, la physiothérapeute fait état d'une douleur à la main, d'une diminution des amplitudes articulaires du poignet et de la force de préhension de la main ainsi que d'un léger œdème à la face dorsale.

[15]           Les trois médecins que voit madame Perez les 17 janvier, 25 janvier et 1er février 2001 prolongent l'arrêt de travail. L'un d'eux diagnostique une tendinite secondaire à la contusion.

[16]           Le 2 février 2001, le docteur Nguyen rapporte un début d'amélioration mais le gonflement et la douleur persistent. Il recommande la poursuite de la physiothérapie.

[17]           Le 15 février 2001, le docteur François Mercier rapporte qu'il n'y a plus d'œdème. Il diagnostique une entorse du poignet gauche et recommande une assignation temporaire.

[18]           Le 20 février 2001, le docteur Vézina recommande un travail léger.

[19]           Le 23 février 2001, le docteur Nguyen fait état d'une amélioration lente. La main gauche est encore sensible et la préhension de cette main est diminuée. Il prolonge la physiothérapie et ajoute des traitements d'ergothérapie. Il prescrit également le port d'une orthèse de support au poignet. La prochaine consultation est prévue quatre semaines plus tard.

[20]           Madame Perez recommence à travailler le 26 février 2001 mais elle ne peut le faire qu'une heure à cause de l'augmentation de la douleur avec gonflement à la main gauche. Elle consulte le docteur Niko Mihic qui diagnostique une contusion de la main et recommande un arrêt de travail.

[21]           Les traitements d'ergothérapie débutent le 28 février 2001.

[22]           Le 1er mars 2001, le docteur Luc Bessette rapporte une amélioration à la suite de ces traitements. Il maintient le diagnostic de contusion de la main gauche, comme le docteur Benoît Dubuc, qui voit en relance madame Perez le 8 mars suivant.

[23]           Le 19 mars 2001, la physiothérapeute rapporte un état stable. Une douleur persiste à la face dorsale de la main gauche et la palpation provoque une douleur au niveau des 2e et 3e métacarpiens. Le léger œdème est toujours présent. Les amplitudes articulaires de la main et du poignet sont fonctionnelles mais la force est diminuée à cause de la douleur.

[24]           Le 21 mars 2001, le docteur Nguyen envisage la possibilité d'un syndrome de dystrophie réflexe secondaire à la contusion et demande un examen par scintigraphie osseuse. Il recommande la poursuite de la physiothérapie et de l'ergothérapie.

[25]           L'examen demandé est réalisé le 29 mars 2001. Selon le médecin qui l'effectue, il révèle des phénomènes compatibles avec une dystrophie réflexe sympathique.

[26]           Le 11 avril 2001, le docteur Nguyen diagnostique une dystrophie réflexe du membre supérieur gauche. Il réduit les traitements de physiothérapie et d'ergothérapie à trois séances par semaine et prescrit un gant de Jobs ainsi qu'un TENS.

[27]           Le 2 mai 2001, la condition de madame Perez demeure inchangée. Le docteur Nguyen prescrit des blocs stellaires. Ces traitements lui seront administrés par la docteure Aline Boulanger, anesthésiste de la Clinique de la douleur de l'Hôpital du Sacré‑Cœur, à partir du 21 juin 2001.

[28]           Le 31 mai 2001, à la demande de l'employeur, le docteur Pierre Major, orthopédiste, examine madame Perez et retient les conclusions suivantes :

Selon le fait accidentel rapporté, selon l'évolution et l'examen réalisé aujourd'hui un diagnostic de contusion du dorsum de la main gauche est retenue. Il est tout à fait possible cliniquement que cette patiente présente de façon surajoutée une dystrophie réflexe. Elle ne présente par contre aucun signe de tendinite post-traumatique.

 

Aux dires de la patiente le gonflement de la main gauche et la douleur exquise qu'elle présente sont semblables depuis le traumatisme initial. Le diagnostic de dystrophie réflexe n'est évoqué au dossier que depuis le mois de mars. Il y a donc, à mon avis, un retard des soins plus cette dystrophie réflexe persiste sans traitement plus elle peut persister pour une période prolongée.

 

À mon avis, il y aurait lieu de faire des démarches afin que cette dame obtienne un rendez-vous en clinique de douleur de façon très rapide pour instituer les traitements par bloc stellaire. Le fait de laisser des symptômes de dystrophie réflexe progresser chez cette dame peut entraîner des phénomènes de capsulite péri-articulaire au niveau des autres articulations.

 

La lésion n'est donc pas consolidée actuellement. Aucune condition personnelle sous‑jacente n'est mise en évidence. Des traitements pour la dystrophie réflexes associés à la poursuite à de l'ergothérapie et de la physiothérapie sont recommandés. [sic]

 

 

[29]           Les traitements que madame Perez reçoit au cours des mois suivants n'améliorent pas sa condition.

[30]           Le 26 novembre 2002, la docteure Nathalie Hamel, orthopédiste, examine madame Perez à la demande de la CSST. Elle retient comme diagnostic une contusion à la main gauche avec un syndrome de dystrophie réflexe secondaire. Elle considère que la lésion est consolidée au jour de son examen et qu'elle n'a pas entraîné une atteinte permanente à l'intégrité physique ni de limitations fonctionnelles.

[31]           Le 3 mars 2003, le docteur David Wiltshire, orthopédiste agissant en qualité de membre du Bureau d'évaluation médicale, retient les conclusions suivantes de son examen :

Aujourd'hui, contrairement au docteur Hamel, je note que madame présente des signes de dystrophie réflexe sympathique, encore active, avec une main et un avant-bras gauches froids et enflés, et une diminution de la mobilité de l'épaule droite1 ou antalgique ou secondaire à une capsulite rétractile. Je note que madame a débuté un retour au travail 3 heures par jour depuis le 30 janvier 2003 et qu'elle est supposée avoir un autre bloc intraveineux le 12 mars 2003. Selon moi, la lésion est encore active et les traitements avec un retour progressif au travail et des blocs intraveineux pour contrôler la douleur sont encore justifiés. Selon moi il est trop tôt pour se prononcer sur une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Il est fort possible que l'état de madame s'améliore avec le temps et surtout avec une augmentation de travail.

_____________

1      Il s'agit d'une erreur puisqu'à son examen il rapporte des limitations au niveau de l'épaule gauche.

 

 

[32]           Le docteur Wiltshire rend l'avis qui a été rapporté précédemment. Par la décision qu'elle rend le 12 mars 2003 pour donner suite à son avis, la CSST reconnaît que la dystrophie réflexe du membre supérieur gauche est reliée à l'événement du 13 décembre 2000. Il n'y a aucune indication au dossier que la CSST a conclu qu'il s'agissait d'un cas d'application de l'article 31 de la loi.

[33]           Le 23 juillet 2003, le docteur Major est également d'avis que la dystrophie réflexe sympathique n'est pas consolidée et que les traitements que reçoit madame Perez doivent être poursuivis.

[34]           Dans un complément d'expertise produit le 9 septembre 2003, il formule les commentaires suivants :

Nous devons nous rappeler que le traumatisme initial n'était qu'une contusion à la main gauche et que la patiente avait développé par la suite, un syndrome douloureux affectant l'ensemble du membre supérieur gauche. Suite au déclenchement de cette symptomatologie douloureuse persistante aux dépens du membre supérieur gauche dont le fait accidentel date du 13 décembre 2000, le médecin traitant de l'époque, le docteur Nguyen, avait suspecté une dystrophie réflexe à partir de la fin du mois de mars 2001, condition douloureuse qui avait été traitée à l'époque par un gant de Jobs. Par la suite, des blocs stellaires ont été prescrits en date du 2 mai environ cinq mois après le fait accidentel. Selon le traumatisme survenu, on se serait attendu que dans un intervalle de 4 à 6 semaines la lésion soit guérie. Il s'est écoulé un long espace de temps avant que les blocs stellaires soient prescrits.

 

À mon avis des pressions auraient dû être faites afin que ces blocs stellaires soient prodigués le plus rapidement possible. Malheureusement, ce n'est que le 21 juin 2001 soit plus de six mois après le fait accidentel et environ trois mois après que la dystrophie réflexe n'ait été suspectée, que les traitements ont réellement débutés.

 

À mon avis, il y a eu un très net délai dans l'obtention des traitements, délai qui a causé à mon avis un syndrome douloureux persistant chez cette dame, associé à une capsulite de l'épaule gauche soit un enraidissement de cette articulation secondaire au syndrome douloureux de cette dystrophie réflexe.

 

Nous estimons qu'à la fois l'atteinte à l'épaule gauche sous forme d'ankylose partielle et l'atteinte au membre supérieur gauche sous forme d'un syndrome douloureux, sont secondaires à la dystrophie réflexe et directement reliés au délai dans les soins reçus par madame Perez. Nous noterons enfin, qu'à la dernière évaluation nous pensions que les traitements demeuraient justifiés afin d'améliorer et d'optimiser la condition de la patiente quoique des réserves ont été apportées au niveau du pronostic étant donné la durée de la symptomatologie douloureuse reliée à la dystrophie réflexe. [sic]

 

 

[35]           Le 26 mars 2004, le docteur Jean-Paul Bossé, plasticien spécialiste de la chirurgie de la main, produit une expertise à la demande de madame Perez dans laquelle il considère que la dystrophie réflexe n'est pas consolidée et que les traitements doivent être poursuivis. Il explique ce qui suit en ce qui concerne la dystrophie réflexe :

Il s'agit donc, d'une affection neuro-circulatoire, succédant à un traumatisme dont le tableau clinique se caractérise par la présence d'une douleur importante, œdème, raideur, décoloration, changement de température, ostéoporose, etc…

 

Le mécanisme physiopathologique de l'installation d'une algodystrophie réflexe est complexe. Lors d'un traumatisme, il existe un réflexe sympathique normal : des substances sécrétées initialement agissant sur le tonus vasculaire.

 

Dans certains états pathologiques, cette réponse neurovégétative persiste de façon exagérée. On note la persistance d'une vasoconstriction artériolaire, d'une vasodilatation capillaire et stase circulatoire, anoxie des tissus, entraînant des douleurs, œdème, hyperpathie, raideur hypersudation, changements trophiques. Au niveau de l'os, on note des phénomènes d'ostéoporose et déminéralisation. [sic]

 

 

[36]           Lors de son témoignage, le docteur Major passe en revue les notes de consultation et les rapports des différents médecins qui ont suivi madame Perez depuis la survenance de son accident pour étayer son opinion voulant que les traitements appropriés pour la dystrophie réflexe aient tardé à lui être administrés.

[37]           Il rappelle que la recommandation d'appliquer de la glace et de porter un bandage élastique n'a été faite qu'à la seconde consultation du 18 décembre 2000 et que les traitements de physiothérapie n'ont débuté que le 12 janvier 2001 malgré qu'ils aient été prescrits le 27 décembre 2000.

[38]           Il retient plus particulièrement qu'une fois que la dystrophie réflexe a été suspectée, le médecin s'est limité à demander un examen par scintigraphie osseuse et n'a recommandé aucun traitement spécifique pour cette lésion et que les blocs stellaires n'ont débuté que trois mois plus tard.

[39]           Il considère également que les traitements d'ergothérapie auraient dû être cessés lorsque la dystrophie réflexe a été suspectée parce que la première phase du traitement doit être limitée au contrôle de la douleur par la prise d'une médication appropriée et d'une prise en charge par une clinique de la douleur.

[40]           Selon ses explications, un syndrome de dystrophie réflexe peut résulter d'un traumatisme banal mais il est rare qu'un tel phénomène se produise. L'application rapide de modalités antalgiques aide à prévenir l'ampleur du syndrome et à limiter les séquelles. Malgré cela, il demeure impossible de prévoir l'évolution de la pathologie.

[41]           Le docteur Major reconnaît que, dans la présente affaire, ce n'est pas le retard des traitements appropriés qui a causé la dystrophie réflexe du membre supérieur de madame Perez mais la contusion qu'elle a subie le 13 décembre 2000.

[42]           Le docteur Bossé est du même avis sur cette question. Il n'a aucune hésitation à relier la dystrophie réflexe à l'écrasement des tissus et des vaisseaux de la main gauche par la contusion, phénomène qui stimule le système sympathique.

[43]           Comme le docteur Major, il explique que cette pathologie exige une intervention rapide par un contrôle de la douleur et qu'il y aurait eu lieu de cesser l'ergothérapie lorsque le diagnostic a été envisagé.

[44]           Il précise toutefois qu'il ne s'agit pas d'une pathologie facile à diagnostiquer. Les conséquences d'une contusion prennent de quatre à six semaines à se résorber. Si elles persistent, il y a lieu d'être aux aguets et de soupçonner la présence d'une dystrophie réflexe, ce qui n'est pas nécessairement l'approche du médecin qui ne peut ne voir qu'un seul cas par année. Pour sa part, avec recul, il estime que le diagnostic aurait pu être posé au début du mois de mars 2001, après la tentative infructueuse de l'assignation temporaire à des travaux légers, puisque la dystrophie réflexe était alors bien installée.

L’AVIS DES MEMBRES

[45]           Le membre issu des associations d'employeurs et la membre issue des associations syndicales sont d'avis que la requête doit être accueillie en partie.

[46]           Ils estiment que la preuve démontre que la dystrophie réflexe du membre supérieur gauche ne résulte pas de l'omission de soins appropriés mais de la contusion qu'a subie madame Perez le 13 décembre 2000. Dans ce contexte, ils concluent qu'il ne s'agit pas d'une lésion visée dans l'article 31 de la loi.

[47]           Pour ce qui est de la contusion de la main gauche, ils estiment que la date de consolidation de cette lésion doit être établie au 30 janvier 2001 et que cette lésion n'a pas entraîné une atteinte permanente à l'intégrité physique et des limitations fonctionnelles.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[48]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer, dans un premier temps, si la dystrophie réflexe du membre supérieur gauche constitue une lésion visée dans l'article 31 de la loi.


[49]           Cet article prévoit ce qui suit :

31. Est considérée une lésion professionnelle, une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion:

 

1°   des soins qu'un travailleur reçoit pour une lésion professionnelle ou de l'omission de tels soins;

 

2°   d'une activité prescrite au travailleur dans le cadre des traitements médicaux qu'il reçoit pour une lésion professionnelle ou dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.

 

Cependant, le premier alinéa ne s'applique pas si la blessure ou la maladie donne lieu à une indemnisation en vertu de la Loi sur l'assurance automobile (chapitre A-25), de la Loi visant à favoriser le civisme (chapitre C-20) ou de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels (chapitre I-6).

__________

1985, c. 6, a. 31.

 

 

 

[50]           On comprend que l'intérêt de l'employeur réside dans le fait qu'en vertu de l'article 327 de la loi, le coût des prestations dues en raison d'une lésion professionnelle visée dans l'article 31 ne lui est pas imputé mais est imputé aux employeurs de toutes les unités.

[51]           Le représentant de l'employeur ne nie pas que la dystrophie réflexe résulte de la contusion de la main gauche que madame Perez a subie le 13 décembre 2000. Il soumet cependant que sa condition actuelle résulte de l'omission de soins appropriés en temps opportun et qu'à ce titre, on doit considérer qu'il s'agit d'un cas d'application de l'article 31.

[52]           Le tribunal ne peut souscrire à cette prétention. L'article 31 est clair. Cette disposition ne vise pas l'ampleur d'une lésion causée par un événement accidentel mais essentiellement une lésion qui résulte d'un traitement ou de l'omission d'un traitement.

[53]           Ce n'est pas le cas dans la présente affaire. Tous les médecins sont d'accord pour dire que ce n'est pas le délai écoulé avant que les traitements appropriés soient entrepris qui a causé la dystrophie réflexe mais que c'est la contusion de la main gauche. Par ailleurs, même une intervention plus rapide n'aurait pas garanti une évolution favorable, selon les témoignages entendus.


[54]           Il est vrai que dans plusieurs décisions[2], la dystrophie réflexe est reconnue comme une lésion visée dans l'article 31. Cependant, cette jurisprudence ne supporte pas la prétention de l'employeur. En effet, dans toutes ces décisions, la preuve établissait que cette pathologie était reliée à une autre cause que l'événement accidentel, soit une chirurgie ou une immobilisation d'un membre, lesquelles sont reconnues par la littérature médicale comme étant des causes de la dystrophie réflexe.

[55]           C'était notamment le cas dans les décisions C.H. Royal Victoria et Duarte[3] et Usinage Laurentides inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail[4] déposées par le représentant de l'employeur.

[56]           L'autre décision déposée[5] concerne des circonstances différentes de la présente affaire et ne peut avoir d'application en l'espèce.

[57]           Pour ces raisons, il n'y a donc pas lieu de modifier la décision de la CSST dans le sens souhaité par l'employeur et de déclarer que la dystrophie réflexe du membre supérieur gauche subie par madame Perez est une lésion visée dans l'article 31 de la loi.

[58]           La Commission des lésions professionnelles doit maintenant décider s'il y a lieu d'établir la consolidation de la contusion de la main gauche au 30 janvier 2001, tel que demandé par l'employeur, et de déclarer que cette lésion n'a pas entraîné d'atteinte permanente à l'intégrité physique ni de limitations fonctionnelles.

[59]           La date de consolidation suggérée par l'employeur est fondée sur le délai habituel de consolidation d'une contusion. En pratique, il est bien difficile de déterminer à quelle date la contusion était consolidée et la symptomatologie était imputable uniquement à la dystrophie réflexe.

[60]           Toutefois, compte tenu que le docteur Wiltshire a émis l'avis que cette lésion était consolidée le 26 novembre 2002 en se fondant uniquement sur la date suggérée par la docteure Hamel pour consolider la dystrophie réflexe, compte tenu que les docteurs Major et Bossé sont tous les deux d'accord pour dire qu'une contusion est normalement guérie après une période de quatre à six semaines et compte tenu que le docteur Bossé croit que la dystrophie réflexe était bien installée au début du mois de mars 2001, le tribunal estime qu'il y a lieu d'accueillir la demande de l'employeur et d'établir la consolidation de la contusion au 30 janvier 2001.

[61]           Dans la mesure où le docteur Major émet l'opinion que la condition actuelle de madame Perez est entièrement imputable à la dystrophie réflexe sympathique et non à la contusion, il y a lieu également de conclure que la contusion n'a pas entraîné d'atteinte permanente à l'intégrité physique ni de limitations fonctionnelles.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la requête de la compagnie Jack Victor ltée;

MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 21 mai 2003 à la suite d'une révision administrative;

DÉCLARE que le syndrome de dystrophie réflexe sympathique du membre supérieur gauche ne constitue pas une lésion visée dans l'article 31 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;

DÉCLARE que la contusion de la main gauche est consolidée le 30 janvier 2001 et que cette lésion n'a pas entraîné d'atteinte permanente à l'intégrité physique ni de limitations fonctionnelles.

DÉCLARE que la dystrophie réflexe sympathique du membre supérieur gauche n'est pas consolidée et qu'il est prématuré de se prononcer sur l'atteinte permanente à l'intégrité physique et les limitations fonctionnelles résultant de cette lésion.

 

 

__________________________________

 

Claude-André Ducharme

 

Commissaire

 

 

 

 


Me Jean-François Gilbert

GILBERT, AVOCATS

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Jacques Lauzon

F.A.T.A. - MONTRÉAL

Représentant de la partie intéressée

 

 

Me Gaétane Beaulieu

PANNETON LESSARD

Représentante de la partie intervenante

 



[1]          L.R.Q. c. A-3.001.

[2]          Ville de Montréal et Commission de la santé et de la sécurité du travail, C.L.P. 109665-01A-9902, 27 avril 1999, Y. Vigneault; Robert fer & métaux inc., C.L.P. 140226-04-0006, 27 octobre 2000, A. Gauthier; Soc. Can. Métaux Reynolds, C.L.P. 137809-04-0005, 29 juin 2001, A. Gauthier; Cookshiretex inc., C.L.P. 156767-05-0103, 4 octobre 2001, L. Boudreault; Épiciers Unis Métro-Richelieu Super C, C.L.P. 146221-07-0009, 6 novembre 2001, M. Denis; Canac-Marquis Grenier ltée, C.L.P. 160537-31-0104, 16 janvier 2001, J.L. Rivard; Aubry et Industries Jomida inc., C.L.P. 150102-64-0011, 5 mars 2002, F. Poupart; Pratt & Whitney Canada, C.L.P. 166296-62-0108, 28 mars 2002, L. Vallières; Jean Riopel inc., C.L.P. 162705-63-0106, 22 avril 2002, J.M. Charrette; Canadian Tire, C.L.P. 178872-31-0202, 24 mai 2002, J.L. Rivard; Houle automobile ltée, C.L.P. 175309-61-0112, 8 octobre 2002, G. Morin; Les Accessoires sprotrack inc., C.L.P. 187812-62B-0207, 20 février 2003, Y. Ostiguy; Hôpital Santa Cabrini, C.L.P. 178210-62-0202, 28 avril 2003, R. L. Beaudoin; Adecco Québec inc. et Boulais, C.L.P. 196123-05-0212, 30 avril 2003, F. Ranger; Transforce inc., C.L.P. 175495-64-0112, 22 octobre 2003, G. Perreault; La Brasserie Labatt ltée, C.L.P. 192554-63-0210, 24 février 2004.

[3]          C.L.P. 99499-71-9802, 10 mars 1999, C. Racine.

[4]          C.L.P. 136066-63-0003, 13 décembre 2001, F. Dion-Drapeau.

[5]          Bombardier inc. - Centre de finition et Commission de la santé et de la sécurité du travail, [2001] C.L.P. 219 .

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.