Aliments Lesters ltée et Beaulieu (Succession de) |
2012 QCCLP 3890 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 19 juillet 2011, Les Aliments Lesters ltée (l’employeur) déposent une requête en révocation à l’encontre d’une décision de la Commission des lésions professionnelles du 15 juin 2011.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles tranche une requête soumise par l’employeur, confirme une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), le 24 août 2010, à la suite d’une révision administrative et déclare que le travailleur a subi une lésion professionnelle sous la forme d’une maladie professionnelle dont le diagnostic est un syndrome du canal carpien bilatéral et qu’il a droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) pour cette lésion.
[3] Aucune partie n’a demandé d’être entendue, la Commission des lésions professionnelles a donc procédé sur dossier comme le permet l’article 429.57 de la loi. L’affaire est prise en délibéré le 18 juin 2012.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] L’employeur demande la révocation de la décision de la Commission des lésions professionnelles du 15 juin 2011. Il invoque qu’elle n’a pu se faire entendre, pour des raisons qu’elle juge suffisantes.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations d’employeurs et celui issu des associations syndicales sont d’avis de révoquer la décision de la Commission des lésions professionnelles du 15 juin 2011. L’employeur n’a pu se faire entendre à l’audience prévue le 15 juin 2011. Les raisons invoquées sont suffisantes.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6] Le tribunal doit déterminer s’il y a lieu de révoquer la décision de la Commission des lésions professionnelles du 15 juin 2011.
[7] Le pouvoir de la Commission des lésions professionnelles de réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue est prévu à l’article 429.56 de la loi, lequel se lit comme suit :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[8] Le recours en révision ou révocation est considéré comme un recours exceptionnel. Le pouvoir de réviser ou révoquer s’inscrit dans le contexte du 3e alinéa de l’article 429.49 de la loi :
429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
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1997, c. 27, a. 24.
[9] L’employeur soumet qu’il n’a pu se faire entendre pour des raisons qui doivent être jugées suffisantes. Il s’agit du second paragraphe de l’article 429.56 de la loi.
[10] La jurisprudence du tribunal retient que pour être jugés suffisants, les motifs invoqués doivent être sérieux et sans qu’il n’y ait eu négligence de la part de la partie qui les invoque[2]. En outre, la partie avisée ne doit pas avoir, par ses agissements, renoncé au droit d’être entendu.
[11] Dans la cause à l’étude, une audience était initialement prévue le 15 juin 2011. À cette date, la Commission des lésions professionnelles devait entendre les parties à l’égard de la requête soumise par l’employeur le 2 septembre 2010. À cet égard, un avis d’audition a été expédié aux parties le 23 février 2011.
[12] Le 10 mai 2011, l’employeur et sa procureure ont envisagé un règlement du dossier. Des conversations téléphoniques ont eu lieu entre la procureure, Me Francine Legault et le conciliateur de la Commission des lésions professionnelles, monsieur André Choquette.
[13] Le 24 mai 2011, le dossier de conciliation est dirigé à monsieur Éloi Bilodeau afin que ce dernier joigne monsieur Jean-Pierre Beaulieu, représentant de la succession de monsieur Pierre Beaulieu, dans le but d’envisager le règlement de façon concrète.
[14] Le même jour, un courriel est acheminé à monsieur Bilodeau, par la procureure de l’employeur, lequel mentionne essentiellement ceci :
Tel que demandé, voici la copie du certificat de décès dans le dossier de monsieur Beaulieu […]
Depuis lors, [nom omis par le tribunal] n’a pas tenté de contacté Monsieur Beaulieu-fils et désirait tenter l’approche en conciliation par le biais du conciliateur [André] Choquette.
En raison de ce qui précède, pourrais-tu :
-Prendre connaissance du dossier actuel
-Prendre connaissance du dossier antérieur que je te transmets à l’instant
-Contacter Monsieur Jean-Pierre Beaulieu afin de lui transmettre notre proposition de règlement, soit [contenu omis par le tribunal]
-Annuler l’audition du 15 juin 2011
[…] [sic]
[15] Or, le 15 juin 2011, la Commission des lésions professionnelles a tenu une audience à Sainte-Adèle. Elle a alors constaté l’absence de toutes les parties au dossier et a rendu une décision à partir des éléments contenus au dossier.
[16] Elle a alors conclu « en l’absence de toute preuve contraire […] que le canal carpien bilatéral dont le travailleur souffre constitue une maladie professionnelle au sens de la loi ».
[17] À la suite de la réception de cette décision, la procureure de l’employeur a entrepris des démarches auprès de monsieur Bilodeau. Ce dernier a, par la suite, acheminé un courriel à la procureure qui mentionne ceci :
[…]
La présente est pour confirmer, suite à notre conversation téléphonique de jeudi dernier, que j’ai malencontreusement oublié de retirer du rôle le dossier de la succession Pierre Beaulieu pour lequel vous m’en aviez expressément fait la demande lors du mémo que vous me faisiez parvenir par télécopieur en date du 24 mai 2011.
Suite à votre appel, j’ai vérifié parmi la correspondance interne et je n’ai trouvé aucune trace d’une telle demande auprès des responsables du greffe.
Je m’excuse pour l’erreur que j’ai commise et j’espère sincèrement que celle-ci ne sera pas préjudiciable.
[…]
[18] L’employeur invoque essentiellement que cette omission, et l’imbroglio qu’il a entraîné, a fait en sorte que l’employeur n’a pu se faire entendre devant la Commission des lésions professionnelles pour des raisons qui ne peuvent lui être imputées. Il soumet que n’eut été de cette erreur, une entente en conciliation aurait pu survenir ou, à défaut, une autre date d’audience aurait pu être déterminée.
[19] Le représentant de la succession ne formule aucune objection à la requête de l’employeur.
[20] Dans les circonstances, le tribunal conclut que l’employeur a fait la démonstration qu’il n’a pu se faire entendre pour des raisons qu’il juge suffisantes au sens du second paragraphe du premier alinéa de l’article 429.56 de la loi. Il n’y a aucune preuve qui permet de conclure à quelque négligence que ce soit de la part de l’employeur.
[21] Compte tenu du libellé même de cette disposition, l’employeur n’a pas à démontrer que la décision de la Commission des lésions professionnelles du 15 juin 2011 aurait été différente si elle avait pu se faire entendre[3].
[22] Il y a donc lieu de révoquer la décision de la Commission des lésions professionnelles du 15 juin 2011 et de convoquer à nouveau les parties afin qu’elles soient entendues sur le mérite de la contestation de l’employeur du 2 septembre 2010.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête en révocation déposée le 19 juillet 2011 par Les Aliments Lesters ltée ;
RÉVOQUE la décision rendue le 15 juin 2011 par la Commission des lésions professionnelles ;
CONVOQUERA à nouveau les parties à une audience sur le fond de la contestation de Les Aliments Lesters ltée produite le 2 septembre 2010.
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Jacques David |
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Me Francine Legault |
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Heenan Blaikie |
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Représentante de la partie requérante |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.