Simon et Groupe Admari inc. |
2011 QCCLP 3096 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 23 septembre 2010, monsieur Gérard Simon (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision ou révocation d’une décision rendue le 23 mars 2010.
[2] Par cette décision la Commission des lésions professionnelles rejette les deux requêtes du travailleur, confirme les décisions de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendues le 4 novembre 2009 et le 10 février 2010 et déclare que le travailleur n’a pas été victime d’une récidive, rechute ou aggravation le 2 juillet 2009 et qu’il n’a pas droit au remboursement du coût d’achat d’un neurostimulateur.
[3] L’audience sur la présente requête s’est tenue à Québec le 8 février 2011 devant la juge administrative Diane Lajoie. À cette date, seul le travailleur est présent et l’affaire est mise en délibéré à la fin de l’audience. Cependant, devant l’impossibilité pour ce juge de rendre une décision, la soussignée est désignée pour le faire par le président et juge administratif en chef, Me Jean-François Clément, par ordonnance rendue le 4 avril 2011. Le délibéré a donc débuté à cette date.
[4] La soussignée a procédé à l’étude du dossier et à l’écoute de l’enregistrement de l’audience du 8 février 2011 avant de rendre la présente décision.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[5] Le travailleur demande de réviser la décision rendue le 23 mars 2010, de reconnaître qu’il a subi une récidive, rechute ou aggravation le 2 juillet 2009 et de conclure qu’il a droit au remboursement du coût d’achat d’un neurostimulateur.
L’AVIS DES MEMBRES
[6] La membre issue des associations syndicales et la membre issue des associations d’employeurs sont d’avis de rejeter la requête en révision. Le travailleur n’a pas fait la preuve d’un motif permettant de réviser la décision rendue le 23 mars 2010.
[7] Les éléments de preuve invoqués à l’appui de la requête ne constituent pas « un fait nouveau » au sens du 1er paragraphe de l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
LES FAITS ET LES MOTIFS
[8] La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a lieu de réviser la décision rendue le 23 mars 2010.
[9] L’article 429.49 de la loi prévoit que les décisions de la Commission des lésions professionnelles sont finales et sans appel :
429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
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1997, c. 27, a. 24.
[10] Par ailleurs, l’article 429.56 de la loi énonce que la Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue pour les motifs qui y sont énoncés. Cette disposition se lit ainsi :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[11] En l’espèce, le travailleur allègue la découverte d’un fait nouveau selon le premier paragraphe de l’article 429.56 de la loi, pour demander la révision de la décision.
[12] Afin de comprendre le contexte dans lequel s’inscrit la présente requête, le tribunal estime nécessaire de rappeler les faits essentiels dans ce dossier.
[13] Le travailleur est victime d’une lésion professionnelle le 15 août 1994. Le diagnostic retenu en relation avec cet événement est une entorse cervicale et lombaire. Cette lésion est consolidée avec une atteinte personnelle et des limitations fonctionnelles.
[14] Une récidive, rechute ou aggravation est reconnue le 4 novembre 1996, par décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 21 avril 1999[2]. Cette lésion professionnelle est consolidée le 24 avril 1997. Les limitations fonctionnelles qui avaient été émises antérieurement sont modifiées pour ajouter celle qui consiste à éviter de monter fréquemment plusieurs escaliers.
[15] Le 15 mai 1997, le travailleur est embauché par Groupe Admari inc. à titre d’agent de sécurité. Le 2 février 1998, il est victime d’un autre accident du travail. La Commission des lésions professionnelles, par sa décision datée du 21 avril 1999[3], conclut que le fait d’avoir patrouillé sur 12 étages en utilisant des escaliers était incompatible avec sa condition lombaire. Puisque c’est dans ce contexte précis que le travailleur a présenté un épisode d’embarrure lombaire, le tribunal conclut que le travailleur a été victime d’un accident du travail le 2 février 1998.
[16] Entre 1998 et 2000, plusieurs diagnostics sont posés par les médecins qui examinent le travailleur, une entorse dorsolombaire, entorse lombaire chronique, lombalgie et lombalgie avec sciatalgie.
[17] Un examen par résonance magnétique est réalisé en août 1999 qui démontre la présence de phénomènes de dégénérescence discale en L2-L3, L4-L5 sans évidence de hernie discale.
[18] La lésion professionnelle du 2 février 1998 est consolidée le 5 novembre 1999 et des limitations fonctionnelles de classe 2 sont accordées.
[19] Le 20 novembre 2000, la CSST donnent suite à cette évaluation, déclare que le travailleur ne peut pas refaire son emploi d’agent de sécurité, mais qu’il peut occuper celui de répartiteur.
[20] Le 28 mars 2002, la Commission des lésions professionnelles entérine un accord intervenu entre les parties et déclare que l’emploi de répartiteur n’est pas convenable et retourne le dossier à la CSST afin qu’elle détermine un autre emploi et de nouvelles mesures de réadaptation.
[21] Une transaction est intervenue entre les parties et l’emploi convenable de gardien de stationnement est déterminé. Le travailleur est jugé apte à exercer cet emploi à compter du 19 mars 2002. Cependant, il ne travaille pas depuis 2004. Entre 2004 et 2007, il est traité pour des douleurs lombaires ainsi qu’un autre problème de santé non relié à la lésion professionnelle.
[22] En 2007, sa situation s’améliore et il croit être capable de reprendre le travail de chauffeur de camion. Il suit alors, un cours de formation, mais après 8 heures de formation, les douleurs lombaires réapparaissent et il n’a pas été en mesure de reprendre son travail.
[23] Le 2 juillet 2009, il présente une nouvelle réclamation à la CSST. À l’appui de cette demande, il dépose un rapport du docteur Dumas qui fait état de douleur au coccyx et d’une sciatalgie droite.
[24] La CSST refuse de reconnaître que le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation le 2 juillet 2009. Le travailleur conteste devant la Commission des lésions professionnelles, mais la requête du travailleur est rejetée. Le tribunal considère que la preuve ne permet pas de conclure à une véritable modification de son état en 2009. Le travailleur présente des douleurs chroniques lombaires depuis de nombreuses années. Les symptômes qu’il décrit sont comparables à ceux rapportés à l’époque de la consolidation de la dernière lésion professionnelle. La Commission des lésions professionnelles conclut alors qu’aucune preuve médicale probante ne supporte les allégations du travailleur voulant qu’il ait subi une récidive, rechute ou aggravation.
[25] Le tribunal ajoute qu’au surplus, la preuve ne met pas en évidence de suivi médical depuis la consolidation de la dernière lésion et qu’il y a un silence médical qui s’échelonne sur plusieurs années. Ainsi, une condition personnelle de dégénérescence, nécessairement évolutive demeure une explication plausible des symptômes que le travailleur présente. Par conséquent, le coût de l’aide technique prescrite par le docteur Dumas en relation avec les douleurs lombaires chroniques qu’il décrit n’est pas remboursable.
[26] Le travailleur demande la révision de cette décision rendue le 23 mars 2010 en invoquant la découverte d’un « fait nouveau ». Il dépose à l’appui de sa requête le rapport d’une imagerie par résonance magnétique de la colonne lombaire daté du 14 août 2010 et d’un rapport du docteur Dumas daté du 21 septembre 2010. Le docteur Dumas pose le diagnostic de « lombo-sciatalgie L3-L4 et L4-L5 droite ». Il ajoute que l’imagerie par résonance magnétique du 14 août 2010 démontre une hernie discale L3-L4 et L4-L5 droite et qu’il a pris le travailleur en charge le 2 juillet 2009, mais qu’il est en arrêt de travail depuis novembre 2005.
[27] À l’audience, le travailleur explique qu’il a également déposé une réclamation à la CSST pour une récidive, rechute ou aggravation survenue le 7 juillet 2010. La CSST a refusé sa réclamation par décision datée du 27 octobre 2010 au motif qu’il n’y a pas de lien entre son état actuel et l’événement du 2 février 1998. Le travailleur déclare à l’audience, avoir contesté cette décision et il attend d’être convoqué à la Commission des lésions professionnelles pour se faire entendre sur ce litige. Il ajoute que sa réclamation pour récidive, rechute ou aggravation a été refusée puisque la CSST attendait le sort de la requête en révision.
[28] Le travailleur demande au tribunal siégeant en révision de réviser la décision du 23 mars 2010 au motif que l’imagerie par résonance magnétique du 14 août 2010 démontre la présence d’une hernie discale à L3-L4 et L4-L5 alors que ces hernies n’étaient pas présentes lorsqu’il a passé un autre examen du même type en 1999. Il s’agit donc à son avis d’un fait nouveau qui aurait pu justifier une décision différente.
[29] Bref, le travailleur allègue que le rapport de l’imagerie par résonance magnétique passée le 14 août 2010 et qui met en évidence une hernie discale à deux niveaux constitue un fait nouveau au sens du premier paragraphe de l’article 429.56 de la loi.
[30] Par ailleurs, le tribunal retient également le témoignage du travailleur lorsqu’il déclare avoir ressenti un malaise en juillet 2010 alors qu’il a « barré dans le dos ». Il consulte le docteur Gauvreau qui prescrit l’examen par résonance magnétique. Cet examen a lieu le 14 août 2010 et les résultats sont communiqués au travailleur le 10 septembre 2010. Le 23 septembre 2010, il dépose la requête en révision et éventuellement une nouvelle demande à la CSST invoquant avoir subi une récidive, rechute ou aggravation.
[31] Le présent tribunal, siégeant en révision de la décision du 23 mars 2010, doit alors décider si le rapport de l’imagerie par résonance magnétique du 14 août 2010 constitue un fait nouveau, qui, s’il avait été connu en temps utile aurait pu justifier une décision différente.
[32] Selon la jurisprudence[4] les critères suivants doivent être démontrés pour conclure à un fait nouveau :
1) La découverte postérieure à la décision d’un fait nouveau;
2) La non-disponibilité de cet élément de preuve au moment où s’est tenue l’audience initiale;
3) Le caractère déterminant qu’aurait eu cet élément de preuve sur le sort du litige, s’il avait été connu en temps utile.
[33] Dans l’affaire Unimin Canada Ltée et Labelle[5], le tribunal précise ce qui suit :
[14] En matière de fait nouveau, la jurisprudence du tribunal est à l’effet qu’il doit s’agir de la découverte postérieure d’un fait nouveau, impossible à obtenir au moment de l’audience initiale et dont le caractère déterminant aurait eu un effet sur le sort du litige. En l’instance, ces critères sont démontrés.
[15] Dans une décision rendue en 20022, le tribunal est saisi d’une requête alléguant la découverte d’un fait nouveau. On y précise que ce ne sont pas les rapports médicaux qui constituent le fait nouveau, mais bien ce qu’ils contiennent comme information. Ainsi, la vraie question est de savoir si la condition notée dans les rapports médicaux, est une condition qui existait avant la décision rendue par le tribunal. C’est ce qui est démontré en l’instance. La chirurgie subie par le travailleur en février 2004 met en évidence une condition existante en tout temps pertinent avant la décision de la Commission des lésions professionnelles datée du 5 septembre 2003.
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2 Chabot et Toitures Qualitoit inc., 137462-32-0005, 22 avril 2002, P. Simard.
[34] Aussi, dans l’affaire Gagnon et Industries Motor Coach Ltée[6], le travailleur invoquait, à l’appui d’une requête en révision, une seconde résonance magnétique démontrant une image différente de la première, la juge administrative saisie de l’affaire écrit :
[53] Plusieurs décisions de la Commission des lésions professionnelles8 refusent de considérer comme un fait nouveau un examen obtenu postérieurement à une décision. Cela aurait pour effet que les décisions de la Commission des lésions professionnelles ne seraient jamais finales. La jurisprudence signale d’ailleurs que le fait nouveau allégué doit être un fait qui existait au moment de l’audience initiale. Ce fait nouveau doit avoir été découvert postérieurement à l’audience, ne pas avoir été disponible au moment de l’audience initiale et être déterminant sur l’issue du litige.
[…]
[58] Ici le travailleur invoque une seconde résonance magnétique démontrant une image de la hernie discale située en L5-S1 qui serait différente de celle visualisée à la résonance précédente. Il ne s’agit pas d’un fait nouveau, de la correction d’une erreur, mais plutôt de la possible évolution d’une condition. Près de dix mois se sont écoulés entre les deux résonances magnétiques, la condition de hernie discale est susceptible d’avoir évolué. Tel que signalé, si la condition du travailleur s’est détériorée ou aggravée, cette preuve doit être analysée dans le cadre de la réclamation pour rechute, récidive ou aggravation.
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8 Brunet et Salaison Lévesque inc., C.L.P. 145187-63-0008, 29 août 2002, M. Carignan; Carignan et Ministère des anciens combattants, C.L.P. 126189-61-9911, 18 septembre 2002, M. Zigby; Légaré et Les Volailles Marvid Canada inc., C.L.P. 125640-71-9910, 19 janvier 2004, C.-A. Ducharme
[35] En l’espèce, le rapport de l’imagerie par résonance magnétique du 14 août 2010 n’est pas un fait nouveau découvert postérieurement. Cette preuve n’existait pas au moment de la première audience. En effet, cet examen a été réalisé six mois après la première audience.
[36] De plus, la preuve ne permet pas de conclure que cette image était présente avant juillet 2010 puisque le travailleur fait état dans son témoignage d’un incident survenu en juillet 2010 où son dos « a barré ». En effet, cet examen par résonance magnétique a été demandé par le médecin qu’il a consulté en juillet 2010 à la suite de cet incident. La décision avait déjà été rendue, et ce, depuis plusieurs mois quand le travailleur a passé cet examen.
[37] Dans ces circonstances, la preuve ne permet pas de conclure que l’image révélée par la résonance magnétique d’août 2010 était déjà présente au moment de l’audience initiale, qui a eu lieu 6 mois auparavant. Il ne s’agit donc pas d’un fait nouveau.
[38] Le tribunal considère plutôt que la nouvelle imagerie d’août 2010 qui démontre une hernie discale à deux niveaux et qui semble différente de l’examen réalisé en 1999 témoigne possiblement de l’évolution d’une condition à la suite d’un incident survenu en juillet 2010. Ainsi, si la condition du travailleur s’est détériorée ou aggravée, cette preuve doit être analysée dans le cadre de la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation. D’ailleurs, en l’espèce, le travailleur a déposé une nouvelle réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation s’appuyant sur ce rapport d’imagerie médicale. Il déclare à l’audience être en attente d’une convocation à la Commission des lésions professionnelles pour cette demande.
[39] Le travailleur n’a pas fait la preuve d’un fait nouveau au sens de l’article 429.56 permettant ainsi la révision d’une décision finale et sans appel du présent tribunal. La requête en révision présentée par le travailleur n’est pas fondée.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête en révision du travailleur, monsieur Gérard Simon.
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Santina Di Pasquale |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001
[2] Simon et Le Billardier, C.L.P. 107-182-32-9811, 21 avril 1099, G. Tardif.
[3] Simon et Groupe Admari inc., C.L.P. 107-183-32-9811, 21 avril 1999, G. Tardif.
[4] Bourdon c. CLP, [1999] C.L.P. 1096 (C.S.); Pietrangelo et Construction NCL, 107558-73-9811, 00-03-17, Anne Vaillancourt; Nadeau et Framatome Connectors Canada inc., 110308-62C-9902, 01-01-08, D. Rivard, (00LP-165), révision rejetée, 01-12-14, N. Lacroix; Soucy et Groupe RCM inc., 143721-04-0007, 01-06-22, M. Allard, (01LP-64); Provigo Dist. (Maxi Cie) et Briand, 201883-09-0303, 05-02-01, M. Carignan.
[5] Unimin Canada Ltée et Labelle, [2004] C.L.P. 910 .
[6] Gagnon et Industries Motor Coach Ltée, C.L.P.244020-62-0409 et 292715-62-0606, 11 juillet 2008, L. Nadeau.
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